Introduction
Tout d’abord, un paradoxe. Le « gros personnage » qu’est le CAMES (Conseil africain et malgache pour l’enseignement supérieur), malgré son rôle structurant de l’enseignement supérieur dans une grande partie des États de l’Afrique francophone et de quelques États de l’Afrique hispanique, est plus ou moins invisible dans les productions académiques sur l’université et les universitaires africains. Il n’existe pas de monographie historique racontant les origines et les évolutions du CAMES depuis sa création en 1968 à Niamey (Niger).
À titre d’exemple, la conférence des ministres des États membres du CAMES qui se tint à Bamako en mars 1985, soit 17 ans après sa création, conclut que le manque d’informations sur le CAMES est dû à l’inexistence de publication spécifique sur cette institution[1].
La 5e session ordinaire du Conseil des ministres du CAMES réunie à Bujumbura, au Burundi, en avril 1988, arriva à la conclusion que :
Si le CAMES est important pour les pays membres, il reste que cet organisme est peu connu dans les différentes universités des pays membres. Elle recommanda alors l’organisation des olympiades scientifiques du CAMES destinées à mieux faire connaître cet outil efficace dont se sont dotés les pays francophones[2].
Enfin lors de sa 15e session ordinaire à Lomé en 1998, l’instance suprême du CAMES proposa :
La réalisation d’un film documentaire sur le CAMES en vue d’une sensibilisation d’un public-cible constitué par les autorités politiques, universitaires, enseignants-chercheurs et chercheurs et l’impression d’un document unique sur le CAMES[3].
Cette volonté de sauver de l’oubli l’histoire du CAMES par la double opération de recherche des traces mémorielles de la vie de l’institution et de leur vulgarisation à l’échelle du monde académique est restée, malgré ces déclarations d’intention, lettre morte. L’institution n’a pas procédé à une lecture d’elle-même, attachée qu’elle était à réaliser ses programmes et à regarder vers d’autres horizons.
Bien souvent, c’est sous le mode de la mention incidente que nous avons relevé, au milieu d’une littérature éparse et insuffisamment documentée, quelques références sur cette institution académique supranationale dont le récit narratif a fini par se confondre avec l’histoire personnelle de Joseph Ki–Zerbo au regard de son rôle dans la création du CAMES (Pajot 2009 et N’diaye et Ouédraogo 2010). Dans une esquisse d’ego–histoire, où on place sa propre vie sur l’établi de l’historien (Boucheron 2011 : 101), Joseph Ki–Zerbo y consacra quelques pages indiquant qu’« avant la création du CAMES, les chercheurs et les professeurs qui voulaient passer d’un grade à l’autre envoyaient leurs dossiers et productions scientifiques en France » (Ki-Zerbo 2013 : 118)[4].
Dans ses Mémoires, l’ancien ministre de l’Enseignement supérieur du Sénégal (1973-1980), le magistrat Ousmane Camara, rappela à ce titre le rôle endossé par le CAMES, dès les premières lueurs des indépendances, dans la qualification du personnel enseignant de l’Université de Dakar sans passer par les instances françaises (Camara 2010 : 193). Dans Wodié. Mon combat pour la Côte d’Ivoire, l’auteur éponyme analyse quant à lui la rupture incarnée par le CAMES par rapport au canal français du concours d’agrégation en droit (Wodié 2010 : 86-87). L’article du juriste burkinabé Salif Yonaba, publié en 2016, insiste sur les travers du système d’évaluation du CAMES et leurs répercussions dommageables sur la réputation de l’institution et de l’université africaine (Yonaba 2016 : 544). L’ouvrage récent de l’historien sénégalais Oumar Guèye, consacré au mai 1968 sénégalais, montre comment le CAMES s’est à l’époque retrouvé étroitement mêlé aux réformes envisagées pour la nouvelle Université de Dakar suite aux événements de mai 1968 au Sénégal (Guèye 2017 : 116-117).
