23 L’évolution des inégalités de dépenses de santé au Burkina Faso

Martin Rudasingwa, Edmund Yeboah, Emmanuel Bonnet, Valéry Ridde, Paul André Somé et Manuela De Allegri

Introduction

Au cours des dernières décennies, les pays du monde entier ont mis en œuvre différentes politiques de santé visant à atteindre la couverture sanitaire universelle (CSU), définie comme l’accès à des services de santé de qualité et la protection contre les difficultés financières en raison des paiements directs de services de santé pour tous et toutes. L’équité dans l’accès et l’utilisation des soins de santé est une condition préalable importante pour atteindre la CSU (Khan et al., 2017). Cependant, dans de nombreux pays à faible et moyen revenu, notamment en Afrique subsaharienne, les personnes défavorisées sur le plan socio-économique, malgré des besoins de santé généralement plus élevés, utilisent moins les services de santé formels que les personnes plus aisées. De nombreuses études sur les liens entre la santé et le statut socio-économique ont indiqué que les personnes ayant un statut socio-économique élevé jouissent d’une meilleure santé et d’une vie plus longue (Wilkinson, 1992; Wagstaff et al., 2014). Un accès abordable à des soins de santé de qualité n’est possible que dans le cadre de systèmes de santé suffisamment financés et fonctionnant efficacement, qui peuvent ainsi assurer une répartition équitable des avantages sanitaires au sein de leur population (WHO, 2014). Alors que les investissements en faveur de la CSU continuent de croître, il est important de veiller à ce que personne ne soit laissée pour compte[1] et que les investissements réalisés contribuent à combler les écarts existants en matière d’accès, de dépenses de santé et d’état de santé plutôt que de contribuer à les élargir, en ne produisant des bénéfices que pour les moins pauvres (WHO, 2014; O’Connell et al., 2014).

En 2002, le gouvernement du Burkina Faso a supprimé les frais d’utilisation des services de soins prénataux et en 2007 a introduit une politique appelée SONU (soins obstétricaux et néonataux d’urgence) qui offre une subvention de 80% pour les services d’accouchement pour tous les groupes socioéconomiques de la population et d’une subvention de 100% pour les plus pauvres. Les recherches indiquent que la politique SONU a entraîné une augmentation substantielle de l’utilisation des services de santé (Nguyen et al., 2018). Toutefois, cette politique n’a pas été aussi efficace que prévu pour réduire les paiements directs (Ridde et al., 2012; Ridde et al., 2013; Chinkhumba et al., 2017; Meda et al., 2019). En 2009, une loi a été adoptée afin de supprimer les frais d’utilisation pour les indigent-e-s[2], laissant à chaque établissement de santé la tâche d’identifier et de payer pour ces personnes, ce qui a aussi posé des défis d’efficacité (Ridde et al., 2018). Entre 2008 et 2016, un certain nombre d’initiatives pilotes ont été mises en œuvre dans certains districts, visant à supprimer les frais d’utilisation pour certains services ou groupes de population. En outre, entre 2014 et 2018, le ministère de la Santé, avec le soutien financier et technique de la Banque mondiale, a mis en place une intervention pilote complexe dans 12 de ses 60 districts[3], combinant dans dix des 12 districts, le financement basé sur la performance (FBP) avec trois mesures d’équité différentes pour couvrir le coût des soins pour les plus pauvres. Les résultats de l’évaluation de l’impact du FBP indiquent des effets modestes et non homogènes, bien en deçà des attentes (Kuunibe et al., 2020). En juin 2016, le ministère de la Santé a lancé un programme de soins de santé gratuits ciblant les femmes enceintes et allaitantes et les enfants de moins de 5 ans[4].

Les preuves que ces investissements dans les récentes réformes de la CSU ont modifié les dépenses de santé en améliorant leur distribution au profit des pauvres plutôt que des moins pauvres sont encore limitées. Ce chapitre vise à comprendre si l’incidence distributive des dépenses publiques et globales en matière de soins curatifs et d´accouchements médicalisés est devenue plus équitable au fil du temps, notamment en fonction de l’introduction de réformes spécifiques à la CSU.

