11 Discours complotiste et représentations sociales sur les vaccins anti-covid-19 à Maroua

Warayanssa Mawoune

Résumé

Le présent article interroge les représentations sociales du vaccin anti-covid-19 et leur implication dans la politique sanitaire de la ville de Maroua, métropole régionale de l’Extrême-Nord Cameroun. Pour ce faire, il s’appuie sur l’analyse des propos d’un échantillon de 25 informateurs et informatrices de la place pour dégager les différentes stéréotypies et lieux communs relatifs aux discours complotistes tenus par la population autour de ce fait socio-sanitaire. En passant par une description panoramique du contexte sanitaire de la ville et des facteurs à l’origine de ces représentations sociales dégradantes sur le vaccin, l’analyse parvient à mettre en valeur les trois grandes perceptions du vaccin anti-covid à l’origine de l’attitude répulsive des populations, en dépit de la menace que constitue cette pandémie.

Mots-clés : vaccin, Covid-19, Maroua, stéréotypes, lieux communs, discours complotiste

Abstract

This article examines the social representations of the anti-covid-19 vaccine and their implication in the health policy of the city of Maroua, the regional metropolis of the Far North of Cameroon. To do so, it relies on the analysis of a sample of 25 local informants to identify the various stereotypes and commonplaces relating to the conspiracy discourses held by the population around this socio-health issue. Through a panoramic description of the health context of the city and the factors at the origin of these degrading social representations of the vaccine, the analysis manages to highlight the three main perceptions of the anti-covid vaccine at the origin of the repulsive attitude of the populations, despite the threat that this pandemic constitutes.

Keywords: vaccine, COVID-19, Maroua, stereotypes, commonplaces, conspiratorial discourse

Introduction

La question des représentations sociales dans le domaine de la santé est un champ fertile qui a toujours suscité beaucoup d’intérêts tant dans les domaines connexes à la médecine tels que l’anthropologie sanitaire (Jodelet, 1989) que dans le champ de l’analyse du discours centrée sur les stéréotypes et les stigmates (Labra et Lacasse, 2015; Hayatou Djouldé, 2009, Warayanssa Mawoune, 2021). La Covid-19, qui embrase le monde ces deux dernières années, a fécondé et remis au-devant de la scène cette problématique des représentations sociales et des stigmatisations des maladies et malades au Cameroun (Zoung-Kanyi Bissek et al., 2021). Après une étude dédiée aux différents stéréotypes qui se sont forgés autour de la pandémie dans certaines villes camerounaises et d’ailleurs (Koumba Theodore et al., 2021), la même logique représentative et stigmatisante semble affecter la réponse préventive mise sur pied par le gouvernement et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour limiter les contaminations : le vaccin. Or, une tradition de méfiance vis-à-vis des vaccins, ancrée dans l’imaginaire des populations africaines et d’ailleurs (Gaymard et Hidrio, 2020), semble impacter les mesures préventives de l’administration et renforcer les attitudes ainsi que les représentations sociales des populations locales foncièrement hostiles au vaccin anti-covid (désormais VAC). Autour de ce vaccin se forgent ainsi des théories complotistes alimentées par les réseaux sociaux, les rumeurs, les publications numériques et vidéo propagandistes qui meublent le discours social sur la Covid et édulcorent ainsi la communication institutionnelle préventive élaborée pour lutter efficacement contre la pandémie. Par théories complotistes, Klein et Nera (2021, p. 9) entendent ainsi tout discours explicatif d’un évènement « où la cause principale est l’action cachée et coordonnée d’un groupe malfaisant » et qui se construit « par accumulation de supposées anomalies dans les informations disponibles publiquement ».

C’est dans cette logique structurelle que s’inscrivent ainsi les différentes informations et représentations circulant sur le VAC ces deux dernières années. Le présent article, qui prend appui sur l’analyse du discours social (Angenot, 2017) de quelques informateurs et informatrices de Maroua, se donne ainsi pour objectif d’étudier ces représentations sociales qui circulent sur les trois spécimens de vaccin anti-covid[1] introduits au Cameroun en 2021. Pour ce faire, les analyses partent de l’hypothèse selon laquelle les traumas psychosomatiques des vaccins antérieurs, les rumeurs et publications des réseaux sociaux sont les principaux facteurs à l’origine de la méfiance manifeste vis-à-vis du vaccin-anti-covid et de l’attitude répulsive observée chez la plupart des populations de Maroua. Ces mêmes facteurs représentent également la matière première sur laquelle se sont construits, raffermis et cristallisés les stéréotypes dégradants autour du vaccin anti-covid dans notre zone d’étude.

La question des représentations sociales et des attitudes répulsives vis-à-vis des vaccins n’est pas une problématique nouvelle. Ward, Guille-Escuret et Alapetite (2019) en ont parlé en abordant notamment les stratégies d’étiquetage, les stigmatisations sociales et les controverses sociotechniques autour de la question du vaccin dans les sociétés occidentales contemporaines. La perspective sociohistorique avec laquelle ils traitent cette thématique leur permet ainsi de mettre en lumière les différentes raisons ayant conduit à une sorte de déconstruction du mythe du vaccin (en termes d’efficacité) dans les consciences collectives et au développement d’une attitude répulsive dite « anti-vaccin ou anti-science ». La contribution de Damien Luis (2019) est également à évoquer dans la mesure où l’auteur s’intéresse, toujours dans une approche sociologique, aux représentations sociales sur les vaccins en circulation dans la société française. Ses analyses ont par ailleurs le mérite de livrer un certain nombre d’informations relatives au rôle du vaccin en tant que mesure de prévention sanitaire et aux motifs justifiant la réticence, voire son rejet par la société française. À cette analyse de Luis, s’ajoute celle de Baider (2020), plus proche de notre perspective théorique et de notre approche d’analyse. Dans cet article, l’autrice s’intéresse spécifiquement au discours controversé en ligne consacré à la vaccination. Elle analyse ainsi les données discursives par lesquelles s’expriment les avis divergents, le conflit et le mépris entre les différentes parties prenantes dans le débat contradictoire sur la loi de juillet 2017 relative à l’obligation du vaccin pour tou-te-s en France. La contribution de Klein et Nera (2021) est également à évoquer, dans la mesure où elle s’intéresse directement aux théories complotistes ayant émergé autour du VAC en Occident depuis son avènement.

