34 Le libre accès vu d’Afrique francophone subsaharienne (2017)

Florence Piron; Antonin Benoît Diouf; Marie Sophie Dibounje Madiba; Thomas Hervé Mboa Nkoudou; Zoé Aubierge Ouangré; Djossè Roméo Tessy; Hamissou Rhissa Achaffert; Anderson Pierre; et Zakari Liré

Résumé officiel : Vu d’Afrique francophone subsaharienne, le combat pour le libre accès prend un sens autre que celui qui a cours dans les pays du Nord. Le détour proposé dans cet article vise à mettre au jour des enjeux qui restent souvent invisibles dans les débats autour du libre accès, notamment les mécanismes d’exclusion mis en place par le système-monde de la publication scientifique, dominé par le modèle marchand anglo-saxon. Nous montrerons qu’une conception du libre accès qui se limite aux questions juridiques et techniques de l’accessibilité de la science sans réfléchir aux rapports entre centre et périphérie peut devenir une source d’aliénation épistémique et de néocolonialisme dans les pays des Suds. En revanche, si on intègre le souci de la mise en valeur des savoirs produits dans la périphérie et la conscience de tout ce qui freine la création de ces savoirs, le libre accès peut devenir un outil de justice cognitive au service de la construction d’un universalisme inclusif propre à une science ouverte juste.

Source : Florence Piron, Antonin Benoît Diouf, Marie Sophie Dibounje Madiba, Thomas Hervé Mboa Nkoudou, Zoé Aubierge Ouangré, Djossè Roméo Tessy, Hamissou Rhissa Achaffert, Anderson Pierre et Zakari Lire. (2017). Le libre accès vu d’Afrique francophone subsaharienne. Revue française des sciences de l’information et de la communication, 11. http://rfsic.revues.org/3292

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Introduction

Le libre accès aux publications scientifiques est un thème qui passionne depuis près de vingt ans une vaste communauté de scientifiques et de bibliothécaires qui s’expriment dans de nombreuses listes de discussion, dans des blogs et dans plusieurs revues, notamment en sciences de l’information et de la documentation. Malgré son consensus sur la nécessité d’offrir un accès libre, c’est-à-dire « sans barrière financière, légale ou technique[1]» à la production scientifique en ligne, cette communauté est parcourue par de nombreux débats qui portent notamment sur la place des licences libres dans le libre accès (un article est-il vraiment en libre accès s’il n’est pas librement réutilisable en plus d’être accessible gratuitement?), sur la légitimité des frais demandés aux auteurs et autrices par certaines revues qui passent au libre accès, sur la qualité et l’évaluation des revues en libre accès, sur le format même de la revue comme véhicule principal de circulation des articles scientifiques ou encore sur le type de documents à inclure dans les archives ouvertes institutionnelles ou thématiques (seulement des articles évalués par les pairs ou tout document lié au travail scientifique?).

Vus d’Afrique francophone subsaharienne, ces débats peuvent paraître très étranges, sinon incompréhensibles. Surtout, ils apparaissent très localisés : ce sont des débats de pays riches, de pays du Nord, où sont réglées depuis longtemps les questions de base que sont le versement régulier d’un salaire raisonnable aux universitaires, l’existence de subventions publiques de recherche, l’accès au web, à l’électricité, à des bibliothèques bien fournies et à des lieux de travail confortables et sécuritaires. Or ces questions ne sont pas encore réglées dans les universités d’Afrique subsaharienne francophone. Est-ce à dire que le libre accès n’a pas de pertinence pour ces pays du sud de la Francophonie? Non, bien sûr. Mais pour bien comprendre ce que pourrait être cette pertinence, la communauté scientifique du Nord doit accepter de procéder à un déplacement de son point de vue sur les enjeux de la publication scientifique et donc du libre accès et d’y réfléchir du point de vue du contexte africain et haïtien. C’est le voyage intellectuel que nous proposons dans cet article écrit à plusieurs mains issues de différents pays de la Francophonie et qui reflète une analyse commune issue du projet de recherche-action SOHA (Science ouverte en Haïti et en Afrique francophone)[2].

Un système-monde de la publication scientifique?

Pourquoi proposer un tel déplacement de point de vue vers celui de certains pays des Suds[3]? La science n’est-elle pas universelle, la même partout dans le monde? Est-ce que ce n’est pas, justement, cette universalité qui garantit sa « scientificité » par opposition aux savoirs locaux qui seraient partiels et partiaux? Un tel questionnement est en fait lui-même profondément « local » : il est sourd et aveugle à la « fracture scientifique » (Mvé-Ondo 2005), pourtant très documentée, entre les pays du Nord et les pays des Suds et, en particulier, aux différences entre sur le plan des conditions matérielles de la recherche scientifique ou des épistémologies.

Nous pensons au contraire que la science, loin d’être universelle, a été historiquement mondialisée. Nous inspirant, comme Wiebke Keim (2010) et quelques autres (Polanco 1990), de la théorie de Wallerstein (1996), nous considérons qu’elle constitue un système-monde dont l’unité marchande est la publication scientifique. Produite principalement dans les pays du Nord, cette marchandise obéit à des normes et des pratiques qui sont définies par le « centre » du système, à savoir les principaux éditeurs scientifiques commerciaux (Larivière, Haustein et Mongeon 2015) et leurs partenaires universitaires qui sont les universités états-uniennes et britanniques dominant les palmarès soi-disant mondiaux. La semi-périphérie est constituée par tous les autres pays du Nord ou émergents des Suds qui gravitent autour de ce centre, adoptant la langue anglaise en science et se conformant au modèle LMD (licence, master, doctorat) imposé depuis le processus de Bologne à toutes les universités du monde dans le but de « normaliser » et d’uniformiser le fonctionnement de ce système-monde. La périphérie désigne alors tous les pays qui sont exclus de ce système, qui ne produisent pas ou très peu de publications scientifiques ou dont les travaux de recherche sont invisibles, mais à qui le modèle LMD a aussi été imposé (Charlier, Croché et Ndoye 2009; Hountondji 2001).

En particulier, les bases de données conventionnelles indiquent que les universités africaines produisent très peu d’articles scientifiques en comparaison avec l’Amérique du Nord, l’Europe et l’Australie, ou même les pays émergents que sont le Brésil, l’Inde et la Chine. Ainsi, parmi les articles recensés dans le Web of Science en 2011, les États-Unis en ont produit 432 557, la Chine 151 403, la Grande-Bretagne 126 192, la France 71 181, le Canada 64 244, l’Afrique du Sud 8 864 et, parmi les pays où le projet SOHA a été actif, le Cameroun 568, le Sénégal 374, le Burkina Faso 287, la République démocratique du Congo 256, le Bénin 230, la Côte d’Ivoire 202, le Mali 177, le Gabon 120, le Niger 92, le Togo 66, Haïti 54 et le Tchad 18. Ces données semblent indiquer que l’Afrique produit moins de 2% des articles référencés dans le monde (Mavhunga 2017). La carte ci-dessous (Alperin 2013) en propose une visualisation qui constitue une excellente représentation du système-monde de la science : le centre orange hypertrophié, la semi-périphérie jaune plutôt hypertrophiée et la périphérie bleue hypotrophiée.

