Résumés
L’émergence du régime national d’assistance médicale pour les plus pauvres au Mali
La couverture maladie universelle est une priorité internationale. La majorité des pays d’Afrique de l’Ouest cherchent à définir le contenu de leur système d’assurance maladie obligatoire et contributif. Cependant, très peu de pays, à l’exception du Mali, ont décidé de développer une politique nationale pour les populations les plus pauvres qui ne soit pas basée sur les cotisations. Cette recherche qualitative examine le processus historique qui a permis l’émergence de cette politique publique. La recherche montre que le processus a été très long, chaotique et suspendu pendant de longues périodes. L’un des plus grands défis a été celui de l’intersectorialité et de la construction sociale des plus pauvres à cibler par cette politique publique et les tensions institutionnelles ayant évolué en fonction des enjeux politiques liés à la protection sociale. Finalement, le régime d’assistance médicale pour les plus pauvres a vu le jour en 2011, entièrement financé par le gouvernement. Son émergence semble être due non pas tant à une nouvelle préoccupation pour les plus pauvres de la société qu’à une volonté de donner à la politique de protection sociale engagée une garantie d’universalité. Cette politique n’en demeure pas moins une innovation au sein de l’Afrique de l’Ouest francophone.
L’adoption de la réforme du système de santé au Mali : rhétorique et contradictions autour d’un prétendu retour de la santé communautaire
À partir d’une approche conceptuelle relativement nouvelle, l’approche post-structuraliste de C. Bacchi, une analyse des discours a été réalisée afin de comprendre l’adoption en février 2019 d’une réforme du système de santé malien et son articulation avec d’autres réformes et cadres stratégiques élaborés ou en cours d’élaboration par le gouvernement. Des entrevues auprès de 27 personnes et une analyse documentaire ont permis de faire ressortir l’émergence de la réforme du système de santé dans le contexte de l’adoption d’une autre politique : le régime d’assurance maladie universelle. Or, ces deux réformes reflètent différentes représentations des problèmes, qui soulèvent elles-mêmes les intérêts sous-jacents de leurs partisan-e-s et mettent en lumière des processus d’élaboration, des temporalités et des stratégies de concertation résolument opposées.
L’émergence comparée du financement basé sur les résultats dans la santé au Bénin et au Burkina Faso
Ce chapitre porte sur l’émergence du financement basé sur les résultats dans le domaine de la santé au Bénin et au Burkina Faso dans les années 2000. Dans un premier temps, il analyse son émergence à la lumière de la théorie des courants de Kingdon. Ensuite, il compare les contextes nationaux de cette émergence. Trente-deux entretiens ont été réalisés au Bénin et quatorze au Burkina Faso en 2015 avec des informateurs et informatrices clés impliqué-e-s aux niveaux supérieurs des États et des agences de coopération au développement. Des rapports et des écrits scientifiques sur les politiques publiques ont été exploités. Les résultats montrent que les courants des problèmes et des solutions existent et sont les mêmes dans les deux pays. Les entrepreneurs internationaux et entrepreneuses internationales du FBR sont les mêmes, ils et elles ont agi efficacement sur les mêmes catégories locales d’acteurs et d’actrices que sont les cadres techniques et administratifs-ves des ministères de la Santé principalement. Les fenêtres d’opportunités ont été des changements survenus dans les régimes politiques, les premiers ministres et les ministres de la santé au Burkina Faso, le président et tout le gouvernement au Bénin. Alors que le changement au Burkina Faso s’est fait sur fond de crises politiques, au Bénin, il est arrivé avec la fin d’un régime et l’arrivée d’un nouveau.
