Le récit de Fatim

Le parcours migratoire : de l’Afrique à Québec

C : La première chose que j’aimerais te demander, c’est de me raconter comment ça s’est passé la migration, en me contextualisant dans le temps, puis en me disant les raisons pour lesquelles tu as souhaité venir au Québec, et comment ça s’est déroulé, dans quelles circonstances et avec qui tu es venue.

Fatim : Oui, en fait, j’ai eu une bourse d’études pour venir ici. Pour la bourse, on choisissait les meilleurs de chaque classe, les meilleurs de chaque filière de mon université en 2015. À ce moment-là, je faisais une licence en aménagement et gestion des ressources forestières et fauniques. Après la soutenance, le directeur de l’université m’a contactée, comme quoi il y avait une liste de personnes, qui devaient être sélectionnées par la bourse, dans les meilleurs de chaque classe. Et c’était soit les deux premiers, soit si les deux premiers étaient des hommes, ce serait des personnes : deux garçons et une fille. La première des filles, quel que soit le rang qu’elle occupe dans la classe, si elle est prise, ce serait la première des filles avec une bonne note. C’est de cette manière que j’ai pu venir ici au Canada. Donc ils ont envoyé nos dossiers ici à l’université Laval, dans le programme de biologie végétale.

Fatim a amorcé sa licence en 2012 dans la capitale de son pays d’Afrique de l’Ouest, d’où elle est originaire, comme ses deux parents. Pendant qu’elle étudiait, son copain, aujourd’hui son mari, travaillait comme infirmier pour une ONG communautaire dans une région du pays. À cette époque, le souhait du couple était que Fatim le rejoigne dans cette région, après ses études, pour amorcer leur vie conjointe et qu’elle devienne fonctionnaire de l’État, mais la surprise de la sélection de la bourse pour aller étudier au Canada a quelque peu bouleversé leur plan initial. Lorsque l’annonce a été faite, à la fin de sa licence, et que la décision de partir au Canada fut prise, les parents de son conjoint ont demandé que le couple se marie. Cette union serait considérée comme un contrat de confiance supplémentaire pour assurer le départ de Fatim. Le mariage religieux eut lieu le 27 décembre 2015. Les nouveaux mariés passèrent près de six mois ensemble avant que Fatim ne parte pour le Canada en août 2016. Leur idée, qui respectait bien les conditions de la Bourse octroyée par Affaires mondiales Canada, était donc qu’elle vienne y réaliser sa maîtrise avant de retourner au pays pour y travailler aux côtés de son mari.

Mais le milieu du travail était alors en plein changement, autant dans la fonction publique que dans le secteur privé. Lorsqu’elle est arrivée au Québec et qu’elle a pu comparer les opportunités d’emplois, l’idée d’y tenter sa chance a commencé à germer, même pour son mari dont l’emploi demeurait assez précaire selon elle, d’où ses nombreuses discussions avec son mari pour qu’il vienne la rejoindre ici.

Fatim : […] Et puis du côté de mon conjoint, ça valait vraiment la peine parce qu’il travaille dans une ONG. Ce n’est pas un travail garanti non plus. Il peut avoir un contrat pendant deux ans et puis aller au chômage cinq mois, six mois, donc ce n’est pas facile quand on est chef de famille. On a des responsabilités, on a des enfants. Donc quand je suis venue ici, j’ai vu qu’au Canada et surtout à Québec, il y avait de l’emploi, notamment dans le domaine de la santé comme des postes d’infirmier. C’est pourquoi on a réfléchi sur les possibilités de rester ici.

C : Donc ton mari souhaitait, lui aussi, éventuellement, venir te rejoindre au Canada?

Fatim : Au début, il ne voulait pas, parce que lui, surtout l’ONG avec qui il travaillait, il ne pensait pas qu’un jour, on allait lui dire que ses contrats n’allaient plus être renouvelés. Donc il a fallu vraiment beaucoup de temps pour lui avant d’accepter de venir ici. Mais c’était contre son gré, car il aimait faire ce qu’il faisait, mais le problème est que ce n’était pas un emploi garanti. Le jour où on lui a dit que son contrat prenait fin, il a compris que j’avais raison. Et puis ici il a un bel avenir, alors que dans notre pays, si on tient compte des études qu’il a faites, il doit les valoriser, il doit avoir un travail, être bien payé, un travail qui lui correspond quoi. Mais ce n’était pas le cas là-bas. C’est pourquoi je lui ai dit qu’il faut que nous nous installions ici. Et, si j’arrive à obtenir ma résidence permanente, nous pourrions élever nos enfants ici.

Le 23 août 2016, quelques jours avant le début de sa maîtrise, Fatim atterrit à l’aéroport de Montréal. Elle entre au Canada avec son statut d’étudiante étrangère, sans Certificat d’acceptation du Québec. Ce statut spécial, délivré à partir des conditions de sa bourse qui est essentiellement un programme d’échange étudiant de trois ans, impliquait ainsi qu’elle retourne dans son pays à la fin de son parcours universitaire sans possibilité de demander la résidence permanente ou un permis de travail quelconque. Dans son cas, sa première année fut destinée à une scolarité préparatoire pour ses deux années de maîtrise suivantes. Après, comme convenu, elle retournerait dans son pays pour y « prendre la relève ». Comme tout·e étudiant·e de l’étranger, elle passa par le processus d’immigration demandé par l’université, dans son cas l’Université Laval (Québec), et dut par conséquent souscrire à l’assurance maladie proposée par cette dernière.

Fatim : la couverture, c’était la couverture comme la plupart des étudiants étrangers. C’était Desjardins, mais cette couverture était individuelle, ce n’était pas pour toute la famille non! C’était pour toi seul. Et puis il n’y avait pas les problèmes de dents, les problèmes des yeux, etc. C’était juste les analyses simples et puis certaines consultations d’urgence qui en faisait partie. Et puis la grossesse n’en faisait pas partie non plus. Donc c’est ça…

Elle habite alors aux résidences pour étudiant·e·s de l’Université Laval pour ses deux premières sessions. Là-bas, elle se fait rapidement des ami·e·s, la plupart venant aussi de l’étranger et en particulier d’Afrique. Comme l’année préparatoire lui demandait beaucoup de concentration et que son statut d’étudiante ne lui permettait pas encore de travailler, elle assurait sa subsistance uniquement grâce au revenu de sa bourse.

Étant mariée, Fatim a pu bénéficier d’une modalité de la bourse d’Affaires mondiales Canada qui offrait un billet d’avion aux étudiant·e·s marié·e·s afin qu’ils et elles puissent rejoindre leur époux·se demeurer dans leur pays d’origine après leur première année d’études. Fatim a ainsi pu retourner auprès de son mari durant l’été 2017. Elle ne pouvait s’imaginer qu’elle n’allait pas rentrer seule en sol québécois.

Grossesse surprise et adaptation

Sa deuxième arrivée au Québec concordait avec le début de sa maîtrise. La confiance qu’elle avait désormais gagnée vis-à-vis de ses capacités scolaires à l’Université Laval l’encourage à chercher un emploi, encore une fois sous contrainte d’un maximum d’heures par semaine, qu’elle obtient dans un magasin de grande surface. C’est là qu’elle commence à ressentir certains symptômes qu’elle n’associe pas tout de suite à une possible grossesse, mais plutôt à une fatigue de travail.