Capture d’écran réalisée par Florence Piron

Cette représentation n’offre qu’un point de vue partiel sur la réalité, car les données sur laquelle elle se base reflètent avant tout la sélection de revues faite par le Web of Science. Or cette sélection n’inclut pas toutes les revues qui existent, notamment celles en français, non numérisées ou non mises en ligne de manière repérable par les moteurs de recherche conventionnels. Autrement dit, loin d’être une photographie de l’état général de la science dans le monde, cette carte propose l’image du système-monde des publications scientifiques que le Web of science essaie de construire et de régenter à partir de ses normes et des 33 000 revues qu’il indexe et dont il traque les citations mutuelles et le facteur d’impact. Cette carte est aveugle et rend aveugle à la science produite en dehors de ce système, comme s’il n’y avait qu’une seule manière de faire de la science, de la lire et de l’utiliser – celle que promeut et rend visible le Web of Science et ses technologies numériques, celle qui est au cœur de l’attention de l’immense majorité des chercheuses et chercheurs du centre et de la semi-périphérie (Mboa Nkoudou 2016). Quand ces personnes tentent d’imaginer ce que pourrait être la science fabriquée dans les universités l’Afrique francophone subsaharienne, c’est probablement cette carte qui leur vient à l’esprit : « quelle science africaine? Il en existe? Elle est crédible? C’est de la vraie science? »

Pour se dégager de cette cécité collective, notre article propose d’abord une analyse de l’hypotrophie de la science publiée dans la périphérie africaine francophone. S’agit-il d’inexistence ou d’invisibilité? Ou d’une combinaison des deux? Cette analyse est essentielle pour comprendre ce que le libre accès, dont un des effets connus est une plus grande visibilité des publications scientifiques sur le web, pourrait signifier dans ce contexte.

Le monde de la recherche africain

Les travaux empiriques sur la recherche africaine s’accordent pour constater le faible nombre d’articles scientifiques africains francophones publiés dans les revues du système-monde de la science. Mais ils montrent bien qu’il ne faut pas en déduire l’absence d’activité scientifique. En effet, la science africaine se déploie essentiellement dans les mémoires, les thèses et les rapports de recherche, ce qu’on désigne dans les pays du Nord par le terme dépréciateur de « littérature grise » pour marquer la différence d’avec la « vraie » science des revues scientifiques conventionnelles, c’est-à-dire celle qui est publiée après évaluation par des pairs en double aveugle :

A significant part of the scientific research output from Africa does not find its way into the world’s well-established international scientific journals. One part is published in the small number of local journals with often poor distribution and visibility. And the rest is grey literature, i.e. « unpublished information and knowledge resources such as research reports, theses and dissertations, seminar and conference papers (often) produced in limited numbers, and with limited circulation even within the institutions where they are produced. (Chisenga 2006, cité par Schöpfel et Soukouya 2013)

Une partie importante de la production scientifique en provenance d’Afrique ne réussit pas à se frayer un chemin dans les revues scientifiques internationales établies. Une partie de ces travaux se retrouve dans un petit nombre de revues locales dont la diffusion et la visibilité sont souvent médiocres. Le reste est de la littérature grise, c’est-à-dire des « informations et ressources inédites telles que rapports de recherche, thèses et mémoires, parfois des actes de colloque », dont la diffusion est limitée même dans les institutions où ils sont produits.

Parmi ces revues « locales », citons par exemple la Revue de géographie de l’Université de Ouagadougou, non indexée par le Web of Science, qui publie au moins une dizaine d’articles par année avec très peu de moyens financiers et dans des conditions inimaginables pour des revues du centre du système-monde. Ce manque de moyens financiers et, plus généralement, l’absence d’infrastructures de recherche dans les pays d’Afrique francophone subsaharienne (Banque mondiale 2014) font en sorte que l’Afrique n’a effectivement pas les moyens de répondre par la création de savoirs pertinents et endogènes aux grands défis qu’elle affronte. Bonaventure Mvé-Ondo (2005), dans son portrait saisissant du monde de la recherche africaine, rappelle le choc subi par les universités africaines au moment des ajustements structurels et de la réduction des budgets publics dans les années 1980 : réduction des postes de professeur·e, absence de politique scientifique, obsolescence des infrastructures de recherche et des programmes d’enseignements, « clochardisation » des enseignant·e·s qui doivent chercher des revenus supplémentaires et énorme exode des cerveaux vers les pays du Nord. En effet, les jeunes chercheurs et chercheuses africain·e·s les plus créatifs et créatives sont souvent attiré·e·s et engagé·e·s par les universités du Nord où ils et elles se mettent à publier selon les normes qui y dominent. Par exemple, comme le rapporte Jan Piotrowski (2014), même les revues sur le développement en Afrique sont dominées par des articles produits dans les universités du Nord.

Notre recherche-action SOHA (Piron, Regulus et Dibounje Madiba 2016) corrobore ce portrait de la recherche africaine en y voyant une série d’« injustices cognitives » qui empêchent l’éclosion de savoirs socialement pertinents en Afrique francophone subsaharienne. L’accès difficile à Internet et les coupures d’électricité sur les campus, de même que la faible littératie numérique, les faibles revenus des universitaires et la persistance de la pédagogie de l’humiliation en milieu universitaire font aussi partie des injustices cognitives identifiées par l’enquête SOHA. Ces injustices désignent tout ce qui diminue la capacité des universitaires de ces pays de déployer le plein potentiel de leurs talents intellectuels, de leurs savoirs et de leur capacité de recherche scientifique au service du développement local durable de leur pays (Piron, Mboa Nkoudou et al. 2016).

