5 Échange des flux d’information entre les deux rives du bassin méditerranéen

Fayçal Izedaren et Larbi Megari

La coopération dans les secteurs des médias et de la radiodiffusion entre pays méditerranéens est l’un des partenariats les plus importants entre les deux rives du bassin méditerranéen[1]. Les sociétés de radiodiffusion publiques de cette région font de ce partenariat une concrétisation réelle, grâce à leur coopération dans ce domaine. L’industrie de l’information est la partie la plus importante de cette coopération. Les entreprises médiatiques du service public dans le bassin méditerranéen créent de nombreuses formes de coopération dans le domaine de la couverture audiovisuelle de l’actualité. L’une de ces formes est l’échange d’informations, qui est une partie très importante du processus de production d’informations dans la production et de la diffusion de l’information. Au fur et à mesure que le secteur de la presse grossissait et devenait plus complexe, la coopération et le partenariat dans le secteur des médias sont devenus une spécialité des médias à part entière. C’est ce qu’on appelle maintenant l’échange de l’information.

L’échange d’informations dans l’industrie de la radiodiffusion est une activité qui vise à offrir et à recevoir des contenus audiovisuels, gratuitement ou à un prix modique. Cette activité est réalisée soit sur une base bilatérale (entre deux diffuseurs), soit sur une base multilatérale, par le biais d’organisations jouant le rôle d’intermédiaires entre les diffuseurs et les agences de presse. Dans le cadre de cet échange qui se déroule entre pays méditerranéens, les radiodiffuseurs publics s’échangent mutuellement et gratuitement des informations (courtes vidéos d’une durée inférieure à cinq minutes) à utiliser dans leurs bulletins d’information et leurs magazines, ainsi que dans de nombreux autres formats de programmes. Habituellement, ces tâches (échange d’informations) sont effectuées par un service appelé « bureau de collecte d’information » ou « bureau international d’information ».

Notre sujet de recherche est axé sur l’échange d’informations diverses entre les radiodiffuseurs publics du bassin méditerranéen. Nous entendons par informations diverses, toutes les informations qui ne relèvent pas de la politique ou de l’économie, ou des nouvelles qui sont des informations de dernière minute.

Depuis l’année 2002, année au cours de laquelle la télévision algérienne prend en charge la coordination du « Mediterranean News Exchange », plus communément appelé ERNM, environ 1 000 nouvelles en nature sont échangées entre les deux rives de la Méditerranée. Dans le cadre d’un échange d’informations plus large et plus général, supervisé par l’Union européenne de radiotélévision (UER)[2], le flux d’informations en Méditerranée est principalement spécialisé dans les faits divers, à savoir la culture, l’environnement, les traditions et de nombreux autres sujets, sans toutefois inclure les questions politiques.

L’UER est l’un des distributeurs les plus connus de contenus sportifs et d’informations pour les plus grandes plateformes mondiales de radiodiffusion et de médias. Son siège est à Genève, mais elle dispose aussi de bureaux dans de nombreux endroits, notamment en Fédération de Russie et aux États-Unis. Il est également certifié Guichet Unique OSS (One Stop Shop) partout dans le monde. Les organisations de services de communication OSS sont présentes partout dans le monde.

Cet échange d’informations est suivi conjointement par l’Union européenne des radiotélévisions (UER)[3] et la Conférence permanente des opérateurs audiovisuels méditerranéens (COPEAM), une association à but non lucratif vouée à la promotion du dialogue et de l’intégration culturelle dans la région méditerranéenne, à travers l’implication des principaux acteurs du secteur audiovisuel, parmi lesquels les radiotélévisions du service public de 26 pays de la région, outre les associations professionnelles et culturelles, les institutions, les établissements d’enseignement supérieur et les structures de spécialisation, les producteurs et productrices indépendant-e-s et les autorités locales de l’Europe, des Balkans et d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient.

Aux côtés de l’UER et de la COPEAM, l’Union des radiotélévisions des États arabes (ASBU) adhère à ce suivi et participe, par l’intermédiaire de ses membres, à cet échange d’informations.

L’échange d’informations régionales en Méditerranée, appelé ERNM[4], est un espace d’échange d’informations diverses entre des diffuseurs appartenant aux États du bassin méditerranéen.

