11 Le Master professionnel Formation des Formateurs (FORMEP). Tutorat, récits de vie et collaboration

Denise Gisele de Britto Damasco et Laurizete Ferragut Passos

Résumé

Ce chapitre présente le Master professionnel en éducation intitulé Formation des Formateurs (FORMEP), un programme post-diplôme de l’Université pontificale catholique de São Paulo, ainsi que l’activité complémentaire appelée Tutorat, basée sur une approche de recherche narrative. Cette formation diplômante vise à accueillir des professionnel·le·s des réseaux éducatifs brésiliens qui souhaitent analyser et/ou développer un dispositif de formation sur et pour les écoles publiques et privées. La structure pédagogique du FORMEP comprend deux années d’études, incluant une recherche empirique en éducation. Les tutrices et tuteurs de ce master sont des doctorant·e·s et des chercheur·euse·s postdoctorant·e·s en éducation, qui collaborent pour encadrer ces étudiant·e·s, tout en valorisant leurs parcours personnels et professionnels, afin de les guider dans la réflexion et la construction de leurs projets de recherche à partir d’une approche (auto)biographique. Lors du premier semestre, le projet d’écriture de soi a pour titre « Mon thème et moi » et durant le second semestre, « Mon thème et les autres ». Ces deux textes constituent la base de la recherche qui sera développée au cours de la deuxième année de ce master professionnel.

Resumo

Este artigo apresenta o Mestrado Profissional em Educação intitulado Formação de Formadores (FORMEP), um programa de pós-graduação da Pontifícia Universidade Católica de São Paulo e a atividade complementar intitulada Tutoria, baseada em abordagem da pesquisa narrativa. Essa pós-graduação stricto sensu busca acolher profissionais das redes de ensino do Brasil que desejam analisar e/ou desenvolver um dispositivo de formação para e sobre as escolas públicas ou privadas da educação básica. A estrutura pedagógica do FORMEP prevê dois anos de estudos, incluindo a pesquisa empírica em educação. As tutoras e tutores são doutorandas(os) e pesquisadoras(es) em pós-doutorado que trabalham em colaboração orientando tais mestrandas(os), valorizando seus percursos pessoais e profissionais, a fim de guiá-los na construção e na reflexão sobre seus projetos de pesquisas a partir de uma abordagem (auto)biográfica. Durante o primeiro semestre, a escrita de si intitula-se “Meu tema e eu” e no segundo semestre, “Meu tema e os outros”. Esses dois textos tornam-se a base para a pesquisa que será desenvolvida durante o segundo ano do Mestrado Profissional.

Abstract

This article presents the Professional master’s in education entitled Training of Trainers (FORMEP), a post-graduation program of the Pontifical Catholic University of São Paulo and the complementary activity entitled Tutoring, based on narrative research approach. This stricto sensu post-graduation program seeks to welcome professionals from the Brazilian education networks who wish to analyze and/or develop a training device for and on public or private schools of basic education. The pedagogical structure of FORMEP provides for two years of studies, including empirical research in education. The tutors are PhD students and researchers in postdoctoral studies who work in collaboration guiding the students, valuing their personal and professional careers, in order to guide them in the construction and reflection on their research projects from a (auto)biographical approach. During the first semester, the writing of him/herself is entitled « My theme and I » and in the second semester, « My theme and the others ». These two texts become the basis for the research that will be developed during the second year of the Professional Master’s Degree.

Introduction

Ce chapitre présente le Master professionnel en éducation intitulé Formation des Formateurs (FORMEP), un programme post-diplôme de l’Université pontificale catholique de São Paulo, ainsi que l’activité complémentaire appelée Tutorat, basée sur une approche de recherche narrative. Cette formation diplômante vise à accueillir des professionnel·le·s des réseaux éducatifs brésiliens qui souhaitent analyser et/ou développer un dispositif de formation sur et pour les écoles publiques et privées.

Ce chapitre est organisé en trois parties. La première partie présente les récits de vie et l’écriture de soi comme une force épistémologique et méthodologique qui nous fait considérer qu’il y a eu, ces dernières années, un tournant narratif en éducation.

Dans la seconde partie, nous expliquons l’organisation du Master FORMEP, notamment sa structure pédagogique qui prévoit deux années d’études en présentiel, comprenant une recherche en éducation ciblée sur la formation des formateur·rice·s. Le but ici est de présenter ce master comme une possibilité de suivre des démarches méthodologiques à partir du paradigme narratif : un champ de savoirs en terrains d’enquête de la recherche biographique.

Le programme FORMEP propose en première année le Tutorat qui donne la possibilité aux étudiant·e·s d’élaborer des projets de recherche de façon collaborative. L’organisation de ce Tutorat est basée sur une approche de recherche narrative et sur la collaboration entre pair·e·s à partir de rencontres en mini-groupes, pour faire émerger l’écriture de soi comme premier pas dans ce Master professionnel FORMEP. Enfin, la troisième partie de ce chapitre vise à décrire les démarches réalisées lors des 16 séances offertes dans le cadre du Tutorat.

Récits de vie, écriture de soi : la force du tournant narratif en éducation

Dans l’ouvrage Le Sens de l’Histoire : Moments d’une biographie par en 2001, Remi Hess livre son récit de vie réalisé à partir d’entretiens avec Christine Delory-Momberger qui ont eu lieu entre 1999 et 2000. Si « d’un point de vue événementiel, le récit de Remi Hess peut être lu comme la traversée de l’histoire intellectuelle et universitaire de ces trente années » (Delory-Momberger, Hess 2001, p. 1), d’un point de vue épistémologique, la théorie des moments est utilisée comme un dispositif d’entretien construit autour de ses expériences. Christine Delory-Momberger a fait « le choix délibéré des lieux d’enregistrement visant à permettre que se tienne une parole autre que celle à laquelle invitent les espaces domestiques et institutionnels » à partir d’une réécriture faite des transcriptions des enregistrements en comprenant ce récit de vie comme « une histoire de vie en perpétuelle construction et évolution et qu’il ne peut prétendre à autre chose qu’à en représenter un moment transitoire » (Delory-Momberger, Hess 2001, p. 3).