Toutefois, bien que les études ci-dessus aient le mérite d’aborder, dans une perspective théorique et un angle d’analyse similaire au nôtre, la question du vaccin en s’intéressant à la divergence d’opinions, aux théories de complot, voire au conflit que la question suscite inéluctablement dans le champ social et discursif, elles ne mettent pas clairement en exergue les différents stéréotypes sur lesquels les parties prenantes à ce débat contradictoire en ligne ou à ces théories du complot se basent pour soutenir leur position de « pro ou d’anti-vaccin ». En outre, les contextes spatiaux distincts du nôtre, les travaux antérieurs, grosso modo, ne soulignent que très peu les motifs individuels (traumas) à la base de l’attitude répulsive des populations vis-à-vis du vaccin.

Notre contribution se particularise donc par le choix du cadre spatial de l’enquête, la nature de nos données et la capacité à allier l’approche linguistique utilisée chez Baider (2020) à l’approche socio-anthropologique issue des travaux de Luis (2019). L’analyse s’articule autour de trois points : d’abord la présentation de l’ancrage théorique et méthodologique, suivie du contexte sanitaire à l’heure de la pandémie, puis l’étude des traumas psychosomatiques et des publications médiatiques à l’origine de représentations dégradantes sur les vaccins en général, enfin l’étude des idées reçues et des différentes représentations du vaccin anti-covid, principales sources de la méfiance et de l’attitude réfractaire des populations vis-à-vis de cette mesure préventive.

Corpus et approche d’analyse

Le corpus qui sert de base pour cette analyse est constitué des données relevant du qualitatif. Pour les recueillir, nous avons mené des entretiens avec un échantillon de 25 personnes issues de différentes couches sociales résidant dans la ville de Maroua. Des numéros ont été attribués à chacun des informateurs et informatrices[2]. Ces entretiens ont été menés sur la base d’un guide dont les principales rubriques portent respectivement sur l’identification de l’enquêté-e (sexe, religion et degré d’instruction), sa connaissance de la pandémie Covid-19 (ses modes de transmission et de guérison dans l’environnement immédiat de l’informateur ou de l’informatrice), du vaccin, de sa fonctionnalité, des perceptions individuelles du vaccin anti-covid. En outre, nous nous sommes également entretenue avec nos enquêté-e-s sur des questions relatives aux différents traumas individuels et aux motivations idéologiques qui justifient leur attitude répulsive ou coopérative vis-à-vis du vaccin anti-covid-19.

Les entretiens ont été réalisés dans des lieux de masse où se côtoient des individus au profil socioculturel, économique et religieux disparate. Il s’agit en effet des marchés Abattoir et Palar Jeudi, du Campus Espoir de Ouro Tchédé (site de l’Université de Maroua), du décanat de la Faculté des arts, lettres et sciences humaines à Pitoaré, du carrefour Para et Jarma pendant les heures de pointe et de l’hôpital régional de Maroua. L’enquête en question couvre la période de septembre à novembre 2021.

Le profil des enquêté-e-s est varié : hommes, femmes, jeunes, vieux, vieilles, musulman-e-s, chrétien-ne-s (des églises conventionnelles et réveillées), animistes, instruit-e-s (à l’école occidentale, dans les langues locales ou en arabe), analphabètes, opérateurs et opératrices économiques, commerçant-e-s, enseignant-e-s, infirmier-e-s, médecins, forces de l’ordre entre autres. Cette hétérogénéité dans l’échantillonnage des données de l’enquête permet ainsi d’apprécier, au travers du discours des informateurs et informatrices, la structure composite des opinions, de la doxa et des différentes idéologies en présence dans la ville.

Les données ont été recueillies à l’aide d’un magnétophone qui a permis d’enregistrer les propos de nos informateurs et informatrices dans les deux principales langues usitées dans la ville que sont le français et le fulfulde (langue véhiculaire locale). Certains morceaux choisis importants de ces données ont été transcrits, traduits pour certains, puis analysés à la lumière de l’analyse du discours, une approche multidisciplinaire qui ressortit à la fois de la linguistique et d’autres domaines des sciences sociales (sociologie, politique, anthropologie, etc.).

La théorie convoquée pour l’examen spécifique de ces données est l’analyse du discours social développée par Marc Angenot (2017). Elle se donne pour objectif d’appréhender et d’examiner en totalité les représentations discursives[3] d’un phénomène telles qu’elles s’expriment dans un état de société, à un moment donné de son histoire à travers le discours (Angenot, 2006, p. 3). Cette théorie s’intéresse concrètement à la « totalité de ce qui […] s’exprime et se diffuse à un moment donné » sur un sujet précis (Angenot, 2017, p. 29). Il s’agit, dans notre contexte du vaccin anti-covid au centre des controverses aussi bien médiatique, politique que social depuis décembre 2020, date de la validation du premier vaccin anti-covid par l’OMS.

