17 Permanence et invisibilité des paiements directs pour le VIH en République Démocratique du Congo
Séverine Carillon et Valéry Ridde
Introduction
La gratuité des soins dans le contexte du VIH figure comme l’un des succès de la lutte contre le sida tant sur un plan politique, éthique que médical (Gilks et al., 2006; Souteyrand et al., 2008). Pour autant, le paiement direct réclamé aux personnes vivant avec le VIH (PVVIH) pour des services de santé fournis par le secteur public tels qu’une consultation, des tests de laboratoire et des médicaments contre les infections opportunistes sont parfois considérables dans des pays d’Afrique subsaharienne (Boyer, 2009). Dans une étude conduite à Lubumbashi en République Démocratique du Congo (RDC) par Médecins Sans Frontières (MSF), les coûts directs revenants aux personnes hospitalisées pour le VIH se sont avérés être, en moyenne, d’un peu plus de 200 US$, dépassant le revenu mensuel des patient-e-s dans 63% des cas. Celles atteintes d’infections opportunistes ont encouru des coûts supplémentaires pouvant atteindre 31 US$ (Médecins Sans Frontières, 2016). De nombreuses données probantes montrent que le paiement direct au point de service réduit l’accès aux soins et aux traitements pour les individus les plus pauvres (Ridde et al., 2012) ainsi que leur adhérence aux traitements (Mills et al., 2006). Or, dans le contexte du VIH, une prise en charge tardive ou un défaut d’observance aux traitements antirétroviraux (ARV) constituent un risque important de dégradation de l’état de santé des personnes et de transmission du virus. Dans ce contexte, le paiement direct de certains soins pour des PVVIH peut avoir un effet délétère pour la santé des populations et constitue un enjeu de santé publique majeur.
Dans les écrits scientifiques, la réalité du reste à charge tend à se cantonner dans l’ombre des succès de la gratuité (Taverne et al., 2013). Les rares données disponibles sont particulièrement alarmantes dans le contexte de la RDC, pays dans lequel le système de soins est particulièrement affaibli. La faible prévalence du VIH (1,2%) ne doit pas masquer une situation préoccupante concernant la couverture des interventions VIH et l’accessibilité aux soins. En dépit de la gratuité des soins associés au VIH, légiférée depuis 2008 en RDC, la contribution des ménages aux dépenses constitue l’une des principales sources de financement de la réponse à cette épidémie. En 2013 et 2014, les dépenses des ménages – c’est-à-dire celles engagées par les familles pour payer les services ou les intrants y afférents – ont représenté 45% des dépenses globales de santé pour le VIH (PNMLS, 2016). Les ménages font donc encore face à des coûts pour accéder aux services de soins VIH. Ainsi, ce chapitre vise, à partir d’une revue documentaire (Kayesa & Shung-King, 2021), à mettre en évidence les connaissances existantes dans la littérature grise sur la présence des paiements directs au sein des interventions de lutte contre le VIH en RDC ainsi que leurs conséquences et conditions de mise en œuvre. Il s’agira de dégager le besoin en connaissances dans le contexte de la RDC.
Méthode
Définition de la revue documentaire
L’analyse documentaire proposée a été réalisée en 2018 dans le cadre d’un projet plus large porté par l’ONUSIDA visant à mieux comprendre cette question du paiement direct dans le contexte des interventions de lutte contre le VIH en Afrique de l’Ouest et du Centre. Elle est centrée sur la littérature grise (rapports d’étude, d’expertise, d’évaluation; plan stratégiques nationaux; documents de lois, normes, procédures; communications dans les conférences, posters; etc.) rapportant des données sur la présence, les montants et l’impact des paiements directs par les usagers et les usagères dans le cadre de la prise en charge du VIH en RDC.
Critères d’inclusion
Cette recension a été effectuée à partir de cinq critères préalablement définis : des documents publiés (1) depuis 2010; (2) en anglais ou français; (3) produits par une institution publique, un chercheur ou une chercheuse, une organisation internationale, une ONG, ou une institution reconnue; (4) traitant du paiement direct dans les formations sanitaires ET des interventions de VIH; (5) concernant la RDC.
Sources d’information et recherche documentaire
Deux méthodes de collecte de données ont été mises en œuvre :
- Un envoie de document par un consultant présent en RDC ainsi que des envois de documents par MSF Belgique à partir de leur propre base de données;
- Une recherche faite par nos propres soins articulant :
a) Une recherche documentaire sur Internet en utilisant :
- les moteurs de recherche spécifiques pour la littérature grise : Open Grey, Wholis, BDSP, National Information Center on Health Services Research and Health Care Technology (NICHSR), HAL, EThOS, Grey Litterature Report, SSRN (Social Science Research Network) ainsi que sur Google Scholar. Les concepts et mots clés associés utilisés dans la recherche ont été : « user fees », « HIV », « Democratic Republic of Congo » ou « DRC » ou « DR Congo », « out-of-pocket », « fees », « free care » ou « free healthcare », « free of charge », « cost », « payment » et « health expenditure ». Pour les documents en français, les mots clés ont été : « paiements directs », « VIH », « RDC » ou « République Démocratique du Congo » ou « RD Congo », « gratuité », « frais », « coût », « reste à charge », « dépenses de santé ».