La diffusion politique du financement basé sur les résultats au Mali
Depuis 2009, le Mali s’est lancé dans une réflexion sur l’adoption du financement basé sur les résultats (FBR) afin d’améliorer l’utilisation et la qualité des services de santé maternelle et infantile. De nombreux acteurs étrangers d’Europe et d’Afrique ont contribué à diffuser l’idée et les principes du FBR auprès des acteurs et actrices malien-ne-s du niveau central et de tous les niveaux de la décentralisation sanitaire. Les interactions sociales entre les entrepreneurs et entrepreneuses de la diffusion et les acteurs et actrices clés du processus politique se sont avérées déterminantes pour la diffusion du FBR. Non seulement les intermédiaires se sont « approprié-e-s » le processus de diffusion, mais ce processus leur a permis de devenir des expert-e-s étrangers et étrangères diffusant la politique dans d’autres pays.
La place de l’équité dans la couverture santé universelle au niveau mondial, au Bénin et au Sénégal
L’équité est souvent associée à la couverture santé universelle (CSU). Nous examinons comment le concept multidimensionnel d’équité est abordé dans un échantillon de documents de politique de CSU au niveau mondial, ainsi que dans les stratégies nationales au Bénin et au Sénégal. La plupart des documents analysés parlent d’inégalités en santé au sens large, sans mentionner la dimension ou le type d’inégalité considéré. Certaines dimensions de l’équité sont ambiguës. En ce qui concerne les niveaux d’équité, l’accès aux services est la dimension la plus souvent citée, suivie par la protection financière. En ce qui concerne les types d’équité, les disparités socio-économiques, géographiques et fondées sur le genre sont le plus souvent citées. Au Bénin et au Sénégal, les inégalités géographiques sont le plus souvent citées dans les stratégies de CSU, mais les interventions concrètes visent surtout les pauvres. En conclusion, si l’équité est largement évoquée dans les documents de politique de CSU examinés, son utilisation est plutôt rhétorique, elle n’est pas toujours définie et le concept est rarement exploité selon toute son étendue. Les documents politiques nationaux utilisent aussi l’équité comme un principe rhétorique, sans tenir suffisamment compte de comment le mettre en œuvre.
Les dynamiques politiques et couverture de santé universelle : pouvoir, idées et mutuelles de santé communautaires au Rwanda
Au Rwanda, les mutuelles de santé communautaires couvrent plus des trois quarts de la population. Les mutuelles ont mis le pays sur la voie de la couverture santé universelle (CSU). Ce chapitre explique comment le Rwanda, l’un des pays les plus pauvres du monde, a réussi à atteindre de tels résultats en analysant les dynamiques politiques qui sous-tendent la conception et la mise en œuvre des mutuelles de santé. À l’aide d’un cadre analytique s’appuyant sur le rôle des idées et de la distribution du pouvoir, il effectue une analyse historique des choix politiques cruciaux ayant présidé au développement des mutuelles. L’étude révèle que l’extension de la couverture santé a été rendue possible dans le cadre d’efforts du régime pour renforcer sa légitimité politique à travers un développement socio-économique rapide. Si les mutuelles ont été préférées à d’autres politiques publiques, c’est parce qu’elles constituaient l’option la plus en phase avec l’idéologie de la coalition au pouvoir. L’étude montre que la poursuite de la CSU est un processus éminemment politique. Cependant, les explications fondées uniquement sur les « intérêts » objectifs des dirigeant-e-s ne peuvent rendre compte de l’émergence de la couverture santé au Rwanda. L’idéologie doit aussi être prise en compte. Des stratégies de couverture santé compatibles avec les intérêts des décideurs et décideuses mais incompatibles avec leurs idées risquent de se heurter à des obstacles politiques. L’étude s’interroge sur la pertinence pour les pays pauvres d’accéder à la CSU en s’appuyant sur une forme classique de mutuelles de santé basée sur l’inscription volontaire des membres et la gestion communautaire.