Méthode

L’analyse de l’incidence des bénéfices (AIB) vise à répondre à la question suivante : « Qui, selon les groupes socio-économiques, tire quels avantages de l’utilisation des services de santé? ». Les avantages sont exprimés au plan monétaire et sont essentiellement calculés en multipliant les taux d’utilisation des différents types de services de santé par leurs coûts unitaires. Les détails méthodologiques de ces analyses sont disponibles ailleurs (McIntyre & Ataguba, 2011; Rudasingwa et al., 2020).

Notre étude s’est appuyée principalement sur deux séries de données :

  • Données d’enquêtes auprès des ménages, y compris les enquêtes multisectorielles continues (EMC), les enquêtes démographiques et sanitaires (EDS), et l’enquête sur le financement basé sur la performance (EFBP);
  • Dépenses de santé récurrentes telles qu’elles figurent dans les comptes nationaux de la santé (CNS).

Avant de décider des années pour notre analyse, nous avons dressé le calendrier de toutes les politiques et interventions sanitaires (figure 1) mises en œuvre au Burkina Faso dans le but de parvenir à une CSU des services curatifs et maternels. Sur la base des données disponibles, nous avons ensuite choisi les années qui pouvaient nous permettre d’évaluer les tendances de l’inégalité socio-économique dans les dépenses de santé au fil du temps.

Figure 1 . Calendrier des interventions ciblant les services curatifs et maternels

Nous avons aussi utilisé les données du système d’information sanitaire (SIS) pour évaluer et prendre en compte la saisonnalité de l’utilisation des services de santé ainsi que les données de nos propres enquêtes pour quantifier la répartition des dépenses de santé par quantile.

Nous avons estimé l’utilisation des soins de santé par les individus dans différents groupes socio-économiques en fonction du nombre de visites par an dans chaque catégorie de prestataires de soins et à chaque niveau de soins (soins hospitaliers et ambulatoires). Nous avons classé les individus par quantiles de statut socio-économique en classant des plus pauvres aux moins pauvres en fonction de leurs consommations annuelles, sur la base des dépenses alimentaires et non alimentaires et de la possession d’actifs par les ménages. Nous nous sommes concentré-e-s sur trois sources de dépenses de santé : les dépenses de santé publique récurrentes, celles des donateurs et donatrices, et celles des ménages.

Nous avons combiné l’analyse traditionnelle avec l’analyse complète de l’incidence des bénéfices. De plus, étant donné que la majorité des personnes pauvres vivent dans des zones rurales et que les taux de pauvreté peuvent être plus prononcés dans certaines régions et certains districts, nous avons examiné les disparités régionales de l’incidence des prestations. L’analyse spatiale a permis de mettre en évidence les informations sur les inégalités mesurées par les indices de concentration pour faciliter la compréhension des décideurs et décideuses politiques et favoriser la discussion et l’adoption de mesures visant à renforcer l’égalité dans le financement des services de santé.

Les facteurs saisonniers tels que les variations climatiques peuvent influencer à la fois l’incidence des maladies et l’utilisation des soins de santé, en particulier dans les zones tropicales comme en Afrique subsaharienne. Nous avons ainsi ajusté l’utilisation des soins de santé en fonction des variations saisonnières.

Enfin, nous avons présenté des courbes de concentration pour illustrer l’existence d’une inégalité fondée sur la richesse dans la répartition d’une mesure de santé entre différents groupes socio-économiques (Castro-Leal et al., 2000; Wagstaff, 2000). La courbe de concentration indique l’ampleur des inégalités liées à la richesse et représente la proportion cumulative de la variable santé (axe des y) par rapport à la proportion cumulative de la population (axe des x), classée selon le statut socio-économique ou le niveau de vie, du groupe le plus pauvre au groupe le plus riche. Si la variable santé est répartie de manière égale entre les groupes socio-économiques, il n’y a pas d’inégalité liée à la richesse. La courbe de concentration est une ligne à 45° qui est la ligne d’égalité, allant du coin inférieur gauche au coin supérieur droit de l’axe XY. La distribution de la variable santé est concentrée parmi les pauvres lorsque la ligne se situe au-dessus de la ligne d’égalité, et concentrée parmi les moins pauvres lorsque la courbe de concentration se situe en dessous de la ligne d’égalité (figure 2). Plus la courbe de concentration se situe au-dessus de la ligne d’égalité, plus la variable santé est concentrée parmi les pauvres.

