6 Mise en commun en groupe de discussion de récits de vie de personnes atteintes par une maladie chronique. Méthode et savoirs

Marie-Claude Bernard

Résumé

En éducation – et plus spécifiquement celle thérapeutique -, les récits de vie sont reconnus comme une approche méthodologique conduisant vers des formes de savoirs. Mettre en mots au moyen d’un récit son expérience de vie a montré sa pertinence à l’égard de la prise de conscience de l’événement que constitue la maladie dans le parcours de vie, la valorisation des savoirs acquis par la maladie, la mobilisation de formes de résilience face à l’adversité, le développement d’une « agentivité » dans le vécu de la maladie, ou en étant porteur·e·s de savoirs complémentaires à ceux des soignant·e·s, entre autres. Les retombées de l’exercice de mise en mots dépassent l’individu qui se raconte et rejoignent les personnes qui écoutent les deux parties étant susceptibles d’être transformées. Sous ces considérations, ce chapitre rend compte d’une démarche de focus group impliquant cinq personnes atteintes par une maladie chronique ayant réalisé chacune leurs récits dans un processus d’élaboration du sens de l’expérience de vie liée à la maladie. Elle s’inscrit dans la prolongation d’un projet réalisé en collaboration avec une association de malades où les récits ont été recueillis. Quelle est la portée des récits lorsqu’ils sont mis en commun et discutés par les pairs? Comment l’expérience de partage et de discussion de récits de vie construits individuellement contribue-t-elle au rapport à l’apprendre? Ce texte décrira la méthodologie en incluant la démarche d’analyse et tente de répondre à ces questions.

Introduction

Dans le domaine général de l’éducation et plus spécifiquement de l’éducation thérapeutique, les récits de vie sont reconnus comme une approche méthodologique conduisant vers des formes de savoirs (Bernard, 2021). Mettre en mots l’expérience, au moyen d’un récit de vie, a montré sa pertinence à plusieurs égards. Par exemple, dans la prise de conscience de l’événement que constitue la maladie dans un parcours de vie (Delory-Momberger, 2013; Leclerc-Olive, 1997); la valorisation des savoirs acquis par la maladie (Jouet, 2013); la mobilisation de formes de résilience qui permettent de faire face à l’adversité (Cyrulnik et Jorland, 2012); le développement d’une « agentivité » comprise comme pouvoir d’action dans le vécu de la maladie (Assad, 2007; Vicherat, 2019); ou, encore, porteurs de savoirs complémentaires à ceux des soignant·e·s (Breton et Rossi, 2017; Dominicé et Lasserre Moutet, 2013).

Le projet à l’origine de ce texte se fonde sur les considérations théoriques que les récits de vie sont une forme de construction de savoirs (Delory-Momberger, 2013), qu’une analyse réalisée conjointement avec les personnes qui les ont élaborés permet de mieux cerner le sens de l’expérience (Pineau et Marie-Michèle, 2012) et que le partage en groupe conduit vers de nouveaux apprentissages (Jouet et al., 2019). La mise en récit est considérée comme un acte social, même lorsque la personne la fait individuellement. Non seulement elle résulte d’une intention orientée à la fois vers soi-même et vers « autrui », le récit est une construction contextualisée. Les raisons pour lesquelles la personne réalise la mise en mots de son récit font partie prenante du contenu et la forme de la narration. Le moment de vie dans lequel la narration est exprimée, le lieu où le récit est recueilli et le choix des destinataires font partie de la disposition de la personne narratrice à se raconter, à reconfigurer ses expériences passées (Bernard, 2011; Dominicé, 1989). Les lecteurs, lectrices ou les personnes qui écoutent le récit jouent également un rôle dans la construction du récit et sur son potentiel de libération de la parole (Piron, 2019). Les retombées de l’exercice de mise en mots dépassent l’individu qui se raconte et rejoignent les personnes qui écoutent, les deux parties étant susceptibles d’être transformées (Piron, 2019). Dans le contexte de l’éducation thérapeutique, de celui de la relation soignant·e·s-malades et, plus largement, de celui des relations sociales de la personne atteinte d’une maladie, la portée sociale des récits passe par son élaboration (mise en mots), son partage (à l’oral ou à l’écrit) et l’écoute (ou la lecture) qui lui est accordée (Bernard, 2021).

Dans ce chapitre, il sera question de présenter méthode et savoirs issus d’un projet de recherche mené avec cinq personnes atteintes d’une maladie rhumatologique. Je présenterai premièrement la mise en contexte de la recherche, suivie de la démarche méthodologique. Ces deux parties décriront, notamment, deux phases du projet. La première a consisté sur le recueil de récits écrits auprès de personnes atteintes par une maladie chronique dans le but de comprendre la vulnérabilité. La deuxième, qui concerne plus particulièrement le texte de ce chapitre, s’est intéressée à la mise en commun des récits de vie en groupe de discussion afin d’étudier leur portée et leur contribution au rapport à l’apprendre. Je présenterai troisièmement une synthèse des résultats de l’analyse qualitative de contenu effectuée. L’apport de la recherche sera discuté quatrièmement avant de boucler par la conclusion.