L’utilisation de la science pour formuler la politique d’exemption du paiement des soins de 2016 au Burkina Faso
En mars 2016, le gouvernement nouvellement élu du Burkina Faso a décidé d’un changement majeur dans la politique de financement de la santé : il a supprimé le paiement direct des soins de santé pour les femmes et les enfants de moins de cinq ans. Cet article décrit ce processus politique et présente une analyse réflexive de deux auteurs qui ont été au cœur des événements entre 2008 et 2018. L’analyse montre que, si la décision a pris beaucoup de temps et a certainement représenté un changement de paradigme politique, elle a été le résultat d’une série complexe d’événements et d’activités dont les contributions spécifiques sont difficiles à identifier. Le financement à long terme de projets pilotes visant à tester le nouvel instrument politique, associé à la production de preuves mobilisées par une myriade d’activités de transfert de connaissances, a été un élément crucial de la décision. En outre, il a fallu la mobilisation continue de coalitions de défense, des actions visant à contrer les idées préconçues sur cet instrument et l’émergence d’une fenêtre d’opportunité essentielle —le soulèvement populaire de 2014— pour que la décision soit possible.
Les débuts de la mise en œuvre du financement basé sur les résultats au Burkina Faso
Pour améliorer la quantité et la qualité des services de santé, le Burkina Faso s’est engagé dans le financement basé sur les résultats (FBR). Cette recherche analyse sa mise en œuvre dans trois districts de santé, douze mois après son démarrage. L’approche méthodologique est celle d’une étude de 18 cas multiples (formations sanitaires) et contrastés. Les données empiriques proviennent d’observations, d’entrevues informelles et formelles et de documents. Le niveau de connaissance du FBR est presque inexistant pour la communauté. La mise en place des agences de contrôle et de vérification, des contrats de performance et du paiement des subsides et des primes a pris beaucoup de retard. Les premières vérifications ont donné lieu à des réajustements rapides des agent-e-s de santé et parfois à une mise en scène préalable. L’intervention de FBR était très centralisée, son contenu planifié et défini en détail mais sa rencontre du contexte a conduit à ce que tout ne se passe pas comme prévu.
Les défis de la mise en œuvre du financement basé sur les résultats dans les centres de santé périphériques au Mali
De nombreux pays d’Afrique subsaharienne ont essayé le financement basé sur les résultats (FBR) dans le but d’améliorer les performances des systèmes de santé. Cette recherche qualitative vise à comprendre le processus de mise en œuvre d’un projet pilote de FBR dans la région de Koulikoro au Mali. Nous avons mené une étude de cas multiple et contrastée sur les performances de 12 centres de santé communautaires dans trois districts sanitaires. L’analyse a révélé que le contexte interne de la mise en œuvre du FBR a joué un rôle clé dans le processus. Les centres les plus performants ont fait preuve de leadership et d’engagement plus fortement que les moins performants. Ces deux caractéristiques étaient associées à la prise d’initiatives pour promouvoir la mise en œuvre du FBR et au renforcement de l’esprit d’équipe. La durée limitée de la mise en œuvre n’a pas permis l’émergence de réseaux ou de champions. L’enthousiasme suscité initialement par le FBR s’est rapidement dissipé, principalement en raison d’un retard dans le calendrier de mise en œuvre et les modalités de paiement. Ainsi, le niveau de performance initial et les contextes internes et externes des centres de soins de santé primaires influencent la mise en œuvre du FBR.
La distribution des primes du FBR dans les hôpitaux du Mali
Ce chapitre présente les résultats d’une recherche qualitative qui porte sur les effets du processus de distribution des primes du financement basé sur les résultats (FBR) sur la motivation des agent-e-s de santé de trois hôpitaux de district de la région de Koulikoro au Mali. Les résultats montrent que les agent-e-s de santé sont plus motivé-e-s à exécuter leurs tâches quand des primes sont proposées. Selon eux et elles, au-delà de la motivation financière, le FBR leur permet de mieux travailler. Toutefois, plusieurs problèmes de mise en œuvre (retard de décaissement des primes, manque de transparence lors de la distribution) ont entrainé un sentiment de frustration et de déception des agent-e-s de santé. Le montant des primes obtenues est jugé insuffisant et les agent-e-s estiment une inadéquation entre les efforts fournis et le montant de prime obtenu par le FBR.