C : Alors là, tu es partie un mois et demi, et lorsque tu es revenue, comment ça s’est passé quand tu as appris pour la grossesse?

Fatim : Lorsque je suis partie et que j’ai fait un mois et demi avec mon conjoint, je suis retournée, je n’avais pas de problèmes de santé ni rien. Quand je suis retournée, j’ai eu un travail; c’est en travaillant à cet endroit que j’ai commencé à avoir certains symptômes, comme des nausées, des vomissements. J’avais mal au ventre. Avant que je parte consulter, je pensais que c’était dû à la fatigue, peut-être que je n’étais pas habituée à travailler ici. C’étaient des choses avec lesquelles je n’étais pas habituée. Mais après consultation, j’ai découvert que j’étais enceinte. Et cette consultation, même, ça n’a pas été facile. Elle n’a pas été facile parce que l’assurance que j’avais quand je me suis rendue à la clinique à l’Université Laval pour les étudiants au pavillon… Euh au pavillon, comment on l’appelle?

C : Desjardins, Pollack? Non?

Fatim : Oui, là où se trouve Desjardins, Caisse Desjardins.

C : Maurice-Pollack?

Fatim : Oui, Maurice-Pollack! J’ai été là-bas. Ils m’ont consultée et, après avoir énuméré mes symptômes, la dame m’a fait une petite analyse. Et puis, elle m’a dit « Il faut que tu partes voir quelqu’un qui s’y connaît vraiment parce que je pense que tu es enceinte ». Elle m’a dit qu’il fallait que j’aille à l’hôpital pour faire les tests de grossesse. Ou bien quelque chose du genre. J’ai dit « OK ». Maintenant, j’ai appelé Desjardins parce que quand on fait des consultations, normalement, on doit appeler Desjardins ou leur envoyer des factures de là et ensuite, ils vont nous rembourser. Maintenant, quand ils ont lu sur la fiche que peut-être que je suis enceinte et il faut que je parte voir un spécialiste pour ça, ils m’ont dit que si jamais c’est la grossesse, il faut que je sache que, eux, ils ne couvriront pas la grossesse parce que ça ne fait pas partie de l’entente.

Fatim amorce ainsi son entrée dans le système de santé québécois, qui comporte ses propres contraintes et difficultés d’accès pour les non citoyen·ne·s, en parallèle de sa réalisation qu’elle ne sera pas supportée par son assurance maladie. Elle « a peur » d’ores et déjà. Sans lui donner plus d’informations ou d’options pour s’assurer qu’elle soit ou non enceinte, l’intervenante de la Clinique de l’Université Laval, connaissant vraisemblablement la situation des étudiant·e·s étranger·e·s et des restrictions en matière d’accès aux services de soins, l’a ainsi uniquement dirigé vers le plus gros organe, l’hôpital, pour faire un simple test de grossesse. La réalité sur les frais de service en santé qu’elle devrait débourser la frappe immédiatement : 440 $ pour un test à l’hôpital et à cela s’ajoutent plus de 100 $, laissés à la discrétion du ou de la médecin consulté·e. Vis-à-vis de cette avenue délivrée comme une fatalité, elle interroge tout de même une amie étudiante étrangère comme elle; par chance, cette dernière lui fait part d’une autre option, les cliniques de santé, et lui suggère la Clinique St-Louis en particulier.

Fatim : Donc, ce jour-là, je suis partie à la Clinique St-Louis et là-bas, on m’a juste dit d’aller acheter un test que j’ai acheté. Ensuite ils m’ont demandé de payer 120 $. Ça, c’était juste pour que le médecin qui allait faire le test puisse voir si j’étais enceinte. Donc j’ai payé ça.

C : Mais si tu es allée acheter un test de grossesse, pourquoi est-ce que t’es allée… le médecin? Il a fait quoi, le médecin?

Fatim : Bien, le médecin, il a juste mis les tests dans l’urine juste pour voir si c’était positif ou pas, [rires] c’est tout! Mais vu que j’étais venue à la clinique, donc la clinique aussi devait me charger le fait que je suis partie chez eux juste pour savoir si j’étais enceinte ou pas.

Les frais de 120 $ viennent confirmer que Fatim est bel et bien enceinte de huit semaines. Elle n’a même pas le temps de digérer la nouvelle que cette même amie lui recommande vivement d’avertir le Service des résidences de l’Université Laval « parce que dès qu’ils vont découvrir que tu es enceinte, ils vont te dire de quitter la résidence et d’aller prendre un appartement ». Après s’être vue refuser le support financier par son assurance, elle se voit refuser le toit par son université « parce que quand on est enceinte là-bas et le fait que tu vas devenir maman, un enfant ne peut pas vivre là-bas. C’est ça le problème ». Sans réellement vérifier auprès du Service ou d’autres instances pour savoir s’il y a un règlement qui s’applique aux étudiantes enceintes, la peur la pousse à faire des démarches pour se trouver un appartement ailleurs. Son amie, qu’elle considère comme sa sœur, décide de la suivre en colocation.

Fatim : Mais c’était une personne qui m’appréciait beaucoup, qui m’aidait beaucoup, parce qu’au début, c’est moi qui l’aidais beaucoup. Moi j’avais une bourse, donc le Gouvernement et Affaires mondiales Canada nous payaient chaque mois de l’argent pour nos frais, pour vivre quoi. Pour nos frais de nourriture, le logement. Tout, tout, tout. Donc moi, j’épaulais beaucoup cette fille-là, parce qu’elle, c’était ses parents qui payaient ses études, et ce n’était pas facile.

C : Juste pour avoir un aperçu. Quel est le montant que vous receviez par mois? Est-ce que ça te permettait de subvenir à tes besoins correctement?

Fatim : Oui, ça me permettait de subvenir… Oui, c’était 1 000 $ qu’on me donnait chaque mois, 1 000 $. Mais il y avait le loyer de l’Université Laval, plus la nourriture.

En juillet 2017, elles déménagent donc dans un appartement dans l’arrondissement de Sainte-Foy, situé assez loin de l’Université. Fatim continue à assurer la plupart des frais alors que son amie signe le bail à son nom.

Fatim : Mais mon nom n’était pas sur le bail parce que moi, j’ai dit, je ne sais pas « Une femme enceinte… On ne sait pas. On est une personne à risque. Donc, si elle met quelque chose avec nos deux noms, je peux changer d’avis à tout moment pour retourner dans mon pays, aller accoucher. Donc, il va falloir qu’elle trouve quelqu’un, qu’elle trouve quelqu’un avec qui partager l’appartement. Donc elle a dit « OK, il n’y a pas de problèmes ». […]

C : Bon, à partir de là, Fatim, comment ça s’est passé pour toi, la grossesse?

Fatim : Ah! À partir de là, c’est là que mon calvaire même a commencé. C’est là que mon problème a commencé, parce que si tu es enceinte, ce n’est pas facile.

