Nathalie Poirier, enseignante de génie du bâtiment

Au secondaire, à l’école Paul-Hubert à Rimouski, j’ai connu un mode d’enseignement qui m’a beaucoup marquée. C’était en français, secondaire 4, je crois. Un prof de français nous faisait apprendre les règles de grammaire par cœur, par exemple les règles d’accord de français. C’était un prof d’une cinquantaine d’années, assez sérieux, assez strict. On faisait beaucoup d’analyse grammaticale. À chaque début de cours, il faisait répéter tout le groupe, une trentaine d’élèves, des règles d’accord mot pour mot, et j’ai tout retenu. J’ai adoré ça. Ça restait à long terme, ça n’a pas été un apprentissage que j’ai oublié rapidement. Il n’y a pas beaucoup d’élèves qui aimaient l’analyse grammaticale, mais moi, j’adorais ça, bizarrement. On avait une phrase et on analysait tout : sujet, verbe, complément, puis on utilisait des couleurs pour souligner le verbe, entourer le sujet, et on traçait des liens avec des flèches pour faire des liens avec les règles de grammaire.

Je me sers de mon apprentissage des règles de grammaire tous les jours. Je ne m’en sers pas à haute voix, je ne me les récite plus, mais ça m’est resté mot pour mot dans la tête. Quand j’écris, je repense à ça. Par exemple, les accords des participes passés avec être et avoir : le participe passé employé avec être s’accorde en genre et en nombre avec le sujet, et celui employé avec avoir, avec le complément d’objet direct s’il est placé avant. J’ai appris que la répétition permet d’ancrer des apprentissages à long terme, ce qui n’est plus vraiment utilisé. Au collégial, on n’a pas le temps d’utiliser régulièrement la répétition. Avec mes enfants, je répète souvent la même chose. Je ne sais pas si ça va avoir le même effet, mais je pense que oui. En tant que parent, quand on répète souvent la même chose à des enfants, ça leur reste après, mais je ne le fais pas consciemment. Par exemple, je leur demande de vider leur sac en arrivant de l’école! Ils y pensent souvent, mais ils l’oublient encore parfois!

J’ai aussi eu un enseignant à l’Université du Québec à Rimouski qui nous a enseigné dans un cours de projet et qui m’a beaucoup inspirée. On devait fabriquer quelque chose. Dans le cadre d’un concours, on a fabriqué un robot-pompier en équipe dans le but de participer à une compétition à Calgary à la fin de l’année. Il y avait beaucoup de programmation là-dedans. C’était assez complexe. Notre robot se promenait dans un labyrinthe qui représentait une maison avec des corridors et des pièces, et il devait trouver le feu dans la maison par lui-même et l’éteindre. C’était une chandelle, ce n’était pas un vrai feu! Ce prof-là m’a beaucoup inspirée par sa générosité et sa présence. Il était vraiment impliqué dans les projets de ses élèves. Il donnait beaucoup de son temps. Vers la fin, quand on était serré·e·s dans le temps, quand il fallait aller à la compétition et que le projet n’était pas tout à fait fini, il venait souvent la fin de semaine. Il allait faire ses commissions puis il arrêtait juste pour voir si tout allait bien. Souvent, ça n’allait pas bien et ça permettait juste de nous débloquer pour pouvoir continuer.

Ça, ça a eu une incidence sur ma pratique. Être dévouée, donner le temps aux élèves pour m’assurer qu’ils et elles ne bloquent pas. Moi je réponds à mes courriels le soir, la fin de semaine. Je trouve que ça ne me prend pas beaucoup de temps comparé au temps qu’eux et elles prendraient à chercher la réponse à la question. J’ai appris aussi que l’approche par projet permet de toucher à beaucoup d’apprentissages qui ont été faits, mais aussi, d’apprendre bien d’autres choses. Cette approche marque l’esprit, plus que les cours donnés de façon magistrale, juste en classe. Ça marque plus parce qu’on s’implique personnellement dans le projet. Aussi parce que souvent, c’est fait en équipe, il y a plus d’interactions avec les autres. On s’en souvient plus parce qu’on ne fait pas que voir, écrire, entendre : on se met en action. J’ai appris à régler des conflits au sein des équipes, c’est certain : des gens qui s’impliquent moins, qui en font moins que toi ou qui ne sont pas d’accord avec tes solutions. Personnellement, c’est le prof, sa personnalité et l’aide qu’il nous a apportée qui m’ont changée. Ce prof était très gêné, enseigner le stressait beaucoup. Mais quand il nous aidait individuellement ou en équipe et qu’il voyait qu’on était vraiment intéressés par sa matière, il se dégênait et il était très disponible. Sa plus grande qualité, c’était sa générosité envers ses étudiant·e·s.

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La relation qui transforme Copyright © 2024 by Annie-Claude Prud’homme et Jean Noé Alcéus is licensed under a License Creative Commons Attribution - Pas d’utilisation commerciale - Partage dans les mêmes conditions 4.0 International, except where otherwise noted.

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