Ces références parcellaires soulignent le manque d’études globales consacrées à l’histoire du CAMES et corroborent le titre : « Un méconnu ou mal aimé… Le CAMES » par lequel ASSEMPE (1985 : 1), le périodique trimestriel de l’Université nationale de Côte d’Ivoire[5], ouvrait, en décembre 1985, son dossier spécial consacré au CAMES[6]. Comment expliquer cette absence de productions discursives majeures de la part d’universitaires africains sur un instrument fondamental de légitimation de leurs propres savoirs? La question de l’évaluation en milieu universitaire est au vrai d’une extrême sensibilité. Yves Gingras a, par exemple, montré comment la loi sur l’autonomie des universités et la réforme de l’organisation de la recherche en France ont créé un climat particulier qui a exacerbé la sensibilité aux questions d’évaluation, peu discutées jusque-là dans le monde académique (Gingras 2008 : 42).
Cette absence d’herméneutique heuristique ne signifie pas en revanche qu’un blanc-seing a été donné au CAMES par la communauté épistémique africaine. Si son rôle pionnier dans la sédentarisation des processus de validation des savoirs universitaires dans ses pays membres est indiscutable, ses critères d’évaluation catalysent bien des critiques. En sus des escarmouches de frontières entre certaines instances nationales de promotion et le CAMES, cette institution est l’objet de préjugés et de défiances. Elle est suspectée d’être sous influence politique et fermée à toute idée de modernisation de sa gouvernance tandis qu’elle serait prompte à corser les conditions de la hiérarchisation académique. Elle s’inscrirait dans une telle logique afin d’entretenir une certaine forme de mandarinat au profit de ceux qu’Henri Bérenger appelle, dans un autre contexte, les aristocrates de la pensée (Charle 1990 : 57). Cinquante ans, après sa création, le CAMES apparaît cependant, toutes proportions gardées, comme l’une des meilleures réussites en matière de coopération interafricaine. Le passage annuel[7] d’enseignants-chercheurs et de chercheurs, sous les fourches caudines de ses Comités techniques spécialisés (CTS) et de ses jurys d’agrégation, est devenu un point de cristallisation majeure de la vie intellectuelle et académique dans 19 pays africains[8].
Cet ouvrage examine cette histoire du CAMES sans solution de continuité, avec en creux, le souci de lui restituer l’arrière-plan historique nécessaire à son intelligence. Si le passé est le prétexte du texte historique, il reste qu’en tant que science du changement, la muse de Clio ne peut faire abstraction des évolutions postérieures aux genèses initiales, aux fins de repérer, dans les phénomènes et/ou les objets étudiés, les continuités et les discontinuités qui scandent leurs évolutions, reliant ainsi le passé au présent. Il n’y a donc qu’une science des humains dans le temps et qui sans cesse a besoin d’unir l’étude des morts à celle des vivants, selon la belle formule de Marc Bloch (2002 : 65) qui peut nous aider à comprendre ce qu’a été et ce qu’est le CAMES.
Cette approche permet de cerner les rythmes et les temps de la naissance et de l’évolution du CAMES qui est loin d’être une invention sui generis. C’est pourquoi ce texte accorde une large place à la question de l’historicité exogène de l’université africaine comme habitant le processus ayant porté à la création du CAMES à la fin des années 1960.
Le modèle français de l’université qui sert plus ou moins de modèle au CAMES, est par ailleurs, un analyseur intéressant de la façon dont le legs colonial continue de servir de trame à la modernité africaine, en dépit des objections de Kamel Daoud. L’écrivain algérien dénonçait dans une tribune récente une conscience postcoloniale étouffante et agaçante et nous invitait à nous libérer de la colonisation et des explications postcoloniales exclusives[9].