Un parcours de grossesse plein d’embûches

Installée dans son nouvel appartement, Fatim peut désormais se concentrer sur sa grossesse et son parcours de soins à venir. Son premier souci est de trouver qui assurera son suivi de grossesse, comment et à quels frais. Sa méconnaissance du système et son manque de contacts à Québec alimentent son stress et sa détresse quotidienne et la poussent à questionner sans cesse les personnes autour d’elle afin d’obtenir des conseils ou des réponses. Fatim découvre alors des histoires « de peur » pour les femmes immigrantes qui ont accouché sans assurance maladie.

Fatim : Tous les jours, peu importe la personne d’origine africaine que je rencontrais, que ce soit dans l’autobus ou ailleurs, je demandais : « Est-ce que tu connais quelqu’un qui a été enceinte ici? » Certaines personnes me prenaient certainement pour une folle. Vous voyez? [rires] Bon, je posais la question à n’importe qui. Et puis, j’avais aussi d’autres amis qui connaissaient des femmes qui étaient venues accoucher ici. Ils m’ont envoyé la vidéo de la dame là, c’était une Sénégalaise qui avait accouché ici et a dit s’être retrouvée avec une facture de l’hôpital de 100 000 $. Vous voyez? Donc, quand mon ami béninois à la mairie m’a envoyé ça, mon Dieu, j’ai failli faire une crise cardiaque! Je me demandais comment j’allais m’en sortir si cela m’arrivait. Je n’avais rien. Je viens d’une famille pauvre. Je n’ai rien! Voyez? Donc tout le temps, je posais des questions. Dans notre nouvel appartement, nous avons croisé un Québécois. Donc tout le temps, ce monsieur bavardait avec nous. C’est en discutant que je lui ai demandé : « je cherche une clinique ou bien un hôpital qui aide les femmes enceintes parce que moi, je suis enceinte ». Il m’a promis de poser la question à son médecin, car lui, il faisait de la dépression. […] En fait, chaque fois, ce médecin venait le voir chez lui. C’est lors d’une rencontre avec ce médecin-là qu’il a posé la question. Il dit : « J’ai une amie qui cherche un endroit, une clinique ou un hôpital qui va suivre sa grossesse parce qu’elle est étudiante et l’assurance a décidé de ne pas couvrir sa grossesse ». Cette médecin lui a donné une liste de maisons pour les femmes.

N’ayant pas de forfait pour téléphoner au Québec, elle emprunte le téléphone de son amie pour appeler les numéros de référence proposés sur la liste. Elle se rend compte que cette dernière est une liste destinée aux femmes victimes de violences conjugales… Heureusement, les intervenantes qui lui répondent réagissent rapidement pour la rediriger vers les bons services. C’est grâce à ces contacts que Fatim put faire part de ses besoins à la coopérative SABSA qui lui fit passer une première consultation afin de déterminer si oui ou non Fatim pourrait bénéficier d’un suivi de grossesse auprès d’elle. Par chance, elle est acceptée rapidement, et ce jusqu’à 32 semaines de grossesse, période maximum légale pour un suivi assuré par un organisme communautaire.

Fatim : Mais à partir de 32 semaines [mon infirmière] a dû me transférer à un médecin. C’est alors là que j’ai commencé à payer de l’argent… Parce qu’elle est infirmière, donc à partir de 32 semaines, elle ne devait plus me suivre. Elle devait me confier à un médecin spécialisé en accouchements. Elle m’a transféré à une médecin du centre universitaire qui est à côté de l’Institut universitaire de cardiologie. Mais c’est pour les étudiants de l’Université qui partent faire des consultations parfois là-bas et même d’autres personnes. Donc, elle m’a transféré vers cette dame qui a fait le reste du travail jusqu’à mon accouchement. Et là-bas, je payais.

Ce suivi en milieu communautaire lui permit d’une part de bénéficier régulièrement de consultations gratuites et de prises de sang réalisées par une même infirmière. D’autre part, la connaissance des intervenantes de SABSA sur le milieu de soins à Québec assurait aussi une trajectoire de soins moins onéreuse pour Fatim du fait d’une meilleure connaissance des cliniques et services à moindre prix. Contrairement aux recommandations qu’elle avait eues de la Clinique de l’Université, on ne lui recommanda guère d’aller au CHUL qui l’aurait facturé 440 $ en plus des frais d’échographie. D’ailleurs, ce fut uniquement les échographies qu’elle dut payer, car ce type de service n’est pas offert par SABSA. Son infirmière lui recommande d’aller au service d’imagerie médicale pour ses trois échographies pour lesquelles les frais s’élevaient à environ 125 $ pour les femmes sans assurance maladie.

À partir de sa 25e semaine de grossesse, les choses se sont un peu gâtées, autant pour sa santé que pour son porte-monnaie, les deux intrinsèquement liés dans sa situation. Pour l’échographie demandée à cette période, le service d’imagerie médicale lui indique qu’elle ne peut plus être suivie par le dit service; Fatim doit désormais passer ses échographies à travers les médecins du CHU de Québec. Les 440 $, et les 90 $ environ pour l’échographie, deviennent réalité. Ce que les médecins découvrent durant cette échographie de routine aggrave davantage la donne.

Fatim : c’est avec cette échographie-là qu’ils ont découvert que ma fille ne grandissait pas normalement. Parce qu’on dirait qu’il y avait un problème avec mon placenta ou quoi. Donc le bébé ne prenait pas de nutriments comme il fallait. Il n’y avait pas d’échange de nourriture entre elle et moi. Donc, ils ont vu qu’elle était à faible poids. Elle avait à peine 1 kg et quelques, alors que j’étais déjà à 6 mois, 6 mois, 7 mois comme ça, donc c’était petit par rapport à son âge. C’est à ce moment que mes problèmes ont commencé, parce qu’il fallait que je parte faire des échographies chaque semaine. Chaque semaine, je devais payer 440 $.

C : Ah non?

Fatim : Oui! Chaque semaine, je devais aller faire l’échographie, chaque semaine, je devais aller voir [ma médecin] et, là-bas aussi, je payais 170 $. 170 $, donc, ça, c’était pour l’hôpital, mais au moins [ma médecin] disait qu’elle, elle ne prend pas l’argent parce que si elle prend l’argent, elle dit ça au téléphone, aux secrétaires eux, ils vont mettre cette somme-là et ajouter à ce que je devais payer pour l’hôpital. Mais elle leur a expliqué ma situation de femme qui était seule et dont les parents n’étaient pas là. Donc, elle a dit qu’elle renonce à ce que je dois payer. Elle disait des fois que je pouvais aller la voir en cachette. Elle disait qu’elle n’avait pas rendez-vous avec moi, juste pour me voir, afin que je ne paye pas. Mais quand j’y allais, elle regardait mon ventre. Elle me disait de partir, de ne rien dire que parce qu’elle avait pitié de moi. C’est une dame qui m’a vraiment aidée. Elle et puis une autre qu’elle m’a présentée au CHUL, elle aussi quand je lui ai dit que je n’avais pas les moyens, que chaque fois, partir et ensuite payer 440 $ sans compter les frais d’échographie, ce n’était pas vraiment facile. Elle aussi, quand je partais, elle négociait des fois avec les médecins qui font l’échographie, pour qu’ils la fassent gratuitement, et que je paye juste les frais de l’hôpital, les 440 $.