Le financement basé sur la performance et la motivation des agent-e-s de santé pour les plus performants au Burkina Faso
Ce chapitre présente les résultats d’une étude de cas multiple des effets du financement basé sur la performance (FBP) sur la motivation des agent-e-s de santé dans deux hôpitaux de district et 16 établissements de santé primaire dans trois districts au Burkina Faso. Les résultats montrent qu’au-delà des personnalités ou des capacités des agent-e-s, les effets du FBP sur la motivation dépendent surtout du « terrain sur lequel on tombe ». Dans les cas étudiés, plusieurs déterminants organisationnels ont effectivement participé à la construction d’effets du FBP : la participation et la transparence dans les formations sanitaires, le retour d’informations, la possibilité d’apprentissage, ou encore la qualité des infrastructures, des équipements et des ressources humaines.
Le besoin de navigateurs et navigatrices en santé pour soutenir l’accès aux soins des indigent-e-s en Afrique subsaharienne
Les indigent-e-s sont trop souvent exclu-e-s des actions pour soutenir la couverture santé universelle en Afrique. Trop peu de politiques s’intéressent à leurs besoins. Les interventions de navigation en santé pour soutenir les populations les plus pauvres et vulnérables pourraient être une solution pour leur permettre d’accéder aux services de santé. Cependant, nous avons réalisé une revue des écrits scientifiques qui a montré qu’aucune intervention de ce type ne ciblait spécifiquement les indigent-e-s dans les pays à faible revenu. Nous nous sommes alors entretenu-e-s avec des expert-e-s en santé publique pour réfléchir aux possibilités d’adaptation de ces programmes pour répondre aux besoins spécifiques des indigent-e-s en Afrique subsaharienne. Notre recherche permet d’engager des actions pour intégrer les indigent-e-s dans les politiques pour la couverture santé universelle.
La presse et la protection sociale au Mali
Le domaine de la protection sociale au Mali a fourni une abondante matière à la presse. Depuis 2007, la formulation et la mise en œuvre de programmes destinés à protéger la population du risque maladie ont été portées à la fois par les doctrines internationales et les enjeux de politique nationale, et discutées par l’État, les partenaires internationaux, les syndicats et les agences de mise en œuvre. La mise en œuvre de l’assurance maladie obligatoire a donné lieu à une importante actualité politique et sociale, un débat très polarisé et un discours institutionnel de justification et de plaidoyer. Le discours de la presse a évolué suivant le contexte politique, l’actualité de la protection sociale et le discours institutionnel ainsi que la relation dans laquelle les institutions l’ont progressivement engagée.
Les mutuelles de santé communautaires au Sénégal : une forme d’économie sociale et solidaire?
Les mutuelles de santé communautaires (MSC) sont considérées comme des piliers de la mise en place de la couverture maladie universelle au Sénégal. Pourtant, elles se heurtent à de nombreuses difficultés techniques et institutionnelles. Si ces obstacles sont effectivement importants, notre objectif est de nous intéresser à un paradoxe qui n’a pas encore été étudié. Les MSC relèvent, dans leurs principes, de l’économie sociale et solidaire (ESS). Mais ces principes sont confrontés à des valeurs et des représentations diverses au sein des mutuelles du Sénégal. Nous mobilisons une méthodologie qualitative afin de confronter les représentations et les pratiques aux critères de l’ESS. Notre enquête montre que, malgré une réelle inscription des MSC dans l’ESS, les contraintes et les spécificités locales (inégalités, fortes identités locales, divergences d’intérêts) rendent difficile l’unification du mouvement mutualiste vers un système de couverture sanitaire universelle.