Le bureau central de coordination de l’Échange Régional Méditerranéen (ERNM) est situé à Alger et est hébergé par la télévision publique algérienne. La base de données régionale ERNM se situe au siège de la télévision algérienne DZEPTV à Alger et ce, depuis 2002. Avant cette date, la coordination centrale se trouvait au siège de la télévision italienne ITRAI à Rome.

Question de recherche

L’objet de notre étude est la comparaison des participations des pays du nord et du sud de la mer Méditerranée dans le cadre de cet échange d’informations. La comparaison se concentrera sur la quantité d’informations relevant de l’actualité provenant de chaque côté du bassin méditerranéen. En d’autres termes, nous essaierons de déterminer quel côté, nord ou sud, offre un flux plus dense d’informations relevant de l’actualité.

Notre comparaison dépasse l’aspect quantitatif. Elle met également l’accent sur la nature des articles proposés par les deux rives du bassin méditerranéen. En d’autres termes, quels sont les pays du sud et du nord du bassin méditerranéen, qui offrent le plus d’informations? Quels sont les pays qui concentrent davantage tel type d’information relevant de l’actualité? Sur quelles thématiques les pays du sud se mobilisent-ils davantage? Et quels sont les pays du nord du bassin méditerranéen qui proposent la plus grande offre?

Échantillon et portée de l’étude

Nous avons choisi un échantillon qui regroupe des articles divers échangés entre les pays méditerranéens dans le cadre de l’échange régional méditerranéen (ERNM). Nous avons établi des tableaux statistiques sur ces articles dont la publication a eu lieu entre le 1er janvier et le 31 mars 2017. Comme mentionné précédemment dans cet article, nous avons choisi une période de façon aléatoire. Nous avons pris bien évidemment comme source de ces données, le site internet officiel[5] de l’UER, qui est un espace de travail virtuel pour les membres de l’union des radiotélévisions européennes (UER).

Pendant cette période, 311 articles de presse ont été échangés entre dix pays méditerranéens, cinq pays de chaque côté. Il s’est avéré que les dix pays suivants ont participé et proposé des nouvelles légères à cette période choisie au hasard :

  • Au nord du bassin méditerranéen : Croatie, Espagne, France, Italie et Portugal.
  • Au sud du bassin méditerranéen : Algérie, Jordanie, Maroc, Tunisie et Turquie.

Faut-il le rappeler, il est important de mentionner que tous les participants à cet échange sont des radiodiffuseurs du service public, que ce soit au sud ou au nord du bassin méditerranéen, et le choix (l’échantillon étant constitué d’articles de presse produits et proposés par des radiodiffuseurs appartenant au service public) peut être motivé par trois raisons :

La première raison est l’implication professionnelle de l’un des deux auteurs de cette recherche, car l’accès à ces statistiques était possible grâce au concours de l’un de nous deux, en sa qualité de responsable de l’échange d’informations en Méditerranée et de responsable de la commission de l’information et des magazines de la COPEAM, à l’origine de la création de cet échange.

La deuxième raison de notre choix est qu’en sélectionnant uniquement les radiodiffuseurs appartenant au service public, nous limitons ici le champ de nos recherches à la version officielle (version publique) de l’échange. En d’autres termes, nous avons exclu tout échange d’informations en Méditerranée effectué par le secteur privé.

Une troisième raison est que nous éliminons la dimension marchande. Les radiodiffuseurs publics produisent ou sélectionnent des informations à proposer sans dépenser d’argent. Ces radiodiffuseurs produisent ces informations, non pour l’échange, mais pour leurs bulletins d’information, ce qui signifie qu’ils produisent ces informations sans tenir compte de leur participation à l’échange. Il n’y aura donc aucune limitation financière pouvant influencer le choix des éléments proposés. En conséquence, aucun facteur financier ne serait pris en compte dans notre analyse des résultats.

Méthodologie

Nous avons adopté une approche quantitative, en établissant une comparaison dans la somme des informations modérées proposée par les pays du sud au nombre de reportages du même type (actualités informelles) proposés par le nord.

Nous avons également examiné le contenu de ces informations. Selon la ligne éditoriale de l’ERNM (News Mediterranean Exchange), les membres de cet échange sont invité-e-s à partager des informations concernant la culture, les arts, les traditions et le patrimoine, l’environnement, la société, etc. En d’autres termes, cet échange a été créé pour ce que l’on appelle communément dans la diffusion de la presse « des histoires d’actualité personnelles ». D’autres types d’actualités, communément appelés « histoires d’actualité », ou autres actualités de dernière heure, ont leur propre échange au sein de l’UER. Cet échange comprend à la fois une catégorie d’informations incluant exclusivement des informations politiques et autres. Une autre catégorie d’informations intègre exclusivement les événements sportifs.