Ces obstacles à la construction d’une capacité africaine de recherche ont une lourde conséquence politique : la perpétuation de la dépendance financière des chercheurs et chercheuses d’Afrique francophone subsaharienne envers les « partenaires » du Nord qui peuvent les financer soit en les engageant comme chercheurs locaux et chercheuses locales pour leurs projets, soit en appuyant des projets locaux qui correspondent à leurs priorités d’action. Ces partenaires orientent donc inévitablement les problématiques et les choix méthodologiques et épistémologiques des chercheurs et chercheuses d’Afrique vers le seul modèle qu’ils connaissent et valorisent, celui né au centre du système-monde de la science – sans se demander si ce modèle est pertinent pour l’Afrique et ses défis. Hountondji décrit très bien cette extraversion : malgré les déclarations d’intention des gouvernements (Irikefe et al. 2011; Kigotho 2014, 2015; Nordling 2010), « la recherche scientifique post-coloniale reste fondamentalement extravertie : tournée vers l’extérieur, organisée pour répondre à une demande (théorique, scientifique, économique, etc.) qui vient du Centre du marché mondial » (Hountondji 2001, 4). Il ajoute que cette dépendance s’étend « aux équipements, à la documentation, aux paradigmes scientifiques produits au Centre » et entraîne, « pour le chercheur du Tiers-Monde, et singulièrement d’Afrique, l’obligation de partir » vers une institution du Nord, que ce soit en mission, pour étudier ou pour se faire financer. Notre enquête sur l’expérience étudiante en Afrique francophone subsaharienne (Piron, Mboa Nkoudou, Lieutenant-Gosselin et Mbainarem 2018) montre effectivement l’importance, pour les étudiants et les étudiantes, de « trouver une inscription dans une université du Nord » comme condition de réussite d’un doctorat[4], en particulier pour avoir accès à la documentation qu’ils  et elles disent inexistante sur place – un symptôme de leur méconnaissance du web scientifique libre…

L’origine coloniale de la science africaine (Mvé-Ondo 2005) n’est certainement pas étrangère à cet assujettissement actuel de la science africaine aux projets de recherche du Nord, ni à sa tendance à l’imitation de la science occidentale sans effort de contextualisation, notamment dans la structuration quasi-coloniale des universités d’Afrique subsaharienne (Fredua-Kwarteng 2015) et dans le maintien de l’usage d’une langue coloniale dans l’enseignement universitaire. Considérant cette aliénation épistémique institutionnalisée comme une injustice cognitive de plus, Mvé-Ondo se demande « comment passer d’une occidentalisation de la science à une science vraiment partagée » (p. 49) et appelle à une « mutation épistémologique », une « renaissance modernisante » de la science africaine au carrefour des savoirs locaux et de la science du Nord – peut-être en écho à l’appel de Frantz Fanon (1962/2002) pour une « pensée neuve » dans les pays du Tiers-monde, détachée du modèle européen, décolonisée.

Quelles finalités possibles pour le libre accès? Variations au Nord et dans les Suds

Les conditions matérielles de la recherche scientifique étant si différentes en Afrique subsaharienne francophone de ce qu’elles sont dans les pays du Nord, il va de soi que le sens du plaidoyer et du mouvement en faveur du libre accès aux publications scientifiques ne peut pas être identique dans ces contextes.

Finalités du libre accès dans les pays du Nord

Pour les pays du Nord (au centre du système-monde), nous proposons d’identifier deux familles argumentatives en faveur du libre accès, c’est-à-dire des groupes d’arguments qui se ressemblent et qui sont utilisés de manière récurrente dans des plaidoyers, des formations, des colloques, etc.

La première famille argumentative associe le libre accès à une amélioration de la qualité de la science, mais surtout à son accélération : « Let’s speed up science by embracing open access publishing / Accélérons la science en adoptant la publication en libre accès » (Wilder et Levine 2016). En effet, le libre accès génère une circulation améliorée et plus rapide des résultats de la recherche, ce qui évite les redondances et les répétitions inutiles de travaux scientifiques et peut au contraire susciter de nouvelles idées, de nouvelles hypothèses, de nouveaux projets de recherche. On peut, sous un certain angle, associer ce type d’argument au désir de retrouver le principe de mise en commun (communisme) des résultats de recherche présenté par Robert Merton ([1942]1973) comme un des piliers de l’ethos de la science moderne (pré-1945), puis abandonné progressivement avec l’arrivée de la marchandisation des publications scientifiques. Ainsi, Gunther Eysenbach (2006), constatant que le libre accès maximise le nombre de citations d’un article[5], en conclut que « OA is likely to benefit science by accelerating dissemination and uptake of research findings / Le libre accès est avantageux pour la science car il accélère la diffusion et la réutilisation des résultats de recherche ». La science est alors considérée comme une industrie productive de savoirs sous forme de publications.

Le puissant argument de la « productivité scientifique accrue » grâce au libre accès a réussi progressivement à convaincre de ses bienfaits les responsables des politiques scientifiques des États centraux (calimaq 2016). Les opérateurs économiques que sont les éditeurs scientifiques commerciaux s’y rallient également depuis qu’ils ont découvert qu’ils pouvaient compenser la perte éventuelle de leurs revenus d’abonnement et de leurs profits en faisant payer les auteurs et autrices par le biais de leurs subventions de recherche, ce que les États centraux semblent actuellement accepter (Piron 2017). Cette productivité accrue a un autre avantage du point de vue des politiques scientifiques : non seulement elle est parfaitement compatible avec la quête d’innovations commercialisables (OCDE 2015), créatrices de marchés, au cœur de l’économie du savoir, mais elle peut l’accélérer : « Open Access to science and data = cash and economic bonanza / le libre accès à la science et aux données = une mine d’or financière et économique », indique Neelie Kroes (2013), vice-présidente de la Commission européenne en 2013, qui a aussi décrit les données ouvertes comme le « nouveau pétrole » de l’ère numérique[6]. À l’ère du secret industriel jalousement protégé succède l’ère de l’ouverture et du partage productif des savoirs en vue de l’innovation, ce qui assure la rentabilité des investissements privés et publics dans la recherche, principe désormais au cœur du système-monde de la science. Les défenseurs du libre accès, une innovation qui a suscité et suscite encore des résistances dans le monde universitaire, n’ont pas toujours réalisé que le libre accès, y compris l’utilisation de licences libres, pouvait devenir lui aussi un outil de la marchandisation des connaissances, comme le constate, entre autres, Sarah Crissinger (2015) : « openness, when disconnected from its political underpinnings, could become as exploitative as the traditional system it had replaced / L’ouverture, lorsqu’elle est déconnectée de ses fondements politiques, peut devenir aussi exploiteuse que le système traditionnel qu’elle a remplacé ».

La deuxième famille argumentative en faveur du libre accès plaide plutôt en faveur de la démocratisation de l’accès à la science pour différents publics, notamment les administrations publiques, les enseignant·e·s pré-universitaires, les non-scientifiques et les organismes de la société civile, dans la perspective de construire des « sociétés du savoir » (UNESCO 2015) . Autrement dit, le libre accès, en rendant les travaux scientifiques accessibles en dehors du milieu universitaire, pourrait « produire » des acteurs sociaux et des actrices sociales mieux informé·e·s, moins ignorant·e·s, ce qui serait bénéfique au bien commun et, par exemple, à la lutte contre les changements climatiques ou les épidémies (Masnick 2015). Cet argument n’est pas le même que celui de la vulgarisation scientifique, car il propose un contact sans médiation entre la science et la société, transgressant ainsi la frontière hermétique entre la science et le monde ordinaire qui est au fondement du paradigme positiviste dominant. C’est peut-être pourquoi plusieurs organismes publics traduisent cet argument plutôt en termes de justice fiscale, prônant un retour aux contribuables de la recherche qu’ils ont financée par leurs impôts.