- un blog : Health Financing in Africa.
- les sites internet :
- des ONG présentes en RDC : MSF, MDM, PATH, ICAP, Save the children;
- des institutions internationales : PNUD, UNFPA, ONUSIDA, WHO;
- des agences gouvernementales de coopération : PEPFAR, Banque mondiale, USAID, UNITAID, Fonds Mondial, CDC;
- des instances gouvernementales de RDC : PNLMS, Ministère de la Santé;
- des conférences internationales VIH : IAS, AFRAVIH, AIDS;
- des organisation de la société civile : Femme plus, UCOP+ , la Plateforme Régionale Francophone, l’Observatoire de la qualité de prise en charge du VIH/TB en RDC, CORDAID
- des programmes de lutte contre le VIH en RDC : PROVIC, Fast-track, etc.
Ces sites ont été consultés entre le 21 février et le 05 mars 2018.
b) Une recherche manuelle dans les bibliographies de chacun des documents examinés, par effet « boule de neige » a été également effectuée. Les documents ainsi repérés étaient recherchés sur Internet. Deux d’entre eux ont fait l’objet d’une sollicitation directe des organisations ayant produit les documents.
Description du processus de sélection des documents
Les documents collectés ont fait l’objet d’une sélection selon les critères préalablement définis, puis ont été classés en trois catégories distinctes :
- Les documents pour l’analyse : ils entrent strictement dans les critères définis;
- Les documents de cadrage : ils sont publiés après 2010, portent sur la RDC mais ne traitent pas du paiement direct ET des interventions VIH. Ils fournissent néanmoins des données de contexte à prendre en compte. Les plus récents ont été retenus.
- Les documents écartés : ils sont publiés avant 2010; ou ne sont pas de la littérature grise; ou ne portent pas sur le paiement direct ET les interventions VIH; font doublons, le cas échéant les plus anciens ont été écartés. Le principe de saturation a été appliqué au cours de cette collecte. Les documents n’apportant pas de données nouvelles ont été inclus dans cette catégorie.
La méthode d’inclusion des documents est basée sur la méthode PRISMA (Preferred Reporting Items for Systematic Reviews and Meta-Analyses) (Tricco et al., 2018).
L’ensemble des documents reçus (n=150) a fait l’objet d’une sélection dont le processus est récapitulé dans le schéma qui suit (Schéma 1). Ce processus a permis de retenir 29 documents pour l’analyse et 28 pour des données de cadrage.
Les documents retenus ont été classés selon la nature des documents et leur source. Puis, le contenu de chacun de ces documents a été extrait et synthétisé. Une méthode essentiellement inductive a permis d’opérer une analyse thématique de contenu.
Résultats
La stratégie de recherche a permis d’identifier 29 documents répondant aux critères d’inclusion. Bien que le processus de sélection de documents ne soit pas exhaustif, il laisse présager du peu de données existantes dans la littérature grise sur la question des paiements directs par les usagers et usagères dans le contexte du VIH en RDC. Parmi les 29 documents, seuls trois font de la question des paiements directs dans le contexte du VIH l’objet d’une étude ou d’un rapport à part entière (Baglione, 2017; Médecins Sans Frontières, 2017b; 2018). Dans les 26 autres documents, la question des paiements directs émerge au détour de celle du manque d’investissement financier de l’État dans la lutte contre le sida, ou de celle des difficultés d’accès aux soins des personnes.
Les principaux enseignements qui peuvent être tirés de cette revue documentaire sont présentés ci-après selon une analyse thématique organisée autour de trois grands thèmes : (1) la mise en évidence des paiements directs des soins associés au VIH dans les écrits, (2) leur mise en œuvre (montants, répartition, impacts et causes) et (3) les initiatives contribuant ou visant à leur diminution (plan d’intervention, projets et plaidoyers).
Les paiements directs : une problématique attestée mais peu explorée
Un consensus sur la persistance de frais imputés aux PVVIH
Qu’elle soit abordée d’un point de vue politique ou juridique, concernant l’absence de gratuité des soins ou la non application de la loi, d’un point de vue économique au plan des dépenses des ménages ou encore du point de vue du système de soins et des usagers et usagères, l’existence des paiements directs dans les interventions VIH en RDC fait consensus parmi l’ensemble des acteurs et actrices. Pour autant, ces paiements directs sont peu explorés.
Un constat essentiellement examiné par les ONG
Dans les 29 documents, la question des paiements directs fait l’objet d’une préoccupation variable. Il peut s’agir de :
- un constat, souvent alarmant et systématiquement déploré, mais peu développé et ne faisant l’objet d’aucune recommandation spécifique;
- une description (de la répartition et de l’impact des paiements directs par exemple) suivie de quelques recommandations ou d’interventions;
- un examen plus approfondi, mais plus rare : des données produites spécifiquement sur la question sont alors fournies (notamment sur le montant des paiements) et servent de fondement pour des recommandations concrètes et un plaidoyer en faveur de la suppression des paiements directs.