Le financement basé sur les résultats a engendré des conséquences non intentionnelles dans des centres de santé au Burkina Faso
Le financement basé sur les résultats (FBR) a été mis en œuvre dans plusieurs pays à faible et moyen revenu, malgré l’absence d’études sur ses conséquences non intentionnelles. Nous avons mené une étude dans six centres de soins de santé primaires au Burkina Faso pour mieux comprendre les conséquences non intentionnelles du FBR. Les résultats montrent que le FBR a favorisé une fixation des acteurs et des actrices sur les indicateurs de performance et la poursuite d’indicateurs considérés comme peu pertinents. Les agent-e-s de santé ont passé de longues heures à falsifier les registres médicaux pour améliorer leurs résultats. Bien que la plupart des personnes aient trouvé le FBR avantageux, leur mécontentement s’est manifesté en raison des retards de paiements, de la distribution inéquitable des subsides et de l’absence de points qualité pour des services fournis par certains membres du personnel. De nombreuses personnes trouvaient que l’intervention est trop coûteuse et qu’elle encourage une planification peu optimale.
Le financement basé sur la performance et les ruptures de stocks de médicaments essentiels au Cameroun
En 2011, le gouvernement du Cameroun a lancé son programme de financement basé sur la performance (FBP). Notre étude a examiné les effets de l’intervention du FBP sur la disponibilité des médicaments essentiels à l’aide des données d’un essai contrôlé randomisé (ECR) réalisé avec 205 formations sanitaires de trois régions (Est, Nord-Ouest, Sud-Ouest). La disponibilité de plusieurs groupes de médicaments essentiels a été définie en évaluant les ruptures de stock au cours des 30 jours précédant la collecte des données de l’ECR. Nos estimations suggèrent que l’intervention du FBP n’a eu aucun effet sur les ruptures de stocks de médicaments pour les soins prénataux, de vaccins, de médicaments pour la prise en charge intégrée des maladies de l’enfance et de médicaments pour le travail et l’accouchement. Toutefois, l’intervention a été associée à une réduction significative de 34% des ruptures de stock de médicaments de planification familiale. Ces résultats mitigés étaient probablement la conséquence d’un échec partiel de la mise en œuvre, allant de la perturbation et de l’interruption des services à une autonomie limitée des formations sanitaires dans la prise des décisions et à un retard considérable dans le paiement des prestations.
Permanence et invisibilité des paiements directs pour le VIH en République Démocratique du Congo
Bien que la gratuité des soins dans le contexte du VIH figure comme l’un des succès de la lutte contre le sida, les paiements directs imputés aux personnes vivant avec le VIH (PVVIH) perdurent dans certains contextes. Ce chapitre vise, à partir d’une revue documentaire, à mettre en évidence les connaissances existantes dans la littérature grise sur la présence des paiements directs au sein des interventions de lutte contre le VIH en République Démocratique du Congo ainsi que leurs conséquences et conditions de mise en œuvre. Cette revue documentaire montre la persistance et l’ampleur des paiements directs imputés aux PVVIH pour les soins associés au VIH en RDC ainsi que leurs effets délétères et – paradoxalement – le manque de visibilité de la question dans les écrits. Elle permet de dégager des besoins en connaissances dans le contexte de la RDC.
Les effets du financement basé sur les résultats au Mali sur le recours aux soins
Le financement basé sur la performance (FBR) est de plus en plus mis en œuvre dans les pays à faible et moyen revenu afin d’accroître l’utilisation et la qualité des soins de santé primaires. Toutefois, les preuves de son impact sont mitigées et varient considérablement d’un contexte à l’autre. Nous avons examiné les effets de la mise en œuvre puis du retrait du programme pilote de FBR dans la région de Koulikoro au Mali sur une série d’indicateurs pertinents de santé maternelle et infantile. L’étude montre que ni l’introduction ni le retrait du programme pilote de FBR n’a eu un impact significatif sur la tendance des indicateurs d’utilisation des services de santé maternelle et infantile. L’absence d’effets significatifs pourrait s’expliquer par les faiblesses dans la conception de l’intervention et par le contexte de sa mise en œuvre.