Notre démarche est moins fondée sur la critique radicale du colonialisme, la tentation du « tout colon »[10], que sur la nécessité de préciser les généalogies intellectuelles, culturelles et sociales comme participant de la contextualisation du raisonnement historique. Cet effort d’exégèse interroge les effets des politiques coloniales sur les pratiques postcoloniales africaines, ce que la philosophe Nadia Yala Kisukidi nomme pour sa part, la colonialité. Celle-ci désigne dans le langage de la critique décoloniale, un dispositif de pouvoir né avec le colonialisme historique, mais dont la forme se perpétue au-delà des décolonisations politiques (Kisikudi 2017 : 58). Dans le cadre des études postcoloniales, il s’agit donc de décrypter ce qui relève de l’« héritage colonial » dans notre « national »[11], nouvelle démarche qui présuppose un va–et–vient critique entre passé et présent (Vidrovitch 2009 : 87). Aussi, comme le souligne Arjun Appadurai, la décolonisation, pour une ancienne colonie, ne consiste pas simplement à démanteler les habitudes et les modes de vie coloniaux, mais aussi à dialoguer avec le passé colonial (Appadurai 2005 : 143).
La décolonisation, processus historique majeur en Afrique et ailleurs, portait, à y voir de près, les germes de la contestation par les élites autochtones d’une université africaine battant pavillon français. La critique que fait André Gunder Franck du modèle diffusionniste centre/périphérie qui dénie toute autonomie aux espaces colonisés et qui ignore les modalités de réception (Singaravelou 2007 : 14) est de ce point de vue légitime. La survivance de ce modèle européen d’université, au-delà du moment colonial, dit, en revanche, toute la difficulté du décrochage avec l’héritage colonial, ce qui, à l’opposé de Gunder Franck, relativise les habituelles oppositions binaires entre centre et périphérie, domination/résistance.
Cet ouvrage est une histoire institutionnelle du CAMES qui s’interdit, cependant, une description sèche et abstraite du cadre juridique et normatif régissant le fonctionnement de cette institution. Jules Michelet, au XIXe siècle déjà, reprochait à ses prédécesseurs (François Guizot, Adolphe Thiers, Augustin Thierry) une insuffisante attention portée à la multidimensionnalité des phénomènes, particulièrement chez ceux et celles travaillant sur l’histoire institutionnelle.
Notre démarche se veut donc globale : elle restitue le cadre institutionnel autant que l’action des humains. Elle convoque les figures officielles, mais ne snobe pas le labeur des ouvriers de l’ombre dont rendent compte des fragments de faits et de vie, ceux et celles d’hier comme ceux et celles d’aujourd’hui. C’est une histoire du CAMES avec sa part d’ombre et sa part de lumière : la résurrection des « faits vainqueurs » (Leduc 1999 : 45), mais aussi les échecs, les critiques et les éloges, les périodes de régénération après les outrages du temps. Voilà, si l’on veut, les ambitions de cet ouvrage qui croise les pistes des histoires institutionnelle, intellectuelle et culturelle.
C’est une histoire institutionnelle dans la mesure où elle s’intéresse à l’étude des évolutions d’une institution supranationale. C’est une histoire intellectuelle parce qu’elle se fait archéologie, car plutôt que de supposer l’invention à l’aide d’a priori logiques, elle part à la recherche des traces matérielles du travail (Perrot 1992 : 59), des solidarités originelles et des stratifications générationnelles (Dosse 2010 : 381). C’est une histoire culturelle enfin, au sens où l’entend Roger Chartier, à savoir repérer certaines conditions qui ont rendu possible tel événement (Chartier 2000 : 10). Ce cadre théorique, emprunté à Chartier, nous a conduit, pour notre propos, à rechercher et à définir les conditions idéologiques et culturelles qui ont permis au CAMES d’advenir.