Figure 2. Courbe de concentration

Nous avons également calculé l’indice de concentration pour quantifier le degré d’inégalité lié à la richesse. Il est défini comme étant le double de l’aire entre la courbe de concentration et la ligne d’égalité (O’´Donnell et al., 2008). L’indice de concentration prend une valeur négative (positive) lorsque la courbe de concentration se situe au-dessus (en dessous) de la ligne d’égalité, indiquant une distribution où les plus pauvres (les moins pauvres) profitent de plus d’avantages de la variable santé. S’il n’y a pas d’inégalité liée à la richesse, l’indice de concentration est égal à zéro.

Résultats

Incidence de la répartition des dépenses publiques en soins curatifs

L’inégalité des avantages financiers des dépenses publiques de santé a augmenté de manière significative de 2009 à 2014, mais elle a diminué de manière significative de 2014 à 2017 (figure 3).

Le bénéfice pour l’ensemble des dépenses publiques a été favorable aux moins pauvres en 2009 (IC = 0,119) et en 2014 (IC = 0,186). Il est passé à une légère répartition favorable aux pauvres en 2017 (IC = -0,024).

En ce qui concerne les soins ambulatoires, les dépenses publiques ont été significativement favorables aux moins pauvres en 2009 (IC = 0,108) et 2014 (IC = 0,152). Ces inégalités ont chuté en faveur des pauvres en 2017 (IC = -0,049). La tendance à la hausse des inégalités entre 2009 et 2014 a été constante, tant pour les soins hospitaliers que pour les soins ambulatoires; de même que la tendance à la baisse d’inégalités entre 2014-2017 et 2009-2017.

Figure 3. Incidence de la répartition des dépenses publiques en soins curatifs

Incidence de la répartition des dépenses globales de santé

La figure 4 montre les résultats de l’incidence globale, qui comprend les dépenses des donateurs et les paiements directs des ménages en plus des dépenses publiques. La répartition des dépenses globales totales de santé présente une situation similaire à celle des dépenses publiques totales. On constate une inégalité en faveur des moins pauvres qui a légèrement augmenté de 2009 (IC = 0,119) à 2014 (IC = 0,186). Elle a diminué sensiblement de 2014 à 2017 (IC = -0,024) en faveur des pauvres.

La répartition des dépenses de santé entre les soins hospitaliers et ambulatoires a montré une tendance similaire en faveur des moins pauvres, sauf pour les soins ambulatoires en 2017 qui ont été favorables aux pauvres.

Figure 4. Incidence de la répartition des dépenses globales en soins curatifs

Répartition des dépenses publiques en soins curatifs en milieux urbain et rural

Les résultats pour le total des dépenses publiques ont révélé une tendance en faveur des plus démuni-e-s en milieu urbain pour toutes les années (figure 5). Les inégalités ont augmenté en milieu urbain de 2009 à 2014, et ont nettement diminué en 2017, tout en restant légèrement favorables aux plus démuni-e-s. Pour les zones rurales (figure 6), l’incidence distributive des dépenses publiques totales était proche de l’égalité en 2009, était en faveur des pauvres en 2014 et en 2017. Il est frappant de constater que l’incidence des prestations en 2014 a révélé une inégalité nettement plus importante en milieu rural qu’en milieu urbain.