Contexte sanitaire de l’Extrême-Nord Cameroun à l’heure de la pandémie Covid-19

Depuis les cas de contamination relevés par le quotidien septentrional L’Œil du Sahel n° 1459 du 7 mai 2021 faisant état de plus de 500 malades de la Covid-19 dans la région de l’Extrême-Nord Cameroun, le taux de contamination dans les métropoles régionales et départementales a régressé. Les hôpitaux continuent certes d’enregistrer des cas, mais les effectifs des patient-e-s restent réduits[4]. Trois principales raisons expliqueraient cette situation. La première serait en effet liée aux pratiques tradithérapeutes que les populations ont adoptées elles-mêmes pour soigner ou pour se prémunir contre la pandémie. Quinze informateurs et informatrices de notre échantillon soutiennent avoir connu des personnes qui ont guéri de la Covid-19 avec le concours de la médecine traditionnelle. La deuxième raison, d’ordre conjoncturel, s’expliquerait par la prompte réaction des autorités locales, habituées des épidémies ayant instauré, dès l’identification des premiers cas de Covid-19 sur le territoire national, les mesures barrières limitant la propagation du virus (Hérard, 2021). La troisième motivation, quant à elle, est liée à la perception et à certaines représentations sociales que les populations ont de la Covid-19 elle-même en tant que maladie bénigne et grippe passagère (Warayanssa Mawoune, 2021).

La stagnation des statistiques et la banalisation de la Covid-19 à l’Extrême-Nord se sont inévitablement suivies d’un relâchement des mesures barrières édictées par le gouvernement camerounais par la voix du Premier Ministre, le 18 mars 2020 (Chazai+ Partner, 2020). L’adhésion du gouvernement camerounais au programme Covid Shied, associé au comportement à risque des populations – refus systématique du port du cache-nez, non-observance de la distanciation sociale, multiplication des évènements publics favorisant les contacts corporels et le brassage des individus venant de différents coins du pays et même de l’étranger dans des quartiers populaires tels que Domayo, Palar Jeudi ou encore Pont vert – ont incité les autorités locales et gouvernementales à proposer comme mesure alternative à cette indiscipline sanitaire le vaccin anti-covid-19 dont l’introduction hautement controversée a fait l’objet d’un rejet systématique des populations de l’Extrême-Nord en général et celles de la ville de Maroua en particulier.

Mobiles du fondement des représentations sociales dégradantes sur les vaccins

Les représentations de certaines réalités sociétales ne sont jamais le fruit du hasard. Elles sont presque toujours le résultat des relations que l’individu entretient avec les objets, les personnes ou les choses du monde qui l’entourent (Doucet, 2019). C’est précisément dans cette logique que s’inscrivent les stéréotypes forgés autour du vaccin, plus particulièrement du vaccin contre la covid-19 dont les représentations se sont forgées sur la base des facteurs d’ordre psychosomatique, médiatique et pathologique.

Des effets secondaires, stigmates et traumas psychosomatiques

La notion de trauma renvoie en psychanalyse freudienne (Freud, 2013 [1920]) à tout excès qui déborde la capacité à endurer d’un sujet, produisant ainsi une infraction psychique, voire physique chez l’individu. Dans cette logique, le trauma psychosomatique désigne donc tout dommage à la fois psychique et physique subi par le corps humain, brutalement soumis à des phénomènes externes intenses et éprouvants.

Dans la présente étude, ces traumas sont perçus à travers le témoignage de certain-e-s répondant-e-s qui soutiennent avoir connu des expériences désagréables (choc anaphylactique, réaction inflammatoire violente) suite à l’administration du vaccin antitétanique, contre la méningite et la rougeole, mais également suite à l’administration de certains antibiotiques et médicaments relatifs au traitement des inflammations cutanées, du paludisme et à la fièvre typhoïde[5]. Interrogé sur ces effets secondaires, un commerçant du marché Abattoir, répond d’ailleurs :

Lorsque je me suis fait vacciner contre la méningite en 2016, mon bras a eu une réaction inflammatoire très violente. J’ai passé des nuits blanches, tellement l’inflammation était grave et a fécondé du pus à l’intérieur. Il m’a fallu plus d’un mois pour me remettre, mais la vilaine cicatrice que cette inflammation a laissée est encore présente sur le bras (entretien avec l’informateur 5, instruit quinquagénaire, Carrefour Jarma, le 22 sept 2021 ).

Dans le témoignage de cet enquêté, le traumatisme peut se lire à travers la mobilisation de plusieurs modalités appréciatives axiologiques : « très violents », « tellement », « grave », « vilaine » qui traduisent le pathos, c’est-à-dire une certaine souffrance et douleur émotionnelle du sujet parlant. Ce rôle des modalités axiologiques dans la médiation des sentiments est d’ailleurs corroboré par Badir lorsque celle-ci affirme qu’il s’agit des « moyens d’expression affective qui se manifeste chez le sujet par une polarisation entre l’agréable et le désagréable, ou entre le plaisir et la douleur, ou encore entre l’euphorie et la dysphorie » (2021, p. 8-9). C’est dire, à partir du propos de l’autrice, que la présence de ces modalités dans le dire de notre informateur participe ainsi de la mise en évidence de son trauma psychologique laissé par les effets secondaires de la vaccination.