Cette mise en intrigue du passé fait cependant le choix d’ignorer les habituelles crispations disciplinaires en convoquant d’autres angles d’analyse que peuvent offrir le droit, l’économie, la philosophie des sciences et la sociologie. Du point de vue du droit des organisations internationales (Godechor et Ourliac 1955; Lederer 1959; de Goldfiem 1968; Besnier 1977; Drago 1988), il y a un intérêt à rendre intelligible la manière dont le CAMES a produit sa légitimité juridique (la valeur de ses décisions sur celles des institutions sous son contrôle) de sa création à nos jours, afin de mettre en lumière sa position actuelle. Une analyse économique de l’institution peut également éclairer les mécanismes de financement du CAMES des origines à nos jours, pour saisir comment cette institution est financée et comment son système d’évaluation impacte sur les budgets des pays membres. On peut également questionner la légitimité scientifique des organes d’évaluation institués par le CAMES et de leurs décisions en adoptant le point de vue de la philosophie des sciences (Bachelard, 1934). Enfin, le point de vue sociologique peut éclairer à la fois les processus de légitimation, de transformation et d’institutionnalisation (Douglas, 1999), les modes de gouvernance et les modes de coordination du CAMES en tant qu’organisation (Crozier 1964 et 2000; Crozier et Friedberg 1977), les limites objectives des processus d’évaluation académique (Gingras 2008; Martucelli 2010), les imaginaires sociaux à son propos (Bourdieu 1979, 1989) , son statut et sa position en tant qu’acteur, ainsi que les enjeux qui ont sous-tendu ou sous-tendent sa création et son fonctionnement (Crozier et Friedberg 1977; Santos 2011). L’interdisciplinarité permet ainsi à l’historien ou l’historienne d’élargir les bases de sa réflexion sans s’écarter de l’objet premier de son étude, à savoir produire de l’histoire.
L’histoire proposée ici commence par une archéologie du CAMES qui en situe les origines historiques. La vraie science de l’histoire, dit Jean Bossuet dans son Discours sur l’histoire universelle, est de remarquer, dans chaque temps, ces secrètes dispositions qui ont préparé les grands changements et les conjonctures importantes qui les ont fait arriver (Braudel 1997 : 57). Le contexte intellectuel et idéologique qui prévalait dans les colonies françaises d’Afrique au lendemain de la Seconde Guerre mondiale peut être considéré comme un incubateur ayant préparé l’avènement du CAMES en 1968.
Notre travail considère le segment temporel suivant : l’année 1968 en constitue le terminus post quem avec l’acte de fondation du CAMES, tandis que l’année 2018, à l’autre bout de l’échiquier, correspond au cinquantenaire de l’institution. Pour documenter cette histoire de durée plus ou moins brève à l’échelle des temporalités braudéliennes, nous avons réuni des sources écrites et orales.
La première catégorie de sources est celle générée par l’institution elle-même sous la forme de textes juridiques de base (Convention portant statut du CAMES, Statut des personnels du CAMES, règlement intérieur du CAMES, accord portant création des Conseils consultatifs interafricains (CCI), etc. Citons également des textes organiques spécifiques (accords relatifs aux concours d’agrégation, règlement intérieur relatif au programme de reconnaissance et d’équivalence des diplômes (PRED), etc.), des memoranda, les recommandations du comité des experts du CAMES, les résolutions des Conseils des ministres du CAMES, les rapports et observations des Comités techniques spécialisés (CTS), du Conseil consultatif général (CCG), etc. Ces archives du CAMES entreposées au siège de l’institution à Ouagadougou (Burkina Faso) permettent de suivre l’histoire du CAMES dans des dimensions plus amples, irréductibles aux seuls instants de consécration académique annuelle (CCI, Concours d’agrégation) qui polarisent l’intérêt des milieux académiques de l’espace CAMES. Elles éclairent d’un jour nouveau les phases d’expansion (CCI, Concours d’agrégation, évolution institutionnelle, etc.) et de régression (crise institutionnelle de la fin des années 1970 et du début des années 1980, crise budgétaire chronique, repli national, etc.) du CAMES. En bref, elles dévoilent une histoire dans des aspects et des amplitudes jusque-là insoupçonnés. Ces archives non cotées et non classées rendent cependant ardus les efforts d’investigation. Cette absence d’« identité numérique » est un handicap majeur, pour les futurs chercheurs et chercheuses désireux de retrouver les traces du matériau mobilisé dans le cadre de cette étude.
Les données glanées au centre des archives diplomatiques de Nantes permettent, pour leur part, de mesurer l’implication de la France, via son ambassade en Haute–Volta, dans la matérialisation, du CAMES à ses débuts, avec un brin de pessimisme quant à la viabilité du projet. En revanche, certains dossiers repérés dans ces archives diplomatiques n’ont pas pu être consultés en raison de la mesure de prescription historique fixée à cinquante ans. Il nous a été ainsi refusé d’accéder à un dossier sur le CAMES dont la déclassification n’interviendra qu’en 2035. Nous avons, à partir de cette expérience empirique, une limite objective quant à l’écriture d’une histoire du temps présent que le recours à l’archive orale permet plus ou moins de compenser.