La « délinquance » dont font preuve les deux médecins qui la suivent permet à Fatim d’atténuer le stress financier qui pèse sur elle et de bénéficier d’un suivi très important pour la santé du fœtus. Sa médecin lui assure plusieurs tests gratuitement alors que l’autre médecin du CHU joue de ses relations pour amadouer les radiologistes afin qu’eux ou elles acceptent de ne pas facturer les frais. Ce faisant, chaque semaine, Fatim ne peut prévoir les coûts qu’elle doit payer. La majorité des radiologistes et autres spécialistes ont d’ailleurs refusé de ne pas facturer, et elle a dû payer tant bien que mal.

C : Et pour mieux comprendre, comment ça se passait cette négociation-là? Est-ce que c’était devant toi? Ou elle négociait ça avant que t’arrives? Ou pendant que t’étais là?

Fatim : Non, ce n’est pas devant moi. Elle négociait ça au téléphone avec eux, le faisait au téléphone, et elle me disait au téléphone : « Bon, Fatim, il faut que tu patientes, je suis en train de parler avec mon collègue. Je suis en train d’évaluer si elle va accepter de prendre ou pas, si elle accepte, bien, tu ne vas pas la payer, mais si elle n’accepte pas, tu vas devoir payer. Moi, je n’y peux rien ». Parce qu’elle aussi elle faisait écho parfois, mais, ce n’était pas elle. Parce que, au CHUL, c’est tout le temps, surtout l’échographie, une personne, c’est beaucoup de salles, et puis ils sont nombreux à le faire. Elle me dit : « Si c’est moi, je le fais gratuitement, mais si ce n’est pas moi, il faut que je puisse parler avec cette collègue-là, pour voir si elle peut nous arranger et faire ça ». J’ai dit « OK », des fois oui, mais des fois non.

C : Et puis, en tout, est-ce que tu as le souvenir de combien de fois tu es allée au CHUL, à partir de ce moment-là, quand ils ont vu que le bébé était de petit poids? Juste pour avoir une idée.

Fatim : J’ai fait 3 ou 4 échographies là-bas, quand ils ont vu que le bébé était à faible poids. Il y a même une échographie où il m’a dit qu’il allait me déclencher parce que la petite ne prenait pas de nourriture. Donc, ce jour-là, j’ai pleuré. Je me suis même agenouillée pour dire « non, ne faites pas ça, je n’ai pas d’argent. Si vous me déclenchez, ma fille, on va devoir la mettre dans une couveuse ». Si vous voyiez que je ne mangeais pas aussi, c’est parce que j’avais trop de problèmes. J’avais beaucoup de stress face à la grossesse. Ce n’est pas parce que je n’avais pas de nourriture. Non, j’avais la nourriture, mais la seule chose que je pouvais manger à cette époque-là, c’étaient juste les fruits. À part ça, je ne mangeais pas. Parce que, surtout moi, j’ai eu une grossesse difficile. Je tombe enceinte. Du début jusqu’à six mois, j’ai vomi tous les matins. C’est à partir de 6 mois que mes vomissements s’arrêtent donc. Et puis, j’avais aussi l’ulcère. Donc chaque fois, tu vomis. C’est comme s’il y avait une plaie aussi dans mon estomac. Ça me faisait mal. Je mangeais, c’était la galère. J’avais de la douleur. Je ne supportais pas. Donc, ajoute au stress que je vivais parce que moi, j’ai vécu toute ma grossesse avec le stress, et je t’ai dit, il n’y a pas une nuit où je ne fouillais pas sur mon téléphone, sur l’Internet, combien coûte l’accouchement à Québec. Je cherchais tous les jours. Je regarde des expériences sur Internet, et je disais : « Oh mon Dieu! ».

Alors que plusieurs personnes lui recommandent de rentrer « chez elle », dans son pays d’origine, pour accoucher en évitant les frais, ce choix n’est plus une option depuis longtemps dans la tête de Fatim qui souhaite avant toute chose donner naissance à un enfant en bonne santé. En effet, pendant un examen de routine réalisé à la Coopérative SABSA, une prise de sang révèle que Fatim est porteuse de l’hépatite B. Cette maladie, qui est transmissible par le sang, comporte ainsi un risque considérable pour le fœtus, qui peut à son tour la contracter. Étant une maladie relativement répandue dans son entourage, Fatim n’hésite pas à se tourner vers les femmes qui ont accouché tout en étant porteuses de l’hépatite B et vers son mari, infirmier. Elles sont catégoriques : dans son pays d’origine, les chances que l’enfant obtienne les vaccins nécessaires pour contrer l’hépatite B sont plus que minimes. Sa décision de demeurer à Québec, d’y accoucher malgré les frais exorbitants pour ses moyens et le stress constant a été prise pour permettre à son enfant d’« avoir une vie saine et ne pas avoir cette maladie-là ». Les vaccins dont a bénéficié sa fille à sa naissance puis durant les mois suivants, comme tous les autres enfants nés au Québec, lui ont permis d’éviter, comme sa mère le souhaitait, de contracter ces maladies.

Elle a, de plus, tenté de trouver une trajectoire de soins alternative dans une maison de naissance. L’insécurité qu’elle développe à partir des avertissements de ses amies quant aux possibilités de ne pas pouvoir avoir accès à une péridurale, de complications et d’un éventuel transport en ambulance, parmi d’autres risques, l’a fait hésiter. La facture, à la fin, pourrait même être plus élevée. Après avoir essuyé un refus d’une première maison de naissance, faute de place, elle se décide finalement pour un accouchement hospitalisé.

Les faiblesses du système pour soutenir les femmes enceintes sans assurance maladie ont été contrebalancées, un tant soit peu, par l’entraide de ses collègues du magasin. Cette entraide est aussi suscitée par les différentes habitudes culturelles liées à la grossesse et la maternité au Québec comparativement à son pays d’origine.

Fatim : Et puis, j’ai mes amis aussi avec qui je travaille au [magasin grande surface], eux, ils me posaient la question : « Est-ce que tu as commencé à acheter des habits du bébé? » J’ai dit : « dans mon pays, on ne prévoit pas un bébé, c’est lorsque le bébé naît qu’on part acheter des habits pour elle ». Et ils étaient furieux contre moi. Tout le monde était furieux. […] Quand ils venaient à la maison me voir, ils m’apportaient des cadeaux : « Ok, vu que tu ne veux pas acheter des choses pour ton bébé dans ta coutume, mais dans notre coutume, un cadeau, ça ne fait rien. » Donc, ils m’apportaient des habits pour la petite. Elle les a portés jusqu’à l’âge de deux ans. Je n’ai pas acheté d’habits pour elle…

Au sein même de son parcours de soins, des personnes à l’interne comme à l’externe du système de santé ont été décisives pour Fatim grâce à leur présence aux différentes étapes de son accès aux soins.