En ce qui concerne les soins hospitaliers, les dépenses publiques de santé ont profité de manière disproportionnée aux plus démuni-e-s pendant toutes les années, tant dans les zones urbaines que rurales. En revanche, l’incidence des avantages des soins ambulatoires a révélé une inégalité moindre à tous les niveaux et pour toutes les années par rapport aux soins hospitaliers. Entre 2009 et 2017, l’incidence des prestations dans les zones urbaines a diminué, passant d’une inégalité en faveur des moins pauvres à une égalité.

Figure 5. Incidence de la répartition des dépenses publiques en soins curatifs en milieu urbain
Figure 6. Incidence de la répartition des dépenses publiques en soins curatifs en milieu rural au fil du temps

Répartition des dépenses publiques totales en soins curatifs entre les régions

Nous avons observé une grande hétérogénéité dans la répartition des dépenses publiques totales entre les régions. Dans l’ensemble, les moins pauvres ont bénéficié de manière disproportionnée des dépenses publiques de santé dans tout le pays. L’inégalité était plus importante en 2009 et 2014, mais elle a diminué au fil du temps pour se réduire en 2017. Si l’on compare les niveaux de soins, on observe une plus grande inégalité en faveur des pauvres pour les services d’hospitalisation.

Comme le montre la figure 7, la répartition des dépenses publiques totales en faveur des moins pauvres a généralement diminué au fil du temps de 2009 à 2014 pour devenir favorable aux pauvres en 2017, à l’exception des régions du Centre-Est et du Sud-Est qui sont restées favorables aux moins pauvres.

Figure 7. L’hétérogénéité régionale dans la répartition de l’incidence des dépenses publiques totales en soins curatifs.

Répartition des dépenses globales en soins curatifs en milieux urbain et rural

Le total des dépenses de santé tend vers une répartition en faveur des plus démuni-e-s, tant en milieu urbain (figure 8) que rural (figure 9), pour toutes les années. La répartition en faveur des plus pauvres a diminué entre 2009 et 2014, mais a augmenté de manière remarquable en 2017. Dans les zones rurales, la répartition en faveur des pauvres a augmenté entre 2009 et 2014, puis a diminué massivement pour devenir légèrement favorable aux pauvres en 2017. L’inégalité entre le milieu urbain et le milieu rural était marginale et non significative en 2009, mais elle a été substantiellement significative en 2014 et 2017. L’incidence des prestations aux niveaux des soins hospitaliers et ambulatoires a révélé une répartition dominante en faveur des pauvres tant dans les zones urbaines que rurales, bien que la répartition des dépenses de santé globales pour les soins ambulatoires soit passée à l’égalité en 2017.

Figure 8. Incidence de la répartition des dépenses globales en soins curatifs en milieu urbain
Figure 9. Incidence de la répartition des dépenses globales en soins curatifs en milieu rural au fil du temps

Répartition des dépenses globales totales en soins curatifs entre les régions

On observe une image différente entre la répartition des dépenses publiques (Figure 7) et la répartition des dépenses globales (figure 10) qui est restée en faveur des moins pauvres dans la plupart des régions, en particulier pour le Centre-Est et le Sud-Ouest.

Figure 10. L’hétérogénéité régionale dans la répartition de l’incidence des dépenses globales totales en soins curatifs au fil du temps

Incidence de la répartition des dépenses publiques pour l’accouchement médicalisé

Les résultats (figure 11) indiquent que les femmes les moins pauvres ont surtout bénéficié des dépenses publiques pour les accouchements dans tous les établissements de santé publics, tandis que les femmes les plus pauvres en ont moins bénéficiées.

L’inégalité a diminué de manière continue au fil du temps. Une diminution plus importante a été observée entre 2010 et 2017, en particulier dans les centres de santé publics et pour les dépenses totales de santé publique, bien que les avantages financiers reflétaient une légère répartition en faveur des moins pauvres. Nous avons observé une tendance similaire lorsque nous avons ventilé les dépenses de santé publique par type de prestataire de soins. L’inégalité en faveur des moins pauvres a diminué de manière significative entre 2003 et 2017, tant dans les hôpitaux publics que dans les centres de santé publics. Si l’on compare les inégalités en faveur des moins pauvres entre les deux types d’établissement de santé, l’ampleur était plus importante dans les hôpitaux publics que dans les centres de santé publics.