Finalités du libre accès dans les pays des Suds

Ces arguments n’ont pas la même résonance dans la périphérie du système-monde, notamment en Afrique francophone subsaharienne. En effet, nous avons vu que les infrastructures de recherche y sont soit inexistantes, soit en émergence. Dans un tel contexte, le combat – fréquent au Nord – pour accéder gratuitement aux publications des revues payantes passe loin derrière des priorités telles que l’arrivée du web ou d’un réseau électrique fiable sur un campus[7] ou tout simplement la création de centres de recherche. L’objectif de l’intensification de la productivité de la recherche scientifique et de l’accélération de la circulation des publications n’a donc de sens que pour une minuscule partie des scientifiques africain·e·s : ceux et celles qui sont en contact avec des universités du Nord ou de pays émergents, que ce soit leur alma mater ou des universités qui les recrutent comme collaborateurs locaux et collaboratrices locales. En ce sens, le libre accès aux publications du Nord peut aider ces scientifiques de la périphérie à se mettre à jour et à maintenir ainsi leur capacité de contribuer, comme assistant·e·s, aux recherches conçues, pilotées et financées par des équipes du Nord. Il n’en reste pas moins que, comme Jean-Claude Guédon (2016) et d’autres l’ont montré, les travaux scientifiques publiés dans les revues des pays du Nord reflètent avant tout les intérêts de recherche et les politiques scientifiques de ces pays.

Qu’en est-il de l’innovation? Certes, la production d’innovations techniques et sociales est riche en Afrique francophone subsaharienne, comme en témoigne le nombre élevé d’articles à ce sujet dans le magazine Sci-Dev, spécialisé en science pour le développement, ou dans le site ecofin, une agence d’information économique tournée vers l’Afrique[8]. Mais il s’agit surtout d’innovations locales qui mobilisent des moyens locaux et souvent des matériaux recyclés pour, par exemple, introduire l’électricité dans un village, mieux irriguer des champs ou offrir de l’éclairage après le coucher du soleil. Le but de ces innovations est de contribuer au développement local et non au développement de marchés internationaux, à la différence des innovations conçues au Nord qui, tout en visant les pays des Suds, restent puissamment marchandisées – pensons simplement au lait en poudre ou aux semences OGM. La question du libre accès aux publications scientifiques est un enjeu très secondaire pour les innovateurs locaux et innovatrices locales dans un tel contexte, mais peut développer la puissance des innovateurs et innovatrices du Nord et leur capacité de valoriser leurs innovations partout dans le monde, y compris dans les pays des Suds.

Dans ces deux cas, le libre accès aggrave la fracture scientifique et l’aliénation épistémique plutôt que la réduire.

En revanche, la finalité de la démocratisation de l’accès aux connaissances apparaît cruciale, non seulement pour les non-scientifiques, mais aussi et surtout pour les universitaires qui, en Afrique francophone subsaharienne, sont en situation chronique de manque d’accès à une information scientifique et technique à jour et de bonne qualité, comme le montrent les réponses à notre enquête. Chaque fois qu’un·e scientifique du Nord met en libre accès ses travaux, il ou elle les rend accessibles non seulement à ses pairs, non seulement aux fonctionnaires, enseignant·e·s, entreprises et associations de son pays, mais aussi, potentiellement, à tous les étudiants et toutes les étudiantes des pays des Suds qui, sans la possibilité technique du libre accès, ne pourraient jamais les lire. C’est pourquoi une bibliothèque numérique francophone comme les Classiques des sciences sociales[9] qui offre le texte intégral de près de 6000 livres et articles « classiques », mais aussi contemporains, est si appréciée et utilisée par les universitaires d’Haïti et d’Afrique francophone, comme en témoignent les 9,3 millions de téléchargements en 2016[10] et la renommée de cette bibliothèque parmi les milliers de membres du réseau SOHA. Doit-on arrêter la réflexion sur ce constat optimiste et voir dans le libre accès la réponse à une partie cruciale des difficultés de la recherche dans les pays du sud de la Francophonie?

Non, bien sûr. Dans les sections suivantes, nous montrons que le libre accès en Afrique ou en Haïti peut devenir aussi bien un outil du néocolonialisme universitaire qu’un outil d’émancipation et de justice cognitive. Ce qui peut faire la différence, c’est la prise en compte sérieuse et approfondie du contexte africain et le rejet de la posture de cécité ou de surdité face à ce qui se passe dans la périphérie de la part des scientifiques eux-mêmes et elles-mêmes. Les débats internes au réseau SOHA montrent que cette dernière posture n’est pas propre aux personnes du Nord et peut aussi être adoptée par les scientifiques des Suds qui, pour se faire reconnaître dans le système-monde de la science, choisissent l’imitation et le mimétisme décriés par Fanon (2002).

Les barrières à l’accessibilité des textes en libre accès en Afrique francophone subsaharienne

Au sein du concept de libre accès, il y a le mot « accès ». Or c’est un mot ambigu, car il rassemble deux nuances : il peut désigner le chemin qui mène vers quelque chose, mais aussi la possibilité d’emprunter ce chemin. Par exemple, en informatique, un accès à des données signifie à la fois la « possibilité d’utiliser des données ou des ressources informatiques » et le « moyen ou voie permettant d’obtenir leur utilisation »[11]. Utilisons les mot « chemin » et « accessibilité » pour faire la distinction entre ces nuances.

Mettre une publication en libre accès, est-ce construire le chemin (technique ou juridique) qui mène vers elle ou est-ce permettre, rendre possible, à des personnes d’emprunter ce chemin? Cette distinction est cruciale pour comprendre la différence de signification du libre accès entre le centre et la périphérie du système-monde de la science, bien que seule une prise de conscience des conditions de la recherche scientifique dans les pays des Suds permette de la visualiser, de la percevoir.

Dans les pays du Nord, du moins en milieu universitaire, le chemin et l’accessibilité sont quasiment la même chose : dès qu’un texte est en libre accès, dès que le chemin vers ce texte est créé, il devient accessible à tous et à toutes. Les quatre barrières mentionnées par Peter Suber (2016, 71) concernent surtout l’accessibilité aux textes scientifiques en dehors du milieu universitaire : « Des barrières liées au filtrage de l’information et à la censure. Des barrières liées à la langue. Des barrières liées à l’accès des personnes handicapées. Des barrières liées à la connectivité ». Avec cette dernière barrière, Suber évoque indirectement la situation des universitaires des pays des Suds, même si c’est de manière très générale et s’il n’y revient guère par la suite : « Du fait de la fracture numérique, des centaines de millions de personnes – y compris des millions d’universitaires – n’ont pas accès à Internet ou bien l’accès dont ils disposent est lent et sporadique avec une faible bande passante » (ibid.).