Fatim : J’avais quelquefois même du mal à acheter des papiers pour mettre dans l’imprimante et tirer mes propres documents. Donc, c’est [son amie, boursière comme elle et originaire d’Afrique de l’Ouest] qui tirait ces documents parce que moi, j’avais subi une opération là-bas. J’ai fait, je ne sais pas, une allergie, une allergie dans mon utérus, donc on m’a opérée pour me sauver. Maintenant, cette opération, quand j’étais enceinte, ils ont vu que j’avais déjà été opérée quelques fois à l’utérus… Donc leur question, c’était : est-ce que je vais pouvoir mettre au monde, ma fille par voie naturelle ou bien si on doit me faire une opération. Je sais qu’ici, ça coûte cher. Quand on m’opère, je sais que je vais payer le double d’accoucher par voie naturelle. Donc, j’ai fait toutes, toutes les choses possibles pour qu’on puisse me donner ces dossiers-là sur cette opération qui avait été faite en Afrique. Qu’on puisse montrer que ça n’avait pas un impact sur la grossesse et que cela n’avait pas un impact sur les voies d’accouchement. […] Sans oublier qu’elle, elle achetait des choses. La nourriture, elle me donnait plein de choses. En tout cas, j’ai eu la chance d’avoir des gens qui m’ont vraiment aidée. Ils m’ont vraiment aidée. Même le jour de mon accouchement, j’ai accouché à l’hôpital, mais… C’est vrai que je suis toute seule ici au Canada, mais ce jour-là, je ne me sentais pas seule du tout parce que j’avais une maman à côté de moi et je l’ai connue au [lieu de travail de Fatim], là-bas, lors de mon travail. C’était une mère elle-même. C’est elle qui m’a amené la nourriture camerounaise. Quand elle me l’amène et me dit « Fatim, mange », j’ai dit « non, je n’ai pas faim, je ne vais pas manger, je veux juste des fruits… ». Elle me caressait les mains, elle me dit « Non, ma fille, il faut que tu manges pour que ton enfant soit en bonne santé. Ne pense pas à toi seule! ». Parfois là, même, elle prend la cuillère, elle prend la nourriture, elle me donne ça comme on donne à un enfant pour que je puisse manger. Et le jour de l’accouchement, c’est elle qui est à côté de moi. Quand on a ouvert, quand on a fait sortir ma fille de mon ventre, c’est à elle qu’on a donné le bébé. C’est elle qui a pris ma fille, et c’est elle qui était à côté de moi, quand je pleurais, je faisais toutes sortes de choses, parce que j’ai accouché vraiment péniblement. Je n’avais pas de péridurale ni rien. J’ai accouché naturellement et ce n’était pas facile.

Un accouchement entre indifférence et bienveillance

Un jour de printemps, Fatim ressent des contractions dans son ventre. Elle perd les eaux, alors qu’elle est seule chez elle, son amie étant partie en voyage au Cameroun. Désemparée devant l’inévitable, elle n’a d’autre choix que de prendre l’autobus pour se rendre jusqu’à l’hôpital, faute d’argent pour payer l’ambulance, qu’elle estime alors à 2000 $, ou d’amis proches pour la conduire à l’hôpital. En effet, au jour J, elle n’a que 33 $ dans son compte bancaire. Elle ne pouvait même pas se permettre de prendre un taxi.

Fatim : J’ai pris une robe, j’ai porté mes bottes, j’ai porté mon manteau. Quand j’ai eu les crampes du ventre, j’ai crié dehors. Une femme est venue avec sa voiture, elle m’a demandé : « Madame, qu’est-ce que vous avez? ». Quand j’ai dit à cette femme: « je suis sur le point d’accoucher », elle me dit « appelle l’ambulance, appelle l’ambulance. Je ne peux rien faire pour toi ». Elle m’a dit ça et elle est partie. Donc j’ai fait moi-même, j’ai marché doucement, doucement, doucement, avant de quitter, j’ai envoyé un message à [une amie]. J’ai dit : « [son amie], je suis sur le point d’accoucher ». Il y a une autre Africaine qui était mon amie, elle habitait à côté de moi. Elle-même et son mari étaient fâchés contre moi, et m’ont dit : « Pourquoi tu n’es pas venue chez nous? On allait t’accompagner à l’hôpital! ». Mais elle, elle était au travail. Je l’ai appelée. Je n’ai pas pu la joindre, donc je suis partie. J’ai pris l’autobus. Dans l’autobus tout le monde me regardait. Si des caméras pouvaient me voir, je criais, j’avais mal. Les gens me demandent : « Qu’est-ce que vous avez, madame? » Je dis que je suis sur le point d’accoucher. Il y a une qui m’a laissé sa place qui m’a dit « assois-toi ». J’ai dit « non, non, non, je ne peux pas m’asseoir, j’ai mal au ventre ». Donc, quand je suis arrivée au CHUL aussi, c’était imminent! Ils m’ont dit : « Il faut que cette femme-là on l’amène immédiatement dans une salle d’accouchement parce qu’elle est sur le point d’accoucher ». Et heureusement, celle sur laquelle je suis tombée, c’est un ange, c’est vraiment une personne de bonne volonté. […] Et quand je suis arrivée [la médecin] me dit : « Ah, c’est toi la fameuse Fatim dont on nous a parlé! » Donc, elle m’a fait rentrer dans la salle en attendant. Même quand [mon amie] est venue, et a demandé : « je cherche une fille, une fille noire, elle vient accoucher ». C’est elle-même qui a dit à [mon amie] : « Ah je suis le médecin de Fatim, c’est moi qui vais la faire accoucher tout de suite. Elle est dans cette salle. »

Arrivée vers 16h50 à l’hôpital, à 17h57, Fatim met au monde sa fille. Mais durant cette heure-là, elle doit subir derechef les impacts négatifs de l’absence d’assurance maladie, pour recevoir, par exemple, la péridurale.

Fatim : Pour la péridurale, même le médecin, ils ont appelé un anesthésiste pour qu’on puisse discuter entre nous. Lui, il est venu, j’ai dit : je veux avoir, est-ce que vous pouvez me faire une péridurale? Il me dit, il faut que je paye 1 000 $. Mon Dieu, j’ai oublié ma douleur! J’ai dit c’est bon. Je vais accoucher tout de suite… Et puis je lui ai dit de sortir. Il est parti.

C : Tu lui as dit de sortir?

Fatim : 1 000 $! Oui, je lui ai dit de sortir, j’ai dit : « tu n’as pas pitié de moi? ». Il me dit : « 1 000 $ ou rien madame, ce n’est pas mon problème ». Il m’a dit, il est sorti…

C : Il a vraiment dit ça Fatim?

Fatim : Oui! Il m’a dit « 1 000 $ ou rien ». Mais là, la femme, même l’infirmière qui m’a fait accoucher, elle était en colère contre [l’anesthésiste]. Parce que cette infirmière, c’était une amie aussi [de la médecin], je ne connais pas son nom, mais elle aussi, je la remercie beaucoup. Tous les jours, je prie pour elle. J’ai dit qu’il faut que Dieu la récompense parce que quand j’ai accouché aussi, le moment où j’étais sur le lit d’accouchement, je pensais à son argent. Je me dis combien elle va me dire…

Elle ne peut se concentrer uniquement sur la naissance de sa fille, son esprit étant absorbé par les freins financiers discrétionnaires.