Cet ouvrage nous introduit également à l’histoire du genre autobiographique depuis le XVIIIe siècle, ce qui n’est pas l’objet de ce chapitre[1]. En même temps, y est définie ce qu’est une « histoire de vie », c’est-à-dire « faire l’histoire de sa vie, se réapproprier son histoire », tout en rapprochant ce concept de celui de « fiction vraie » (Delory-Momberger, Hess 2001, p. 8). Pour eux,

Si l’histoire de vie n’est pas un déjà-là auquel donnerait accès le récit qui en est fait, elle apparaît en revanche comme un des lieux privilégiés de l’invention et de la production du sujet dans le langage. Acte de parole complexe qui institue le sujet dans le temps où il l’énonce, l’histoire de vie mérite pleinement le statut d’acte performatif que les linguistes reconnaissent aux énoncés qui effectuent l’action en même temps qu’ils la signifient. (Delory-Momberger, Hess 2001, p. 9)

Le paradigme narratif est présent dans un éventail de dispositifs paroliques (la confession, le dispositif psychanalytique, la confrontation avec l’intervention psychosociologique), des dispositifs privilégiant la production écrite (le journal, la correspondance), des dispositifs alliant parole et écriture, selon Delory-Momberger et Hess (2001). Nous sommes invité·e·s à « connaître, se connaître et se reconnaître » (Delory-Momberger, Hess 2001, p. 400). Pour ces auteurs,

L’histoire de vie est donc une forme intéressante de moment analytique, de moment socio-historique d’une anthropologique du moi. Le sujet s’y construit. En même temps que le sujet comprend des déterminations sociales qui ont pu peser sur lui, il perçoit les choix qu’il a faits, les occasions qu’il a saisies. Car, le sujet, plus qu’il ne se donne, se prête constamment au monde et aux autres. Ainsi, il se renouvelle et s’ouvre de nouveaux possibles. (Delory-Momberger et Hess 2001, p. 405)

À partir de cette écriture de soi ou « pour soi », comme soulignent Delory-Momberger et Hess (2001, p. 257), nous comprenons la force du tournant narratif dans la recherche en éducation. Au Brésil, nous avons eu, au début du XXIe siècle, accès à plusieurs traductions d’articles des chercheur·euse·s lié·e·s à l’histoire de vie et au mouvement narratif[2]. En 2007, Marie-Christine Josso a publié en portugais, dans une revue classée, un texte intitulé « Transformation de soi à partir du récit d’histoire de vie ». Selon Josso (2007), les approches biographiques sont une voie pour appréhender le savoir, puisque les professionnel·le·s qui s’y forment sont capables de « développer une conscience de soi-même et d’un collectif » (p. 437).

En 2016, Baroni apparente le terme « tournant narratif » à l’« empire du récit » ou la « narratologie ». Le « tournant narratif » est présent dans plusieurs domaines du savoir, si l’on considère les formes narratives dans l’historiographie ou dans la sociologie, si l’on considère aussi les histoires de vie dans les formations pour adultes, dans l’approche narrative des démarches thérapeutiques, dans les biographies langagières issues de la filière didactique des langues, entre autres.

Selon Baroni (2016), ce mouvement intitulé « tournant narratif » remonte à une quarantaine d’années, à partir des publications de penseurs tels que Paul Ricœur, Peter Brooks, Hayden White, Carlo Ginzburg ou Jerome Bruner. Ce tournant narratif, d’après Baroni, conduit à distinguer une discipline institutionnelle d’une discipline de recherche. Pour cet auteur, qui se présente comme narratologue, « dans un monde idéal, il serait probablement plus efficace de créer une nouvelle section de sorte que discipline institutionnelle et discipline de recherche puissent enfin correspondre l’une à l’autre, et que la visibilité de la théorie du récit soit optimale » (p. 235).

Dans un ouvrage plus récent sous la direction de Delory-Momberger, intitulé Vocabulaire des histoires de vie et de la recherche biographique (2019), nous avons totalisé 150 entrées sur cette approche narrative. Cet ouvrage réunissant 90 contributrices et contributeurs a été organisé en quatre parties : a) la première partie aborde 64 notions sur la recherche biographique en éducation; b) la deuxième partie présente 27 courants et théories des histoires de vie en formation ainsi que de la recherche biographique; c) la troisième partie explicite 39 démarches et dispositifs issus de cette approche et enfin, d) la quatrième partie de cet ouvrage liste 20 champs, comme des lieux de formation et de ce type de recherche biographique en éducation.

Ce Vocabulaire (Delory-Momberger, 2019) propose notamment des définitions pour les termes « autobiographie » et « récit de vie ». Peter Alheit, auteur du texte sur l’autobiographie, la présente comme une recherche biographique, déclinée en narration biographique, mouvement rétrospectif présent dans « une multitude de variantes : autobiographies, mémoires et biographies classiques, fictions biographiques… lettres et journaux intimes et aussi textes modernes comme les blogs sur Internet » (p. 33). Christophe Niewiadomski, auteur du texte sur le « récit de vie », attire l’attention sur l’importance de distinguer ce terme du terme « histoire de vie ». Pour lui, « le terme récit de vie, quant à lui, renvoie de façon plus explicite à une méthodologie de recueil de données » et le terme « histoire de vie » couvrirait plutôt des faits personnels temporels (p. 136). Dans cet ouvrage, les termes « histoire de vie » sont un courant et une théorie, sachant que « histoire de vie et génération », « histoires de vie de collectivité » et « histoire de vie en formation » sont des démarches et pratiques. Cela nous fait comprendre que ce champ du savoir est assez riche et doit s’accompagner de rigueur méthodologique.

Lors de la première année d’études, l’organisation institutionnelle du Master professionnel FORMEP privilégie le récit de vie et un éventail de disciplines lié au paradigme narratif en éducation, ce qui sera développé dans la partie suivante.

Le Master professionnel Formation des Formateurs – FORMEP

André et Príncepe (2017) discutent de la place de la recherche dans les masters professionnels en éducation au Brésil. Les deux autrices soulignent les soupçons et la résistance vis-à-vis de ce type de master, sachant que le master recherche était le plus choisi dans notre contexte. En s’appuyant sur l’exemple du Master professionnel Formation des Formateurs (FORMEP), André et Príncepe mettent en évidence l’articulation entre la recherche et la pratique pédagogique dans la structure de ce master. Elles concluent que ce type de master s’impose dans nos universités.