Ainsi, autour de pareilles expériences vécues par le sujet parlant, se construisent, de manière progressive mais indélébile, des représentations traumatisantes liées à ces effets secondaires du vaccin chez les individus issus aussi bien de la classe instruite que non instruite. Ces représentations déjà ancrées dans le subconscient de nos enquêté-e-s se sont dès lors transposées sur le VAC avec une accentuation considérable, renforcée par les différentes théories du complot et avis divergents qui planent sur la pandémie et remettent en doute le protocole d’élaboration de ce vaccin produit dans un contexte de crise sanitaire mondiale exceptionnelle.

Les stigmates et réactions inflammatoires ou allergiques graves laissés par certains vaccins – traumatismes physiques (handicap moteur, lésions cutanées visibles) –, observées sur certain-e-s informateurs et informatrices sur le terrain, rentrent en droite ligne des facteurs ayant contribué à l’édifice d’une représentation peu glorieuse du vaccin et au développement d’une attitude répulsive vis-à-vis du VAC et des autres formes de vaccin existant avant lui. L’image ci-dessus illustre l’un de ces traumas physiques sur le bras de l’informateur 5 à l’issue de l’administration du vaccin contre la méningite.

Image 1. Inflammation au bras droit due aux effets secondaires du vaccin contre la méningite

Ces stigmates relèvent ainsi de l’expérience personnelle de cet individu avec le vaccin. Ils sont perçus par l’échantillon de notre enquête, aussi bien par les alphabétisé-e-s et que les non-alphabétisé-e-s, comme la preuve vivante des effets néfastes du vaccin sur l’organisme humain. Ils fortifient d’une certaine manière les controverses autour des vaccins ainsi que la perception dégradante qui entoure la question au sein des populations de notre zone d’étude. C’est particulièrement la raison pour laquelle, à la question de savoir ce qui forge leur attitude de méfiance vis-à-vis du vaccin, environ 13 enquêté-e-s ont répondu que leur dernière expérience avec le vaccin a été traumatisante au vu des effets secondaires qu’ils ou elles ont eus à gérer après. En dépit du fait que 18 informateurs et informatrices interrogé-e-s connaissent clairement le rôle du vaccin dans la prévention des maladies, le refus et la peur de se faire vacciner demeurent. Ces attitudes sont, en réalité, motivées par les traumas vécus certes, mais aussi par l’interdiscursivité sur les réseaux sociaux qui livrent un pronostique inquiétant, voire fataliste de la condition du ou de la vacciné-e anti-covid.

Fake news : de la médiatisation des causes à la construction d’un interdiscours complotiste sur le VAC

Tout produit ou évènement social nouveau, quel qu’il soit, s’accompagne toujours d’une campagne médiatique dont le but est généralement de faire connaître l’objet ou l’évènement médiatisé dans un premier temps; puis, d’organiser autour de celui-ci des discussions contradictoires afin de déterminer son opérationnalité et ses fonctions sociales dans le quotidien des populations. Le VAC, plus que d’autres faits sociaux de l’heure, a connu ce cirque médiatique à cause de la controverse qui a précédé son élaboration et son introduction dans le champ sanitaire mondial.

Dans cette logique médiatique, en décembre 2020, l’OMS annonçait à travers des médias internationaux tels que France 24, Africa 24 ou encore Rfi, pour ne citer que ces médias vedettes de la sphère francophone, la mise sur pied et l’adoption de plusieurs nouveaux vaccins contre la Covid-19 (AstraZeneca et Sinopharm). Cette annonce relayée par les médias locaux a suscité de vives réactions, donnant ainsi lieu à des vidéos professionnelles et amateurs qui dénoncent l’imposture que constituerait en effet ce vaccin. L’on a alors enregistré au rang de ces médias de propagande contre le VAC, des courts-métrages sur Facebook, sur WhatsApp, des reportages télévisuels, des articles et pages web dont le but est de souligner avec emphase les effets secondaires et irréversiblement fatalistes de ce vaccin sur les individus de différentes tranches d’âge. Quelques-unes de ces vidéos peuvent d’ailleurs être visionnées via les liens QR code ci-dessous.

Image 2. QR code 1 de la vidéo TikTok
Image 3. QR code 2 de la vidéo YouTube

Les contenus décrits par ces deux vidéos sont tous des anti-propagandes du VAC. La vidéo du QR code 1 (TikTok) met ainsi en scène le témoignage d’une femme victime de complications (paralysie faciale) survenues suite à l’administration du vaccin anti-covid-19. La vidéo du QR code 2 (YouTube), qui s’inscrit dans la même logique thématique, est un reportage centré sur une femme victime des effets secondaires (péricardite grave) du spécimen Pfizer.

Ainsi, les objectifs visés par la réalisation de ces vidéos, les positions idéologiques soutenues par ces médias visent la « désinformation » – terminologie de Tabitha Hrynick, Santiago Rippol et Megan Schmidt-Sane (2020) – dont le but est d’instaurer une crise de confiance entre la cible et le vaccin. La dissuasion de l’audimat contre le VAC repose ainsi sur la présentation d’une série de situations qui renforcent les théories du complot contre l’humanité déjà ancrées dans l’imaginaire local. C’est d’ailleurs ce que traduit ce verbatim de l’un de nos enquêté-e-s qui, listant les raisons qui l’ont poussé à ne pas se faire vacciner contre la Covid-19, affirme en fulfulde, une langue véhiculaire locale :

Mi yidaa baatal Korona Virus ngam haɗan goɗɗo danyugo. Jee ɓe ngaddi haa Afrique ɗo haa ɓe foonda ɗum dow ɓanndu ɓalleɓe on. Si naa non kam nafata sam. ɗon nyawna e mbara himɓe fuu. Mi laari dow watsap ɓe holli paralysi e mbari himɓe ɗuɗɓe ngam fitina man.