Mise en contexte de la recherche

Le projet s’inscrit dans le cadre d’une collaboration réalisée avec l’Association « Una sonrisa al dolor » (USAD)[1], à Guadalajara, au Mexique[2]. Cette association est en phase avec les associations de malades qui cherchent à contribuer de différentes façons à la qualité de vie des personnes atteintes par des maladies. Ces associations visent différents objectifs. Elles soutiennent des actions d’entraide, d’information sur les maladies et de partage d’expériences portant sur celles-ci. Plus récemment, elles s’engagent dans des recherches-actions et des pratiques de participation plus actives dans les décisions sur les solutions thérapeutiques ou la conception des services destinés aux malades (Charon, 2006; Jouet, Flora et Las Vergnas, 2010; Thievenaz et Tourette-Turgis, 2015). Elles promeuvent la valorisation des savoirs des personnes qui font l’expérience de la maladie, mettent en œuvre des dispositifs de participation aux connaissances et favorisent la solidarité sociale. Ces engagements soutiennent la reconnaissance grandissante des savoirs des malades dans le milieu médico-scientifique (Coulter, Parsons et Askham, 2008; Rabeharisoa et Callon, 2002). Cette valorisation des savoirs des patient·e·s peut être liée au courant de la médecine narrative développé à l’Université de Columbia (NY) vers les années 2000 (Charon, 2017) et par la création à Paris en 2009 d’une université des patient·e·s (Tourette-Turgis, 2013).

Dans une première phase du projet, il a été question de se pencher sur des récits réalisés individuellement par des personnes atteintes par une maladie rhumatologique membres de l’association. Au qualificatif de « chronique », attribué au diagnostic de ce type de maladies, s’ajoute le défi de la douleur du « corps vécu », selon l’expression de Canguilhem (1990), ce qui exacerbe le sentiment de vulnérabilité (Le Breton, 2016). Les récits représentent une forme de « pouvoir d’agir » pour les personnes atteintes par la maladie (Assad, 2007; Vicherat, 2019) en ce sens qu’ils donnent l’occasion de se positionner comme étant capable de se prendre en main (à contrecourant du vécu de la maladie, événement que l’on subit), en reconnaissant les propres forces et en orientant l’expérience en faisant des choix sur la signification accordée au parcours de vie. Lorsqu’ils sont partagés, comme ce fut le cas dans la deuxième phase du projet, ils mettent en exergue la singularité de l’expérience et sa résonance avec celles d’autres malades. Ils offrent en même temps l’occasion aux autres (soignants, soignantes, proches, amis, amies et membres de la famille) d’« écouter », tout en s’ouvrant à leur propre vulnérabilité (Jouet et al., 2021) et sont propices au projet visant le « bien vivre ensemble » englobant les différences et les complexités qui nous concernent en tant qu’individus et citoyens et citoyennes (Cassignol, 2019). Après la première phase du projet lors de laquelle on s’est interrogé sur l’étude de la vulnérabilité et sur le sens donné à l’événement de la maladie à travers les récits de vie de malades[3], la deuxième phase s’est focalisée sur les effets de la mise en commun des récits de vie. Cette mise en commun des récits de vie en groupe de discussion contribue-t-elle au rapport à l’apprendre des participantes? Afin de répondre à cette question, une démarche méthodologique mobilisant des groupes de discussion a été retenue (Duchesne et Haegel, 2004). Un des atouts de cette méthodologie largement reconnus est celui de permettre l’accès au point de vue des acteurs et actrices sociaux qui peuvent diverger ou converger (Mbazogue-Owono et Bernard, 2016).

Méthodologie

Puisque la deuxième phase du projet repose sur les récits recueillis au préalable, je présente les grands traits de la démarche mise en œuvre dans la première phase où les récits ont été recueillis de manière individuelle. Tous les membres de l’association présentée plus haut ont été invités à écrire leurs récits en proposant de suivre, au besoin, un canevas touchant les questions suivantes :

  1. Comment cela se fait-il que tu sois devenue membre d’une association de patient·e·s en rhumatologie?
  2. Comment as-tu été diagnostiquée comme étant atteinte d’une maladie rhumatologique?
  3. Raconte une expérience satisfaisante ou insatisfaisante en lien avec ta maladie.
  4. Raconte les apprentissages ou les acquis obtenus par l’avènement et le déroulement de la maladie (diagnostic, traitements, médicaments, pronostic, etc.).

La période pour réaliser les récits s’est étalée de six à dix mois et onze récits de vie ont été recueillis. Ayant obtenu l’autorisation des autrices, les quatre premiers récits reçus ont été retenus pour faire l’objet d’une analyse qualitative de contenu thématique et un cinquième a été ajouté, à la demande des participantes. Les récits proviennent de cinq femmes âgées alors de 35 à 64 ans ayant toutes reçu un diagnostic de maladie rhumatologique. Les cinq partagent l’expérience de la maternité (un ou deux enfants). Leur formation professionnelle varie d’études techniques à des formations universitaires de premier cycle (voir tableau 1).