André (2017) analyse la distinction entre le master professionnel et le master recherche. Pour le master professionnel, la pratique enseignante est un objet privilégié d’étude, sachant que les participant·e·s à ce master sont des enseignant·e·s sur le terrain, des maître·sse·s d’école, des conseillèr·e·s pédagogiques, directrices et directeurs d’écoles. Le master recherche cible au préalable l’avancée du savoir. Le point commun de ces deux types de master est la rigueur théorique et méthodologique, le plan détaillé de la recherche sur le terrain, le contrôle et la systématisation du savoir.

Le Master FORMEP est une formation diplômante sur deux ans, comprenant une recherche en éducation. Ce programme, créé en 2012, a fonctionné à partir de 2013, sachant que la rentrée universitaire au Brésil a lieu en février ou en mars (André, 2016). Cette formation FORMEP comprend deux volets de recherche, l’un portant sur le développement professionnel du ou de la formateur·rice et les pratiques éducatives, l’autre sur les évaluations dans les espaces éducatifs.

Ce Master FORMEP est une formation en présentiel qui a lieu dans les espaces de la PUC de São Paulo, sachant qu’en 2020 et 2021, étant donné la pandémie de Covid-19, nous avons eu deux années d’activités en distanciel synchrone. En 2022, les activités ont repris en présentiel, mais l’activité complémentaire du Tutorat a conservé quelques groupes en distanciel.

Ce programme FORMEP valorise la recherche sur la pratique professionnelle. Pour André (2016), il s’agit d’une recherche « engagée » qui exige une planification et de la rigueur méthodique. Il s’agit d’une recherche ancrée dans les contextes professionnels de celles et ceux qui décident de suivre ce programme : des professionnel·le·s des écoles, des conseillèr·e·s pédagogiques, des directrices et directeurs, des enseignant·e·s des systèmes éducatifs de São Paulo et du pays entier.

La structure curriculaire de ce Master FORMEP prévoit, lors de la première année, trois disciplines institutionnelles obligatoires, ainsi qu’une activité complémentaire intitulée Tutorat. Ces disciplines institutionnelles obligatoires ciblent la formation des formateur·rice·s, les enjeux liés à l’évaluation et la méthodologie de la recherche en éducation. Les étudiant·e·s de ce programme sont convié·e·s également à s’inscrire dans des disciplines électives d’autres programmes de Master en éducation de la PUC de São Paulo : le Master recherche en Psychologie de l’Éducation; le Master recherche en Histoire, Politique et Société et le Master recherche en Curriculum[3].

Dans son programme, le FORMEP propose une discipline institutionnelle appelée « Études (auto)biographiques et recherche narrative : perspectives théorique et méthodologique de l’étude du travail et de la formation des formateurs ». Le cadre théorique sur lequel cette discipline s’appuie prévoit la lecture d’articles et d’ouvrages de spécialistes tel·le·s que : a) Christine Delory-Momberger pour une étude approfondie sur la recherche biographique, les ateliers biographiques; b) Daniel Bertaux pour la compréhension des récits de vie; c) Elizeu Clementino de Souza pour la compréhension de la recherche (auto)biographique en éducation en Amérique Latine; d) la lecture d’articles classiques à partir de Franco Ferrarotti, pour bien saisir l’autonomie de la méthode biographique et de Pierre Dominicé, pour la formation des adultes et le paradigme biographique; e) Jean Clandinin et Michael Connelly pour la recherche narrative; f) Jorge Larrosa Bondía, afin de bien saisir les termes « expérience » et « savoir de l’expérience »; g) Maria Conceição Passeggi qui nous présente l’expérience en formation, ainsi que Marie-Christine Josso qui analyse la formation de l’adulte et l’adulte en formation.

Un autre exemple de cours institutionnel offert dans le cadre du programme FORMEP s’intitule « Groupes collaboratifs, communautés d’apprentissage, communauté de pratique dans les écoles : constitution, pratiques et vécus ». Le cadre théorique prévu est construit à partir de travaux de chercheur·euse·s brésilien·ne·s très renommé·e·s tel·le·s que : a) Bernadette Gatti et Marli André pour la compréhension de la situation des enseignant·e·s au Brésil; b) Dario Fiorentini pour saisir le sens de communautés d’apprentissage; c) Gloria Calvo qui nous offre un panorama sur le développement professionnel dans plusieurs pays; d) Laurizete Ferragut Passos qui définit les groupes collaboratifs; e) Maria Assunção Flores et Fernando Ilídio Ferreira qui analysent plusieurs sortes de communautés d’apprentissage; f) Marilyn Cochran-Smith qui étudie le sens de la collaboration et du travail collectif et enfin, g) Michel Fullan et Andy Hargreaves qui présentent l’école comme organisation.

Bien que le FORMEP offre, avec le cours intitulé « Recherche en éducation », un vaste panorama méthodologique aux étudiant·e·s du FORMEP, nous comprenons pourquoi leur choix méthodologique se cantonne aux approches narratives, à l’autobiographie et l’atelier biographique, entre autres. Nous y retrouvons en effet, comme démarches de collecte de données, la réalisation de groupes de discussion et d’entretiens semi-dirigés ou d’entretiens narratifs. Pour la méthode d’analyse des données, nous privilégions par ailleurs l’analyse des récits[4] (André, 1983). Sigalla et Placco (2022) soulignent que la méthode de l’analyse des récits proposée par l’une des fondatrices du programme FORMEP, Marli André, vise à inclure des éléments implicites et non implicites des messages, voire des éléments verbaux et non verbaux. Selon André (1983), les registres des observations et des entretiens, ainsi que tout ce qui a été collecté lors de la recherche sur le terrain (journal de recherche, documents, photos, mimiques, etc.), tout ce qui a été vu lors de la collecte des données est à analyser.

Jusqu’à présent, onze enseignant·e·s chercheur·euse·s se sont consacré·e·s à ce programme[5] et 265 mémoires ont été soutenus entre 2015 et 2021. Le FORMEP propose tous les deux ans une rencontre scientifique intitulée Séminaire de Pratique. Ces séminaires sont l’occasion de diffuser la production issue de ce master. Cinq éditions ont déjà eu lieu. À noter que l’édition de 2021 était en ligne, en raison de la crise sanitaire[6]. Organisée par les étudiant·e·s du FORMEP, cette rencontre scientifique est un espace de partage des recherches et des expériences, ouvert à l’ensemble des étudiant·e·s en master. Pour ce qui est du Tutorat, une activité est également prévue, bénéficiant d’une coordination spécifique, gérée par des tutrices depuis sa première édition. Ces tutrices constituent le noyau dur du Tutorat, avec l’enseignante chercheuse qui coordonne le FORMEP. Chaque semestre, ce noyau dur est responsable d’inviter, dans le cadre du Tutorat, des doctorant·e·s et postdoctorant·e·s des programmes d’études supérieures en éducation de la PUC de São Paulo.