Plus qu’un effet de mode, le recours à l’histoire orale trouve sa légitimité dans les lacunes des sources imprimées. Cette dernière catégorie de sources, aussi précieuse soit–elle, appelle en effet une distance critique de la part de l’historien ou de l’historienne en raison de son origine politique trop souvent caractérisée par la « langue de bois » et un certain formalisme excessif dans les comptes rendus des réunions officielles. Ces rapports officiels ne sauraient rendre compte des multiples aspects de la vie institutionnelle ordinaire de l’organisation.
Le recours à l’histoire orale s’est donc avéré indispensable pour appréhender cette geste dans ses multiples facettes. Des acteurs officiels et anonymes ont ainsi été interrogés à Ouagadougou, Abidjan, Dakar, Lomé, Niamey, sur le passé, le présent et l’avenir de l’institution. La difficulté à témoigner sur sa propre expérience et l’extrême sensibilité de certains épisodes de la vie du CAMES ont expliqué certains silences et refus auxquels nous nous sommes heurté de la part d’acteurs et d’actrices dont le parcours se confond avec certaines séquences de l’histoire de l’organisation.
En outre, la tendance à la valorisation d’un parcours personnel, qu’on peut déceler dans certains témoignages, appelle une certaine vigilance. En dépit de cette difficulté méthodologique, les témoignages oraux ont permis de reconstituer de façon concrète certains pans de l’histoire de l’institution à la lumière des faits et gestes de celles et ceux chargés de son animation au quotidien.
Le témoignage de Malick Athanase Bambara s’est révélé à cet égard particulièrement précieux. Cet informateur présente la particularité d’avoir été l’agent comptable du CAMES sous l’ensemble des six secrétaires généraux que l’institution a connus depuis sa création en 1968[12]. Recruté par Joseph Ki–Zerbo en 1980, il a pris sa retraite en 2013 après 33 ans de carrière. Une telle proximité avec l’organe de décision du CAMES, à savoir le Secrétariat général, en fait un « contemporain capital », un site d’observation particulièrement intéressant pour reconstituer cette histoire.
Les témoignages recueillis auprès des anciens secrétaires généraux[13] de l’institution (Rambré Moumouni Ouiminga et Mamadou Moustapha Sall), de l’actuel Secrétaire général (Bertrand Mbatchi), des membres du Secrétariat général du CAMES et des instances politiques et académiques, nous offrent une « histoire du dedans ». Nos entretiens avec des universitaires et des organisations syndicales de l’enseignement supérieur dans certains pays membres permettent, en revanche, une lecture plus distante de l’action du CAMES. Ces regards croisés font tout l’intérêt heuristique de la mobilisation des sources orales dans ce travail d’investigation historique.
Cette traque des sources et des trajectoires permet de déterminer les « grosses molécules » (Ladurie 1983 : 428) grâce auxquelles prennent forme les structures thématiques et chronologiques de ce travail ainsi qu’il suit :
- La première partie est consacrée à l’histoire des Origines et de la genèse du CAMES (1940-1980). Il s’agit d’une grammaire du « CAMES » afin d’en situer la généalogie qui provient des luttes d’émancipation qui débutent dans les années 1940 (chapitre 1). Ce fut également la période de récusation par les élites africaines de la matrice normative française dans le domaine académique. Le combat des indépendantistes contre cet assujettissement intellectuel visait à favoriser l’avènement d’une université africaine avec ses propres traditions, que traduisait la création du CAMES en 1968 (Chapitre 2).
- La deuxième partie portent sur Les crises de croissance et les dynamiques de progrès (1981–2000). C’est une étude des processus d’évolution historiques du CAMES postérieurs aux genèses initiales. Les crises de croissance, les réformes de ces années de transition (Chapitre 3) sont le reflet de dynamiques du dedans et du dehors ayant nolens volens accéléré ou bridé l’évolution de l’institution (Chapitre 4).