La place plus ou moins marginale attribuée à cette question dans les documents varie selon la source des données. Elle revêt une préoccupation importante des ONG et Organisations de la Société Civile (OSC). Elle l’est bien moins par les instances gouvernementales et les bailleurs. Les ONG produisent des rapports fondés sur leur expérience de terrain qui montrent les effets délétères des paiements directs, abordent la question du montant de ces paiements et leur répartition et enfin, à partir de données probantes, permettent d’affirmer un positionnement et de faire pression sur les gouvernements pour la suppression des paiements directs. Cette catégorie de document est la plus représentée parmi les 29 documents retenus, mais elle reste minoritaire sur l’ensemble des documents sélectionnés initialement (29/150). Ce constat montre que la question des paiements est finalement peu explorée hormis par les ONG.
Une question dans l’ombre d’enjeux financiers et sanitaires
Dans les documents examinés, les paiements directs des usagers et usagères sont essentiellement abordés au détour d’autres problématiques, comme :
- des conséquences du sous-investissement de l’État dans la lutte contre le sida et plus généralement dans le secteur de la santé;
- des barrières à l’accès aux soins : par exemple à l’accès au dépistage pour les jeunes (Médecins du Monde, 2017) ou les femmes enceintes (Save the Children, 2014) ou l’accès à la prise en charge des PVVIH (Médecins Sans Frontières, 2010);
- des facteurs explicatifs du recours tardifs aux soins ou aux hospitalisations des PVVIH à un stade avancé de leur infection ou encore d’une faible rétention dans les soins (Médecins Sans Frontières, 2017a; 2016).
Ils sont ainsi mentionnés comme facteurs explicatifs plus que comme facteurs à expliquer. Ils sont dès lors peu explorés. Les documents produits par les ONG fournissent toutefois des données éloquentes sur la mise en œuvre de ces paiements directs.
La mise en œuvre des paiements directs
Des montants inabordables
Tous les documents attestent de montants variables mais toujours inabordables à toutes les étapes de la cascade de soins : du dépistage à l’hospitalisation, et dans des établissements de santé et des provinces divers.
Les données fournies par MSF dans son rapport « Le prix de l’oubli » (Médecins Sans Frontières, 2016), en reprenant des données issues d’une étude sur les coûts d’hospitalisations des PVVIH conduites dans trois hôpitaux généraux à Lubumbashi (Tshamba et al., 2013), attestent du fait que, bien que le test de dépistage du VIH lui-même soit gratuit, les PVVIH doivent souvent payer pour la consultation l’équivalent de 2 à 5 US$ et, entre 15 et 30 US$ pour les examens biologiques (CD4). De même, l’ONG rapporte qu’à Goma, le dépistage du VIH est gratuit, mais 2 US$ sont facturés pour une consultation. Des frais de pénalité de 20 US$ sont également imposés aux personnes qui abandonnent le traitement (Médecins Sans Frontières, 2016).
Deux simulations faites à partir des tarifs appliqués dans des hôpitaux de Kinshasa dans le cadre d’une étude sur l’évaluation des coûts de prise en charge des PVVIH hospitalisées suggèrent un coût moyen d’hospitalisation (pour les PVVIH) de 160 à 280 US$ (Médecins Sans Frontières, 2017a).
L’observatoire de l’accès et de la qualité des services VIH/TB est un dispositif qui permet de renseigner sur la disponibilité des médicaments et des intrants médicaux, la gratuité et, inversement, les coûts des prestations de services et l’amélioration de la qualité des soins dans trois provinces de RDC, grâce à des collectes de données par questionnaire auprès d’usagers et d’usagères et des prestataires de services VIH (Tableau 1).
Ces données montrent que le montant des frais imputés aux PVVIH varie d’une province à l’autre, d’une structure à l’autre et selon les prestations. Il n’y a pas de standardisation des tarifs. Ce constat corrobore l’analyse des coûts d’hospitalisation dans trois hôpitaux de Kinshasa : « la fixation des tarifs n’est pas motivée par un critère objectif (par exemple les coûts réels ou la capacité à payer de la population). Au contraire, les tarifs sont très souvent fixés arbitrairement par la Direction, et varient significativement d’un hôpital à l’autre (et parfois d’un mois à l’autre) » (Baglione, 2017 : 7). Il en résulte des coûts très élevés avec des tarifs qui « ne tiennent pas compte de la capacité à payer des patients » et « ne reflètent pas les coûts réellement supportés (souvent très inférieurs aux tarifs) » (ibid.). Les documents examinés ne permettent pas d’expliquer ces différences de tarifs hormis par le sous-financement des formations sanitaires et l’absence de tarification forfaitaire.