Le Tutorat : organisation, démarches, formation des tutrices et tuteurs

Le point de départ du Tutorat est la pratique enseignante professionnelle. Ce Tutorat est structurant pour le Master FORMEP, dans la mesure où les étudiant·e·s n’ont pas accès à leurs directeur·rice·s de recherche lors de la première année de master. Ils et elles sont en contact avec des tuteur·rice·s qui, pour la plupart, ont été également étudiant·e·s dans ce programme. Cela crée une dynamique interne authentique, puisque ces tuteur·rice·s ont déjà vécu le Tutorat dans leur parcours académique. Kulnig, Reis, Santos (2015) affirment que la participation en tant que tuteur·rice signifie apprendre à encadrer l’étudiant·e, puisque cette activité induit un dialogue entre enseignant·e·s et apprenant·e·s ainsi qu’un travail collectif et en groupe. Selon ces autrices, « le Tutorat été un formidable atelier de partage d’expériences et d’apprentissages » (Kulnig, Reis, Santos 2015, 40918–40919)[7]. Pour elles, ce qui est collectif crée des liens entre les tuteur·rice·s et les tutoré·e·s, des liens entre plusieurs acteur·rice·s de ce processus d’apprentissage. Toujours d’après Kulnig, Reis et Santos (2015), c’est la possibilité d’« apprendre à plusieurs niveaux : apprendre à guider l’étudiant·e, à dialoguer avec les enseignant·e·s et à travailler en groupe entre tuteur·rice·s, construire un retour sur les étudiant·e·s et leurs productions qui n’exprime pas seulement une opinion individuelle, mais la synthèse d’un collectif qui œuvre pour le développement de toutes les personnes impliquées » (40918–40919)[8].

Ce groupe de tuteur·rice·s travaille en collaboration avec la coordination du programme FORMEP qui est sensible au fait de répondre aux situations spécifiques, à des changements de tout ordre et aux enjeux liés à un travail entre pair·e·s, ainsi qu’entre tuteur·rice·s novices et expérimenté·e·s. Les tuteur·rice·s qui encadrent les étudiant·e·s du FORMEP travaillent en collaboration avec le programme de façon bénévole et reçoivent une attestation de participation au Tutorat en tant que tuteur·rice à la fin de chaque année. Le programme FORMEP oeuvre ainsi à la valorisation des parcours personnels et professionnels des étudiant·e·s dorénavant appelé·e·s tutoré·e·s ou participant·e·s au Tutorat, afin de les guider dans l’élaboration de leurs projets de recherches à partir d’un paradigme narratif. La coordination du Tutorat organise des mini-groupes de deux ou trois personnes par tuteur·rice, pour que les tutoré·e·s avancent en pairs et planifient ainsi mieux leur formation à la rentrée et les activités semestrielles.

Lors de la première année d’études, ce Tutorat a une valeur de deux crédits par semestre pour les tutoré·e·s. Une coordination formée par des tuteur·rice·s plus expérimenté·e·s suit par ailleurs le groupe de tuteur·rice·s, de façon à mieux encadrer les activités développées en groupes. Il s’agit d’organiser en mini-groupes environ 40 tutoré·e·s par semestre.

En 2016, André et al. (2016) ont mené une recherche sur le Tutorat dans le cadre du programme FORMEP. Il a été proposé à 116 tutoré·e·s et 13 tuteur·rice·s des années 2013, 2014 et 2015, un questionnaire avec trois questions ouvertes. Un total de 45 personnes ont participé à la recherche. L’analyse de leurs réponses a permis de conclure que le Tutorat était perçu comme un espace d’apprentissage ouvrant la possibilité d’un développement professionnel, pour les tutoré·e·s autant que pour les tuteur·rice·s. Le Tutorat apparaît donc comme une activité contribuant de façon positive à la formation de futur·e·s chercheur·euse·s et enseignant·e·s de l’enseignement supérieur.

Selon Reis, Aranha et André (2019), depuis 2018, l’approche méthodologique privilégiée par les tuteur·rice·s est celle des récits narratifs. Les trois autrices définissent ce choix méthodologique « comme une pratique éducative qui, basée sur les expériences de vie personnelles et professionnelles racontées par les participant·e·s, favorise une réflexion capable de récupérer des expériences, des valeurs et des attentes, et peut également façonner la vie des participant·e·s. » (p. 250)[9].

À titre d’exemple, Sigalla (2021) a soutenu une thèse de doctorat, au sein du Programme d’études supérieures en Psychologie de l’Éducation de la PUC de São Paulo, qu’elle définit comme un tutorat académique entre pair·e·s. Cette recherche, qui avait pour objectif de comprendre le Tutorat en tant qu’espace collaboratif et de formation, lui a permis de recueillir les témoignages de 17 tutoré·e·s et de 13  tuteur·rice·s. Elle en est venue à la conclusion que les interactions entre pair·e·s expérimenté·e·s permettaient de renforcer la capacité réflexive et métacognitive des tuteur·rice·s et tutoré·e·s, grâce à un calendrier de rencontres privilégiant le dialogue, le partage d’idées, des doutes et des difficultés. C’est justement le détail de 16 de ces rencontres formatives qui sera dévoilé dans les deux sections suivantes.

Les démarches pour écrire le texte « Mon thème et moi »

Étant donné que l’objectif de l’approche narrative est l’écriture de soi, le Tutorat est organisé en huit séances par semestre, d’une durée d’une heure chacune, qui ont lieu tous les quinze jours. En guise d’exemple, nous détaillerons ci-après les étapes pour construire le premier texte « Mon thème et moi » en 2021. Il s’agit de cibler les objectifs de chaque rencontre et de présenter une consigne à suivre pour la rencontre suivante :

  • Première rencontre : discuter des objectifs du Tutorat et expliquer le contrat d’apprentissage à suivre par les tutoré·e·s (le calendrier des rencontres, l’importance de l’assiduité, de la lecture des textes des collègues, entre autres détails); nous suggérons que les séances soient enregistrées avec l’accord de chacun·e; et cette première rencontre donne lieu à la présentation orale de chaque membre du mini-groupe, y compris la tutrice ou le tuteur. Comme consigne pour la rencontre suivante, nous demandons aux tutoré·e·s de réfléchir à leur trajectoire de vie professionnelle, à partir des questions suivantes : qui suis-je? Pourquoi suis-je là, dans ce programme FORMEP? Qu’est-ce qui m’a fait venir là? Quels ont été les moments charnières de ma formation et de mon parcours professionnel? Y a-t-il des problèmes ou des questions qui m’inquiètent dans mon contexte professionnel?

