17 Dialogues pour réinventer la démocratie. Présentation d’un numéro d’Éthique publique (2011)

Florence Piron

Ce numéro d’Éthique publique marque pour moi un moment important, à savoir mon retour intellectuel vers l’Afrique. De plus, l’originalité de ce numéro composé de dialogues entre des chercheurs et chercheuses juniors et seniors représente bien mon envie d’imaginer d’autres manières de publier.

Source : (2011). « Présentation ». Dialogues pour réinventer la démocratie. Éthique publique, vol. 13, n° 2. https://journals.openedition.org/ethiquepublique/518

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Chaque jour, dans les pays occidentaux, la classe politique est attaquée. Nombreuses sont les critiques et les railleries. Montée de l’abstentionnisme électoral, chute de l’engagement dans les partis, indifférence apparente à l’endroit des affaires publiques, tels sont les symptômes d’un malaise, voire d’une crise de la démocratie représentative libérale. Dans les États postcoloniaux plus récents, les aspirations démocratiques doivent affronter de grandes inégalités économiques et sociales, l’impuissance politique, le manque de ressources, l’accès insuffisant à l’information et bien d’autres obstacles. La corruption, la langue de bois et l’hypocrisie n’épargnent aucun pays. Dans ces situations, bien des citoyens et citoyennes se laissent gagner par le cynisme, alors que d’autres décrochent carrément de la politique et se concentrent sur leur monde privé. D’autres au contraire « occupent » les espaces publics en revendiquant le droit à une démocratisation radicale de la vie politique de leur pays qu’ils et elles jugent beaucoup trop soumise au pouvoir de l’argent, des entreprises privées ou de dictatures inamovibles. Dans tous les cas de figure, il y a bel et bien crise de la démocratie et nécessité de la réinventer.

Afin d’aller plus loin qu’une énième description de cette crise et de ses remèdes, la revue Éthique publique a décidé d’innover et d’ouvrir ses pages à des dialogues entre de jeunes citoyen·ne·s issu·e·s de toute la francophonie, âgé·e·s de moins de 25 ans, et des acteurs et actrices politiques plus « seniors » : des chercheurs et chercheuses, des journalistes, des politiciens et politiciennes. Pour donner la chance au plus grand nombre possible de jeunes de prendre ainsi la parole dans l’espace public, nous avons organisé un concours durant l’hiver 2011. Le concours « Notre démocratie! »[1], publicisé au moyen du blogue de la revue Éthique publique, de Facebook, de Twitter, de Radio-France Internationale, de l’Organisation internationale de la Francophonie et de toutes sortes d’autres réseaux, invitait tou-te-s les jeunes francophones de 15 à 25 ans à soumettre un texte d’au plus 2000 mots en réponse à la question : « Quelles sont vos propositions concrètes pour réinventer une démocratie et une vie politique qui inspirent confiance et fierté? » Un jury composé de sept personnes a ensuite voté sur chacun de ces textes : Mme Lise Payette, ancienne ministre du gouvernement québécois, écrivaine et chroniqueuse dans le journal Le Devoir, Mme Corinne Lepage, ancienne ministre du gouvernement français et députée européenne, M. Michel Venne, ancien journaliste et directeur de l’Institut du Nouveau Monde (Montréal), M. Vincent Deslauriers, ancien candidat à la mairie de Québec et maintenant agent de participation citoyenne au Forum jeunesse de la région de la Capitale-Nationale (Québec), Mme Ratiba Hadj-Moussa, professeure à l’Université York (Toronto), M. Jean-Herman Guay, professeur à l’Université de Sherbrooke (Québec), et moi-même, Florence Piron, professeure à l’Université Laval (Québec). Le jury devait surtout tenir compte du contenu des idées proposées et de leur justification, ainsi que de la connaissance du contexte politique démontrée par les jeunes auteurs et autrices, et moins de la forme du texte, nécessairement retravaillée pour la publication. Un grand merci à ces collègues pour leur travail patient et rigoureux.

En trois mois, nous avons reçu 44 textes, dont 17 écrits par des femmes et 27 par des hommes. Voici la répartition du nombre de textes par âge : 17 ans (1 texte), 18 ans (2 textes), 19 ans (2 textes), 20 ans (8 textes), 21 ans (3 textes), 22 ans (6 textes), 23 ans (8 textes), 24 ans (6 textes) et 25 ans (8 textes). Les textes se répartissent ainsi par origine géographique : 26 textes sont venus d’Afrique (République démocratique du Congo : 6, Bénin : 4, Cameroun : 4, Gabon : 3, Sénégal : 2, Burundi : 2, Togo : 2, Côte d’Ivoire : 1, Madagascar : 1, Maroc : 1), 10 sont venus d’Amérique (Canada : 10, dont 9 du Québec) et 8 sont venus d’Europe (France : 5, Allemagne : 1, République de Moldavie : 1, Royaume-Uni : 1). Après une lecture attentive et un vote argumenté, le jury a choisi 21 textes gagnants. Les auteurs de trois d’entre eux n’ayant, hélas, pas donné signe de vie, nous avons retenu 18 textes aux fins de publication. Chaque auteur ou autrice a aussi reçu un chèque-cadeau d’une valeur de 100$ canadiens offerts par les organismes suivants, partenaires du concours : la Commission canadienne pour l’UNESCO, la Chaire UNESCO d’étude des fondements philosophiques de la justice et de la société démocratique de l’Université du Québec à Montréal, l’Institut d’éthique appliquée de l’Université Laval, le Forum jeunesse de la région de la Capitale-Nationale, la revue L’Année francophone internationale et l’Institut du Nouveau Monde (sous la forme d’une inscription gratuite à son école d’été).

La deuxième étape du processus fut l’invitation à répondre à ces 18 textes que nous avons lancée à des chercheurs et chercheuses, journalistes et politicien·ne·s issu·e·s des trois continents d’où venaient les lauréat·e·s. Douze ont accepté : trois ex-journalistes devenus professeurs d’université ou acteur de la société civile, une députée européenne, un ex-député canadien devenu professeur, un ex-candidat à la mairie devenu agent de participation citoyenne et six professeur·e·s d’université (deux de France, deux du Québec et deux d’Afrique, dont un enseigne aux États-Unis). Chacun·e de ces « répondant·e·s » a préparé un texte de quelques pages en réponse à un ou deux textes gagnants, ce qui a permis de constituer les « dialogues pour réinventer la démocratie » qui représentent l’essentiel de ce dossier. Loin de toute forme de paternalisme condescendant, ces réponses argumentent, critiquent, précisent les propositions des jeunes lauréat·e·s, mais savent aussi reconnaître leur pertinence et le désir aigu qu’elles manifestent d’améliorer la qualité de la vie démocratique de leur pays, qu’il s’agisse d’une toute jeune démocratie ou d’une vieille république… Afin de compléter le dossier, Jean-Herman Guay propose un survol des débats actuels sur la démocratie et Eugénie Dostie-Goulet, un bilan des connaissances actuelles sur les rapports entre les jeunes et la démocratie. L’existence même de ce dossier dans la revue Éthique publique montre en tout cas que la démocratie est un sujet qui rassemble les générations, même si c’est pour débattre sans complaisance des idées des un·e·s et des autres.


  1. Tous nos remerciements aux différentes personnes qui ont aidé à la réalisation du concours et à la constitution des dialogues, notamment Sarah-Anne Arsenault, Élisabeth Barot et Marema Toure Thiam.

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La gravité des choses Droit d'auteur © 2024 par Florence Piron est sous licence License Creative Commons Attribution - Partage dans les mêmes conditions 4.0 International, sauf indication contraire.

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