Tableau 1 : profil des participantes
Prénom fictif Tranche d’âge (entre 35 et 65 ans) Profession
ou formation
Commentaires
(nombre d’années depuis le diagnostic;
moyenne de 18 ans et demi)
Elena 50 – 54 ans Diplôme d’enseignante au préscolaire Vingt-trois ans passés depuis le diagnostic de la maladie.

 

Azucena 55 – 59 ans Agent d’assurance Dix-huit ans d’avoir la maladie.

 

Sabrina 35 – 40 ans Deux diplômes universitaires : Droit et sciences des communications Elle date le début de la maladie sept ans en arrière.

 

Maria 45 – 49 ans Agent comptable Elle date sa maladie de dix ans en arrière.

 

Antonieta 60 – 64 ans Technicienne en joaillerie artistique Maladie diagnostiquée il y a 34 ans et une autre maladie diagnostiquée il y a huit ans.

Dans la deuxième phase, l’objectif était de mettre en commun les récits en groupe de discussion pour étudier la portée de ce partage et leur contribution au rapport à l’apprendre. Des séances de groupe de discussion ont été tenues lors desquelles chaque participante a eu l’occasion de parler de son récit qui faisait, à tour de rôle, l’objet central des discussions en groupe. Avant d’entreprendre ces séances de groupe, la chercheuse a tenu des entrevues individuelles semi-dirigées (à distance avec la plateforme Zoom) avec chaque participante pour présenter la phase suivante du travail, en précisant le cadre éthique et en remplissant le formulaire de consentement signé à la fin de la réunion. Sept séances de groupe de discussion ont été tenues étalées durant cinq mois. Lors des cinq premières séances, de façon volontaire et à tour de rôle, chaque personne a lu son récit à la suite de laquelle les participantes discutaient autour de celui-ci. Ses cinq séances étaient organisées de la façon suivante : a) lecture du récit par son autrice; b) réponses aux questions de clarification posées par les paires; c) échanges sur ce que le récit suscitait chez les participantes, sur le sens donné aux événements et sur les convergences et les divergences avec leur propre récit; d) dernières impressions sur la séance et conclusion. Une sixième séance a été dédiée au partage de la chercheuse sur le choix d’un thème retenu par les participantes. À leur demande, il a été question de parler de son choix des récits de vie comme méthodologie de travail (« mon récit de vie sur les récits de vie »). Une dernière séance a été consacrée à la synthèse des groupes de discussion lors de laquelle chaque participante a parlé de ce qu’elles ont retenu de l’expérience.

La question générale à laquelle cherchait à répondre cette phase du projet était celle d’interroger la portée des récits lorsqu’ils sont mis en commun et discutés par les pairs. Plus spécifiquement, l’objectif de recherche était de savoir si l’expérience de partage et de discussion des récits de vie de personnes atteintes de maladie chronique contribue au rapport à l’apprendre et, dans l’affirmative, le dépeindre.

Démarche d’analyse des groupes de discussion

Afin d’analyser les discours des groupes de discussion, les séances enregistrées sur la plateforme Zoom ont été transcrites (leur durée a varié de 1h30 à 2h07). Une fois les transcriptions des séances des groupes de discussion faites, un découpage par « épisodes » a été réalisé, soit des unités de sens des données, puis une analyse de contenu des cinq séances où, à tour de rôle, un des récits était au centre des discussions[4]. L’analyse de contenu des discussions s’est orientée dans un premier temps sur la base des objectifs et de la structure des séances, soit le sens coconstruit donné à la maladie, les sujets et questionnements abordés dans les échanges entourant leur parcours de vie, les convergences et les divergences entre les expériences et les conceptions, et enfin, les apprentissages évoqués (voir tableau 2). Dans un deuxième temps, une analyse croisant les cinq récits a été effectuée, permettant de mettre en relief les convergences et les divergences dans les expériences échangées, tout en repérant les points de discussion qui soulevaient des questionnements, des intérêts communs et des suggestions faites dans les interactions.

Tableau 2 : Orientation de l’analyse de contenu des cinq séances de groupe de discussion
Catégorie Commentaires
Sens donné à la maladie Sens coconstruit donné à l’événement de la maladie
Questions/réponses en interaction / en lien avec leur parcours de vie touché par la maladie  Questionnement et sujets abordés dans les échanges entourant leur parcours de vie touché par la maladie
Convergences Dans les expériences et les conceptions
Divergences Dans les expériences et les conceptions
Apprentissages Apprentissages évoqués

Synthèse des résultats des mises en commun

Partant des récits et des apports de la première phase de recherche dont l’analyse a été faite sous l’angle de la vulnérabilité (Bernard, 2021), la mise en commun des récits de vie en groupe de discussion ont conduit à des échanges qui soulèvent la portée de la narration du vécu en résonance avec les expériences et les sentiments d’autrui ainsi que, en moindre mesure, des divergences de certains points de vue. La dimension collective a permis également d’éclairer des rapports à l’apprendre.