  • Deuxième rencontre : présenter un récit oral de sa trajectoire de vie, lié à son intérêt pour la recherche et pour le programme de formation FORMEP. Comme consigne pour la rencontre suivante, nous leur demandons d’écrire ce parcours de vie professionnelle (Texte n.1), en insistant sur le fait que ce texte doit être envoyé une semaine avant la troisième rencontre, afin de permettre aux collègues du mini-groupe de le lire.

  • Troisième rencontre : étant donné que le premier texte écrit (Texte n.1) avait été partagé en ligne une semaine avant cette rencontre, nous demandons tout d’abord à chaque participant·e de lire son texte et ensuite de partager oralement son expérience, c’est-à-dire l’exercice d’écriture individuelle et sa diffusion au groupe; de partager également les difficultés pour écrire ce premier texte; enfin de commenter les textes des collègues. Comme consigne pour la prochaine rencontre, nous proposons à chacun·e de penser à son thème de recherche et de l’intégrer au premier texte écrit; puis d’écrire son deuxième texte (Texte n.2) et de le publier en ligne dans l’espace partagé.

  • Quatrième rencontre : faire commenter la réécriture réalisée par chacun·e (Texte n.2), sachant que toutes et tous ont pensé de façon plus spécifique au thème de leur recherche; essayer de vérifier oralement si ce second texte présente de façon plus claire et explicite ce qui les inquiète dans leur pratique professionnelle et ce qui les motive; le but est de faire ressortir ce qu’elles et ils aimeraient rechercher. La consigne pour la prochaine rencontre est de réécrire ce deuxième texte, afin d’ajouter les observations des collègues et les commentaires de la tutrice ou du tuteur, afin d’élaborer le troisième texte (Texte n.3).

  • Cinquième rencontre : nous sommes arrivé·e·s à la troisième version (Texte n.3), sachant que ce texte est le fruit des discussions communes et des commentaires publiés sur l’espace commun; il s’agit maintenant d’attirer l’attention collectivement sur les lignes de recherche du FORMEP, qui sont liées soit au développement professionnel et à la formation continue, soit à l’évaluation. Lors de cette rencontre, nous échangeons en groupe à partir des commentaires publiés sur les textes présentés et surtout, nous essayons d’identifier le·s problème·s à analyser et de formuler des questions de recherche. Comme consigne pour la prochaine rencontre, nous proposons de penser à la question de recherche et à son élaboration par écrit, en insistant pour que les tutoré·e·s pensent à leur question de recherche et la présentent collectivement.

  • Sixième rencontre : cette rencontre est dédiée à l’approfondissement de la question de recherche de chaque tutoré·e. Le but est d’élaborer des objectifs de recherche issus des questions soulevées en groupe. Il est demandé pour la prochaine rencontre de retravailler le texte (Texte n.4), en ajoutant l’objectif général de la recherche et ses objectifs spécifiques. Dans cette quatrième version, il faut revoir le thème de recherche et considérer une question ou un problème de recherche, des objectifs, même s’ils sont pour le moment provisoires; et ne pas oublier de publier en ligne, dans l’espace dédié, cette quatrième version, une semaine avant la prochaine rencontre.

  • Septième rencontre : faire lire les commentaires sur les textes des un·e·s et des autres et revoir l’objectif général présenté par chaque tutoré·e. Au cas où les tutoré·e·s n’y parviennent pas, on se contente de cibler les questions de recherche. Les consignes pour la dernière rencontre sont de réélaborer son texte (Texte n.5), en considérant les ajouts, les commentaires, les suggestions, les doutes collectifs. Nous insistons pour que tout le monde le publie une semaine avant la dernière rencontre, afin que tout le monde puisse lire pour collaborer à l’écriture finale.

  • Huitième rencontre : remise de la version finale du texte « Mon thème et moi » (Texte n.5). C’est le moment d’évaluer oralement le Tutorat, de faire chacun·e son autoévaluation pour conclure cette étape de formation. Le·la tuteur·rice leur explique qu’ils et elles vont recevoir un questionnaire pour évaluer le Tutorat et que lors de la réunion de fin de semestre de la coordination du Tutorat, un espace sera ouvert pour que tous les textes des tutoré·e·s soient publiés, afin que l’équipe de coordination puisse préparer le semestre suivant.

Lors de l’organisation du premier semestre du Tutorat, nous constatons un mouvement de va-et-vient de lecture des textes et nous considérons un minimum de cinq textes à écrire et réécrire. Selon Reis, Aranha et André (2019) le texte final intitulé « Mon thème et moi » est rattaché à l’acquisition des savoirs pour que les tutoré·e·s deviennent des chercheur·euse·s sur leur pratique. Raconter les inquiétudes, faire lire en groupe, relire, s’écouter, réécrire font partie de cette démarche biographique menée pour atteindre le but tout au long du premier semestre.

Les démarches pour écrire « Mon thème et les autres »

Lors du second semestre, pour préparer le texte final nommé « Mon thème et les autres », nous suivons la même démarche organisationnelle basée sur huit rencontres d’une heure tous les quinze jours. Le groupe de tutoré·e·s est réorganisé en mini-groupes de deux ou trois participant·e·s. Les tutoré·e·s restent rarement avec la même tutrice ou le même tuteur. Pour illustrer ces différentes étapes, nous présentons ci-après ce qui a été réalisé lors du second semestre de 2021 :

  • Première rencontre : nous reprenons le texte « Mon thème et moi » et chaque tutoré·e présente oralement son parcours aux collègues du mini-groupe. Nous conseillons aux tuteur·rice·s de lire au préalable les textes « Mon thème et moi » qui avaient été mis à leur disposition dans un espace virtuel commun. Nous ouvrons un espace dédié à ce mini-groupe et les membres auront toutes et tous accès aux textes des collègues. Le·la tuteur·rice demande aux tutoré·e·s ce qu’ils et elles ont lu pendant les vacances et comment ces lectures peuvent alimenter leur projet. Comme consigne pour la prochaine rencontre, nous suggérons la révision de ce texte, en tenant compte de l’écriture académique et des exigences liées aux références bibliographiques.