Enfin, ces coûts ne semblent pas épargnés les femmes séropositives enceintes (Save the Children, 2014; USAID & PEPFAR, 2012b). L’accès des femmes aux consultations prénatales, faute de gratuité, semble ainsi limité dans certaines provinces (PNLS, 2015). Save the Children établit un lien direct entre la situation alarmante des femmes enceintes séropositives – avec un taux de transmission du VIH de la mère à l’enfant estimé à 37% – et les coûts des soins. Dans son rapport (2014 : 39), l’ONG rapporte le témoignage de la directrice de l’association locale, Femme plus, attestant de coûts multiples :
Même quand les services sont gratuits, ils le sont rarement complètement. Par exemple, le test de VIH est gratuit mais tu dois payer pour la carte du patient, pour les seringues utilisées, pour d’autres traitement, les transports… Les coûts se cumulent et les femmes ne peuvent les assurer.
Ces résultats, bien que fondés sur des données parfois fragiles, montrent que les montants des soins sont de fait inabordables pour les 77% de la population qui vivent en dessous du seuil de pauvreté et, qui plus est, pour les PVVIH dont la plus grande vulnérabilité socioéconomique est connue : plus de 85% d’entre elles vivent en dessous du seuil de la pauvreté (PNMLS, 2014). L’impact des paiements directs en est d’autant plus lourd.
Des effets délétères à différents niveaux
Les frais médicaux imputés aux PVVIH sont mentionnés comme une barrière majeure à l’accès aux services de santé VIH dans la quasi-totalité des documents examinés. Les documents produits essentiellement par les ONG qui ont capitalisé leurs expériences de terrain permettent d’aller plus loin dans l’exploration des effets de ces paiements directs en mettant en évidence la pluralité de leurs effets. L’analyse transversale de ces documents permet d’identifier différents niveaux d’impacts : impacts sur la santé, le système de soins, les ménages, les individus et l’accès aux soins. Ces différents impacts sont récapitulés dans le tableau qui suit (Tableau 2).
Les causes : des dysfonctionnements multiples mais peu étudiés
Peu de documents mentionnent les causes des paiements directs dans le contexte des soins associés au VIH et, quand elles le sont, ces causes ne font pas l’objet d’un examen approfondi.
L’explication la plus fréquemment fournie est le sous-financement des structures de santé par l’État. Pour MSF, « les services de santé faibles et sous-financés font passer le fardeau financier des soins de santé aux patients et aux familles » (Médecins Sans Frontières, 2016 : 21). Ce sous-financement rend les centres dépendants des financements extérieurs et des contributions des patient-e-s, non seulement pour leurs activités mais aussi « pour le paiement, via des primes, du personnel » de santé (Médecins du Monde, 2017 : 61). Le personnel soignant sous-payé en vient à prescrire des traitements qui rapportent un maximum de profit, privilégie des activités qui « rapportent » (les consultations payantes) au détriment des services gratuits comme le dépistage, ou fait payer des services censés être gratuits (Médecins du Monde, 2017; Médecins Sans Frontières, 2017b). MSF confirme également à partir de ses diverses expériences de terrain que « dans les centres de santé, les salaires du personnel infirmier sont faibles (à partir d’environ 96 US$ par mois), ce qui signifie que les frais payés par les patients sont la principale source de revenus » (Médecins Sans Frontières, 2016 : 62).
D’autres dysfonctionnements d’ordre structurel et organisationnel tels que le manque de transparence dans la gouvernance, le déficit de gestion, notamment dans les circuits d’approvisionnement des médicaments, sont mentionnés comme des faiblesses qui contribuent au maintien des paiements directs (Médecins du Monde, 2017; PNMLS, 2014).
La mise en œuvre d’initiatives : témoin d’une problématique reléguée au second plan
Parmi les 29 documents examinés, 10 (issus de trois sources différentes seulement) mettent en évidence des initiatives assurées par les acteurs et actrices communautaires et 6 font état de plans d’intervention issus d’organisations gouvernementales. Deux ONG, MSF et Save the Children, élaborent quant à elles des plaidoyers présentés ci-après à la suite des initiatives communautaires et des plans d’interventions.
La société civile au cœur des rares initiatives pour favoriser l’accessibilité financière
L’analyse documentaire a permis de recenser trois projets mis en œuvre par des organisations communautaires. Il ne s’agit pas d’interventions directement ciblées sur les paiements directs mais elles contribuent à rendre compte de la question ou à diminuer les frais imputés aux PVVIH dans le cadre de la prise en charge de leur infection.
Par exemple, la création d’observatoires d’accès et de la qualité des services VIH-TB dans trois provinces de RDC, portée par Médecins du Monde et mise en œuvre en collaboration avec des OSC locales, constitue un dispositif de veille important (Vancutsem, Sargueil & Tshibanda, 2017) favorisant la visibilité des difficultés d’accès aux services VIH (Observatoire de l’accès et de la qualité des services VIH/TB – UCOP+, 2014, 2015, 2017). Ainsi, les données recueillies par les associations du Nord-Kivu, une fois analysées et synthétisées, ont servi de matière au plaidoyer que mènent les représentant-e-s de la société civile congolaise (membres de l’Union Congolaise des Organisations de PVVIH et du Forum Sida) dans les instances de coordination nationales (CCM) du Fonds Mondial au sein desquels ils et elles siègent.