Points de convergence

S’agissant de maladies où les prédispositions génétiques jouent un rôle, sans que toutefois les sciences médicales n’aient encore élucidé les raisons pour lesquelles des réactions anormales du système immunitaire apparaissent, les participantes mettent en commun leurs conceptions de ce qui peut avoir contribué ou déclenché l’expression de la maladie. En effet, les questions entourant l’apparition de la maladie rhumatologique et des réflexions sur de possibles déclencheurs afin de mieux la comprendre sont prégnantes dans les discussions[5]. Tout en cherchant ou en reconnaissant un caractère héréditaire de la maladie en faisant des liens avec les membres de la famille qui ont pâti de maladies rhumatologiques, elles font des associations avec d’autres éléments qui ont pu déclencher les symptômes, comme l’expriment les trois extraits qui suivent.

(…) je pense que ce fut émotionnel, le problème émotionnel, la peine émotionnelle qui a déclenché en moi la maladie parce que je l’avais hérité. (Antonieta, S2, É5)

 … On ne se rend pas compte que nous portons la maladie héréditaire jusqu’au moment où ça nous arrive (…) et alors elle porte son attention sur son oncle puis sur son grand-père (…) alors une situation émotionnelle peut aussi, comme le dit Maria, être un facteur déclencheur pour que la maladie s’active, je ne sais pas, c’est ce que je pense.  (Azucena, S1, É2)

(…) dans ton cas, Sabrina, il y a quelqu’un dans ton histoire familiale…? (Maria, S3, É3)

Dans trois cas, elles jugent que des événements tels que les décès d’êtres proches et aimés entraînant un choc émotionnel important (lié notamment au sentiment d’abandon) ont déclenché la maladie (la leur ou celle des participantes). Dans deux autres cas, elles pensent que la vie active effrénée et stressante qu’elles menaient explique l’apparition des symptômes. Manquant d’une explication par des liens de causalité reposant sur des savoirs médicaux probants, le doute persiste pour certaines sur l’origine ou sur les facteurs corrélés à la maladie.

L’expérience personnelle de la douleur et le besoin de soulager la souffrance des personnes atteintes par ses maladies chroniques sont un autre point de convergence important. Il s’agit non seulement de trouver une raison et une solution à la douleur comme processus neurophysiologique, la douleur s’exprime plus globalement comme une souffrance émanant de leur expérience personnelle, vécue dans la singularité de leur histoire de vie et dans leur contexte socioculturel. Les participantes cherchent donc à comprendre leur situation et à trouver des solutions pour soulager la douleur. Les médicaments jouent alors un rôle important, voire essentiel. Les traitements peuvent soulager les symptômes (notamment la douleur), mais aussi, lorsque le traitement est précoce, ils peuvent améliorer le pronostic, ralentir le développement de la maladie et améliorer l’état clinique. Une participante exprimera, par exemple, que « le médicament a changé ma vie » (S2, É6) ou encore que :

Le jour où j’ai pris du [nom d’un médicament], pour la première fois, j’ai dit [à mon médecin], ‘je vous jure que j’avais l’impression de me réveiller à nouveau’, je veux dire, non pas que la douleur m’ait été magiquement enlevée ou quoi que ce soit, je sais que ce n’est pas magique, mais j’ai commencé à me sentir beaucoup mieux. (Sabrina, S3, É3)

Toutes les participantes partageront, par ailleurs, des expériences soulignant le manque de tact ou le traitement désinvolte de certains médecins pour annoncer le diagnostic, pour répondre à leurs questions ou avancer sur la qualité de vie qui les attend. Les propos d’une participante l’illustrent en ces mots : « je lui ai dit : ‘et qu’est-ce le lupus’? et il m’a dit ‘tu te détruis toi-même, juste comme ça, parce que ça te plait’ et moi, ah, eh bien, c’est gentil, non? »[6] (S3, É6). Un autre extrait où une participante exprime qu’elle est d’accord sur les attentes parfois erronées des médecins qui peuvent te dire « Tu vas mourir… Qu’on te le dise comme ça si soudainement (…) c’est quelque chose qui, pour moi, était choquant… » (Elena, S2, É3)[7].

À la quête d’une meilleure compréhension de la maladie s’ajoute un besoin impérieux : celui de guérison. Des éléments exprimant la vulnérabilité (l’« être blessé » ) avaient émergé de l’analyse des récits de vie lors de la première phase du travail (Bernard, 2021) et, en groupe de discussion, la blessure réapparaît comme l’illustre, par exemple, l’intervention suivante :

… C’est une maladie qui peut…, avec les médicaments, tu peux contrôler les symptômes, mais malgré cela, il reste comme (…) il reste comme une blessure, tu as la blessure qui fait en sorte que tu n’es plus comme toutes les autres personnes. (Azucena, S3, É10)

Dans certains cas, la « blessure » de la maladie prend l’envergure d’un stigmate, tel que l’extrait ci-dessous le montre. Le qualificatif de chronique de ce type de maladies amplifie la « blessure » infligée, comme l’illustre cet autre extrait :

(…) lorsqu’on nous dit, ‘et ben tu as une maladie auto-immune dégénérative chronique et tu ne vas pas guérir, la seule chose que tu peux faire c’est la contrôler’, eh bien nous, nous nous asseyons et nous pleurons parce que ça change notre existence. (Maria, S2, É3)

Toutes les participantes sont d’accord pour dire que l’acceptation de la maladie est cruciale, et qu’il s’agit d’un processus difficile durant lequel les points de vue se transforment. Après le refus ou le déni, elle serait comprise comme quelque chose d’externe qui les oblige à changer le style de vie plus actif qu’elles menaient et à trouver des nouvelles formes d’expression et d’activités. Enfin, son caractère chronique les conduit à la considérer comme leur « accompagnatrice ». Arriver à l’acceptation, c’est obtenir une « clé » donnant accès à une forme de stabilité, une paix et une force intérieure[8].

