4 Maria-Gaétana Agnesi, mathématicienne (1718–1799)
Marie-Claude Viano
Première femme à éditer des travaux mathématiques et première à obtenir une chaire de mathématiques (et à ne pas l’occuper…)
Père et fille(s)
Son père, enrichi dans le commerce de la soie, fit donner à ses deux ainées une éducation soignée. Maria-Gaétana fut poussée vers les langues et sa cadette vers la musique. Toutes deux brillèrent dans le salon de leur père. Le Palazzo Agnesi est le centre de la vie sociale milanaise. Précocement douée, Maria-Gaétana lisait à 9 ans un discours en latin sur le droit des femmes à l’éducation. À 13 ans, elle parlait italien, français, grec ancien, latin, hébreu, espagnol et allemand. C’était une enfant nerveuse, timide, qui répugnait à s’exhiber en public.
Vingt ans, apogée
Son père réunissait des auditoires de nobles, ministres et lettrés pour l’entendre traiter de questions diverses de philosophie et de physique. Le voyageur français Charles de Brosses rapporte que Maria-Gaétana était una cosa piu stupenda que le Dôme de Milan. Un recueil de 190 propositions issues des causeries fut publié en 1738. À la même époque Maria-Gaétana s’occupa de l’éducation de ses frères et sœurs (le père aura en tout 21 enfants dont 13 survivront). Toujours aussi peu attirée par les soirées mondaines, elle écrivit à Charles de Brosses qu’elle n’aimait pas parler en public de ces sortes de choses pour lesquelles pour chaque personne que cela amuse il y en a vingt qui s’ennuient à mourir.
Mathématiques, le refuge
À l’âge de 20 ans, elle souhaita entrer au couvent. Son père s’y opposa, mais la dispensa des soirées mondaines. Inaugurant une vie retirée, elle se tourna alors vers les mathématiques, car dans les vérités de la géométrie, elle trouvait la pleine satisfaction de son esprit.
Elle rédigea un commentaire sur le Traité analytique des sections coniques du marquis de L’Hôpital, étudia l’Analyse démontrée de Charles-René Reyneau et s’initia aux travaux d’Euler.
En 1748, elle publia Les institutions analytiques à l’usage de la jeunesse italienne, travail considérable, à la fois manuel scolaire et mise au point des dernières découvertes. Elle réarrangea l’ordre des matières et apporta nombre d’améliorations de son cru.
Son traité fut dédié à Marie Thérèse d’Autriche : si une femme peut exercer aussi bien une fonction aussi éminente que celle de votre Majesté, alors tout lui est possible.
L’ouvrage eut un grand retentissement. Le premier volume fut traduit en français et les trois autres en anglais.
Je n’ai connaissance d’aucun ouvrage de ce type qui soit plus clair, plus méthodique, plus complet que vos Institutions analytiques. […] J’admire particulièrement l’art avec lequel vous présentez dans une méthode uniforme les diverses conclusions dispersées dans l’œuvre de plusieurs géomètres, et atteintes avec des méthodes extrêmement différentes (Mignot de Montigny, géomètre français)
L’Académie des sciences de Paris déclara : « Nous le regardons comme le plus complet et le mieux fait qu’on ait en ce genre ».
Reçue à l’Académie de Bologne en 1748, le pape Benoît XIV demanda au sénat de Bologne de lui conférer une chaire de mathématiques. Ce qui fut fait en 1750.
Longue vie, courte carrière
À la mort de son père en 1752, Maria-Gaétana se retira définitivement, se refusant à toute consultation mathématique. Elle se consacra aux pauvres et à l’étude de la théologie et vécu le reste de sa vie dans la maison familiale, puis dans l’hospice qu’elle avait fondé.
Références
On trouve une version anglaise des « Institutions » (incluant la dédicace) en tapant Agnesi sur Internet Archive.
de Brosses, Charles. 2005 [1799]. Lettres historiques et critiques sur l’Italie. Édité par Frédéric d’Aguay. Paris : Mercure de France.
Sartori, Eric. 2006. Histoire des femmes scientifiques de l’antiquité au XXème siècle. Paris : Plon.
Wikipédia. « Courbe d’Agnesi ». https://fr.wikipedia.org/wiki/Sorcière_d%27Agnesi, dernière modification le 24 septembre 2018.