L’impact de la réduction et de la suppression du paiement des frais d’utilisation sur la prestation de services au Burkina Faso
Les politiques de réduction et de suppression des frais d’utilisation ont fait l’objet de recherches approfondies, mais il existe peu de preuves rigoureuses de leurs effets durables en ce qui concerne l’utilisation des services de soins. De plus, aucune preuve n’existe sur les effets d’une réduction partielle par rapport à la suppression totale des frais d’utilisation. Notre étude s’est déroulée dans quatre districts de la région du Sahel au Burkina Faso, où la politique nationale de réduction des frais d’utilisation (SONU) lancée en 2007 (réduction de 80% des frais d’utilisation) coexistait avec un projet pilote de suppression des frais d’utilisation lancé en 2008. Les résultats montrent que la SONU a produit une augmentation cumulée de 31,4% sur huit ans dans les quatre districts étudiés. Le projet pilote a encore amélioré l’utilisation et a produit une augmentation supplémentaire de 23,2% sur six ans. Les politiques de réduction et de suppression des frais d’utilisation ne suffisent pas à elles seules pour obtenir une couverture complète. Il est donc nécessaire de mettre en œuvre des mesures supplémentaires, ciblant par exemple les barrières géographiques et les lacunes en matière de connaissances, afin que toutes les femmes accouchent en présence d’une personne qualifiée.
L’utilisation des services de santé par les indigent-e-s du Burkina Faso
Une composante de l’intervention de financement basée sur la performance appliquée au Burkina Faso était de fournir un accès gratuit aux soins de santé par la distribution de cartes d’exemption des paiements directs à des personnes indigentes préalablement identifiées. La présente étude examine les facteurs qui ont conduit à l’obtention de cartes d’exemption par des indigent-e-s et l’effet de la possession de la carte sur l’utilisation des services de santé. Un ensemble de données de panel de 1 652 individus indigent-e-s sélectionné-e-s au hasard a été utilisé. Parmi les personnes indigentes interrogées en 2017, 75,51% ont reçu des cartes d’exemption. L’alphabétisation de base, vivre à moins de 5 km d’un centre de santé et résider à Diébougou ou Gourcy étaient positivement associés à la possession d’une carte. La possession d’une carte n’a pas augmenté l’utilisation des services de santé pour les indigent-e-s. Une meilleure conception et mise en œuvre des interventions, accompagnées de stratégies complémentaires comme la mise en place de navigateurs patients et de navigatrices patientes, pourraient aider les personnes indigentes à surmonter tous les obstacles d’accès et d’utilisation des services de santé.
L’efficience des politiques d’exemption du paiement des soins de santé maternelle au Burkina Faso
La réduction et la suppression du paiement direct pour les services de soins essentiels sont récemment devenues un instrument clé pour faire progresser la couverture santé universelle en Afrique subsaharienne, mais il n’existe pas de preuves de leur efficience. Nous avons cherché à combler cette lacune en estimant l’efficience de deux interventions d’exemption du paiement direct au Burkina Faso entre 2007 et 2015 : la politique nationale de réduction de 80% du paiement direct pour les services de soins de santé et le projet pilote de suppression complète (100%) du paiement direct pour les soins de santé dans la région du Sahel. Par rapport à la base de référence, la politique nationale de réduction de 80% du paiement direct et le projet pilote de suppression du paiement direct ont tous deux étés très rentables : les ratios coût-efficacité différentiels (ICER) sont de 210,22 USD et de 252,51 USD par année de vie ajustée sur l’incapacité (AVCI). Par rapport à la politique nationale de réduction de 80% des paiements directs, le projet pilote de suppression du paiement direct implique un rapport coût-efficacité différentiel de 309,74 USD par AVCI évitée. Notre étude suggère qu’il est intéressant et efficient pour le Burkina Faso de passer d’une réduction de 80% à la suppression complète du paiement direct pour les soins d’accouchement.