Par ailleurs, le fait que les médicaments sont prescrits pour une durée indéterminée et que leur consommation peut entraîner des effets secondaires présente un autre aspect, plus critique, relatif à la réponse aux traitements. La préoccupation liée aux effets secondaires est une des raisons évoquées pour expliquer la quête de voies thérapeutiques alternatives, mais il s’agit pour les participantes de points de vue divergents, car elles ne se rejoignent pas toutes dans la recherche de solutions médicales.

Points de divergence

Le besoin de guérison peut rendre susceptibles les personnes atteintes de maladie chronique qui ont participé aux groupes de discussion d’emprunter la voie d’hypothèses pseudomédicales. Ainsi, une des participantes se laisse entraîner par une homotoxicologue qui la convainc que sa maladie tient à ses émotions négatives. Elle ne guérirait pas à cause de ses pensées qu’elle n’arrive pas à chasser. Voici quelques extraits des interactions :

Sabrina : [Je me disais] (…) peut-être qu’elle a raison, peut-être que c’est vrai, j’ai vécu beaucoup de choses, [je suis] passée par tellement d’émotions fortes et bon, peut-être qu’elle a raison et ce sont mes cellules. Elle m’a beaucoup manipulé (…). Elle m’a dit ‘tes cellules vont mal, tes cellules te détruisent, mais elles te détruisent parce que tu le leur permets, parce que tu es triste’ et c’est vrai que je l’ai cru (…).

(…) Quand j’ai été diagnostiquée et tout, j’ai dit ‘eh bien, peut-être que oui, peut-être que ce sont les émotions et c’est pourquoi les choses ne fonctionnent pas pour moi’, mais bon, je veux dire, avec le temps, j’ai découvert que non. (…)

Maria : (…) je suis dans l’extrême opposé (…), comment vais-je croire que cette forte douleur physique est générée par un sentiment ou une pensée?

Sabrina : Oui, ce qui s’est passé, c’est que pendant cette période, j’ai aussi perdu ma grand-mère et j’ai aussi perdu ma meilleure amie, c’est pourquoi je l’ai attribué à cela [aux émotions]. » (S3, É3).

La quête impérieuse de guérison, la fragilité émotionnelle et l’isolement dans lesquels se retrouvait une des participantes de cet extrait vis-à-vis des membres de sa famille qui ne croient pas qu’elle soit véritablement malade l’ont rendu susceptible à des « pseudo-thérapies » qui s’avéraient n’avoir aucun effet positif sur sa santé. Elle expliquera cela comme « une façon d’avoir été endormie, parce qu’en réalité, la seule chose que je voulais c’était guérir (…) » sans prendre le recul nécessaire, « c’était comme mon seul objectif, mais en réalité je n’ai pas pensé que cela me faisait plus mal… » (S3, É3).

Les discussions entourant la mise en commun des récits de vie font apparaître différents rapports à la médecine et conceptions des sciences médicales. Pour une participante, le savoir médical – même si elle ne cherche pas de thérapies alternatives – est considéré une « simple opinion », comme une autre, comme un savoir de sens commun. Pour une autre, elle fait confiance aux savoirs médicaux, d’autant plus qu’elle a assisté à des congrès où elle a pu prendre conscience des démarches de recherche qui soutiennent ses savoirs, exprime-t-elle.

Enfin, des aspects identitaires ont révélé des postures divergentes. Pour certaines, la maladie les définit, mais pour d’autres il s’agit de quelque chose d’externe, « une entité étrange, comme un bouton » (S3, É10). Une d’entre elles explique longuement son désaccord avec le point de vue qui appréhende la maladie comme un événement qui te rend différent des autres, qui te marque et qui te distingue. Elle soutient que cela éloigne la personne des autres et l’isole, alors que l’objectif est de renouer les liens sociaux. Nous sommes tous différents et la maladie, soutient-elle, « ne vous rend pas différent, c’est-à-dire que vous avez vos propres caractéristiques, vos forces et vos limites, elles font partie de vous » (S3, É11). Pour cette participante, la maladie est une manifestation d’une des limites de l’humain, comme d’ailleurs toute autre différence.

Rapport à l’apprendre

Lors de la première étape de ce projet, les récits avaient déjà été reconnus par les participantes comme une expérience leur ayant permis de prendre conscience de l’ampleur des sentiments liés au vécu de la maladie et comme un exercice à la fois difficile et ayant un pouvoir de transformation de leur point de vue. Dans cette deuxième étape, la dimension collective donne aux récits une épaisseur supplémentaire. L’accueil de leur parole par leurs paires, la reconnaissance de leur souffrance, l’attention portée à la personne qui partage son récit (incluant la patience pour lui laisser le temps de formuler ses propos et la qualité de l’écoute) amplifient l’horizon de sens de la maladie. Des extraits des interactions qui suivent sont un exemple de cet élargissement :

Sabrina : parce qu’en vérité, même si j’avais lu les récits, vous écouter me fait voir dans un miroir et voir que oui, on peut arriver à… [elle n’arrive pas à terminer sa phrase et s’excuse, la gorge serrée].