Autre exemple, sur financement du PEPFAR et via USAID, le Projet Intégré de VIH/SIDA au Congo (ProVIC) travaille avec des partenaires du secteur public et privé pour mettre en œuvre des approches à base communautaire contre le VIH/SIDA dans les cinq zones « chaudes » du pays. Ce projet vise notamment à promouvoir la prévention par la mobilisation communautaire et à apporter des soins et du soutien aux PVVIH et aux enfants orphelin-e-s ou vulnérables. Dans cette perspective, ProVIC soutient un programme d’Activités Génératrices de Revenus (AGR) pour encourager l’activité économique des familles de PVVIH. 741 AGR ont ainsi été soutenues sur trois ans (USAID & PEPFAR, 2012b). Il est également prévu dans ce projet une aide pour payer les frais des transports des PVVIH pour faciliter leur accès aux soins (USAID & PEPFAR, 2012a). Cette initiative intervient ainsi essentiellement en amont du parcours de soins, sur les frais informels. Elle s’attèle à renforcer les mécanismes de soutien socio-économique des patient-e-s pour faciliter l’accès aux formations sanitaires plus qu’à diminuer les frais qui leur sont imputés. Il s’agit donc ainsi de réduire la précarité des patient-e-s plus que de faire appliquer la gratuité des soins.
Ces initiatives témoignent de l’implication et de la mobilisation de la société civile sur la question de l’accessibilité financière des PVVIH aux soins. Les OSC contribuent ainsi à palier en partie à la faillite de l’État à assurer la gratuité des soins. Aucun de ces projets ne mentionne un projet de suppression des paiements directs. Il semble qu’il s’agisse d’éviter plutôt que de supprimer. Les plans d’intervention consultés vont dans ce même sens.
Les plans d’intervention : éviter versus supprimer les paiements directs
Les plans d’intervention identifiés dans cette revue documentaire sont des plans nationaux produits par les instances gouvernementales, les bailleurs ou les organisations intergouvernementales. Ils visent d’une manière générale à la réduction de l’impact du VIH en RDC. La question des paiements directs des PVVIH est quant à elle peu évoquée. Elle émerge de façon souvent secondaire, et ne fait pas l’objet de plans d’intervention spécifiques et directement ciblés. Elle est toutefois mise en évidence par deux acteurs clés : UNAIDS qui en évoque la suppression et le PEPFAR qui suggère d’y porter un intérêt particulier.
Parmi les cinq plans d’intervention examinés, trois types de mesures contribuant à la diminution des paiements directs par les usagers et les usagères ont été identifiés :
- L’une des mesure phares, d’ordre politique, est la mise en place de mécanismes innovants pour le financement durable de la riposte nationale. Le PNMLS évoque ainsi la création de fonds de solidarité pour la lutte contre le VIH (PNMLS, 2014). MSF mentionne en 2017 qu’une Déclaration nationale pour renforcer la dispensation des frais et étendre les politiques de gratuité via un fond de solidarité pour la santé est « en cours d’élaboration » (Médecins Sans Frontières, 2017b). Cette mesure n’est cependant pas développée dans les documents examinés. L’OMS et le ministère de la Santé évoquent, quant à eux, le renforcement d’un plaidoyer pour la mise en place d’une couverture universelle et pour en accélérer la mise en œuvre (OMS, 2017).
- D’autres mesures sont centrées sur la capacité d’agir des individus. Le PNMLS plaide par exemple pour le renforcement du pouvoir socio-économique des PVVIH par leur autonomisation. Il suggère ainsi « un environnement favorable aux PVVIH » via un renforcement des mécanismes de soutien socio-économique et la mise en place d’un programme d’assistance socio-économique adapté aux conditions de vulnérabilité des bénéficiaires (AGR) (PNMLS, 2014). Ce type de mesures tend à une individualisation de la question des paiements directs : il revient à la charge des PVVIH de se procurer les moyens d’assurer le paiement des soins. Les PVVIH sont ainsi mises au cœur du dispositif, au risque d’en faire les coupables d’un potentiel échec de la réponse. L’OMS et le ministère de la Santé suggèrent de renforcer les capacités des OSC en vue d’ « accroitre leur participation à la mobilisation de ressources financières » (OMS, 2017). Ces mesures témoignent sans doute d’une préoccupation majeure : trouver des solutions pour assurer la pérennité du financement des soins.
- Enfin, les organisations intergouvernementales soutiennent des mesures organisationnelles : elles proposent de poursuivre la reconfiguration de l’espace sanitaire en favorisant l’implication des organisations de la société civile dans la prise en charge des PVVIH avec, notamment, la mise en œuvre des modèles de prestation de services différenciés (soins différenciés, distribution décentralisée des traitements antirétroviraux, etc.) qui favorisent l’accessibilité financière des PVVIH aux soins.
La question des paiements directs émerge dans les plans d’intervention dans l’ombre de celle, omniprésente, du financement de la riposte. Bien que ne constituant pas directement la cible d’un plan d’intervention – aucune intervention mentionnée pour supprimer les paiements directs par exemple – la question des paiements directs est indirectement abordée dans les interventions qui devraient permettre de diminuer ces frais ou de les éviter. Il semble que la priorité est davantage donnée à trouver toujours plus de moyens de financer la riposte au VIH que de s’atteler directement à la question des paiements directs, d’examiner les rouages de la non gratuité ou les dysfonctionnements des canaux de redistribution des financements.