Fatim : Parce que le problème des femmes qui accouchent ici sans papiers, sans RAMQ, le problème, c’est quoi? Ce n’est pas les frais d’hôpital. Tu peux trouver un arrangement avec l’hôpital pour payer les frais, petit à petit, selon tes moyens, mais le plus difficile, c’est le médecin qui va te faire accoucher. Si ce médecin a des problèmes, elle peut te dire : « Madame, tu dois payer 10 000 $ ». Et tu n’as pas le choix! Il faut que tu la payes. Il y a certaines même qui m’ont dit : « Je ne vais pas te toucher si tu ne payes pas cela. Je ne vais pas te faire accoucher », ou bien ils te disent : « OK, je vais te faire accoucher, mais il faut que tu me payes mon argent ». Il y a des ententes qui se font même avant que tu accouches. Tu vois, moi, j’ai lu ça dans les articles. Ce n’était pas mon cas à moi, mais je lis ça dans beaucoup de témoignages des femmes qui ont accouché.

Heureusement pour elle, la bienveillance de certaines médecins dont elle a bénéficié depuis sa transition du milieu communautaire au milieu hospitalier s’est poursuivie jusqu’au dernier instant. Les relations d’entraide construites entre le personnel médical ont été déterminantes pour lui assurer un minimum d’intégrité, de sécurité et de paix d’esprit lors de son accouchement.

Fatim : [La médecin qui l’a accouchée] m’a dit quand je suis venue seulement, elle me dit : « Ah! C’est toi, Fatim, la fameuse brune. Telle personne m’a parlé de toi. OK, viens ». Je suis venue. Elle me caressait même le ventre parce que j’avais mal. Elle me dit « Ça va aller, ma chérie ». Quand je dis : « je vais faire la péridurale » elle m’a catégoriquement interdit parce qu’au moment où je suis arrivée à l’hôpital, j’étais déjà à dix doigts… J’allais accoucher d’une minute à l’autre. Elle a même refusé d’aller prendre sa pause parce qu’elle devait aller prendre sa pause de 30 minutes. Elle dit que si elle part, je vais accoucher avant qu’elle revienne. […] Qui a un bon cœur vraiment! Quand j’ai accouché, elle me dit que j’ai une adorable petite fille, qu’elle renonce à son argent, et que Dieu bénisse ma fille. C’est ce qu’elle m’a dit. Et puis elle est sortie. […] La dame a dit qu’il ne faut pas que je fasse plus de deux nuits, qu’elle-même va se porter garante d’aller me voir chez moi et que ces gens…

Son accouchement rapide, puis l’assurance qu’elle obtiendra des soins à sa sortie de l’hôpital, lui permettent de ne rester qu’une seule nuit à l’hôpital et ainsi éviter de payer davantage. Car, la facture qu’elle reçoit à la sortie de l’hôpital s’élève déjà à 6 000 $.

Fatim : Oui, j’ai juste fait une nuit et, le lendemain, ils m’ont autorisée à rentrer à la maison vers 18 heures, à six heures du soir. Donc, j’ai appelé mon amie et son mari qui sont venus me chercher. Et puis, cette [amie], cette maman-là qui était à côté de moi, y avait aussi son mari qui était venu me chercher. Mais le problème, eux, n’avaient pas de siège d’auto dans leur voiture. Donc, c’est mon amie qui en avait dans sa voiture. J’ai dû rentrer dans la voiture de son mari et ensuite [amie] et son mari nous ont suivis jusque chez nous, à la maison.

C : C’est ton amie qui avait un siège d’auto?

Fatim : Oui, mais moi aussi j’ai acheté un siège auto et j’ai acheté une poussette, j’ai acheté un berceau pour ma fille parce que c’est mon amie qui avait pris tous ces renseignements-là. Elle m’a dit : « Fatim, on dirait que si tu accouches ici, le bébé doit dormir dans un berceau parce qu’une infirmière va venir voir à la maison. Donc, il faut catégoriquement avoir son berceau ». J’ai dit OK et on a acheté ça en ligne sur Kijiji. La personne est venue nous livrer. C’était un berceau presque neuf et une poussette aussi. […] J’ai acheté une poussette. J’ai acheté aussi un siège auto parce qu’elle me dit qu’apparemment, si tu accouches, le bébé ne sort pas de l’hôpital sans siège auto.

C : Oui, ça c’est vrai. Ça, c’est « légal ».

Étudiante étrangère, Fatim a tout de même pu bénéficier, grâce à sa bourse d’études, d’un congé de maternité subventionné. Ce congé de maternité lui est essentiellement octroyé sous prétexte de son statut d’étudiante et de mère monoparentale. Si ce congé est payé, aucune assurance maladie ne suit. Sa précarité financière l’amène donc à travailler jusqu’au dernier mois de sa grossesse. Ainsi, c’est grâce à sa bourse et à son faible revenu qu’elle arrive tant bien que mal à payer son logement et les frais de services de soins sans compter sur un congé de maternité payé.

Fatim : Mais je travaille jusqu’à 8 mois durant ma grossesse, donc 20 heures par semaine; toutes les deux semaines, j’étais payée comme 40 heures. J’utilisais cet argent pour payer mon loyer. Une semaine pour le loyer. Une autre paie encore pour autre chose, la nourriture et ensuite l’argent de la bourse, c’est ça que j’utilisais pour la petite. Des fois, aussi, il y avait son père qui nous envoyait de l’argent tout le temps.

Toutefois, elle aurait pu obtenir plus tôt son congé de maternité et, par conséquent, un revenu minimal pour assurer tous ses frais; la méconnaissance de ses droits ralentit son accès à ce soutien.

Fatim : À un mois, j’ai pu avoir accès à mon congé de maternité. Alors, à ce moment-là, la RTAP a commencé à me payer de l’argent parce que j’avais fait ma demande un peu plus tard. À huit mois, je ne savais pas que j’avais accès à un congé de maternité. Donc, c’est une amie qui m’a dit « non, tu acceptes » – parce que je travaillais beaucoup, surtout durant la grossesse – « beaucoup de femmes ne font pas ça. Il faut faire une demande, ils vont te donner ». Ils m’ont donné, mais c’est venu un peu en retard. J’ai pu l’avoir un mois après mon accouchement. L’allocation aussi, ça, c’était deux mois après mon accouchement, alors que, lorsque c’est venu, j’ai commencé à rembourser un peu les sommes du CHUL.

Mais le parcours de soins périnatal n’est toujours pas fini après l’accouchement, sa fille étant née avec un poids inquiétant d’environ deux kilos. Ce « nouveau » parcours postnatal est encore une fois loin d’être un repos financier pour Fatim, qui doit débourser dorénavant pour ses propres soins et ceux de sa fille.

C : Est-ce que ça a nécessité des soins particuliers?