Antonieta : Bien sûr on peut…

Azucena : Oui, tu le lis et tu le vis et tu écoutes et tu le revis de nouveau.

Maria : Mais tu guéris aussi …, ça nous aide à guérir… (S3, É6)

Le regard posé sur la participante lorsqu’à tour de rôle chacune met en commun son récit les mène à exprimer leur admiration pour le courage manifesté pour surmonter l’adversité et la résilience dont elles ont fait preuve dans leur chemin de vie. Il s’agit d’une forme de reconnaissance en miroir de leur propre capacité à affronter les obstacles que la maladie a dressés devant elles.

Si la réalisation des récits de vie de façon individuelle avait été une expérience beaucoup plus difficile que ce qu’elles pensaient au départ, elle les avait aidés à prendre conscience que l’acceptation de l’événement de la maladie n’allait pas de soi. Que malgré les années écoulées (l’écart entre l’âge de la maladie et l’occasion d’écrire représente une moyenne de 18 ans et demi), l’événement marquant de la maladie reste une épreuve difficile porteuse d’une forte charge émotionnelle. La mise en commun réactualise ce constat en amplifiant son action de « guérison », le dépassement du statut de victime. Comme l’expriment trois participantes dans les extraits qui suivent :

Je pensais qu’[écrire mon récit] ça allait être une question d’une heure ou de 20 minutes, j’ai dit ‘ah, eh bien, c’est quelque chose que j’ai déjà vécu’ et bien non, deux jours se sont écoulés et je pense que c’était le jour où j’ai le plus pleuré et accepté que [la maladie] soit avec moi, parce que je pense que, même avant d’écrire mon histoire, je ne le ressentais pas avec moi (…) c’était plutôt comme une entité étrange, comme un bouton que j’ai eu et, honnêtement (…), je suis très reconnaissante (…) parce que parfois je peux dire ‘mon lupus’, mais parfois fois non; plusieurs fois je dis ‘mon accompagnateur’, ‘mon compagnon de route’, et je pense que ça, c’est très important. (Sabrina, S3, É10)

(…) petit à petit guérir, guérir notre déception, guérir (…) notre colère, guérir (…) consoler même la fille [qui est en moi] qui veut encore danser, la fille qui veut encore courir et la fille qui veut encore nager (…). Il ne s’agit pas de s’apitoyer sur mon sort, ou, du moins, je ne pense pas, il s’agit juste de larmes d’acceptation (…) nous devons juste tourner la page et nous adapter aux circonstances, mais ces larmes nous aident à tourner la page. (Maria, S3, É6)

Moi, je vous remercie de m’avoir écouté, de m’avoir guidé, car vous faites partie de l’histoire de ma vie, des feuilles de l’arbre de ma vie et je vous remercie pour tous vos conseils. (Antonieta, S5, É34)

(…) de tous les conseils que vous m’avez donnés, oui je vais les prendre (…), je ferai une relecture de ma vie. (Antonieta, S5, É39)

Il s’agit de reprendre leur vie en main, d’établir un rapport aux savoirs lié à l’action. Elles puisent des ressources intérieures qui leur sont propres, se mobilisent dans différentes activités, s’engagent dans la vie associative, renouent leurs liens sociaux. Elles prennent conscience de leurs capacités personnelles et apprennent à devenir une ressource pour les autres. Elles discutent sur ce qu’elles apportent en s’impliquant dans les activités de l’association, la solidarité et le soutien qu’elles peuvent offrir aux autres membres et en particulier aux personnes récemment arrivées, ainsi que sur ce qu’elles peuvent apporter grâce aux savoir-faire acquis au travers de la maladie.

Dans leur rapport à l’apprendre et aux savoirs liés à la maladie, elles cherchent à créer un réseau d’entre-aide à travers lequel se déploie leur rôle d’instruction et d’information dans l’association. Une participante souligne le rôle de l’éducation thérapeutique :

L’éducation d’apprendre sur notre maladie parce que je vous ai dit, dans mon récit, que je n’ai jamais eu d’information, pendant de nombreuses années, et (…) à partir de maintenant que j’ai commencé à aller à l’association et apprendre des choses, je pense que je supporte mieux ma maladie parce que je ne la comprenais pas (…) et maintenant je comprends [mieux] (…)

quand je commence à aller à l’association et assister aux conférences, c’est là que je commence à comprendre (…) comment fonctionnent les médicaments. (Elena, S3, É10)

Pour une des participantes, les actions associatives à l’interne ne suffisent pas, elle souhaite entreprendre des initiatives plus larges dans la société en se décentrant de leur maladie rhumatologique en organisant des actions jugées « vraiment collaboratives » (elle présente comme exemple, aller jouer avec des enfants dans un orphelinat, porter de l’aide aux personnes âgées hébergées dans des foyers pour aînées). Ces activités, soutient-elle, permettent aussi de les détourner de l’attention prêtée à la douleur.