La « connexion », comme le disent les étudiants et étudiantes rencontré·e·s dans le projet SOHA, est en effet une des principales raisons qui nuisent à l’accessibilité, en Afrique francophone subsaharienne, de textes pourtant en libre accès et parfaitement accessibles dans les campus universitaires du Nord dotés d’un réseau wifi. Même s’ils et elles utilisent de plus en plus leur téléphone portable et le réseau 3G ou 4G pour accéder à Internet ou comme routeur pour leur ordinateur (quand ils et elles en ont un), ces étudiants et étudiantes ont surtout des téléphones « non intelligents » qui ne permettent pas de lire un texte en ligne ou de l’archiver dans un logiciel comme Zotero pour une utilisation future (Piron et Mboa Nkoudou 2016).

Toutefois, la qualité de la connexion n’est pas le seul obstacle à l’accessibilité des textes en libre accès. La faible littératie numérique de la plupart des universitaires est clairement en cause. La littératie numérique désigne « l’habileté et la capacité d’utiliser les outils et les applications numériques, la capacité de comprendre de façon critique le contenu et les outils des médias numériques et la connaissance et l’expertise pour créer à l’aide de la technologie numérique » (Hoechsmann et DeWaard 2015). Par exemple, en milieu universitaire, c’est la capacité d’utiliser des moteurs de recherche et d’explorer des bases de données pour faire une recension des écrits, d’utiliser des logiciels de traitement de texte pour rédiger et faire une table des matières, etc. Or c’est bien souvent en arrivant à l’université que les étudiants et étudiantes d’Afrique francophone subsaharienne touchent pour la première fois à un ordinateur. Le rattrapage est rapide, mais bien des réflexes acquis dès l’école dans les pays du Nord doivent s’installer avant même de pouvoir imaginer qu’il existe des textes scientifiques en libre accès sur le web pour compenser le manque de documents dans les bibliothèques. Dans les mots de l’étudiant haïtien Anderson Pierre,

une grande partie des étudiants ignore l’existence de ces ressources ou n’a pas les compétences numériques pour y accéder et les exploiter afin d’avancer leur projet de recherche. […] Pour ceux qui bénéficient d’une connexion plus ou moins bonne, il est triste de constater qu’ils en font une piètre utilisation et n’en tirent que peu de profit. Même à un universitaire avisé, il faut rappeler que l’Internet ne se résume pas à Facebook, Twitter ou WhatsApp. Et même là encore, ces réseaux sociaux peuvent constituer de véritables outils pédagogiques pour pallier le manque de ressources matérielles comme les livres. […] Il est donc nécessaire que les universitaires désapprennent et réapprennent une bonne pratique du numérique.

Dans les pays du Nord, les bibliothèques jouent un rôle majeur dans le développement des compétences numériques des universitaires et surtout dans l’introduction du libre accès au cœur de la pratique scientifique (Piron et Lasou 2014). Elles offrent des formations à l’utilisation des bases de données et catalogues ou installent des dépôts institutionnels. Cependant, la réalité est encore une fois tout autre dans les universités africaines subsahariennes. Non seulement leurs bibliothèques ne disposent que rarement de connexion internet, sans parler d’un budget d’achat de livres ou d’abonnement à des revues en ligne, mais le matériel est souvent obsolète. De plus, les bibliothécaires et documentalistes sont encore peu nombreux et nombreuses à être formé·e·s au libre accès. Par exemple, au Sénégal, l’École de bibliothécaires, archivistes et documentalistes (EBAD) est la seule école de formation dans ce domaine. Elle a également été, pendant plusieurs années, la première école de formation en sciences de l’information en Afrique subsaharienne (Dione 2015) et continue d’y jouer un rôle majeur, notamment grâce aux formations à distance qu’elle offre. Au Cameroun, l’École supérieure des sciences et techniques de l’information et de la documentation (ESSTIC) ouvrit une filière communication-documentation en 1994. Elle devint alors la référence en Afrique Centrale. Au Burkina Faso, il y a un intérêt grandissant pour la formation et la recherche dans le domaine des sciences de l’information, comme en témoigne l’ouverture d’une filière en sciences de l’information documentaire à l’Université de Koudougou en 2010-2011, qui s’ajoute à deux autres structures (Ouangré et Tamboura 2015) destinées à former des professionnel-le-s en bibliothéconomie et sciences de l’information. Mais la quantité de travail pour former au libre accès tous les universitaires d’Afrique francophone exigerait bien davantage.

La barrière de la langue causée par la domination de l’anglais dans le système-monde de la science est elle aussi très visible dans les universités d’Afrique francophone subsaharienne où la langue d’enseignement, le français, est déjà la 2e, la 3e ou la 4e langue des personnes qui les fréquentent. Les textes en anglais, même s’ils sont en libre accès, tendent à les rebuter, quoique nous ayons constaté, dans le projet SOHA, la volonté de nombre d’étudiants et d’étudiantes de maîtriser la lecture de cette langue.

Ces barrières limitent la capacité des universitaires d’Afrique francophone subsaharienne d’emprunter librement le chemin du libre accès. Qu’en est-il du libre accès aux travaux scientifiques produits malgré tous ces obstacles dans ces pays?

Et les travaux scientifiques africains?

Nous avons évoqué plus haut le fait que la recherche qui se fait en Afrique francophone subsaharienne se trouve surtout dans les mémoires et les thèses réalisés dans les universités de ces pays, même s’il existe quelques revues (Diouf 2008). Ces travaux sont-ils accessibles? Et si oui, par quel chemin? Nous posons ici le problème de l’invisibilité de la science africaine.

Commençons par les revues. Des initiatives ont été menées dans les universités africaines francophones depuis les années 1970. La plateforme HathiTrust, par exemple, permet de repérer un bon nombre de titres comme la Revue africaine de sociologie (Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique), Études linguistiques (Université de Niamey) ou Cahier d’études linguistiques (Laboratoire de linguistique et de tradition orale de l’Université d’Abomey-Calavi). Les titres Revue sénégalaise de sociologie, Université, Recherche et développement, Langues et littératures et Safara sont produites à l’Université Gaston Berger. Certaines de ces revues sont devenues inactives, mais leurs articles sont pour la plupart accessibles en ligne sur HathiTrust. Lorie Decung et Françoise Mukuku (2016) ont repéré sur le portail African Journals Online (AJOL) une trentaine de revues réparties ainsi : Bénin (2), Burkina Faso (3), Cameroun (8), Congo (1), Côte d’Ivoire (4), Madagascar (1), Sénégal (6), Togo (1). Par ailleurs, le Conseil africain et malgache pour l’enseignement supérieur (CAMES) a développé depuis 2012 un portail de 9 revues pluridisciplinaires entièrement éditées en ligne à l’aide du logiciel libre OJS[12].