Je ne veux pas du vaccin anti-covid, car il finit par rendre stérile. Il est dit que les échantillons importés ici en Afrique sont utilisés à des fins expérimentales avec pour cobaye l’homme noir. Ils rendent ainsi malades et tuent même parfois. J’ai vu sur WhatsApp des vidéos y relatives montrant des personnes paralysées et même décédées des suites des complications dues aux effets secondaires de ce vaccin (informateur 8, homme d’affaires, non instruit, marché Abattoir, 10 octobre 2021).

L’opinion de cet orateur justifie ainsi son statut de non-vacciné. La médiatisation autour des effets de ce vaccin, associée au passif de 14 informateurs et informatrices de notre échantillon avec la vaccination en général, a donc fécondé une véritable psychose, stimulant ainsi les traumas et théories complotistes sur l’anéantissement du peuple noir ancrées dans les croyances et l’imaginaire local. Cette théorie ressort même des propos de quatre universitaires, doctorants et étudiants qui, aux questions de savoir ce qu’est le coronavirus et ce qui a motivé leur refus de se faire vacciner, ont entre autres répondu que « le coronavirus, aussi bien que son vaccin, sont des armes bactériologiques créées par les Occidentaux pour commettre un acte de génocide envers le peuple noir », lequel complot aurait échoué et se serait retourné contre l’Occident. Cette perception du VAC par nos informateurs et informatrices s’inscrit dans la logique décrite par Klein et Nera (2021). En effet, les auteurs pensent qu’il s’est développé, avec l’avènement de la COVID-19 sur la scène internationale, une multitude de discours complotistes et de thèses contradictoires sur la pandémie. Elles sont véhiculées par les médias et par certaines publications académiques dont le but est de créer le doute et de renforcer l’opposition existante  entre les pays d’« élites » (incarnés par l’Occident) et  le reste du monde.  Ils diront, à cet effet :

La diffusion de fausses informations sur la pandémie de la COVID-19 constitue un défi à part entière dans la gestion de la crise que nous traversons. Dans un tel contexte, les discours complotistes semblent bénéficier d’une vigueur nouvelle. Un exemple récent dans le monde francophone concerne le documentaire Hold-Up qui soutient, entre autres, la thèse selon laquelle la pandémie aurait été créée (et instrumentalisée) par d’obscures élites pour asservir la population mondiale. Ce documentaire, uniquement diffusé sur internet, a cumulé des millions de vues sur ses différentes plateformes, et a fait l’objet d’une couverture médiatique considérable. Actuellement, deux types de discours sur le complotisme semblent s’affronter dans les médias, mais aussi dans une moindre mesure, les publications académiques (Klein et Nera, 2021, p. 9).

À la lumière de ce contexte, la posture argumentative de nos informateurs paraît claire au regard à l’actualité brûlante et dégradante sur le VAC et des jugements de valeur portés sur celui-ci au moyen des axiologiques « inefficace, frelaté, légèreté » qu’ils utilisent pour décrire et apprécier son efficacité. Ces subjectivèmes traduisent ainsi le sentiment manifeste d’antipathie des enquêté-e-s vis-à-vis de cette voie préventive et moderne de lutte contre la pandémie. Ceci se justifie également par la prédilection des méthodes de prévention traditionnelles pour lesquelles bon nombre d’informateurs et informatrices disent avoir opté, au détriment de la médecine moderne marginalisée, sauf dans des cas graves d’évacuation sanitaire.

Doute fécondé par les informations contradictoires sur le VAC

Deux types de doutes subsistent lorsqu’on aborde la question de la Covid avec les informateurs et informatrices de notre échantillon. Le premier est lié au scepticisme qui remet en cause l’existence même de la pandémie. Cette posture idéologique est davantage renforcée par certaines représentations sociales de la maladie qui ont émergées au tout début de la pandémie en avril 2020 (Warayanssa Mawoune, 2021). Le second, subséquent au premier, concerne le vaccin lui-même. En effet, 18 enquêté-e-s pensent que ces vaccins n’ont aucune raison d’être. Les informations contradictoires relatives à leur efficacité renforcent davantage cette posture argumentative. Il se tisse dès lors sur la toile un interdiscours complotiste, fondé sur des preuves pathétiques, qui participe à décrédibiliser les spécimens de vaccin anti-covid en usage. Selon 20 des informateurs et informatrices; ce doute serait la principale raison pour laquelle ils et elles refusent de se faire vacciner. Associé aux précédents facteurs, il serait notamment le facteur le plus significatif justifiant les appréhensions et représentations sociales érigées autour du VAC.

Stéréotypes sur le VAC : facteur en faveur des attitudes répulsives

Les raisons qui poussent 21 de nos informateurs et informatrices à ne pas se faire vacciner, ou même à l’envisager, reposent sur certains stéréotypes dégradants qui se sont forgés sur la vaccination en général, le VAC en particulier. Ils sont le résultat d’une certaine expérience des individus avec ces vaccins (Jodelet, 2006). Ceux-ci et celles-ci, à partir des propos recueillis, s’adosseraient principalement sur trois motifs fécondés par la convergence des facteurs à la fois médiatiques, empiriques, traumatiques et psychologiques.