Le partage d’information concerne aussi l’apport qu’elles pourraient avoir auprès des médecins. La relation au médecin, inscrite dans la longue durée, accompagnera les personnes atteintes par une maladie chronique. Raison pour laquelle, comme l’exprime une participante, « Donc il faut être très proche du médecin (…), qu’il devienne en quelque sorte notre compagnon de route parce que si on veut le faire seul, on souffre beaucoup et ça ne sert à rien… » (Elena, S3, É10). Dans cette relation, elles voudraient les inviter à leur partager leurs savoirs d’expérience acquis par la maladie. La formation des médecins ayant rarement favorisé le développement de la sensibilité et l’écoute attentive des patient·e·s, elles considèrent qu’elles peuvent les aider à prendre conscience, par exemple, de la portée de leur parole lorsqu’ils communiquent un diagnostic.

Discussion entourant les résultats de la mise en commun de récits de vie

Les effets d’écrire un récit de sa vie et en discuter en groupe entre personnes qui partagent l’expérience d’être atteintes d’une maladie rhumatologique dépassent l’individu qui a raconté sa vie et peut transformer les personnes qui écoutent. Dans ce travail de recherche, cela a été mis en relief par des discussions entourant, notamment, la maladie et la douleur.

La douleur qui rejoint les personnes atteintes par ce type de maladies, touche l’existence tout entière et dans la douleur « résonnent des éléments d’une histoire de vie qui sont parfois des obstacles à une résolution de la peine s’ils sont négligés » comme l’exprime Le Breton (2016). L’origine biologique de la souffrance ne se réduit pas à un organisme qui ressent la douleur, la souffrance est enveloppée par des conditions affectives, sociales et culturelles. La douleur semble, dans certains cas, cristalliser des « fractures de vie », selon l’expression de Le Breton (2016) et la mise en commun des récits de vie offrent l’occasion de les partager avec des pairs et, en les exprimant, elles peuvent transformer le sens donné à l’épreuve. Les façons de s’aider dans l’objectif d’accepter la maladie sont partagées par la prolongation des récits en groupe de discussion donnant accès à la parole. Sortir la parole du silence et, plus spécifiquement, le silence de la souffrance à la parole par la mise en récit est un levier employé de plus en plus fréquemment soutient Dominicé (2019a; 2019b). Mais, comme le pointe cet auteur (Dominicé, 2019b), il importe de reconnaître que l’accès à la parole ne va pas de soi et que la production du récit n’a pas un effet « un peu magique »; il requiert un travail personnel d’élaboration intérieure qui exige une qualité d’écoute, de l’empathie, une ouverture à l’autre et de la patience.

Par ailleurs, l’angle d’analyse de la vulnérabilité peut apporter d’autres éclairages à ce prolongement de la méthode en groupe de discussion. Dans le cas présent, il apparaît que la recherche de solution à la douleur fait apparaître des aspects de la vulnérabilité qui ne rejoignent pas toutes les participantes ou pas de la même façon.

Dans le cadre de cette recherche, à l’instar du travail de Le Bars (2022) fondé sur des récits de femmes ayant vécu un « Burn out », les participantes transforment elles aussi leur épreuve de la maladie en expérience et l’expérience en ressource. L’événement de la maladie est une épreuve qui représente aussi une forme de rupture. Rupture avec une vie « avant la maladie » caractérisée par une vie sociale et professionnelle active qui exige une reconfiguration identitaire.

Les personnes atteintes par une maladie chronique résistent à être réduites à leur pathologie, le diagnostic posé par le médecin faisant partie des pratiques sociales de classification des institutions biomédicales comme l’analysent les sociologues des sciences Bowker et Star (1999). Dans certains cas, des malades peuvent sentir porter un stigmate. Mais la maladie n’est pas figée, elle est en mouvement, l’expérience est elle aussi en mouvement tout comme l’est le processus identitaire des personnes atteintes par une maladie chronique. La mise en commun des récits de vie favorise la transformation des points de vue, le changement du rôle de victime en permettant la prise de conscience de ressources internes personnelles (Le Bars, 2022; Jouet et al. 2021). Ces ressources ne sont pas limitées à soi, elles sont mobilisées pour les autres et peuvent devenir un vecteur d’entre-aide, comme le soutient Le Bars (2022). Alors que l’expérience de la maladie et la douleur tendent à éloigner la personne des autres, le lien social peut être renoué à travers la mise en commun des récits de vie. En résonnant avec d’autres, elles n’ont plus le sentiment d’être les seules à vivre une expérience aussi difficile. Comme le suggère Schmutz-Brun citée par Hersch (2019) : « Alors que l’on croyait que le plus important, c’est son histoire à soi, on va se rendre compte que c’est l’histoire de l’autre qui nous fait bouger, car elle nous renvoie à notre propre vécu » (p. 198).

