Jean Bien-Aimé, enseignant de littérature
Ce qui m’a marqué durant mon enfance, c’est l’envie chez mes professeurs de travailler. Je fréquentais un collège dirigé par les clercs de Saint-Viateur. Il y avait des Canadiens qui m’enseignaient. Je me rappelle M. Vézina. Il y avait aussi M. Myrto Henri. Il travaille encore aujourd’hui. Il doit avoir une vingtaine d’années de pratique. Il enseigne les mathématiques, la physique. J’ai aimé sa ténacité. Il tenait beaucoup à sa classe, à la bonne marche de sa classe, à la réussite de tous ses élèves. Il nous motivait, il nous promettait de nous récompenser, et les élèves qui obtenaient de bonnes notes étaient récompensés. Il nous faisait signer un papier. Si on obtenait une certaine note, il nous donnait quelque chose. Malheureusement, la plupart de ces enseignants, et c’étaient des enseignants de qualité, ont laissé le pays, soit pour se rendre au Canada, soit pour se rendre aux États-Unis, ce qui crée en Haïti une sorte de manque en personnel qualifié au niveau de l’éducation.
Les jeunes, ils regardent ce travail comme un travail, comme un métier qui n’a pas vraiment d’avenir en Haïti. Si on leur demande s’ils aimeraient que leurs enfants deviennent enseignant·e·s, ils vous répondent que non. C’est qu’il n’y a pas vraiment de conditions qui peuvent retenir quelqu’un dans le métier d’enseignant·e. Moi, j’aime enseigner, même quand les conditions d’enseignement et d’apprentissage sont très difficiles. J’aime inculquer aux élèves certaines valeurs qui peuvent les aider à mieux vivre en société. J’aimerais que les nouveaux enseignants et les nouvelles enseignantes prennent confiance. Je voudrais que cette envie de travailler revienne, qu’elle se trouve encore chez les nouveaux et les nouvelles.