Des recommandations pour éviter les frais imputés aux PVVIH
Dans les documents examinés, les recommandations ciblant la question des paiements directs sont peu nombreuses en dehors des documents produits par les ONG et manquent souvent de propositions pratiques. Certaines organisations, bien que déplorant la gratuité des soins, n’abordent pas la question des paiements directs dans leurs recommandations (Global Fund, 2014). Celles existantes convergent avant tout vers une nécessaire application de la loi. Il est ainsi par exemple rappelé par le PNUD et UNAIDS que « les décideurs politiques congolais doivent concrétiser leurs engagements et apporter le soutien financier nécessaire pour assurer un accès gratuit aux antirétroviraux, comme cela est prévu dans la loi 08/011 du 14 Juillet 2011 protégeant les droits des PVVIH » (PNUD & UNAIDS, 2013 : 34). Le Plan National Stratégique de lutte contre le VIH, quant à lui, recommande de « vulgariser et suivre l’application de la loi sur la gratuité des traitements » (PNMLS, 2014 : 63 Pour autant, les modalités de mise en œuvre visant à l’application de cette loi manquent. UNAIDS et le PNUD déplorent une « absence de mesures d’application de la loi » et « une absence d’accompagnement de la loi ». Ils rappellent le besoin de « mesures précises sur la gratuité des ARV, du bilan biologique d’inclusion et de suivi » (PNUD & UNAIDS, 2013 : 41) déjà évoqué dans les recommandations du PNMLS de 2010-2014 (PNMLS, 2010). Ces recommandations, aussi louables soient-elles, sont peu concrètes.
Les ONG se positionnent, quant à elles, plus fermement sur la question des paiements directs et produisent des documents de plaidoyer en faveur de la suppression de ces paiements.
Des plaidoyers d’ONG pour supprimer les frais imputés aux PVVIH
MSF place la question de l’accessibilité financière au cœur des enjeux de la riposte au VIH en la mentionnant comme un impératif pour augmenter la couverture en ARV et améliorer la rétention des PVVIH dans les soins. Dans son rapport « Le prix de l’oubli » (2016) dans lequel l’ONG dresse un constat alarmant de la prise en charge du VIH dans les pays de l’Afrique de l’Ouest et du Centre, MSF déplore que les PVVIH aient à payer pour les soins essentiels, voire aient à « payer une deuxième fois pour les produits et services qui ont déjà été subventionnés » (Médecins Sans Frontières, 2016 : 32). L’ONG appelle les gouvernements et les bailleurs de fonds à intégrer dans leur programme des mesures concrètes pour appliquer la gratuité stricte de tous les aspects de la prise en charge du VIH et de la tuberculose telles que des subventions ciblées afin de remplacer les frais médicaux payés par les PVVIH. En se basant sur ses expériences de terrain, MSF déploie ainsi un certain nombre de propositions – récapitulées dans le Tableau 3 – visant à la suppression des paiements directs.
- En se basant sur une étude visant à estimer les coûts de prise en charge des PVVIH hospitalisées dans trois hôpitaux de Kinshasa, MSF fournit des recommandations plus concrètes sur le modèle de remboursement des hôpitaux pour éviter aux PVVIH d’avoir à payer leur hospitalisation (Baglione, 2017). Le recouvrement des frais via un financement de l’hôpital sur la base de son activité effective et une tarification forfaitaire sont ainsi mis en évidence.
- Pour asseoir son plaidoyer, l’ONG rappelle, non seulement les effets délétères des paiements directs mais aussi, inversement, les bénéfices de la gratuité des soins en mentionnant son expérience de recouvrement des soins à l’hôpital de Lulimba dans le Sud-Kivu en 2011 qui a eu pour effet une augmentation « en flèche » du nombre de PVVIH et de prestations délivrées (multipliés par 9).
L’ONG Save the Children dresse un état des lieux des difficultés rencontrées par les mères en RDC, particulièrement en zone de conflits. Elle aborde notamment les difficultés d’accès aux soins du fait des coûts excessifs à la charge des PVVIH. Elle déplore les paiements directs demandés dans les contextes de conflits où les systèmes de santé sont particulièrement faibles et rappelle les impacts collatéraux de ces paiements. Elle suggère finalement la suppression des paiements directs et l’amélioration de la qualité des soins. Selon elle, le retrait partiel ou total des frais dans les établissements publics de santé devrait être soigneusement planifié par les autorités appropriées, les agences humanitaires et les bailleurs (Save the Children, 2014). Save the Children appuie son argumentaire sur des principes tels que l’impartialité et le droit à la santé pour toutes et tous. Elle prône non seulement la gratuité des soins mais aussi la qualité des soins et de l’accueil des usagers et usagères.
MSF et Save the Children font ainsi force de propositions pour supprimer les paiements directs et informels. Leurs principales propositions sont récapitulées dans le tableau 3.