VAC, un moyen d’anéantir les masses

Il s’agit là d’une vieille considération qui n’est ni propre à notre échantillon d’étude ni spécifique au VAC. Existant bien avant la mise en circulation du VAC dans le circuit sanitaire mondial, le mythe du vaccin tueur s’est érigé en une vérité quasi universelle sur les vaccins (Salvadori, 2020). Il alimente les théories du complot à travers le monde et fait de plus en plus prospérer des cas de refus, de rejet et de résistance à la vaccination au Nord-Cameroun. À Maroua, en particulier, les lieux discursifs permettant d’actualiser et de lire ce stéréotype ont été repérés pendant nos échanges. L’informateur 3 interrogé sur cette question a d’ailleurs avoué :

Min kam baatal jee ɓe ngancinta saare e saare haa ɓe tufa himbe do kam mi hoolay. Diga naane, ɓe mbi’i haa ɓe usta himɓe haa dunia on. Baatal man feere to be tufi goɗɗo kam dabarey feere wala bo fayin.

Pour moi, les campagnes de vaccination, surtout celles de proximité qui se déroulent au sein des domiciles privés, ne m’inspirent pas du tout confiance. Il est dit qu’il s’agit en effet d’une stratégie euthanasique consistant à réduire la population mondiale. Certains de ces vaccins ont donc souvent des effets fatalistes irréversibles (informateur 3, commerçant, non instruit, Palar Jeudi, 1er octobre 2021).

L’on peut repérer du propos de ce locuteur certains lieux communs relatifs au stéréotype évoqué plus haut à l’instar de : « une stratégie euthanasique consistant à réduire la population mondiale », « effets fatalistes irréversibles ». Les motivations machiavéliques, voire misanthropiques cachées derrière les vaccinations, sont incontestables, d’après cet informateur. C’est ce qui l’amène d’ailleurs à soutenir, parlant du cas spécifique du VAC, que « Baatal korona jee ɓe ngaddi ɗo jee nattinugo innu aadama on [Le vaccin anti-covid introduit au Cameroun n’a pour seul but que d’anéantir l’humanité] ». Cet argument rejoint ainsi la situation présentée par le blogueur Barthélémy Philippe (2020, en ligne) qui, rapportant des théories complotistes développées autour du vaccin anti-covid en Europe, écrit dans son billet intitulé « Un vaccin fait pour tuer » :

Un agenda caché derrière la pandémie de coronavirus? Depuis quelques jours, un document qui prétend alerter la population de la dangerosité du futur vaccin circule dans les boucles de mails des milieux complotistes et sur les réseaux sociaux. (Selon ce texte) Les gouvernements du monde entier auraient ainsi l’intention d’utiliser le prétexte du coronavirus pour imposer une vaccination massive à la population. L’ennui, c’est que loin d’immuniser contre le virus, ce futur vaccin serait composé de plusieurs substances extrêmement dangereuses, dont l’administration vise tout simplement à anéantir 80 % des habitants de la planète.

Il s’agit donc ici d’un stéréotype négatif inhérent à l’idée de la vaccination qui précède largement le VAC et dont celui-ci aurait tout simplement hérité les stéréotypes incriminés. Toutefois, bien que le vaccin en général et le VAC en particulier jouissent d’une réputation peu glorieuse qui les stigmatise d’emblée, cette image ne semble pas être la seule à motiver le rejet et refus de nos informateurs et informatrices.

VAC, un vaccin stérilisateur

Il s’agit là d’une représentation ancrée majoritairement dans l’imaginaire des femmes non instruites, et même parfois instruites, représentant 55 % de notre échantillon. Même si l’effet de stérilité n’est ni cliniquement prouvé ni répertorié parmi les effets secondaires du VAC, plusieurs informatrices motivent le refus de prendre le VAC par l’argument selon lequel il rendrait stérile. Le stéréotype du vaccin stérilisant prendrait ainsi ces sources des rumeurs fondées sur la mauvaise appréhension des théories scientifiques qui voudraient que tout vaccin fait à base d’ARN tel que celui de la Covid nuise à la santé gynécologique et à la fertilité féminine (Ferney, 2021). Cette image, fortement redoutée des informatrices en âge de procréer, a ainsi installé une psychose et poussé plus d’une à manifester le refus catégorique d’un quelconque projet de vaccination contre la Covid-19. L’usage de la modalité prohibitive dans la référence ci-dessous est révélateur de cet état d’esprit de l’une de nos informatrices, interviewée sur la question au marché Abattoir :

Le vaccin contre la COVID-19 rend stérile. Ils essayeront toujours de me convaincre, mais jamais je ne mettrai ma santé gynécologique ni celle de ma future progéniture en jeu pour leurs beaux yeux. Je préfère ne pas prendre de risque et être probablement répudiée pour mon infertilité plus tard (informatrice 17, étudiante, Campus Espoir, 18 octobre 2021).

Dans ses propos, le rapport entre le VAC et la stérilité est établi. Le sème dysphorique qui assure la cohérence du texte est significatif de cet état de fait et des convictions sceptiques de l’informatrice. Le stéréotype du vaccin stérilisant apparaît ainsi dans son dire comme l’argument massue légitimant le rejet du VAC.