  • Deuxième rencontre : le but est d’organiser le texte « Mon thème et moi » comme une introduction du mémoire de master, tout en révisant la problématique de recherche. Nous les interrogeons sur l’objet de recherche à partir d’un problème qui mobilise des forces. Comme consigne pour la prochaine rencontre, nous réfléchissons aux objectifs généraux et spécifiques de la recherche.

  • Troisième rencontre : nous reprenons la construction des objectifs de la recherche, pour penser aux mots-clés, c’est-à-dire aux descripteurs de leur projet de recherche. Comme consigne pour la prochaine rencontre, nous leur demandons une recherche dans la Base de Données des Thèses et Dissertations (BDTD) au  CPES. Les tutoré·e·s doivent nous proposer, pour la prochaine rencontre, au moins deux recherches connexes à la leur.

  • Quatrième rencontre : c’est la mise en commun des études apparentées. Nous aidons les tutoré·e·s à construire un tableau à partir des premières recherches connexes présentées, tout en soulignant les nom, prénom, le titre de la recherche, les objectifs, la méthodologie, les résultats et ce qui leur semble le plus important, des observations personnelles qui vont montrer la raison du choix de cette étude apparentée. Comme consigne pour la prochaine rencontre, nous leur demandons de continuer leur recherche en développant le tableau proposé. Nous leur demandons aussi de réfléchir sur comment cette étape a été réalisée.

  • Cinquième rencontre : c’est le moment de la présentation et de la discussion sur le tableau préparé par chacun·e. Il est important de valoriser le fait d’organiser cette biographie de façon à pouvoir la récupérer à tout moment. Nous discutons en groupe sur comment chacun·e est arrivé·e à construire ce tableau, leurs doutes, difficultés et réussites. Pour la prochaine rencontre, nous demandons un premier jet du texte « Mon thème et les autres » que nous suggérons de commencer par les démarches de chacun·e pour arriver aux études connexes et à la description d’au moins deux études connexes. Nous leur demandons de publier leur texte dans un espace collaboratif une semaine avant la prochaine rencontre.

  • Sixième rencontre : nous commençons la rencontre par la présentation par chacun·e des tutoré·e·s de son texte « Mon thème et les autres ». Les tutoré·e·s discutent, reprennent leurs commentaires et remarques sur le texte du·de la collègue. Nous faisons d’autres recherches connexes pour les utiliser par écrit dans une seconde version de leur texte. Comme consigne pour la prochaine rencontre, les tutoré·e·s doivent réécrire leur texte « Mon thème et les autres » (Texte n.2) et le publier dans l’espace commun.

  • Septième rencontre : cette rencontre est dédiée aux commentaires des textes des tutoré·e·s et aux commentaires publiés. Le but est de préparer la version finale contenant au moins six études apparentées. Il est demandé aux tutoré·e·s de réécrire un texte de façon à décrire et à analyser un nombre plus significatif de recherches connexes. Nous leur suggérons entre 6 et 10 études connexes. C’est le moment également de réfléchir à de possibles parcours méthodologiques ayant comme exemples les études connexes décrites. Comme consigne pour la dernière rencontre, nous demandons de préparer la version finale du texte « Mon thème et les autres » (Texte n.3).

  • Huitième rencontre : nous commentons la version finale du texte « Mon thème et les autres » en fonction des recherches lues et analysées individuellement et discutées en groupe. Nous précisons aux tutoré·e·s que leur texte sera envoyé à leurs futur·e·s directeur·rice·s de mémoire. Ce texte final peut être révisé avant que nous le publiions dans un espace commun ouvert aux tuteur·rice·s. Cette dernière rencontre nous permet aussi d’évaluer le Tutorat avec les tutoré·e·s en comprenant leurs difficultés et motivations pour continuer la deuxième année en Master professionnel FORMEP.

À la fin de la première année de travail, les tutoré·e·s auront écrit deux chapitres à présenter à leur futur·e directeur·rice de mémoire. Il faut souligner que ces deux premiers textes sont un socle à partir duquel le binôme enseignant·e-étudiant·e mènera la recherche en éducation. Le rôle du Tutorat est donc de préparer une réflexion à partir d’une trajectoire professionnelle, de faire écrire, discuter, décrire, analyser, commenter, réorganiser et réécrire. Cette construction collaborative pendant une année, avec l’aide des tuteur·rice·s, permet une rencontre de soi et de l’autre, avant d’entrer dans le terrain de la recherche.

La formation des tutrices et tuteurs du FORMEP : suivi, réussites et défis à surmonter

Pour assurer un suivi du Tutorat, comprendre bel et bien les réussites de ce Tutorat et discuter les défis à surmonter ensemble, la coordination du Tutorat et la coordination du programme FORMEP organisent à chaque rentrée des cours de formation pour les tuteur·rice·s, planifiés à partir des demandes des tutoré·e·s explicitées lors des questionnaires d’évaluation du Tutorat.

En 2021, dans le cadre de la formation des tuteur·rice·s organisée par la coordination du Tutorat, nous avons étudié l’atelier biographique (Delory-Momberger 2006). En 2022, nous avons approfondi le terme « accompagnement » d’après la définition de Maela Paul (Delory-Momberger 2019, p. 269), comme catégorie principale dans le rapport entre les tuteur·rice·s et leurs tutoré·e·s. Au début de l’année 2022, la formation des tuteur·rice·s a ciblé la reprise de la vie académique en présentiel valorisant des actions pour bien planifier les rencontres, comme l’assiduité des personnes impliquées, afin de bien profiter des huit rencontres.

Cette formation, délivrée chaque année aux tuteur·rice·s lors de la rentrée, rappelle les principes de base à respecter face aux tutoré·e·s : l’engagement et la disponibilité vis-à-vis des tutoré·e·s; une bienveillance lors des 16 rencontres prévues; la ponctualité et l’assiduité; l’empathie envers les tutoré·e·s et leurs difficultés; la valorisation de l’écoute sensible, de l’accueil et du respect des limites des étudiant·e·s; la lecture attentive des textes des tutoré·e·s, de façon à les motiver et les sensibiliser à d’autres questions à partir de leurs textes; le partage des découvertes réalisées par le collectif de tuteur·rice·s et la mise en commun entre les tuteur·rice·s, la coordination du Tutorat et aussi la chercheuse responsable de ce programme, qui aura ainsi un panorama des groupes de tutoré·e·s. À la fin de la première année, la distribution des directeur·rice·s de recherche sera pensée en fonction des textes présentés et des échanges issus de la formation.