Pour ce qui est des thèses et des mémoires, force est de constater que, malgré les efforts appréciables fournis par certaines universités et institutions de recherche pour maîtriser la chaîne de l’information scientifique, très peu des travaux de recherche soutenus en Afrique francophone subsaharienne sont répertoriés et classés adéquatement, au point qu’il est difficile d’en évaluer la quantité. Les travaux menés par le Centre international de recherche et de documentation sur les traditions et les langues africaines (CERDOTOLA) dans les universités d’Afrique centrale montre que les politiques de conservation et de diffusion des thèses et mémoires sont quasi inexistantes et que les répertoires des travaux de recherche ne sont généralement pas à jour. Les documents se trouvent dans les bureaux des enseignant·e·s ou sont stockés dans des locaux humides et non éclairés, parfois dans les sous-sols des bibliothèques où ils sont exposés à de la poussière et à la chaleur. Ces travaux éparpillés échappent au contrôle des personnes qui en ont la charge, ce qui entraîne des cas de vols, multiplie les risques de plagiat et, évidemment, rend très difficile leur consultation et leur utilisation comme source d’information. Reconnaissant la nécessité d’agir en urgence pour éviter que le patrimoine scientifique des universités d’Afrique centrale continue de se détériorer, le CERDOTOLA a lancé en 2012 un projet de mise en ligne des thèses et mémoires soutenus dans les universités de cette région. Il a ainsi récupéré et numérisé 131 thèses et 1037 mémoires dans six universités, mais qui ne sont pas encore mis en ligne. Dans leur article sur le projet de numérisation des thèses au Togo, Joachim Schöpfel et Maebena Soukouya (2013) font le tableau d’un contexte assez similaire, tout comme Niclaire Nkolo (2016).

S’il est difficile de trouver des données quantitatives sur la production scientifique en Afrique francophone, a fortiori la production en libre accès, il est possible d’explorer les bibliothèques numériques en libre accès et les dépôts institutionnels universitaires afin de faire le décompte du nombre de titres mis en ligne sur ces plateformes.

Le CAMES, conformément à une de ses missions statutaires de collecte et de diffusion de l’information scientifique et technique, s’est doté d’une bibliothèque numérique qui donne accès à près de 4000 thèses et mémoires disponibles en texte intégral[13], ainsi qu’à deux collections d’articles de revues scientifiques : la collection Pharmacopée et médecine traditionnelle africaine offre 10 numéros et 195 articles en libre accès, de même que les archives de la série A et B de la revue CAMES, avec respectivement 5 volumes et 84 articles pour la série A et 11 volumes et 234 articles pour la série B.

Deux autres initiatives fédératives sont assez représentatives, sans être exhaustives, de la production africaine francophone disponible sur le web en accès libre (Diouf 2010). D’une part, le projet SIST (Système d’information scientifique et technique) s’est donné pour but d’aider à la structuration et au développement des systèmes d’information et de communication dans trois établissements d’enseignement supérieur et de recherche en Afrique et à Madagascar. Au Sénégal uniquement, les institutions identifiées proposent 8269 titres accessibles en ligne[14]. D’autre part, la plateforme BEEP (Bibliothèques électroniques en partenariat) est un site d’hébergement de bibliothèques numériques créé à l’initiative du secteur Documentation de l’IRD (Institut de recherche pour le développement). Elle recense plusieurs collections de documents scientifiques produits, pour la plupart, par des institutions de pays en développement. On y trouve, pour une quinzaine d’institutions africaines, 8677 titres dont 4000 références bibliographiques en libre accès[15].

Une recherche dans les deux répertoires internationaux de dépôts institutionnels, OpenDOAR et ROAR, montre qu’il en existe actuellement trois en Afrique francophone subsaharienne, contre 130 dans le reste de l’Afrique subsaharienne dont 33 en Afrique du Sud et 26 au Kenya (Ezema 2013; Kavulya 2007; Magara 2010). Le dépôt qui est situé au Cameroun contient 31 documents et n’est pas associé à une université, mais plutôt à une association de promotion de la science. Le dépôt sénégalais de l’IDEP n’est pas non plus associé à une université, alors que le dépôt de l’IFAN (Institut d’Afrique Noire) est inaccessible, ce qui montre bien les grandes difficultés du libre accès à percer institutionnellement dans les universités francophones subsahariennes (Diouf 2012; Nkolo 2016). En comparaison avec l’enquête menée par le CERDOTOLA et les collections du CAMES, de SIST et de BEEP, on constate que ces dépôts institutionnels ne sont pas du tout représentatifs de la production scientifique réelle des universités africaines francophones.

Mentionnons aussi le portail HAL-AUF (D’Eggis 2013), issu d’une collaboration entre l’archive ouverte du CNRS HAL, l’AUF (Association des universités francophones) et des institutions africaines de recherche, qui « permet aux étudiants et enseignants du continent Africain de rendre visible et de partager avec leurs pairs, dans le monde entier, la documentation scientifique qu’ils produisent[16] ». En avril 2017, il annonce 1132 documents, dont 458 articles et 70 thèses, mais seulement la moitié (543) sont en texte intégral. La liste des laboratoires des auteurs et autrices montre, par ailleurs, qu’il s’agit surtout de travaux réalisés en Europe.

Ces exemples sont instructifs. Ils montrent en particulier que la mise en visibilité de la production scientifique africaine est presque toujours tributaire d’initiatives venant des pays du Nord, même quand il s’agit d’utiliser des technologies libres que les praticien·ne·s africain·e·s (bibliothécaires, documentalistes, informaticien·ne·s, etc.) pourraient s’approprier en toute autonomie et à moindre coût. Même le CAMES, institution panafricaine autonome, essaie de travailler en partenariat avec des organismes du Nord.

Pourquoi ces difficultés du libre accès en terre africaine, alors qu’il pourrait faire croître la visibilité de la science africaine? Nous avons évoqué plus haut le manque d’accès au web, la faible littératie numérique et l’absence de politiques de préservation et de numérisation des savoirs. Entrent aussi en jeu des représentations sociales du web, de la science et du droit d’auteur, particulièrement chez les aîné·e·s que sont les enseignants-chercheurs et enseignantes-chercheuses, qui nuisent à l’appropriation des technologies numériques à la base du libre accès dans les universités d’Afrique francophone.