Nous avons également utilisé l’une des technologies les plus récentes de surveillance des signaux de satellites disponibles auprès de l’Union européenne des radiodiffuseurs (EBU) à Genève, le système de surveillance par filigrane. La technologie de filigrane permet de surveiller l’utilisation par les radiodiffuseurs, partout dans le monde, des informations de l’UER proposées par les membres de cette organisation (membres de l’UER), ses associés ou les organisations membres[6]. Une fois que l’information, de quelque nature qu’elle soit, passe par le système de filigrane de l’UER, le signal de cette dernière se voit attribuer une empreinte digitale numérique particulière; elle sera donc localisée et surveillée chaque fois que ce signal sera diffusé. À la fin de la journée, toutes les informations utilisées par Eurovision par un radiodiffuseur donné seront enregistrées dans les fiches de suivi de l’UER, indiquant quel diffuseur a utilisé quel élément et à quel moment. Après avoir effectué quelles modifications, nous avons rassemblé ces données et les avons placées dans un tableau.

Nous utilisons ces données pour voir quels articles de presse sont les plus utilisés par les radiodiffuseurs. Cela nous indiquera quels pays offrent les informations les plus utilisées. L’analyse de ces données peut nous aider à comprendre quelle rive de la Méditerranée réussit le mieux à proposer des informations qui sont utilisées plus fréquemment par les radiodiffuseurs méditerranéens ainsi que par des entreprises non méditerranéennes. Nous devons mentionner ici que dans le domaine de l’échange d’informations, le fait de proposer un article ne signifie pas nécessairement que cet article sera utilisé par les radiodiffuseurs.

Comment avons-nous collecté nos données?

Nous avons collecté manuellement nos statistiques sur le site web mentionné de l’UER, en utilisant une technique de recherche avancée (disponible sur le site web) qui nous permet de limiter notre recherche aux échanges d’informations dans le bassin méditerranéen (ERNM), entre le 1er janvier et le 31 mars 2017.

En ce qui concerne les statistiques relatives à l’utilisation d’actualités par les radiodiffuseurs, nous avons simplement adressé une demande à l’Union européenne des radiotélévisions (UER) qui a gracieusement répondu en nous envoyant un document Excel contenant des données très utiles pour notre recherche.

Résultats

Après avoir collecté nos statistiques en utilisant les méthodes mentionnées plus haut, nous avons créé un tableau qui indique le nombre d’actualités proposées de chaque côté du bassin méditerranéen (Tableau 1).

Dans ce tableau, on peut facilement voir l’énorme différence en termes de quantité de nouvelles proposées entre les pays du nord et ceux du sud du bassin méditerranéen. Au cours des trois premiers mois de 2017, depuis le nord du bassin méditerranéen, la Croatie, le Portugal, l’Espagne, la France et l’Italie réunis n’ont offert que 52 nouvelles à la plateforme. Au sud de la Méditerranée, l’Algérie, le Maroc, la Tunisie, la Turquie et la Jordanie ont proposé, au cours de la même période, plus de 250 articles.

Tableau 1. Contributions par région (Sud vs Nord).
Régions de la Méditerranée Nombre d’articles
Sud de la Méditerranée 259
Nord de la Méditerranée 52

En lisant le tableau ci-dessous, nous avons constaté que la radiotélévision publique marocaine a proposé plus d’articles (136 articles) au cours de cette période que tous les pays du nord réunis (52 nouvelles seulement). En d’autres termes, MASNRT (radiodiffuseur public marocain) a offert trois fois plus que ce que les pays du nord ont proposé. Le diffuseur public algérien a également proposé à peu près le même nombre d’informations (57) que les pays du nord réunis (Tableau 2).

Tableau 2. Contributions par pays.
Pays Nombre d’informations offertes
Maroc 136
Algérie 57
Turquie 43
Tunisie 20
Jordanie 03
Total des contributions du sud 259
Croatie 26
Italie 14
Portugal 06
Espagne 05
France 01
Total des contributions du nord 52

Le degré d’engagement dans la ligne éditoriale de l’échange régional méditerranéen

Une des conclusions les plus importantes de nos données recueillies est qu’il existe une différence remarquable entre les contributions des deux rives du bassin méditerranéen concernant leur engagement envers la ligne éditoriale bien définie de cet échange.