Nous comprenons que la méthodologie des rencontres prône fondamentalement l’échange et le partage (Charlier 2010). Le partage a lieu entre les tuteur·rice·s elles et eux-mêmes et entre les tuteur·rice·s et les tutoré·e·s. Apprendre par pair·e·s est un atout. Les tuteur·rice·s ont ce sentiment de réussite lorsque les tutoré·e·s arrivent à la fin du Tutorat avec leurs deux textes terminés.

Nous pourrions souligner six défis à surmonter à partir des évaluations du Tutorat. Du côté des tuteur·rice·s, le premier défi à surmonter, pour mener à bien cette production de textes pendant la première année du FORMEP, est de suivre le rythme prévu au préalable et aussi de faire comprendre aux tutoré·e·s que les textes produits visent la recherche en master et pas seulement une tâche isolée. Il faut aussi faire comprendre qu’une concertation entre les activités développées pendant le Tutorat et les activités réalisées dans le cadre des cours institutionnels obligatoires est possible, mais que les textes produits ne sont pas à considérer comme des travaux en lien avec les autres disciplines dans un premier temps.

Un second défi qui se présente de façon plus spécifique du côté des tutoré·e·s, est de comprendre que l’écriture de soi, les rencontres pour en discuter et les échanges pour les lire, ne représentent pas une thérapie clinique de groupe, un espace de lamentations ou un espace juste pour rapporter des échecs ou des difficultés. Un troisième défi est de suivre le rythme des rencontres du Tutorat et parallèlement de produire des récits et de les réécrire pour une lecture collective. Cela implique de gérer un espace commun avec d’autres collègues pour les publications, les commentaires sur les textes préparés.

Du côté de la coordination du Tutorat, nous constatons qu’il faut retrouver une stratégie pour faire lire et commenter les textes des collègues, ce qui devient un quatrième défi : le but est de développer un texte lu et révisé par toutes et tous. La construction du récit de vie est menée collectivement. Proposer un nombre réduit de tutoré·e·s organisé·e·s en mini-groupes est un but constant pour mieux gérer les activités collaboratives, voilà le cinquième défi. Il faut aussi souligner, comme sixième défi, celui de faire comprendre aux tuteur·rice·s que les tutoré·e·s sont des professionnel·le·s qui travaillent environ 40 heures par semaine et que toutes et tous forment un collectif concerté. L’importance de ce Master professionnel, c’est de permettre à des professionnel·le·s en service d’accéder à ce niveau d’études approfondies.

Cette démarche méthodologique, menée pendant 16 rencontres au cours de deux semestres, permet enfin et surtout de lire au préalable les textes des collègues et de collaborer à partir de cette lecture, sous la forme de commentaires, de questions, de corrections, de suggestions, entre autres. Et quand l’autre nous lit, nous expérimentons l’évaluation entre pair·e·s, une expérience qui devient collective. Cela nous mène à un travail construit sur une éthique et une rigueur méthodologique collaborative.

En guise de conclusion

La collaboration est un pilier central de ce Master professionnel FORMEP. À la fin de la première année de formation, les étudiant·e·s du FORMEP ont déjà produit leur récit de vie qui justifie leur recherche en éducation, ainsi que le rapport entre leur objet d’étude et d’autres études apparentées. Ces deux textes, lus, relus, réécrits deviennent un socle pour leur projet de recherche qui sera développé pendant la seconde année de ce Master professionnel.

Pour Reis, Aranha et André (2019), le but est de « définir la thématique et [de] la problématiser à partir des questions de recherche et produire un texte pour l’examen de passation de projet à la fin de la première année d’étude » (p. 245)[10]. Le Master professionnel FORMEP est par ailleurs ancré dans la réflexivité, quand les participant·e·s se rencontrent en groupe dans le cadre du Tutorat, puisqu’il faut s’impliquer à partir d’une contractualisation, une collaboration au moment d’une intercompréhension des parcours de vie produits dans « Mon thème et moi ». Ce n’est pas facile d’accéder à des terrains sensibles de trajectoires professionnelles. Le second texte intitulé « Mon thème et les autres » facilite cette tâche, quand nous sommes devant d’autres études qui avaient déjà soulevé des questions et ciblé des objectifs dans des recherches apparentées.

Soulignons enfin que le Tutorat permet aux tuteur·rice·s de pratiquer la direction de recherche, les formant à devenir des enseignant·e·s et chercheur·euse·s universitaires dans un proche avenir. À partir du moment où nous intégrons l’importance de valoriser les doutes et les questionnements des tutoré·e·s, nous priorisons une pratique collective axée sur l’éthique et la collaboration, valeurs institutionnelles du Master professionnel FORMEP.

Les approches narratives sont une démarche essentielle, un virage dans nos espaces universitaires de recherche en éducation. Cette formation FORMEP constitue potentiellement un exemple de contexte qui formalise et valorise ce que sont les pratiques narratives et en quoi les résultats des recherches menées peuvent conduire à des pistes pour améliorer les pratiques éducatives dans notre pays.

Références

Alheit, Peter. 2019. Autobiographie (Recherche Biographique). Dans Delory-Momberger, Christine. Vocabulaire des Histoires de Vie et de la Recherche Biographique. Toulouse : Éditions Érès, 2019, 32-35.