Les dépenses excessives de santé des indigent-e-s après l’arrêt du FBR au Burkina Faso
Mesurer les progrès réalisés vers la protection contre les risques financiers pour les plus pauvres est essentiel dans le cadre de la couverture sanitaire universelle. L’étude a évalué le niveau des dépenses directes et les facteurs associés à des dépenses directes de santé excessives pour les indigent-e-s qui avaient été ciblé-e-s et exempté-e-s dans le cadre du financement basé sur la performance au Burkina Faso. Les résultats montrent que 83,64% des personnes interrogées affirment disposer d’une carte d’exemption du paiement. Les indigent-e-s affirment avoir dépensé en moyenne 23051,62 FCFA (39,18 USD) pour recevoir des services de santé dans des formations sanitaires publiques alors qu’ils étaient censés être gratuits. De plus, la probabilité d’engager des dépenses excessives était associée de manière négative au fait d’être une femme et d’avoir une carte d’exemption.
L’évolution des inégalités de dépenses de santé au Burkina Faso
Le Burkina Faso a mis en œuvre différentes politiques afin d’accroître l’accès aux services de santé, en particulier pour les femmes et les enfants. Cette étude vise à évaluer si les investissements réalisés ont amélioré l’équité des dépenses de santé pour les différents groupes socio-économiques. Les résultats indiquent une diminution substantielle des inégalités dans les dépenses publiques et globales de santé au fil du temps, tant pour les services curatifs que pour les accouchements médicalisés. Toutefois, les inégalités de dépenses de santé sont encore en faveur des moins pauvres pour les dépenses globales et pour les dépenses dans les hôpitaux. Cela s’explique en grande partie à cause de la persistance des paiements directs élevés qui ne sont pas abordables pour les plus pauvres.
Les déterminants de la pérennité d’un projet de financement basé sur la performance au Burkina Faso
Cette étude de cas vise à évaluer la pérennité d’un projet de financement basé sur la performance (FBP) au Burkina Faso en identifiant les facteurs qui ont facilité ou contraint sa pérennité. Différent-e-s acteurs et actrices en lien avec l’implantation du projet ont pris part à l’étude, permettant de comprendre l’enjeu de pérennité de manière globale. Les résultats montrent que le niveau de pérennité de ce projet reste faible. Malgré un certain leadership de l’équipe d’implantation, on remarque une grande divergence entre le projet et les valeurs du contexte (ex. : autonomie vs centralisation du système de santé) et une faible appropriation du projet par certaines parties prenantes, notamment les décideurs et décideuses politiques. De nombreux défis d’adaptation soulignent l’importance de l’utilisation de cadres conceptuels en lien avec la pérennité ainsi que la nécessité d’évaluer davantage les contextes lors de la mise en œuvre de nouvelles interventions en santé
Les défis de la mise à l’échelle du financement basé sur les performances au Burkina Faso
L’objectif de cette étude est d’identifier les facilitateurs et les obstacles à la mise à l’échelle d’un projet de FBP au Burkina Faso fin 2016. Il émerge des entretiens que la faible implication de certaines parties prenantes, comme les décideurs et décideuses, dans l’organisation du projet a nui à sa mise à l’échelle, au profit d’une politique portant sur l’exemption de frais d’utilisation. La mise à l’échelle du FBP est cependant possible grâce à certains éléments qui pourraient être intégrés dans cette politique. Les coûts perçus ainsi que l’implication financière importante de la Banque mondiale étaient des obstacles à la mise à l’échelle du projet. La participation de parties prenantes aux opérations de mise à l’échelle et une meilleure compréhension du contexte d’implantation sont primordiales.