Comme nous l’avons déjà indiqué dans cet article, l’échange d’informations en Méditerranée se veut un espace réservé aux images de faits divers, loin des informations dures. En d’autres termes, cet échange concerne des informations exclusivement consacrées aux arts, à la culture, au tourisme, à l’environnement, aux traditions, aux festivals, aux manifestations religieuses, etc. Mais sur le terrain, nous avons constaté que cette règle n’avait pas été pleinement respectée par la presse méditerranéenne.

Nous avons également constaté que le degré de non-respect de la ligne éditoriale ERNM n’est pas le même des deux côtés. En effet, les pays du nord sont, de loin, plus attachés à la ligne éditoriale de cet échange méditerranéen que les pays de la rive sud du bassin méditerranéen (Tableaux 3 et 4).

Tableau 3. Propositions d’informations triées par Genre / Pays.
Genre / Pays Maroc Algérie Turquie Croatie Tunisie
Culture 15 14 27 12 11
Économie 29 9 1 5
Coopération 28 14 2 2
Politique 19 5 2 4
Tourisme 15 2 6 3 2
Hard news 17 1 2 1 1
Social 4 9 2
Environnement 8 2 3 3
Religion 1 1
Total 136 57 43 26 20
Genre / Pays Italie Portugal Espagne Jordanie France
Culture 8 4 1 1 1
Économie 2 1 2
Coopération 1
Politique 1 1
Tourisme 2 2
Hard news
Social
Environnement 2
Religion
Total 14 06 05 03 01
Tableau 4. Propositions d’informations triées par Genre / Région.
Genre Nord Sud
Culture 26 68
Économie 08 41
Coopération 01 46
Politique 02 30
Tourisme 07 25
Hard news 01 20
Social 02 14
Environnement 05 13
Religion 00 02
Total 52 259

Comme le montre le tableau 4, les pays du nord n’ont proposé que trois articles (sur 52 actualités proposées) qui ne sont pas des faits divers (politiques et autres), soit moins de 6% de l’ensemble des informations offertes. Par ailleurs, la contribution des pays du sud à cet échange de nouvelles est loin de la ligne éditoriale de cet échange. En chiffres, les membres du sud de la plateforme ERNM ont proposé une cinquantaine de nouvelles ne respectant pas la ligne éditoriale de la plateforme (30 nouvelles sur la politique et 20 nouvelles sur la presse), soit près de 20% de la totalité des offres proposées (Tableau 4 illustrant les échanges d’informations par genre et par région au cours des trois derniers mois de 2017).

Un pays comme le Maroc est au sommet des pays du sud qui ne respectent pas la ligne éditoriale. Le MASNRT (le radiodiffuseur officiel appartenant à l’État) a à lui seul proposé 36 nouvelles qui ne correspondent pas avec la ligne éditoriale d’échanges d’informations en Méditerranée (19 nouvelles sur la politique et 17 autres informations difficiles). Selon les chiffres présentés dans le tableau (Tableau 3), plus de 26,4% des offres marocaines sont hors du champ de l’échange régional méditerranéen.

Utilisation des informations méditerranéennes par les radiodiffuseurs

Grâce à la technologie de filigrane fournie par l’Union européenne des radiodiffuseurs (EBU) à Genève, nous avons eu accès à de précieuses statistiques contenant le nombre d’utilisations par divers diffuseurs d’articles proposés. Ces chiffres expliquent l’utilité de ces informations pour les diffuseurs méditerranéens et même pour les diffuseurs non méditerranéens[7].

Tableau 5. Utilisation des informations méditerranéennes.
Pays du nord de la Méditerranée Nombre d’articles utilisés
Italie 207
Portugal 42
France 26
Croatie 21
Espagne 14
Total 310
Pays du sud de la Méditerranée Nombre d’articles utilisés
Maroc 116
Turquie 104
Algérie 13
Tunisie 12
Jordanie 00
Total 245
Total de toutes les utilisations 555

Comme le montre clairement le tableau 5 ci-dessus, les informations en provenance du nord sont de loin plus utilisées par les radiodiffuseurs que les informations en provenance des pays du sud du bassin méditerranéen.

Nous devons nous rappeler que prendre en compte le nombre d’articles proposés des deux côtés fera la différence quant à l’utilité des articles d’actualité.

