Méthode : recrutement et entretiens
Les participant·es – Asseita, Nelly, Fatim, Hamscha, Fatine et Malek[1] – ont été recruté·es grâce aux milieux communautaires et de santé œuvrant avec la population immigrante de Québec, soit la Coopérative de solidarité SABSA, le Service de référence en périnatalité pour les femmes immigrantes de Québec et Santé Monde. Pour des raisons de confidentialité, des soignantes de la Clinique SPOT ont, en effet, préféré que l’équipe recrute à l’extérieur de sa clientèle. En contactant les intervenantes de ces lieux en leur faisant part de notre projet de recherche, celles-ci ont diffusé l’information directement à des femmes qu’elles estimaient susceptibles de répondre aux critères de participation.
Sept entrevues semi-ouvertes et semi-structurées ont été réalisées par quatre membres de l’équipe avec six femmes et un homme dont la femme est décédée pendant la grossesse. Les entretiens peuvent être compris comme des conversations lors desquelles le chercheur ou la chercheuse se positionne dans une posture d’écoute pour accueillir la parole de l’autre. L’objectif était de permettre à la personne de nous raconter brièvement son histoire de migration, en insistant sur certains thèmes tels que les motifs, les circonstances entourant cet événement et l’organisation ayant présidé l’installation. Les autres thèmes abordés concernaient l’histoire autour de la grossesse et de l’accouchement, les ressources dont disposait la personne, celles qui lui ont manqué et les solutions et stratégies qui ont été envisagées et réalisées pour répondre à l’épreuve. Au cours de cet entretien, nous avons accordé une attention particulière au thème de l’épreuve afin de mieux comprendre comment la personne a vécu son expérience de grossesse au Québec.
Le contexte pandémique dans lequel s’est déroulée la recherche a forcé une collecte des récits à distance, en ligne, via les plateformes Teams ou Zoom ou par téléphone. Les entrevues ont été enregistrées en vue de permettre l’utilisation du matériel lors de l’analyse. La durée moyenne des entrevues a été de 75 minutes. Six des sept entrevues ont fait l’objet d’analyse.
Après une transcription et une anonymisation des entrevues, deux membres de l’équipe (EA et MCB) se sont attelées à la configuration des récits, soit une mise en ordre chronologique du parcours comprenant des extraits de verbatim et des résumés narratifs. Une telle configuration a l’objectif de donner une fluidité à la lecture du parcours, du cheminement des mères et du père, de l’enchaînement des événements, des obstacles rencontrés et des solutions trouvées. Parfois, l’assemblage peut faire émerger de nouveaux sens aux situations vécues, raison supplémentaire pour laquelle les récits, ainsi reconstitués, ont été remis aux participant·es pour qu’elles et lui les relisent, confirment, corrigent ou nuancent leur parcours respectif. En parallèle, une première analyse thématique a été réalisée de manière collaborative. Trois membres (MN, EA et SD) se sont d’abord concertées pour faire ressortir les grands thèmes et synthétiser une compréhension commune des récits de vie avant que l’une d’elles (MN) effectue une analyse thématique plus systématique à l’aide du logiciel NVivo. Ensuite, l’ensemble de l’équipe de recherche s’est penchée sur la validation de cette première étape, puis sur sa vulgarisation. À cet effet, un résumé des résultats obtenus a été envoyé aux parents participants. Les discussions collectives qui ont suivi la réception des résultats afin d’obtenir une validation unanime s’inscrivent dans notre souci d’éviter certaines formes d’injustices épistémiques liées aux difficultés de conceptualiser, de générer des connaissances à partir des récits de vie. Autrement dit, le retour vers les participant·es a permis d’éviter les injustices herméneutiques associées aux injustices épistémiques.
Avec, d’une part, les résultats de l’analyse thématique et, d’autre part, les récits reconstitués, l’équipe a aussi élaboré des pistes d’action, des recommandations politiques en vue de ce présent plaidoyer. De même, lors d’une visioconférence avec trois des six participant·es, les deux mères et le père ont fait ressortir à leur tour des recommandations à l’intention des différent·e·s acteurs et actrices impliqué·e·s. La voix des mères et du père touché·es par cette problématique a ainsi pu ressortir aux différentes étapes de la recherche. Ce travail collaboratif a finalement été remis, en septembre 2022, à la Clinique SPOT afin de l’arrimer à leur propre projet portant sur les femmes enceintes immigrantes sans assurance maladie et de peaufiner le volet plaidoyer.
- Il s'agit de prénoms anonymisés et consentis par les participant·es. ↵