Ces résultats montrent que les paiements directs sont partiellement pris en compte dans les diverses initiatives. Si UNAIDS se prononce pour la suppression, les moyens de mise en œuvre ne sont pas évoqués. Les ONG se font quant à elles les portes paroles de la cause et tentent de faire force de proposition.
Discussion
Cette revue documentaire montre à la fois la persistance et l’ampleur des paiements directs imputés aux patient-e-s pour les soins associés au VIH en RDC, leurs effets délétères et – paradoxalement – le manque de visibilité de la question dans les documents ainsi que sa marginalisation dans les plans d’intervention et de recommandations des institutions gouvernementales, intergouvernementales et des bailleurs. Nous sommes ici au cœur d’un processus classique, déjà montré au Burkina Faso concernant l’accès aux soins des indigent-e-s (Ridde, 2012) : la situation est largement connue mais n’est pas perçue par les dirigeant-e-s comme un problème public auquel il faut s’attaquer.
En effet, les paiements directs sont ouvertement reconnus comme persistants par l’ensemble des acteurs et actrices pris-es en compte en RDC. En dépit d’un état des lieux consensuel, éloquent et déploré par l’ensemble des acteurs et actrices, la question reste globalement peu étudiée. La pratique des paiements directs semble ainsi inversement proportionnelle à sa mise au jour dans les écrits examinés. En témoignent par exemple (1) la collecte de documents initiale bien maigre mais néanmoins probante sur l’existence des paiements directs des soins dans le domaine du VIH; (2) l’appréhension de la question au détour d’autres problématiques; (3) le peu d’examen approfondi dont la question fait l’objet ainsi que celle des frais informels qui demeure quant à elle quasiment inexistante dans les écrits; (4) une marginalisation de la question dans les documents, notamment dans les recommandations et plans d’intervention. Ce constat peut également être renouvelé à l’issu des différentes conférences sur le VIH au cours desquelles cette question reste marginale, en témoigne la Conférence internationale sur le sida en juillet 2012 à Washington (Taverne et al., 2013). Plus récemment, lors de la neuvième conférence francophone sur le VIH et les Hépatites (AFRAVIH 2018), cette question des paiements directs n’était abordée que dans une seule communication d’une ONG (Médecins Sans Frontières, 2018) sur un total de 100 communications orales, et une affiche scientifique sur 335 exposés.
Cette revue documentaire montre par ailleurs que ces paiements directs constituent une préoccupation majeure des ONG tandis qu’ils semblent reléguer sur un second plan pour les autres organisations, notamment l’État. La question est en effet souvent mentionnée dans les écrits sans pour autant faire l’objet ni d’un examen approfondi, ni d’interventions, de projets ou de politiques visant à leur suppression (Geissler, 2013). Si certaines recommandations sont formulées, leurs modalités de mise en œuvre restent floues. Enfin, les interventions visant à éviter les paiements directs reviennent finalement à la charge des OSC. Elles interviennent notamment pour diminuer, voire éviter, les frais informels imputés aux PVVIH, tels que les frais de transports. La logique sous-jacente est de réduire la précarité des PVVIH plus que de faire appliquer la gratuité des soins. De plus, les ONG et OSC prises en compte dans les écrits ici examinés, tentent de « faire exister » le problème des paiements directs en investissant dans des dispositifs tels que des observatoires et en produisant des données empiriques. Elles donnent la voix aux personnes concernées : les PVVIH rendent visible les paiements directs et leurs effets délétères. Elles contribuent ainsi à faire des paiements directs non plus seulement une cause de non accès aux soins et une conséquence du sous-financement de la santé par l’État mais un problème de santé publique. Ce constat rejoint celui établit par Ridde et Yaméogo dans cet ouvrage qui montre combien le rôle des ONG a été central dans la production de connaissances, mais aussi dans le soutien à la formulation de politiques d’exemption du paiement des soins au Burkina Faso. Dans un pays où l’État reste faible et peu présent dans le secteur de la santé, le constat de la prégnance du rôle des ONG vient confirmer cette particularité. Si cette situation révèle une mobilisation de la société civile qui s’avère particulièrement favorable (Médecins Sans Frontières, 2017c), il ne doit pas occulter la responsabilité de l’État ni les rouages de la non application de la loi sur la gratuité des soins. Les seules réponses des OSC ne pourront suffire à pallier les dysfonctionnements (organisationnels, structurels, politiques) qui contribuent à la persistance de ces paiements directs.