Fatim : Oui, oui, parce que chaque fois ils venaient pour faire des prises de glycémie et me disaient que normalement ils ne devraient pas m’autoriser à partir avec le bébé parce qu’elle était petite. Les bébés de petit poids ils ont un cœur un peu faible et peuvent avoir des problèmes tout le temps à la maison. Mais il a fallu que ce soit la médecin même qui m’a fait accoucher, qui s’est dite garante parce qu’elle a fini sa garde le matin, donc c’est un autre qui est venu la remplacer et cet autre-là ne voulait pas que je rentre à la maison. Mais elle, avant de partir, elle a donné sa parole et elle a dit : « Je te donne ma parole, je vais aller voir cette fille-là chez elle, je vais m’occuper de sa fille. Je vais faire en sorte qu’elle puisse donner de la nourriture à sa fille et l’allaiter comme il faut. Ne t’inquiète pas, mais il faut que cette fille rentre chez elle. Elle n’a pas les moyens. L’hôpital va la charger beaucoup ». Donc, elle a expliqué ça à son collègue et le collègue dit qu’il allait réfléchir. C’est vers 5 heures, en après-midi, qu’il est venu me voir et me dit : « Madame, tu pourras sortir à 18 heures, avec ta petite pour rentrer chez toi ». Et c’est ce qu’on a fait, mais la médecin, elle, venait chez moi. Elle est venue deux ou trois fois. Vu que je n’avais pas de téléphone, elle nous a contactées avec le téléphone de Joséphine pour venir à la maison.

C : Donc à la maison, elle faisait une consultation pour voir si le bébé allait bien. Puis elle examinait aussi pour voir si tu allais bien ?

Fatim : Oui, elle m’examinait, mais il y avait une infirmière du CLSC qui venait aussi pour peser la petite. Mesurer sa tête, prendre son poids et me dire comment je dois la laver, comment je dois l’habiller, la température de la maison doit être à tel niveau. L’infirmière du CLSC est venue deux fois pour ça.

C : Deux fois.

Fatim : Oui.

C : Et puis, est-ce que tu as dû payer cette consultation?

Fatim : Ah oui! Cette femme, il y en a une qui m’a demandé de l’argent. J’ai dit : « je ne savais pas qu’on payait parce que j’ai une amie qui m’a dit qu’on a fait ça pour elle gratuitement ». Elle me dit : « oui, mais cette amie, il y a des résidents permanents. Toi, tu n’es pas résidente permanente, tu es étudiante. Donc tu dois me payer ».

C : Combien?

Fatim : J’ai payé dans les environs de 100 $, c’était dans l’intervalle de 100 $, mais je ne me souviens pas, c’était dans les 150 $, 180 $ quelque chose… Mais je ne me souviens pas. C’était 150, 180 quelque chose du genre. Mais l’autre, la deuxième infirmière, quand j’ai dit que je n’avais pas d’argent, elle, elle est partie. Elle dit : « Ce n’est pas grave ».

De nouveau, son statut migratoire brime son accès aux soins de santé, mais aussi celui de sa fille qui est pourtant, selon la Loi sur la citoyenneté, une citoyenne canadienne. Le décalage entre le statut de sa fille et son accès aux soins se dessine comme une incompréhension et une frustration pour la nouvelle maman. Néanmoins, sa résilience l’encourage à persister et à trouver les meilleures stratégies pour payer les factures et assurer les suivis de soins nécessaires.

Fatim : […] Moi, quand ils me disent, il y a des fois, ça me fait mal. Je me dis : « mais c’est injuste! Je suis dans un pays, là où les gens qui nous ont fait venir payent beaucoup d’argent au gouvernement québécois pour qu’on puisse étudier ici. Et puis, nous, on paye nos impôts, on paye nos taxes, et puis on paye nos assurances aussi. » Un enfant? L’enfant qui est née, dès qu’elle naît ici, elle est Québécoise, elle est Canadienne donc c’est une innocente. […] Vous voyez? Un enfant ne choisit pas ses parents. Elle n’a pas, ma fille, choisi ses parents. Une famille qui est pauvre ou bien une famille qui n’avait pas de carte d’assurance maladie. On doit avoir ce genre d’idéologie dans la tête, donc ce je me dis, c’est que peut-être, ces personnes ne sont pas de même nature que nous. Je me limite là, je paye la personne. Et puis je me dis : « ce n’est pas grave ». Mais je dis à la personne : « mais vous savez, si tu étais dans mon pays, tu allais être soignée gratuitement. » La personne répond : « Ah bon? ». Je bavarde avec la personne, je dis : « si c’est dans mon pays, que tu es malade et que tu dois accoucher tout de suite, ils vont s’occuper de toi, tu n’as rien à payer, rien, rien du tout. Mais ici, on me dit de payer ». Certains me disent : « Je te comprends, mais ici, c’est un autre système. Il faut comprendre comme ça ». Je dis OK. Je m’arrête.

La raison donnée par l’administration pour expliquer l’impossibilité pour sa fille d’avoir la carte d’assurance maladie est le fait que Fatim n’a pas de permis de travail. Même si elle a eu le droit de travailler un maximum de 20 heures par semaine, cette possibilité était uniquement liée à son permis d’étudiante étrangère. Faute de pouvoir obtenir un permis de travail, Fatim se décide à demander la résidence permanente pour demeurer au Canada avec sa fille.

La période postnatale tout aussi ambivalente

Cette résidence permanente, Fatim commence à y penser sérieusement à la fin de ses études, en décembre 2019. Elle choisit de faire la demande pour des motifs humanitaires. Le processus n’est pas simple considérant l’entente sous-jacente à la bourse d’Affaires mondiales Canada qui, en octroyant la bourse, refusait que les participant·e·s demandent la résidence permanente.

C : Et puis, pourquoi est-ce que tu as fait une demande pour motifs humanitaires?

Fatim : Parce que moi, quand j’ai fini les études, je n’avais pas le droit de rester ici. Donc, la seule alternative pour rester au Canada ici est de faire une demande pour motifs humanitaires. Dans cette demande, je dois montrer ce que je paye à la société canadienne comme avantage. Quelle est ma participation dans ce pays? Qu’est-ce que je fais de bon? Donc, j’ai réuni tous ces documents, les déclarations de revenus, les assurances, assurance maladie, assurances habitat. Tout ce que je fais de bon ici, je dois prouver ça pour qu’on m’accepte, pour que je reste ici […].

Outre ce processus, sa période postnatale est aussi marquée par ses obligations financières : rembourser les frais dus à l’hôpital et au personnel médical.

Fatim : […] Comment j’ai pu payer surtout les frais du CHUL? C’est avec l’allocation canadienne de ma fille que je payais l’hôpital parce que quand j’ai accouché, je n’ai pas pu régler les frais de l’hôpital automatiquement. Non, j’ai fait une entente de paiement pour payer 300 $ chaque mois. […] Donc, c’est ce 6 000 $ [dus à l’hôpital] d’autant plus que je payais 300 $ chaque mois et ce 300 je le prélevais sur l’allocation de la petite. Quand l’allocation canadienne vient donc, je prends les 300, je pars le donner au CHUL.

Elle doit en plus se trouver un nouveau logement dans lequel elle habite seule avec sa fille, son ancienne colocataire ayant changé de province. C’est dans un 2 ½ qu’elles passent les premiers mois de leur vie ensemble.

Durant cette période difficile, la nouvelle maman reconnaît toutefois la « chance » qu’elle a d’avoir reçu autant de soutien d’ami·e·s, de connaissances comme d’inconnu·e·s. C’est en particulier de la part d’étudiant·e·s étranger·e·s, d’immigrant·e·s temporaires comme elle que Fatim reçut le plus de soutien.