Les résistances africaines au libre accès

Comme l’énonce Suber (2016, 24), il est acquis dans les pays du Nord que les scientifiques ne peuvent tirer aucun revenu de leurs publications « puisqu’ils touchent des salaires de la part des universités qui les emploient, leur permettant ainsi de se consacrer à temps complet à leurs sujets de recherche et de publier des articles spécialisés sans souci de répondre aux besoins du marché ». Mais la question se pose tout autrement dans les pays des Suds où ces salaires sont parfois si insuffisants que les enseignants et enseignantes doivent chercher des compléments de revenu. La publication d’un livre et les droits qu’une personne pourrait en retirer prennent alors la valeur d’un revenu possible que le concept de libre accès vient attaquer et menacer. Nos recherches de terrain montrent que les étudiants et étudiantes d’Afrique francophone subsaharienne ne saisissent pas toujours clairement la différence entre les articles scientifiques relevant du système-monde de la science qui ne sont pas rémunérés par consensus normatif, les articles rémunérés par des journaux ou des magazines locaux, et les livres. Ainsi, même si les critères de promotion universitaires gérés par le CAMES reposent sur le décompte des articles publiés, ce sont les livres qui restent les plus prestigieux, surtout en sciences sociales et humaines. Les livres imprimés sont des objets qu’on peut admirer, dédicacer et vendre en librairie pour en tirer un revenu. La dématérialisation de ces livres reste assez mystérieuse, tout comme l’idée de pouvoir les commercialiser en ligne. Cette conception africaine de la marchandisation de la connaissance n’a que peu de rapport avec l’économie du savoir promue par l’OCDE qui se permet, au contraire, de promouvoir le libre accès. Mais elle est clairement un frein à la compréhension du libre accès qui est vu comme un ennemi du droit des auteurs et autrices à tirer un revenu de leur travail. Par contre, nous avons constaté sur le terrain que certain·e·s de ces enseignant·e·s auteurs et autrices étaient sensibles à l’idée que le libre accès pouvait favoriser la diffusion de leurs idées et reconnaissaient assez vite que leur part des revenus tirés de la vente effective de leurs livres était très faible.

À cette idée que le savoir ne réside que dans des livres non dématérialisés s’ajoute une représentation du web qui a également un impact dans la résistance au libre accès : notre terrain nous a permis de comprendre que, pour plusieurs aînés, le web est incompatible avec la science, car « il ne s’y trouve que des documents ou des sites de faible qualité, frivoles ou divertissants ». Ces personnes en déduisent que la science en libre accès sur le web est de moins bonne qualité que la science imprimée et sont très surprises quand elles apprennent que la plupart des revues du système-monde de la science n’existent plus qu’en version dématérialisée… Hélas, ces résistances freinent la numérisation, la mise en ligne et la circulation des travaux scientifiques africains, perpétuant ces situations absurdes où les chercheuses et chercheurs d’un même domaine dans des universités voisines ne savent pas ce que font les un·e·s et les autres…

Certes, l’état souvent précaire de l’accès au web dans les campus d’Afrique francophone subsaharienne peut rendre certaines personnes cyniques face aux potentialités du libre accès : pourquoi rêver à des communs numériques de la connaissance (Le Crosnier 2015) quand il n’est même pas possible de se connecter… Notre réponse à cet argument incontournable est d’ordre pratique : serait-il vraiment préférable d’attendre que l’Afrique soit entièrement connectée afin d’initier ses universités à la pratique du libre accès, alors que l’accès au web s’améliore doucement dans plusieurs contextes, grâce aux réseaux 3G et 4G, et que des étudiants et des étudiantes débrouillard·e·s en deviennent des expert·e·s locaux et locales?

Pendant ce temps, le nombre de publications du Nord en libre accès ne cesse de croître…

Le libre accès : outil du néocolonialisme ou outil d’émancipation?

Sur le plan épistémologique et politique, quels sont les effets du jumelage de la croissance du nombre de publications en libre accès issues du centre du système-monde de la science et de l’invisibilité persistante des savoirs africains non numérisés et non mis en ligne? L’enjeu central apparaît très clairement : si le libre accès consiste à faciliter et à accélérer l’accès des scientifiques des Suds à la science du Nord sans s’intéresser à la mise en visibilité des savoirs des Suds, il contribue à redoubler leur aliénation épistémique sans contribuer à leur émancipation. En effet, en rendant encore plus accessibles les travaux du centre du système-monde de la science, le libre accès maximise leur impact sur la périphérie et renforce leur utilisation comme référence théorique ou comme modèle normatif, au détriment des épistémologies locales : « Les conséquences qui en découlent sont, notamment, les enseignants des pays des Suds qui ne citent et ne lisent que des auteurs venus du Nord et les imposent à leurs étudiants et les bibliothèques de nos universités qui font tout pour s’abonner aux revues savantes occidentales alors qu’elles ne traitent pas de nos problèmes » (Mboa Nkoudou 2016).

Le cas du programme Research4life[17] est très éclairant : tout en prétendant offrir charitablement aux bibliothèques universitaires des Suds un accès gratuit à des bouquets prédéfinis de revues payantes du Nord, ce programme mis sur pied par des éditeurs scientifiques à but lucratif entretient la dépendance de ces bibliothèques, limite leur compréhension du véritable réseau des publications en libre accès et améliore surtout les débouchés des produits vendus par ces éditeurs.

L’idée que le libre accès peut avoir des effets de néocolonialisme est incompréhensible pour les personnes aveugles à la diversité épistémologique, qui réduisent l’universalisme proclamé de la science occidentale au modèle appauvri des normes imposées par le modèle Web of Science. Pour ces personnes, l’invisibilité d’une publication dans leur espace numérique de référence (localisé dans le centre du système-monde) équivaut à son inexistence. L’idée que des savoirs valides et pertinents puissent exister sous une autre forme et indépendamment du système-monde qui les fascine est impensable.

Que produit un déplacement de point de vue du Nord vers les Suds? Il conduit bien plutôt à « voir » que le système-monde de la science produit de l’inclusion et de l’exclusion en fonction des parties du monde où est produit tel ou tel savoir et à comprendre que la valeur d’un savoir relève moins de son universalisme apparent, qui est en fait basé sur l’uniformisation normative des conditions de sa publication, que des contextes sociaux dans lesquels il est créé et circule. À l’issue de ce déplacement, une personne cesse d’opposer science et ignorance et accepte plutôt qu’il existe dans le monde une diversité d’épistémologies, un écosystème des savoirs (Santos 2016), dont la préservation est essentielle au développement local durable (Fredua-Kwarteng 2015; Mohameddbhai 2014; Piron, Mboa Nkoudou et al. 2016), dans une perspective de justice cognitive.

Le libre accès décentré, décolonisé, peut-il alors contribuer à créer plus de justice cognitive au sein de la production scientifique mondiale? Notre réponse est claire : oui, à condition qu’il ne se limite pas à la question de l’accès des lectorats, scientifiques et non scientifiques, aux publications scientifiques. Il doit inclure le souci de l’origine, de la création, des publications et la volonté d’assurer l’équité entre l’accessibilité des publications du centre du système-monde et celle des savoirs issus de la périphérie. Il propose ainsi de remplacer l’universalisme normatif de la science mondialisée par un universalisme inclusif, ouvert à l’écologie des savoirs et capable de déboucher sur de véritables communs de la connaissance (Gruson-Daniel 2015; Le Crosnier 2015), hospitaliers pour les savoirs du Nord comme pour ceux des Suds.