En définitive, tous les acteurs et toutes les actrices reconnaissent les barrières d’accès aux soins mais peu font force de propositions opérationnelles pour les supprimer. La préoccupation semble être centrée sur l’importance d’attirer l’attention sur le seul besoin d’éviter les paiements directs, de financer et d’assurer la pérennité et la gestion des financements alloués à la lutte contre le sida, plutôt que d’agir en supprimant les paiements directs. Finalement, la reconnaissance de la situation ne semble pas nécessairement se traduire par un traitement du problème, ce qui est un grand classique de l’analyse en science politique et de la formulation des politiques publiques (Rochefort & Cobb, 1993). Elle reste cantonnée à l’état de situation… Une situation connue, reconnue mais sans doute – au regard du peu d’attention qu’elle revêt dans les écrits encore aujourd’hui – ne dispose-t-elle pas de tous les éléments pour devenir un problème public? L’ensemble de ces constats montre, en outre, qu’on est ici au cœur du déficit de mise en œuvre (implementation gap) où des décisions sont prises mais restent cantonnées aux discours et ne sont pas réellement mise en place au bénéfice des populations (Ridde & Sardan, 2017), comme beaucoup de chapitres de cet ouvrage collectif le montrent. L’analyse de cet écart reste donc à réaliser pour la RDC.
L’analyse documentaire montre également que les paiements directs dans la littérature grise sont appréhendés à partir de leurs conséquences (l’absence d’accès aux soins et les enjeux sanitaires inhérents) ou leurs causes (les défaillances d’un système étatique et de soins). Si les conséquences sanitaires sont clairement mentionnées, les causes structurelles, organisationnelles et politiques le sont moins. Quand elles le sont, c’est souvent sous forme de liste de facteurs, fournissant certes des éléments d’explication de la persistance des paiement directs mais permettant difficilement de comprendre comment ces différents facteurs s’agencent, s’articulent et contribuent à la (re)production des paiements directs dans le contexte des soins associés au VIH. Une approche structurelle de la question gagnerait à être développée de façon à identifier le contexte de (re)production des paiements directs, à questionner et mettre au jour les dysfonctionnements des dispositifs et des canaux de distribution des financements existants par exemple. En effet, selon la théorie du fonctionnement de l’exemption du paiement des soins en Afrique, nous savons que les enjeux sont aussi politiques et structuraux et qu’il faut absolument planifier des actions en conséquence (Robert et al., 2017).
Conclusion
Dans un contexte de gratuité des soins associés au VIH, la persistance des paiements directs est un indicateur de dysfonctionnements multiples. Or, l’analyse documentaire montre que si certains dysfonctionnements sont mis en évidence, ils ne sont pas directement mis en lien avec les paiements directs. Des questions importantes restent en suspens et nous espérons que de prochaines recherches pourront être déployées à ce sujet :
- Qu’est-ce qui (re)produit ces paiements directs et comment? Dans quel contexte les paiements directs sont-ils décidés? À quel moment? Pour qui? Par qui? Quels sont les processus à l’œuvre?
- Il existe également peu de données récentes sur le réinvestissement de ces paiements : où et comment ces paiements directs se répercutent-ils dans le système de soins et sur la viabilité financière des formations sanitaires? Comment sont-ils utilisés? Par qui? Pour quoi faire? L’impact sur le personnel soignant semble également peu documenté : comment les paiements directs sont-ils réutilisés? Où sont-ils réinvestis? Quel est l’impact de ces paiements sur les pratiques des prestataires de soins? Qui pratique quoi et dans quelles conditions? Comment ces paiements directs dans le contexte du VIH affectent-ils le personnel soignant? Quels bénéfices en tire-t-il? Il s’agirait ainsi de comprendre la dynamique de production des paiements directs.
- La question de la mise en œuvre de la politique d’exemption dans le domaine du VIH mériterait quant à elle d’être étudiée : Comment la politique est-elle mise en œuvre? Comment et à quel niveau échoue-t-elle? Quelles perceptions les personnes chargées de la mettre en œuvre en ont-elles?
De quoi ce manque de données sur la question des paiements directs dans le contexte du VIH est-il le sens? Que révèle-t-il? Le constat du manque de visibilité et de la marginalisation de la question reflète-t-il la difficulté de mettre en évidence et d’explorer la question des paiements directs dans un contexte de gratuité des soins censé être effectif depuis 2005 et pour laquelle des acteurs internationaux et actrices internationales ont massivement investi ces deux dernières décennies? Laisse-t-il présager d’une indicibilité des paiements directs dans le domaine du VIH, domaine majoritairement financé par des ressources extérieures et qui bénéficie de financements très conséquents comparativement à d’autres pathologies (Ministère de la Santé Publique, 2016; PNCNS, 2016)? Peut-on également émettre l’hypothèse que cette invisibilité traduit un champ de recherche sur les interventions de VIH où l’analyse des systèmes de santé est insuffisamment abordée du fait notamment d’une verticalisation des programmes de prise en charge du VIH?
Enfin, si des données manquent sur cette question et si des recherches gagneraient à être conduites pour la rendre plus visible et en explorer les mécanismes, il n’en demeure pas moins que la question révèle des dysfonctionnements majeurs de l’État et qu’elle demeure politique, comme l’introduction de cet ouvrage le rappelle. Elle ne pourra dès lors évoluer à ce stade sans un engagement politique fort au niveau national et international.
Remerciements
Nous remercions Mit Philips (MSF Belgique), Iris Sémini (ONUSIDA) et Jean-Paul Divengi Nzambi (Consultant ONUSIDA RDC) pour leur contribution à cette revue documentaire. Merci également à l’ONUSIDA pour l’autorisation de publier ce chapitre.
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