Figure 11. Incidence de la répartition des dépenses publiques pour l’accouchement médicalisé

Incidence de la répartition des dépenses globales pour l’accouchement médicalisé

Nous avons ajouté à notre analyse les dépenses des donateurs et donatrices et les paiements directs des ménages aux dépenses publiques afin d’évaluer l’incidence distributive des dépenses globales de santé sur les accouchements médicalisés. La figure 12 indique que la répartition des dépenses totales de santé est similaire à la distribution des dépenses publiques. L’inégalité dans les dépenses totales de santé a diminué de manière significative entre 2003 et 2017. Les femmes les moins pauvres ont bénéficié de manière disproportionnée des dépenses totales de santé dans tous les établissements de santé publics. La tendance à la réduction des inégalités au fil du temps s’est maintenue. En comparant les dépenses publiques et les dépenses totales, nous avons observé une tendance similaire à la baisse des inégalités dans les prestations financières des hôpitaux et des centres de santé publics. Malgré la diminution substantielle des inégalités au fil du temps, l’incidence distributive des dépenses de santé est restée favorable aux moins pauvres dans les trois périodes et dans tous les établissements de santé publics.

Figure 12. Incidence de la répartition des dépenses globales pour l’accouchement médicalisé au fil du temps

Répartition des dépenses publiques des accouchements médicalisés en milieux urbain et rural

Le total des dépenses publiques est réparti de manière pratiquement égale dans les zones urbaines (figure 13), mais cela favorise de manière disproportionnée les moins pauvres dans les zones rurales (figure 14). En 2003 et 2010, les dépenses publiques dans les hôpitaux publics et les centres de santé publics des zones urbaines étaient en général réparties de manière presque égale, alors qu’elles bénéficiaient de manière disproportionnée aux femmes les moins pauvres des zones rurales. En 2017, les dépenses publiques ont généralement favorisé les moins pauvres dans les zones urbaines et rurales, sauf dans les centres de santé publics en zone urbaine où elles ont été réparties de manière égale. Si on compare l’incidence de la répartition des dépenses publiques entre les hôpitaux publics et les centres de santé publics, il est surprenant de constater que les avantages financiers étaient en général également répartis dans les hôpitaux publics en 2003 et 2010, alors que les dépenses publiques dans les centres de santé publics ont bénéficié de manière disproportionnée aux moins pauvres pendant toutes ces années.

Figure 13. Incidence de la répartition des dépenses publiques pour l’accouchement médicalisé en milieu urbain
Figure 14. Incidence de la répartition des dépenses publiques pour l’accouchement médicalisé en milieu rural

Répartition des dépenses publiques totales pour l’accouchement médicalisé entre les régions

Malgré la diminution des inégalités au fil du temps, en examinant les disparités régionales, nous avons observé une forte hétérogénéité persistante dans la répartition des dépenses publiques (figure 15). Les femmes les moins pauvres ont principalement bénéficié des dépenses publiques, mais l’inégalité a diminué entre 2003 et 2017 vers l’égalité.

Figure 15. L’hétérogénéité régionale dans la répartition de l’incidence des dépenses publiques totales pour l’accouchement médicalisé entre les régions. NB : Les régions en blanc ne sont pas inclues dans notre analyse (absence de données).

Répartition des dépenses globales des accouchements médicalisés en milieux urbain et rural

L’incidence de la distribution des dépenses globales de santé sur les accouchements médicalisés dans les zones urbaines et rurales (figures 16 et 17) indique une répartition légèrement différente par rapport à la distribution des dépenses publiques. L’incidence distributive des dépenses globales a montré une distribution différente dans les zones urbaines et rurales. En 2003 et 2010, les dépenses globales totales ont profité de manière disproportionnée aux moins pauvres dans les zones rurales, alors qu’elles ont été réparties de manière égale ou en faveur des pauvres dans les zones urbaines. En 2017, les dépenses globales totales ont surtout bénéficié aux femmes les moins pauvres dans les zones urbaines et rurales.