À quoi ressemblerait alors la promotion de ce « libre accès inclusif »? L’expérience du projet SOHA, dont c’est un des objectifs, est très riche à ce propos. Rappelons que sa définition de la justice cognitive repose sur le développement de la confiance des universitaires des Suds, de la périphérie, dans les savoirs issus de leur histoire locale, donc dans leur épistémologie et leur langue, pour créer des savoirs socialement pertinents, même s’ils ne respectent pas les normes imposées par le centre du système-monde. Promouvoir le libre accès inclusif exige donc de s’engager en même temps dans une critique décoloniale des rapports entre le centre et la périphérie et d’insister auprès des universités des Suds pour qu’elles développent la littératie numérique de leurs membres étudiant·e·s ou enseignant·e·s, ce qui exige de déployer les moyens nécessaires : accès à l’électricité, au web et à des laboratoires informatiques sur les campus, soutien aux revues scientifiques locales, octroi de subventions à la recherche sans intervention des pays du Nord, formation à la science 2.0 (blogs, Twitter, Facebook) et aux licences libres. C’est dans cet esprit que nous appuyons les efforts du CAMES pour la création d’un dépôt pluri-institutionnel africain, capable de mettre en valeur les thèses et les mémoires, ainsi que les rapports de recherche où se trouve l’essentiel de la recherche africaine.

C’est aussi dans cet esprit que nous avons conçu un guide de la recherche documentaire dans le web scientifique libre (Piron 2016), c’est-à-dire qui évite aux internautes de frapper des murs payants ou des textes inaccessibles : non seulement il explique, étape par étape, comment fouiller le web scientifique en libre accès, ce qui renforce les compétences numériques de ses utilisateurs et utilisatrices, mais il rappelle en même temps les principes de base de la justice cognitive, encourageant à vérifier si les résultats de la recherche documentaire entreprise comportent des travaux du Nord et des Suds, publiés par des hommes et par des femmes, ainsi que des savoirs circulant en dehors du système-monde de la science ou, du moins, de son centre.

Conclusion

Vu d’Afrique francophone subsaharienne, le combat pour le libre accès prend un sens autre que celui qui a cours dans les pays du Nord. Le détour proposé dans cet article a permis de mettre au jour des enjeux qui restent souvent invisibles dans les débats autour du libre accès, notamment les mécanismes d’exclusion mis en place par le système-monde de la publication scientifique, dominé par le modèle marchand anglo-saxon. Il a montré qu’une conception du libre accès qui se limite aux questions juridiques et techniques de l’accessibilité de la science sans réfléchir sérieusement aux rapports entre centre et périphérie pouvait devenir une source d’aliénation épistémique et de néocolonialisme. En revanche, si on intègre le souci de la mise en valeur des savoirs produits dans la périphérie et la conscience de tout ce qui freine la création de ces savoirs, le libre accès peut devenir un outil de justice cognitive au service de la construction d’un universalisme inclusif propre à une science ouverte juste. Cette réflexion pourrait, qui sait, conduire les promoteurs du libre accès à réinventer une définition inclusive du libre accès qui, pour ne pas redoubler la fracture scientifique, pourrait se mettre à influencer le centre dans ses rapports avec la périphérie…

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  1. Voir l’initiative de Budapest pour le libre accès.
  2. Le projet de recherche-action SOHA, dont le titre complet est « La science ouverte comme outil collectif de justice cognitive et de développement du pouvoir d’agir en Haïti et en Afrique francophone », a été subventionné par le réseau OCSDnet (Open and collaborative science for development) lui-même financé par le CRDI (Centre de recherche pour le développement international) du Canada. Son site est http://projetsoha.org. Le livre Justice cognitive, libre accès et savoirs locaux. Pour une science ouverte juste au service du développement local durable (Piron, Regulus et Madiba 2016) présente les différents aspects et résultats du projet qui a généré une enquête quantitative et un terrain qualitatif, sur place ou via les réseaux socio-numériques, à propos des obstacles au libre accès dans les universités d’Haïti et d’Afrique francophone subsaharienne. Le projet SOHA a également généré un vaste réseau de plusieurs milliers d’étudiants et d’étudiantes d’Afrique et d’Haïti relié·e·s par Facebook.
  3. Le pluriel « Suds », de plus en plus utilisé, marque la différence entre des pays émergents comme l’Afrique du Sud ou le Brésil et les pays dont l’indice de développement humain est beaucoup plus bas. Même si cet article fait référence aux pays d’Afrique francophone subsaharienne, des éléments de l’analyse sont pertinents pour tous les pays post-coloniaux des Suds, en particulier pour Haïti où notre projet est également actif.
  4. 40% des 117 doctorants et doctorantes d’Afrique francophone subsaharienne et d’Haïti qui ont répondu à notre questionnaire considèrent que l’obstacle le plus important à la réussite de leur thèse est qu’ils et elles n’ont pas réussi à s’inscrire dans une université du Nord.
  5. Voir aussi Alma Swan (2010).
  6. Cité dans (Crissinger, 2015)
  7. Récemment, pour une conférence que nous avons organisée dans un institut de recherche au Cameroun, il a fallu apporter un générateur pour pallier une coupure du réseau électrique.
  8. Ces sites sont respectivement à http://scidev.net et http://agenceecofin.com.
  9. En ligne à http://classiques.qc.ca.
  10. Communication personnelle du directeur des Classiques, Jean-Marie Tremblay. Chaque année, près de 2 millions de visiteurs et visiteuses uniques consultent cette bibliothèque numérique. Parmi les téléchargements, 27% ont été effectués à partir d’un pays d’Afrique en 2016.
  11. Selon le grand dictionnaire terminologique du Québec, en ligne à http://www.granddictionnaire.com/ficheOqlf.aspx?Id_Fiche=500089.
  12. Voir le site à l’adresse http://publication.lecames.org/.
  13. Voir le site à l’adresse http://greenstone.lecames.org/cgi-bin/library.
  14. Voir le site à l’adresse http://www.sist.sn/cgi-bin/library
  15. Voir le site à l’adresse http://www.beep.ird.fr/cgi-bin/library.cgi
  16. Voir le site à l’adresse https://hal-auf.archives-ouvertes.fr/
  17. Voir le site à http://www.research4life.org/about/

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To the extent possible under law, Florence Piron; Antonin Benoît Diouf; Marie Sophie Dibounje Madiba; Thomas Hervé Mboa Nkoudou; Zoé Aubierge Ouangré; Djossè Roméo Tessy; Hamissou Rhissa Achaffert; Anderson Pierre; et Zakari Liré have waived all copyright and related or neighboring rights to Le libre accès vu d’Afrique francophone subsaharienne (2017), except where otherwise noted.

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