VAC, vaccin frelaté et inefficace

Cette représentation tire ses sources des informations contradictoires sur l’efficacité préventive du VAC ayant précédé, puis suivi sa mise en circulation. Les révélations de juillet 2021 portant sur la spécificité et les origines du vaccin AstraZeneca administré en Afrique subsaharienne (Pieri, 2021) ont davantage contribué à affermir cette image et à déconstruire la crédibilité du VAC auprès des populations camerounaises, celles de notre échantillon en particulier. L’une des principales raisons qu’avancent d’ailleurs 18 enquêté-e-s ayant refusé de se faire vacciner est invariablement cette remise en cause de l’efficacité réelle du VAC dans la lutte contre la pandémie. Les récits de plusieurs informateurs et informatrices sur des cas d’individus vaccinés ayant contracté la maladie ou des cas de vacciné-e-s dont les effets secondaires leur ont été fatals sont nombreux.

Mon voisin, affirme l’informateur 14, s’est fait vacciner contre la Covid-19 en début du mois d’octobre. Deux semaines plus tard, il a contracté la maladie, alors qu’il était supposé être immunisé. Ma cousine qui l’avait pris avant lui a passé plusieurs jours à l’hôpital régional de Maroua. Dieu merci, tous deux ont pu se remettre de leur état. Mais il s’en est fallu de peu pour que ma cousine succombe à ces effets secondaires (Informateur 14, doctorant, Décanat FALSH, 17 octobre 2021).

Le témoignage de ce chercheur de la quarantaine prouve à suffisance à quel point la perception du VAC en tant que mesure préventive inefficace s’est vulgarisée. De la classe prolétaire constituée des analphabètes, elle a atteint les milieux universitaires élitistes censés garder un esprit critique. Les faits empiriques relatifs aux effets secondaires, aux complications ainsi qu’à la recontamination d’un patient vacciné ont eu raison de l’esprit scientifique et cartésien supposé guider l’analyse et le jugement de la personne interrogée. Pour ce doctorant, comme pour plusieurs autres ayant vécu des faits similaires, l’inefficacité du VAC est incontestable et se constitue ainsi en motif solide justifiant l’antipathie des populations à son égard.

Vers une possible réhabilitation de la crédibilité du VAC?

Réhabiliter l’image de marque du VAC comme seule alternative préventive contre la pandémie Covid-19 dans notre contexte semble très difficile au regard du contexte actuel caractérisé par la prolifération des plateformes anticonformistes, qui véhiculent des informations contradictoires, et de la crise de confiance existante entre les institutions étatiques et la société civile. Penser une stratégie de déconstruction des stéréotypes du VAC reviendrait, en amont, à déconstruire ceux déjà élaborés autour de la vaccination en général, puis à s’intéresser aux perceptions individuelles qui, selon Hrynick, Ripoll, et Schmidt-Sane (2020), est la base des représentations sociales dégradantes et de toute réticence sur le VAC. Dans un contexte caractérisé par le taux d’analphabétisme élevé et une forte influence de la doxa sur les orientations idéologiques et les attitudes des populations, une communication de proximité empruntant les mêmes stratégies médiatiques serait un début de solution à cette antipathie manifeste vis-à-vis de la vaccination. Dans la ville de Maroua, à travers les avis individuels de l’échantillon qualitatif de l’étude et en dépit des plans d’action définis par les autorités locales – ceux visant notamment à sensibiliser les populations dans des lieux publics et de masse, à programmer des campagnes de vaccination en descendant sur les lieux de service –, il apparaît que les hostilités vis-à-vis du VAC semblent davantage se cristalliser. Les organismes non gouvernementaux et gouvernementaux opérant dans le domaine sanitaire dans la localité devraient procéder par des actions consistant à diagnostiquer les différents stéréotypes par une enquête de proximité (entretiens avec les ménages afin de déterminer les raisons qui les poussent à refuser le VAC) et les déconstruire par un discours riche en preuves, à la fois scientifiques et doxiques, s’appuyant sur les croyances et savoir locaux en la matière.

Conclusion

La présente analyse a retracé, au travers du matériau discursif, les différents stéréotypes sur le VAC dans la métropole régionale de l’Extrême-Nord. Pour y parvenir, cette étude de nature qualitative s’est appuyée sur un échantillon de 25 informateurs et informatrices aux profils socioculturels et économiques variés. Leurs propos ont été traités et analysés à la lumière de l’analyse du discours social théorisée par Marc Angenot. Avant d’amorcer les analyses proprement dites, il s’est agi de planter le décor en présentant tour à tour notre méthode d’enquête, de constitution du corpus et la grille théorique convoquée pour l’analyse des verbatims. Les deuxième et troisième articulations de l’article ont présenté le contexte sanitaire de Maroua à l’heure de la pandémie, afin de déterminer les différents mobiles fondateurs des stéréotypes sur le VAC. Ce dernier point a notamment permis de présenter les différents facteurs à l’origine des représentations dégradantes sur le vaccin en général et d’expliquer l’attitude de refus des populations de l’Extrême-Nord vis-à-vis du VAC en particulier.