Figure 16. Incidence de la répartition des dépenses globales pour l’accouchement médicalisé en milieu urbain
Figure 17. Incidence de la répartition des dépenses globales pour l’accouchement médicalisé en milieu rural

Répartition des dépenses globales totales pour l’accouchement médicalisé entre les régions

La répartition des dépenses globales (figure 18) semble similaire à la répartition des dépenses publiques (figure 15) entre les régions. Les dépenses globales totales ont bénéficié en général aux femmes moins pauvres. Toutefois, le degré d’inégalité est plus marqué pour les dépenses globales que pour les dépenses publiques, car il se reflète également au niveau des prestataires de soins de santé.

Figure 18. L’hétérogénéité régionale dans la répartition de l’incidence des dépenses globales totales pour l’accouchement médicalisé entre les régions. NB : Les régions en blanc ne sont pas inclues dans notre analyse (absence de données).

Discussion

Les résultats indiquent une diminution substantielle des inégalités dans les dépenses publiques et globales pour les soins curatifs et l’accouchement médicalisé au fil du temps au Burkina Faso. Cela suggère que les investissements réalisés dans les différentes politiques de la CSU ont modifié l’allocation des ressources pour atteindre plus efficacement les segments les plus pauvres de la société. Toutefois, une diminution plus importante de l’inégalité des dépenses publiques et globales a été observée pour les services curatifs et pour l’accouchement médicalisé. En 2017, une répartition égale des dépenses de santé ou une répartition en faveur des pauvres n’ont été observées que pour les services curatifs. Une répartition égale n’a été observée que pour les dépenses globales de soins ambulatoires. Une répartition égale en faveur des pauvres n’a été observée que pour les dépenses publiques totales de soins curatifs et les dépenses publiques de soins ambulatoires dans les centres de santé. Bien que la politique de la SONU et de la gratuité aient permis de réduire les inégalités dans les accouchements médicalisés (Nguyen et al., 2018; Kuunibe et al., 2020), nos conclusions suggèrent qu’il existe encore des obstacles, au-delà du financement de la santé, qui empêchent les femmes pauvres de recourir à l’accouchement dans une formation sanitaire.

De même, il n’est pas surprenant que la distribution des dépenses globales ait été moins favorable aux pauvres que celle des dépenses publiques. Il existe cependant peu d’études qui ont évalué séparément l’incidence distributive des dépenses publiques et globales de santé afin d’établir une comparaison avec nos résultats aux Burkina Faso. Des résultats semblables ont été observés en Afrique du Sud (Ataguba & McIntyre, 2012) indiquant que le système de santé global bénéficiait de manière disproportionnée aux moins pauvres. L’écart observé dans la distribution des dépenses publiques et des dépenses globales est largement dû à l’inclusion des dépenses directes des ménages dans l’analyse, puisque ces dernières ont tendance à être plus élevées pour les personnes de statut socio-économique supérieur.

Tant pour les services curatifs que pour les accouchements médicalisés, les avantages des dépenses publiques et globales au niveau primaire des soins (centres de santé) ont eu tendance à profiter aux pauvres, tandis que les avantages sanitaires à niveau élevé de soins (hôpitaux) ont eu tendance à profiter aux moins pauvres. Ces conclusions reflètent le fait qu’après la suppression des frais d’utilisation, les plus pauvres ont tendance à utiliser les services primaires, tandis que les moins pauvres les hôpitaux. Une ancienne étude réalisée en Afrique du Sud et au Ghana par Castro-Leal et al. (2000) a suggéré que les plus aisé-e-s bénéficient des dépenses publiques pour des niveaux de soins élevés puisqu’ils et elles peuvent se permettre de payer les frais d’utilisation. En outre, une revue systématique de 17 études (Asante et al., 2016) dans des pays à faible et moyen revenus a révélé que les dépenses de santé profitaient de manière disproportionnée aux moins pauvres aux niveaux des soins secondaires et tertiaires (hôpitaux).

