16 Dominique Schnapper, sociologue et politologue française (1934–)
Ghada Touir
Dominique Schnapper, née Dominique Aron, est une figures emblématiques en sociologie et en politique ayant contribué de façon importante au domaine des sciences sociales, notamment par ses travaux de recherche sur la citoyenneté, la nation, la démocratie, le chômage, la République, etc. Elle fut ainsi la première sociologue à être nommée au Conseil constitutionnel français de 2001 à 2010.
Une intellectuelle de naissance
Dominique Aron est née à Paris le 9 novembre 1934 dans une famille « bourgeoise » anti-communiste et d’origine juive. C’est la fille aînée de Suzanne Gauchon et du célèbre Raymond Aron : philosophe, sociologue, politologue, historien, journaliste et intellectuel français, ardent défenseur du libéralisme. Entre l’âge de 5 et 10 ans, elle a vécu l’exil forcé au Maroc avec sa mère, ainsi que la séparation avec son père installé à Londres, lors de la Seconde Guerre mondiale. C’est seulement à l’été 1945 que la famille Aron s’est enfin installée à Paris. L’année 1950 a été marquée par des drames familiaux dont le décès de sa petite sœur Emmanuelle et le handicap de sa sœur Laurence.
Des études stimulantes
Ayant vécu la guerre dès son jeune âge, l’enseignement primaire de Dominique ne pouvait faire abstraction de tous ces événements vécus et des lieux visités entre le Maroc (le lycée de Rabat), Londres (pensionnat de Cumberland, lycée français) et Paris (lycée Molière).
Après avoir poursuivi des études en sciences politiques, elle effectua son entrée dans la réputée École des hautes études en sciences sociales dès 1958 et se forma à la sociologie empirique sous l’égide du disciple de son père : Pierre Bourdieu.
Au bout de quelques années, elle commença des études en histoire et en géographie, ainsi que des études de troisième cycle en sociologie. C’est ainsi que Dominique Aron fit son entrée à la Sorbonne où elle obtint un doctorat en sociologie en 1967. Elle est également titulaire d’un doctorat en lettres obtenu en 1979 à l’Université Paris V.
Un mariage et une libération
En octobre 1957, elle rencontra à l’Institut de géographie Antoine Schnapper, historien d’art. Leur amour se révéla le 1er septembre 1958, sur les escaliers de La Trinité-des-Monts à Rome, et fut couronnée par un mariage le 28 novembre de la même année. Trois enfants naquirent, deux filles, Laure et Pauline, et un garçon, Alain. Ils vécurent heureux jusqu’à ce que la mort les sépare : Antoine décéda 40 années plus tard.
Le mariage de Dominique Schnapper avec « l’homme de sa vie » fut un point culminant dans son cheminement et dans sa carrière, une véritable « libération » de son héritage paternel, elle qui était connue comme « la fille de ». Dans son ouvrage Travailler et aimer. Mémoires, l’autrice affirme : « C’est mon mariage qui m’a permis de me trouver moi-même » (2013, p. 219). Rappelons que Dominique terminait son DES (équivalent approximatif d’une maîtrise) lorsqu’elle s’est mariée avec Antoine en 1958. Elle ajoute : « Je sais en tout cas que je n’aurais jamais été ce que je suis sans Antoine » (p. 220).
Cette femme au parcours unique se définit comme le « contraire d’une historienne des idées politiques ». En tant qu’épouse et mère, elle a néanmoins réussi à terminer des études supérieures et à occuper plusieurs postes intéressants.
Prix et distinctions
Au cours de son parcours unique, Dominique Schnapper reçut plusieurs prix et distinctions pour la qualité de ses écrits et ses travaux de recherche en sciences sociales :
1972-1980 : Maître de conférences à l’Institut d’Études Politiques de Paris;
1979-1982, 1986-1991 : Membre du Comité National du Centre National de la Recherche Scientifique (Commission de Sociologie);
1994 : Prix de l’Assemblée nationale pour la communauté des citoyens Paris Gallimard;
1995-1999 : Présidente de la Société française de sociologie;
2003 : Directrice d’études à l’École des Hautes études en Sciences sociales (EHESS);
2002 : Prix de la fondation Balzan pour la Sociologie;
2006 : Docteur honoris causa de l’université McGill de Montréal, Chevalier de la Légion d’honneur et Officier des Arts et des Lettres;
2007 : Prix du livre politique pour Qu’est-ce que l’intégration?;
2001-2010 : Elle est membre du Conseil constitutionnel et Présidente du Musée d’art et d’histoire du judaïsme;
2011 : Prix du livre antiraciste de la LICRA.
Œuvres principales
Dominique Schnapper est l’autrice de plusieurs publications (livres, chapitres de livres, articles dans des revues, etc.) :
- Travailler et Aimer. Mémoires (2013) où elle évoque longuement sa vie et l’œuvre de son père;
- Une sociologue au Conseil constitutionnel (2010), sorte de journal de bord relatant son expérience unique en tant que première sociologue au Conseil constitutionnel.
Elle a notamment publié Juifs et Israélites (1980), la France de l’intégration (1991), La Communauté des citoyens (1994), La démocratie providentielle (2002), L’esprit démocratique des lois, L’Épreuve du chômage (Gallimard, Idées n°444, 1981; édition revue, Gallimard, Folio actuel n°42, 1994), Qu’est-ce que la citoyenneté?, avec la collaboration de Christian Bachelier (Gallimard, Folio actuel n°75, 2000) et bien d’autres.
Références
Les Éditions de Minuit. « Schnapper Dominique », Les Éditions de Minuit. http://www.leseditionsdeminuit.fr/auteur-Dominique_Schnapper-1497-1-1-0-1.html
Schnapper, Dominique. 2006. « Bio-Bibliographie de Dominique Schnapper », Revue européenne des Sciences sociales. European Journal of Social Sciences : 207-224. https://ress.revues.org/273
Schnapper, Dominique. 2013. Travailler et aimer. Mémoires. Paris : Odile Jacob.
Sembel, Nicolas. 2014. « Dominique Schnapper, 2013, Travailler et aimer. Mémoires, Paris, Odile Jacob, 233 p. », Revue européenne des sciences sociales (52-1) : 299-302. www.cairn.info/revue-europeenne-des-sciences-sociales-2014-1-page-299.htm
Wikipédia. « Dominique Schnapper ». https://fr.wikipedia.org/wiki/Dominique_Schnapper