Ainsi, il apparaît que la peur des effets secondaires, les stigmates et traumas psychosomatiques, les Fake News et le doute sont les principaux mobiles qui entretiennent une véritable psychose chez les informateurs et informatrices de notre échantillon, tous profils socioculturels et économiques confondus. Ces différents facteurs sont à l’origine des représentations sociales dégradantes sur le VAC, lesquelles ont été abordées dans l’avant-dernière partie des analyses. Trois grands stéréotypes en faveur des théories complotistes circulent sur le VAC, d’après l’étude qualitative réalisée : le VAC comme vaccin de la mort, vaccin stérilisateur, vaccin inefficace et frelaté. Les effets d’une telle représentation sont logiquement la méfiance et le rejet systématique du vaccin par les populations cibles, en dépit des efforts mobilisés par la délégation régionale de la santé pour protéger la population contre la Covid-19. Ainsi, les pouvoirs publics et ONG opérant dans le secteur sanitaire devraient-ils penser à une stratégie de communication de proximité efficace permettant de déconstruire ces stéréotypes, même si la tâche à accomplir s’annonce périlleuse au regard du profil socioculturel diversifié et fortement hétérogène que présente cette zone. Au-delà de cette question purement sémiotique et communicationnelle, qui ne constitue qu’une voie en faveur de la réhabilitation du VAC, des problèmes plus profonds, liés à l’élaboration de ce vaccin et aux effets secondaires, seraient à réexaminer par le COVAX pour un rétablissement définitif du VAC dans sa fonction qui est de protéger et non d’anéantir.

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Sources orales
No Statut socio​-​professionnel Sexe Religion Niveau d’instruction Âge Statut Date et lieu de l’entretien
1 Commerçant M Musulman Primaire 29 Non vacciné 14/11/21, Carrefour Para
2 Femme d’affaires F Musulmane Primaire 39 Vaccinée 10/10/21, Marché Abattoir
3 Commerçant M Musulman Non instruit 29 Non vacciné 01/10/21, Palar Jeudi
4 Étudiante F Musulmane Universitaire 25 Non vaccinée 18/10/21, Campus Espoir (Ouro​-​Tchédé)
5 Agriculteur M Musulman Secondaire 50 Non vacciné 22/09/21, Jarma
6 Catéchiste F Chrétienne Secondaire 40 Non vaccinée
7 Femme au foyer F Animiste Non instruite 42 Non vaccinée 20/10/21, Jarma
8 Homme d’affaires M Musulman Non instruit 35 Non vacciné 10/10/21, Marché Abattoir
9 Élève F Chrétienne Secondaire 16 Non vaccinée 14/11/21, Carrefour Para
10 Infirmière F Chrétienne Secondaire 28 Non vaccinée 16/11/21, Hôpital régional de Maroua
11 Enseignante F Musulmane Universitaire 29 Non vaccinée 18/10/21, Campus Espoir (Ouro​-​Tchédé)
12 Vendeuse ambulante F Chrétienne Non instruite Non vaccinée 12/11/21, Carrefour Para
13 Vendeur de Carburant M Musulman Non instruit 28 Non vacciné 12/11/21, Carrefour Para
14 Doctorant M Chrétien Universitaire 30 Non vacciné 17/10/21, Décanat FALSH
15 Militaire M Chrétien Secondaire 27 Non vacciné 14/09/21, Jarma
16 Femme politique F Musulmane Secondaire 34 Non vaccinée 09/11/21, Hôpital régional de Maroua (en qualité de patiente)
17 Étudiante F Chrétienne Universitaire 17 Non vaccinée 18/10/21, Campus Espoir (Ouro​-​Tchédé)
18 Policière F Chrétienne Secondaire 29 Non vaccinée 12/11/21, Carrefour Para
19 Enseignante Université F Chrétienne Universitaire 37 Non vaccinée 17/10/21, Décanat FALSH
20 Commerçante F Chrétienne Primaire 60 Non vaccinée 10/10/21, Marché Abattoir
21 Élève F Musulmane Secondaire 14 Non vaccinée 17/09/21, Palar Jeudi
22 Tradithérapeute M Musulman Primaire 50 Non vacciné 17/09/21, Palar Jeudi
23 Enseignant, universitaire F Musulman Universitaire 40  Vaccinée 19/10/21, Décanat FALSH
24 Médecin M Chrétien Universitaire 31 Vacciné 16/11/21, Hôpital régional de Maroua
25 Institutrice F Musulmane Secondaire 23 Non vaccinée 15/09/21, Jarma

  1. Il s’agit en l’occurrence de AstraZeneca et Sinopharm introduits en Afrique en mars 2021 et de Johnson & Johnson introduit en juillet 2021.
  2. L’attribution de ces numéros qui garantissent l’anonymat de nos sources s’inscrit dans la perspective de Loubet Del Bayle (2000) qui, par respect des principes déontologiques liés à la recherche en sciences sociales sur certaines questions sensibles, prône l’anonymat de l’enquêté-e. Cet anonymat demandé par la plupart de nos informateurs et informatrices est également motivé par la peur de paraître ouvertement hostile au VAC, puisqu’à cette période, des mesures de répression avaient été envisagées par le gouvernement pour obliger les uns et les autres à se faire vacciner; initiative qui n’a heureusement pas été mise à exécution.
  3. Par représentation discursive, nous entendons ainsi la mise en discours des différentes perceptions et images que nous avons des réalités du monde qui nous entourent.
  4. Entretien avec l’informateur 24, épidémiologiste de l’hôpital régional de Maroua, le 16 novembre 2021.
  5. En effet, la plupart de nos enquêté-e-s (non instruit-e-s) n’établissent pas une distinction entre le vaccin et de simples injections administrées à la suite de la contraction d’une maladie par un-e patient-e. À cet effet, ils ou elles attribuent donc au vaccin (antitétanique, contre la rougeole, la méningite, etc.) les mêmes attributs et les mêmes fonctionnalités que certains médicaments à but curatif tels que les Artéméters injectables, les Analjins, etc.

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