- La troisième partie intitulée Le CAMES au XXIe siècle : La marche vers la modernité et ses vents contraires souligne les temps multiples du CAMES. Temps de progrès à partir des efforts de modernisation au début des années 2000 (Chapitre 5) qui n’exclut pas des formes de contestation du modèle d’évaluation académique, aboutissant à la mise à l’épreuve de la supranationalité du CAMES (Chapitre 6).
- Archives du CAMES. Rapport final de la Conférence des ministres des États membres du CAMES. 2e session ordinaire. Bamako, du 12 au 14 mars 1985, p. 5. ↵
- Archives du CAMES. Rapport final de la 5e session ordinaire du Conseil des ministres du CAMES. Bujumbura, du 10 au 12 avril 1988. Recommandation n°3 sur l’organisation des olympiades scientifiques du CAMES. ↵
- Archives du CAMES. Rapport final de la 15e session ordinaire du Conseil des ministres du CAMES. Lomé, du 14 au 18 avril 1998, p. 17. ↵
- Lire également, Joseph Ki-Zerbo, Repères pour l’Afrique, Dakar, Panafrika Silex/Nouvelles du Sud, 2007, 212 p. ↵
- ASSEMPE, périodique trimestriel de l’université nationale de Côte d’Ivoire, n° 15, décembre 1985, p.1. ↵
- Ce dossier spécial visait à informer la communauté universitaire ivoirienne sur le CAMES, ses programmes et ses procédures d’inscription sur les différentes listes d’aptitude, pour en finir avec les idées reçues sur cette institution panafricaine. ↵
- Depuis 1978 en ce qui concerne les comités consultatifs interafricains (CCI); 1982 pour le concours d’agrégation des sciences médicales; et 1983, enfin, pour le concours d’agrégation des sciences juridiques, économiques et de gestion. ↵
- Il s’agit du Bénin, du Burkina Faso, du Burundi, du Cameroun, de la Centrafrique, du Congo, de la Côte d’Ivoire, du Gabon, de la Guinée, de la Guinée-Bissau, de la Guinée Équatoriale, de Madagascar, du Mali, du Niger, de la République démocratique du Congo, du Rwanda, du Sénégal, du Tchad et du Togo. ↵
- Kamel Daoud « Le postcolonial m’étouffe. Le discours de repentance de l’Occident est sclérosant. Il faut se libérer des explications postcoloniales et penser au-delà de la victimisation. », in http://www.lepoint.fr/editos-du-point/sebastien-le-fol/kamel-daoud-le-postcolonial-m-etouffe-19-10-2017-2165644_1913.php Consulté le 15 octobre 2017. Pour une critique radicale du postcolonial, voir Jean François Bayart, Les études postcoloniales. Un carnaval académique, Paris, Karthala, 2010, 126 p. ↵
- Kamel Daoud, op.cit. ↵
- Cette approche est cependant critiquée par exemple par Pierre Singaravelou pour qui le terme même de postcolonial propose une définition du monde à l’aune de l’expansion de l’« Occident » les populations et les pays colonisés ne devant leur statut d’objet d’étude qu’à leur passé colonial. Cf., Pierre Singaravelou, Professer l’Empire : l’enseignement des « sciences coloniales » en France sous la IIIe République, Thèse de doctorat d’histoire soutenue en 2007 à l’Université de Paris 1, Panthéon-Sorbonne p. 22. ↵
- Le CAMES en aura connu six de sa création à nos jours. Ce sont le voltaïque Joseph Ki-Zerbo (1968-1980), le Togolais Emmanuel Carle Kokou Kotso Nathaniels (1982-1988), le Béninois Henry Valère Kiniffo (1988-1992), le Burkinabé Rambré Moumouni Ouiminga (1992-2000), le Sénégalais Mamadou Moustapha Sall (2000-2011) et le Gabonais Bertrand Mbatchi depuis 2011. ↵
- Il faut préciser que les trois premiers secrétaires généraux de l’institution à savoir Joseph Ki-Zerbo, Emmanuel Carle Kokou Kotso Nathaniels et Henri-Valère Kiniffo sont décédés. ↵