L’impossible mise à l’échelle nationale du financement basé sur les résultats combiné au transfert monétaire conditionnel au Sénégal
Le projet de financement de la santé et de la nutrition (PFSN) lancé en 2015 au Sénégal était un projet innovant par son architecture interne, associant notamment un appui à l’offre (FBR) et à la demande de soins de santé (CCT). Le projet possédait les ingrédients pour devenir un projet de référence pour la Banque mondiale et répondait, dans la lignée des grandes orientations sanitaires internationales et nationales, à un certain nombre d’enjeux de santé préoccupants pour le pays. Il n’a toutefois pas été passé à l’échelle nationale. Nous avons cherché à en examiner les raisons au travers de la théorie des courants de Kingdon. Les volets FBR et CCT du projet ont rencontré d’importantes difficultés de mise en œuvre, limitant l’appréhension de ces deux instruments comme solutions crédibles aux difficultés sanitaires rencontrées au Sénégal, d’autant qu’ils continuent de souffrir d’un manque de données probantes. Les quelques fenêtres d’opportunité identifiées et exploitées par les entrepreneurs et entrepreneuses politiques – majoritairement de l’international – n’ont eu qu’un effet temporaire, principalement circonscrit aux débuts du PFSN. À défaut d’être aujourd’hui considéré comme le nouveau « best-model » de la Banque mondiale, l’exemple des volets FBR et CCT du PFSN au Sénégal constitue une illustration des nombreux défis rencontrés pouvant réfréner le passage à l’échelle d’une intervention de santé.
Les défis des mutuelles communautaires en Afrique de l’Ouest
Quarante ans après la déclaration d’Alma-Ata en 1978, la deuxième conférence internationale sur les soins de santé primaires, qui s’est tenue en octobre 2018, a réaffirmé la place des communautés dans la gestion et la gouvernance des systèmes de santé. Dans certaines régions d’Afrique, la stratégie pour atteindre la couverture santé universelle (CSU) repose sur le développement des mutuelles communautaires de santé. Or, il existe des tensions et des écarts entre le principe de participation communautaire d’Alma-Ata, tel qu’il est actuellement interprété, et ce qui est requis pour le bon fonctionnement des mutuelles de santé communautaires. Une première tension est liée au rôle de la communauté, à la nature volontaire de l’adhésion et à l’engagement bénévole dans la gouvernance et la gestion. Nous utilisons des exemples du Rwanda, du Ghana, du Mali et du Sénégal pour montrer les défis associés à la place des communautés dans les mutuelles de santé et la nécessité de réduire le rôle des volontaires communautaires pour s’orienter plutôt sur la professionnalisation de la gestion. Les pays qui souhaitent encore compter sur les mutuelles communautaires de santé pour la CSU doivent trouver des moyens de rendre l’inscription des populations obligatoire, et renforcer la professionnalisation de la gestion des mutuelles communautaires, tout en veillant à ce que les communautés continuent d’avoir une place dans la gouvernance.
Le point de vue des décisionnaires du Burkina Faso sur l’utilisation de la recherche au ministère de la Santé
Malgré l’accent mis de plus en plus sur l’utilisation des données probantes pour la prise de décision, relativement peu d’initiatives ont été développées pour la soutenir. On sait pourtant que l’opinion des décisionnaires face à la recherche est déterminant de son utilisation. En février 2017, le ministre de la Santé du Burkina Faso prévoyait de créer une unité destinée à favoriser l’utilisation de la recherche pour la prise de décision. Avant la mise en œuvre de cette unité, une série d’entretiens ont été réalisés auprès de 14 décisionnaires afin de recueillir leur point de vue sur l’utilisation de la recherche pour la prise de décision. Les résultats montrent une attitude mitigée face à la recherche et plusieurs obstacles à l’utilisation. On suggère de mieux sensibiliser les décisionnaires, d’améliorer l’accès à la recherche et de favoriser les rapports avec les scientifiques. Une série de pistes de réflexion et d’action sont finalement proposés pour maximiser l’impact d’une unité de transfert de connaissances au sein d’un ministère.