Fatim : Comme je vous ai dit, j’ai beaucoup de personnes qui m’ont vraiment aidée. J’ai cette chance. Peut-être que beaucoup de femmes n’ont pas cette chance, mais moi, j’ai des gens qui m’ont aidée, des gens de n’importe quel pays, je ne les connais pas, je ne connais pas leur père, je ne connais pas leur mère. On ne s’est jamais vus auparavant. On s’est connus au Canada ici, mais ils ont vraiment dépensé de l’argent pour moi. Ils ont fait tout pour moi ici, donc c’est ça ma chance. Parce que sans leur aide, je ne sais pas comment j’allais m’en sortir.

Cependant, elle a aussi bénéficié du soutien de son mari, demeuré au pays, qui l’encourage à ne pas abandonner malgré les choix déchirants et les difficultés propres à élever son enfant seule dans une province où ses droits ne sont pas reconnus à part entière.

Fatim : […] Donc, c’est lui, même aujourd’hui, quand je l’ai appelé, j’ai dit : « je ne sais pas si je vais pouvoir tenir encore, qu’ici, je suis seule, dans cette période de confinement à la maison. « Je sens que la famille me manque ». Quand je lui ai dit ça, il me dit : « non, non, il ne faut pas que tu penses à ça ». J’ai dit : « mais, je suis seule ici, avec un enfant, ce n’est pas facile », mais il me dit : « Non, tu fais ça pour que nous puissions aller de l’avant et qu’on puisse avoir une vie meilleure. Toi-même, tu sais ce qui se passe dans notre pays d’origine présentement, avec les conflits armés, avec l’insécurité et dans toutes les villes du pays, partout, on tire même les gens, dans la capitale maintenant, pour leur argent, donc, ce n’est vraiment pas facile ». C’est pourquoi il me dit de penser à eux, de penser à notre petite. Que tout ça, là, va finir.

Et aujourd’hui?

Aujourd’hui, Fatim est toujours en attente de sa résidence. De plus, ayant terminé sa maîtrise, elle ne bénéficie plus du statut d’étudiante étrangère ni de la bourse relative ou de toute autre allocation. Cette zone grise administrative dans laquelle elle se retrouve s’avère une impasse pour subvenir « légalement » à leurs besoins.

Fatim : Mon statut, c’est toujours le même [rires], mais je travaille quand même parce que normalement, ils me disent, l’immigration me dit que si je fais cette demande, je ne dois pas travailler. Mais si je ne travaille pas, comment je vais nourrir ma fille?

[…]

C : Puis tu payes de l’impôt et tout ça?

Fatim : Tout! Je paye tout. Je ne sais pas comment je paye, mais…

C : Mais tu n’as pas de statut de résidente là…

Fatim : Non.

C : Et puis, en théorie, t’as pas le droit de travailler?

Fatim : Oui, c’est ça.

C : Mais, eux, ils te payent… Je me demande c’est quoi, comment ils font?

Fatim : Oui, eux me payent. Mais je n’ai pas le droit de travailler. Je n’ai rien. Présentement, je n’ai pas de statut, rien, même l’allocation, ils ont arrêté ça à partir du mois de décembre. C’est pourquoi je dis : « il faut que je travaille, sinon je vais nourrir ma fille comment? ». On ne va pas aller quand même mendier dans les maisons. Non! Ce n’est pas possible. J’ai mes deux mains, je sais me servir pour travailler.

Depuis le mois de décembre, Fatim est dorénavant seule d’un point de vue économique. C’est d’ailleurs pourquoi, en raison d’un manque d’argent, qu’elle doit reporter sa demande de résidence permanente au mois de mai 2020. Entre-temps, elle continue de travailler à la résidence, désormais à 40 heures par semaine, où elle est grandement appréciée.

Fatim : Des personnes âgées partaient voir la directrice : « Oh, vous avez une nouvelle préposée. Elle est, elle est juste fantastique. Elle est comme ci, elle est comme ça. Il faut que vous gardiez cette fille-là. On a besoin qu’elle reste ». […] Quand je faisais prendre le bain à ces aînés, on me disait que j’avais une façon particulière de le faire, contrairement aux autres. Les autres leur font plus mal, moi je suis douce dans tout ce que je fais, donc qu’il faut qu’ils m’embauchent.

[…]

C : Et la petite, elle va où pendant ce temps-là?

Fatim : Elle part à la garderie. J’ai une gardienne. Oui, vu qu’elle, elle est canadienne, donc elle a son numéro d’assurance sociale. Elle a aussi son passeport. Je paye la garderie 30 $ par jour.

C : Je comprends. C’est une situation compliquée…

Fatim : [silence prolongé] Très compliquée.

C : Oui, et puis, est-ce qu’il y a des jours où c’est plus difficile?

Fatim : Oui, il y a des jours, surtout avec cette maladie-là, dans mon milieu de travail, là-bas, je m’étais dit : « bon, quand je vais attraper la maladie, est-ce qu’on va me payer les congés de maladie? Est-ce que je vais pouvoir me soigner? ». Parce que je sais que si jamais j’attrape le COVID, pour me soigner, ça va être une affaire pour moi. Donc, ma prière, tous les matins, je prie donc, ce sont des prières pour que je n’attrape jamais le COVID. C’est pourquoi, chaque fois, quand je pars faire le test et qu’on m’appelle pour dire que mon test est négatif, je remercie Dieu. Je dis : « Ah, Dieu, merci, je ne sais pas ce que je vais faire sans ça ».

Mots de la fin écrits par Fatim

Pour terminer le récit de Fatim, nous partageons le courriel qui résume en quelques mots son parcours de grossesse et qui exprime le besoin de compréhension et de soutien pour les femmes qui accouchent au Québec sans couverture d’assurance maladie.

Bonjour C.,

En résumé, la façon dont j’ai vécu ma grossesse.

Au tout début, j’étais heureuse, car la venue d’un enfant doit être une source de joie et un long chemin à parcourir pour une nouvelle vie.

Devenir maman est une expérience exceptionnelle pour laquelle on se pose trop de questions et sans avoir la réponse que lorsqu’on accouche.

J’ai attendu ma petite avec un sentiment de joie et de préoccupation.

Car je me trouvais dans un état différent que je ne connaissais pas avant.

Pour moi, mon pays et le Canada (Québec) sont deux mondes différents.

Cette grossesse a été pour moi un véritable combat auquel je n’étais pas du tout armée pour affronter.

Je ne peux que remercier Dieu et toute personne qui m’ont aidé de près ou de loin à soulever ce lourd fardeau qui est d’accoucher à Québec sans RAMQ.

Car ce n’est pas facile ni pour moi ni pour aucune femme au monde de se trouver dans de telles situations.

Aujourd’hui, cette expérience exceptionnelle que j’ai traversée représente un passé douloureux pour moi. Des fois je me pose des questions.

Pourquoi rendre la vie si difficile aux femmes sans RAMQ?

Toutes ces mamans ne cherchent pas à accoucher ici pour obtenir la citoyenneté canadienne, mais accoucher ici devient une nécessité pour soit :

  • sauver la vie de leur enfant,
  • protéger leur enfant contre une maladie chronique mortelle,
  • ou bien par peur qu’on les enlève.

Raisons pour lesquelles ces femmes méritent toute la compréhension de la société québécoise et canadienne.