Par ailleurs, d’un point de vue méthodologique, les questions portant sur l’asymétrie des statuts chercheur·e-participant·e·s que je cherchai à résoudre en proposant notamment une séance consacrée à mon propre récit demeurent. On peut affirmer toutefois que l’approche induit une qualité d’écoute et favorise l’empathie. Les approches multi et interdisciplinaires sont à encourager et sont déjà reconnues dans les milieux associatifs et de santé, car elles permettent de meilleurs résultats en termes de bien-être des individus atteints par des maladies chroniques qui touchent toutes les sphères de la vie.

Pour conclure

Depuis déjà plus d’une dizaine d’années, des démarches complémentaires – parmi lesquelles de médecine narrative – sont proposées et pénètrent les milieux de la santé et l’accompagnement sans nier pour autant les progrès accomplis par la médecine scientifique (Charon, 2017; Dominicé, 2009). « La médecine, comme la formation des adultes, a tout à gagner à être pensée de manière plus globale », affirme ainsi Dominicé (2009, p. 4). Le tournant narratif est un vaste mouvement qui englobe une diversité de méthodes qualitatives dont on a proposé ici une en particulier qui prolonge les récits de vie réalisés individuellement en les mettant en commun en groupe de discussion entre pairs.

Selon les résultats de cette recherche, la dimension collective offerte par les groupes de discussion représente un atout pour aller plus loin dans les réflexions entamées par les récits individuels, trouver des points de convergence et confronter des points de vue. Ce dispositif méthodologique a permis, et j’emprunte les mots exprimés par une des participantes, « une relecture de la vie ». Une relecture qui peut transformer le regard que l’on porte sur soi, sur la maladie, ainsi que celui qu’on porte sur autrui. La diffusion de ces récits et de ses mises en commun est importante dans l’objectif de transformer les points de vue que des acteurs et actrices sociales portent sur les individus atteints de maladies chroniques. Des projets visant l’étude des rapports aux savoirs des médecins et des agencements complexes qu’ils mobilisent dans leur pratique médicale en employant des récits de vie et des groupes de discussion seraient complémentaires à cette recherche. Ils pourraient contribuer à équilibrer un regard sur les acteurs et actrices sociaux en tant que « sachant-sachant » tout en respectant les différents éclairages et savoirs convoqués. Des recherches qui ne prétendent pas substituer les savoirs d’expérience des malades aux expertises médicales, ni suppléer le rôle du·de la médecin par celui de patient·e, mais qui contribuent à remédier l’équilibre de deux types de « sachant·e·s ».

Références

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  1. Constituée en octobre 2004, l’association regroupe des personnes atteintes de maladies rhumatologiques et propose différentes formes de soutien (conférences autour de la connaissance de ces maladies et des traitements liés à celles-ci, offre d’ateliers divers - peinture, tricot etc.- et participation aux rencontres nationales de patients).
  2. Le projet « Vivre avec une maladie chronique : narrer les parcours de vie et valoriser les savoirs des malades » a été subventionné par les Relations internationales et Francophonie du Gouvernement de Québec dans le cadre de l’appel à projets « Groupe de travail Québec-Jalisco 2018-2019 ». Il a permis la publication d’un recueil de récits des malades (Bernard Medina et Bernard, 2019).
  3. Les résultats de l’analyse de cette première phase a permis de mettre en exergue des savoirs d’expérience des personnes participantes atteintes d’une maladie et de montrer que celle-ci peut être un levier pour des apprentissages divers (Bernard, 2021).
  4. Identifiés dans les extraits par S (pour numéro de séance) et par É (pour l’épisode cité).
  5. Cela avait été mis en exergue dans la première phase (Bernard, 2021). Toutefois, en groupe de discussion d’autres conceptions apparaissent. Par exemple, une conception populaire et anecdotique sera exprimée dans un des échanges où l’une des participantes explique que des proches ont attribué sa maladie au fait qu’elle a chaussée jusqu’à leur point d’usure maximale des chaussures que sa sœur [décédée] lui a laissés; ce qui les portent à penser que « tu portais les chaussures de ma tante, c’est pour ça que tu es tombée malade » (S2, É5).
  6. Ce manque de tact est relevé en particulier dans le contexte de services médicaux du service de santé publique, système très engorgé où le personnel médical enchaîne les consultations en oubliant la dimension humaine du métier.
  7. Il est intéressant de noter qu’une participante qui avait critiqué âprement le manque de tact des médecins dans son récit, mettra en commun son hospitalisation récente due à la Covid-19, expérience qui lui fait dire : « à l’hôpital, j’ai compris cela; ils [les médecins] vous le disent avec toute naturalité parce que c’est comme cela qu’ils le vivent (…). J’ai appris que ce n’est pas qu’ils veulent nous faire ressentir quoi que ce soit, c’est qu’ils vous le disent aussi naturellement qu’ils le vivent [eux]. » (Maria, S2, É3).
  8. Toutes les participantes feront par ailleurs mention à Dieu (la plupart en exprimant de la reconnaissance), mais aussi comme une force ou présence interne comme l’illustre les extraits suivants : « Le besoin d’accompagnement et de ne plus se sentir seule n’existe plus, car tu te sais accompagnée par un Être Divin (…), dans mon cas c’est Dieu (…) » (Maria, S3, É11). « Je pense que quand on s’approche de Dieu, eh bien, on trouve le meilleur baume pour surmonter toutes choses. » (Elena, S5, É45).

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