Concernant les disparités en matière d’inégalité entre les zones de résidence et les régions, nous avons observé une grande hétérogénéité dans la répartition des dépenses publiques et globales entre les milieux urbain et rural, d’une part, et entre les régions, d’autre part. Mais une plus grande hétérogénéité a été observée pour les dépenses globales. Pour les services de santé curatifs, la répartition des dépenses publiques et globales a favorisé de manière disproportionnée les moins pauvres dans les zones urbaines, mais s’est déplacée vers l’égalité en 2017 dans les zones rurales. Une situation différente a été observée pour les accouchements médicalisés, pour lesquels les dépenses publiques et globales étaient réparties de manière égale ou en faveur des pauvres dans les zones urbaines, mais en faveur des moins pauvres dans les zones rurales. L’inégalité en faveur des moins pauvres dans les zones rurales a diminué en 2017 vers plus d’égalité. Un élément à garder à l’esprit est que l’une des interventions, le FBP, a ciblé presque exclusivement les zones rurales (De Allegri et al., 2019). Les hôpitaux de district des douze districts concernés ont également été inclus dans le programme FBP, mais l’intervention s’est en fait concentrée sur les établissements de soins primaires ruraux. Cela pourrait expliquer pourquoi, en 2017, on observe moins d’inégalités dans les dépenses publiques et globales en milieu rural qu’en milieu urbain.

À propos des disparités régionales, dans l’ensemble, les personnes moins pauvres ont bénéficié de manière disproportionnée des dépenses de santé dans tout le pays. Des disparités régionales similaires ont été observées dans une évaluation de la couverture des services de santé au Burkina Faso (Zon et al., 2020). Cette étude a indiqué que les principales causes sous-jacentes de l’inégalité de la couverture des services de santé dans les régions et les districts sont les différences économiques entre les districts sanitaires et une politique d’allocation des ressources sanitaires (ressources financières, infrastructure sanitaire et personnel de santé) inadaptée dans l’ensemble du pays. Cette étude a suggéré une allocation plus transparente des ressources de santé en fonction des besoins des districts et des régions afin de remédier aux inégalités en matière de santé dans tout le pays.

Conclusion

Les résultats de notre étude révèlent une grande hétérogénéité dans la répartition des dépenses de santé entre les différents niveaux de soins, les types d’établissements, les espaces de résidence et les régions. Dans l’ensemble, l’inégalité a diminué au fil du temps, tant pour les dépenses publiques que pour les dépenses globales, bien que la diminution des inégalités soit différente selon les prestataires de soins et les niveaux de soins. Cette réduction de l’inégalité est probablement le reflet des réformes spécifiques à la CSU mise en œuvre dans le pays pour améliorer la distribution des ressources financières publiques et globales afin d’atteindre les segments les plus pauvres de la population. Cependant, la méthode que nous avons utilisée ne permet pas d’attribuer les effets observés à une réforme spécifique. Une répartition des dépenses de santé plus égale ou plus favorable aux pauvres est observée pour les dépenses publiques et au niveau de soins inférieur, alors qu’elle est surtout favorable aux moins pauvres pour les dépenses globales au niveau de soins supérieur. Cela suggère que, même après la suppression des frais d’utilisation, il existe encore des obstacles pour accéder aux soins de niveau plus élevé pour les pauvres au Burkina Faso, tels que la distance ou les coûts médicaux et non médicaux. Afin d’assurer une plus grande égalité dans la distribution des bénéfices des dépenses de santé, y compris à des niveaux de soins plus élevés, le gouvernement burkinabè devrait renforcer les systèmes de référence et supprimer tout obstacle financier et non financier associé à l’utilisation des soins de santé dans le pays.

Références

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  1. Voir le chapitre de Louart et al.
  2. Voir le chapitre de Beaugé et al.
  3. Voir le chapitre de Ridde et al.
  4. Voir le chapitre de Ridde et Yaméogo.

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