André, Marli. 1983. « Texto, contexto e significados: algumas questões na análise de dados qualitativos ». Cadernos de Pesquisa 45, 66–71. http://publicacoes.fcc.org.br/ojs/index.php/cp/article/view/1491

André, Marli Eliza Dalmazo Afonso de. 2016. « A formação do formador da prática pedagógica ». Revista Multidisciplinar Plurais 1(1), 30–41. https://revistas.uneb.br/index.php/plurais/article/view/2300

André, Marli Eliza Dalmazo Afonso de, Pereira, Rodnei, Príncepe, Lisandra et Aranha, Elvira Godinho. 2016. « Tutoria acadêmica no Mestrado Profissional: um aprendizado compartilhado ». Revista da FAEEBA – Educação e Contemporaneidade 5(47), 37–50. http://educa.fcc.org.br/pdf/faeeba/v25n47/0104-7043-faeeba-25-47-00037.pdf

André, Marli Eliza Dalmazo Afonso de et Lisandra Príncepe. 2017. « O lugar da pesquisa no Mestrado Profissional em Educação ». Educar em Revista 63, 103–117. https://www.scielo.br/j/er/a/vTQmsJXG5Q8jf8PqPK8gR9R/?format=pdf

André, Marli Eliza Dalmazo Afonso de. 2017. « Mestrado profissional e mestrado acadêmico : aproximações e diferenças ». Revista Diálogo Educacional 17(53). https://doi.org/10.7213/1981-416x.17.053.ao06

Baroni, Raphaël. 2016. « L’empire de la narratologie, ses défis et ses faiblesses ». Questions de Communication 30. http://journals.openedition.org/questionsdecommunication/10766

Charlier, Bernadette. 2010. « L’échange et le partage de pratiques d’enseignement au cœur du développement professionnel ». Éducation et formation e-293. http://revueeducationformation.be/index.php?revue=9&page=3

Delory-Momberger, Christine. 2006. « Formação e socialização: os ateliês biográficos de projeto » (M. C. N. Dias et H. C. Chamlian, trad.). Revue Educação e Pesquisa 32(2), 359–371. https://www.scielo.br/j/ep/a/GxgXTXCCBkYzdHzbMrbbkpM/?format=pdf

Delory-Momberger, Christine. 2019. Vocabulaire des Histoires de Vie et de la Recherche Biographique. Toulouse : Éditions Érès.

Delory-Momberger, Christine et Remi Hess. 2001. Le Sens de l’Histoire : Moments d’une biographie. Paris : Anthropos.

Gauthier, Benoît et Isabelle Bourgeois (dir.). 2016. Recherche sociale. De la problématique à la collecte des données (6è éd.). Montréal : Presses de l’Université du Québec.

Josso, Marie-Christine. 2007. « A transformação de si a partir da narração de histórias de vida » (M. C. M. Pagano, trad.). Revista Educação 3(63), 413–438 https://wp.ufpel.edu.br/gepiem/files/2008/09/a_tranfor2.pdf

Kulnig, Rita de Cássia M., Reis, Adriana T. et Luane N. Santos. 2015. « Da experiência de tutoria à aprendizagem de orientação ». EDUCERE XII : Congresso Nacional de Educação, 40912–40920. https://educere.bruc.com.br/arquivo/pdf2015/17964_10756.pdf

Niewiadomski, Christophe. 2019. Récit de Vie. Dans Vocabulaire des histoires de vie et de la recherche biographique. Toulouse : Éditions Érès, 136-138.

Reis, Adriana Teixeira, Aranha, Elvira Godinho et André, Marli Eliza Dalmazo Afonso de. 2019. « Uso de narrativas na construção de projetos de pesquisa dos mestrandos do FORMEP/PUC-SP ». Revista Ciências Humanas 12(2), 244–251. https://www.rchunitau.com.br/index.php/rch/article/view/537/293

Sigalla, Luciana Andréa Afonso. 2021. Tutoria acadêmica entre pares na pós-graduação stricto sensu: contribuições desse espaço coletivo-colaborativo de trabalho e formação. [Thèse de Doctorat]. Université Pontificale Catholique de São Paulo, São Paulo. https://sapientia.pucsp.br/handle/handle/21050

Sigalla, Luciana Andréa Afonso et Placco, Vera Maria Nigro de Souza. 2022. « Análise de prosa: uma forma de investigação em pesquisas qualitativas ». Revista Intersaberes, Dossiê Perspectivas da metodologia qualitativa em pesquisas na área de educação, 17(40), 100–113.


  1. Pour mieux saisir l’historique du développement de l’approche (auto)biographique, voir également Gauthier et Bourgeois (2016).
  2. Pour mieux appréhender la recherche (auto)biographique en éducation en Amérique latine, nous suggérons la lecture de ce terme à partir de Elizeu Clementino de Souza (Delory-Momberger, 2019, p. 241–246).
  3. La PUC de São Paulo offre des études doctorales également en Curriculum (voir sur https://www.pucsp.br/pos-graduacao/mestrado-e-doutorado/educacao-curriculo), en Histoire, Politique et Société (voir sur https://www.pucsp.br/pos-graduacao/mestrado-e-doutorado/educacao-historia-politica-sociedade) et en Psychologie de l’Éducation. Il faut souligner que le Master du programme d’études en Psychologie de l’Éducation à la PUC de São Paulo date de 1969 (niveau master). C’est l’un des premiers programmes au Brésil. Pour plus d’information, voir sur https://www.pucsp.br/pos-graduacao/mestrado-e-doutorado/educacao-psicologia-da-educacao#apresentacao
  4. Du portugais : Análise de Prosa (Notre traduction).
  5. Selon le site du programme sur Internet disponible sur https://www.pucsp.br/pos-graduacao/mestrado-e-doutorado/educacao-formacao-de-formadores#corpo-docente
  6. Pour accéder aux Actes de la dernière édition de ce séminaire, voir sur https://www.pucsp.br/sites/default/files/download/posgraduacao/programas/educacaoformacaoformadores/ANAIS_2021_Formep_18fev_2022%20.pdf
  7. Texte original : “A tutoria tem significado uma grande oficina de vivências e aprendizagens.” (Kulnig, Reis, Santos 2015, 40918–40919).
  8. Texte original : “Uma aprendizagem em vários níveis: aprender a orientar o aluno, a dialogar com os professores e a trabalhar em grupo entre tutoras/es, construindo uma devolutiva sobre os alunos e suas produções que expressa não somente uma opinião individual, mas a síntese de um coletivo que trabalha em prol do desenvolvimento de todos os envolvidos.” (Kulnig, Reis, Santos 2015, 40918–40919).
  9. Texte original: “Pode ser entendida como uma prática educativa que, a partir das experiências de vida pessoal e profissional, narradas pelos participantes, favorecem uma reflexão capaz de resgatar experiências, valores, expectativas, podendo também, configurá-la.” (Reis, Aranha, André 2019, p. 250 – Notre traduction).
  10. Texte original: “Definir a temática et a problematização a partir de questões de pesquisa e produzir um texto para o exame de qualificação de projeto no final do primeiro ano de estudo.” (Reis, Aranha, André 2019, p. 245 – Notre traduction).

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