Les pays méditerranéens du nord n’ont proposé que 50 nouvelles au cours des trois premiers mois de 2017, avec un nombre d’utilisations qui s’élève à 310, alors que les pays du sud du bassin méditerranéen en ont offert 203 avec seulement 245 utilisations, ce qui est de loin le plus bas en termes d’utilisations réalisées par des articles venant du nord de la Méditerranée.

La télévision italienne RAI, à elle seule, a obtenu presque le même nombre d’utilisations de tous les articles des radiodiffuseurs du sud (207 utilisations pour le diffuseur ITRAI contre 245 pour les pays du sud).

Bien que les pays du nord aient offert moins de 25% du total des informations proposées dans la région méditerranéenne (le nord avec 50 nouvelles contre le sud avec 203 nouvelles), on peut noter que les diffuseurs du nord ont atteint plus de 55% des utilisations totales de l’ensemble des utilisations des pays méditerranéens (le nord avec 310 utilisations contre le sud avec seulement 245 utilisations).

Conclusions

En exposant nos résultats, notre première conclusion stipule que les pays du nord sont moins enclins à proposer des contenus audiovisuels à partager dans cet échange.

On ne voit pas bien pourquoi ces pays offrent moins d’actualités à cet échange que les pays du sud, mais il peut y avoir des raisons qui ne sont pas liées à cette activité particulière, comme le manque de personnel dont souffrent de nombreux radiodiffuseurs européens.

De plus, les radiodiffuseurs ont tendance à privilégier les informations à caractère politique et autres plutôt que les faits divers[8], et ce pour des raisons évidentes, à savoir la pression exercée par les auditoires qui constituent la première préoccupation des organisations de médias, non seulement dans la région méditerranéenne, mais dans le monde entier.

Cette pression n’existe pas dans les médias des régions méridionales de la Méditerranée, et ce pour la simple raison que les technologies de mesure de l’audience ne sont pas en place dans ces pays (pays du sud). Même les législations relatives aux mesures de ces publics ne sont pas en place dans la plupart des régions du Sud méditerranéen.

Les radiodiffuseurs des pays du sud reçoivent des publicités indépendamment de leur performance par rapport aux parts d’audience. Ils reçoivent des publicités provenant d’institutions gouvernementales et d’administrations telles que des ministères, des autorités locales et des institutions publiques. Il existe également des sociétés étatiques telles que les sociétés pétrolières, etc. À cela s’ajoute le fait que les gouvernements financent directement ces organisations de médias, quelle que soit leur performance sur le terrain. C’est la raison pour laquelle ces entreprises médiatiques produisent des reportages sans souci financier, ce qui n’est pas le cas des entreprises médiatiques du nord, bien que ces entreprises des deux côtés de la Méditerranée soient des entreprises publiques.

Les pays du sud inondent les échanges avec leurs contenus vidéo. Une des raisons pour lesquelles les informations sont abondantes en provenance du sud réside dans le fait que ces radiodiffuseurs ne respectent pas les règles des échanges d’informations en Méditerranée. Ils ont donc inclus, comme nous l’avons vu dans nos conclusions, leur politique et leurs actualités, et cela fait paraître leurs offres plus grandes que celles du nord.

Cela peut également s’expliquer par le fait que les pays du sud utilisent cet espace d’échange d’informations pour leur propagande politique. Dans le monde arabe, les médias appartenant à l’État sont considérés comme un outil parmi d’autres, mais pas moins important, que les gouvernements devraient utiliser pour justifier leur agenda politique (Kent et al., 2005). Par exemple, la télévision marocaine a proposé plus de 20 nouvelles (sur un total de 97 nouvelles proposées à l’échange au cours des trois premiers mois de l’année 2017) sur les activités du roi Mohammed VI, ainsi que d’autres nouvelles sur les activités politiques du gouvernement et de ses ministres. Le radiodiffuseur public jordanien est un autre exemple qui prouve que ces pays utilisent cet échange à des fins de propagande politique. Ce pays a offert deux de ses trois offres sur la famille royale et ses activités.

Il peut également y avoir des facteurs internes à cela, tels que l’existence de pressions provenant de la hiérarchie de ces sociétés qui demandent aux employés de l’échange d’informations de respecter certains objectifs (nombres) de participations à l’échange d’informations en général.

Religion : un tabou ou une simple coïncidence?

Bien que la région méditerranéenne soit riche en termes de diversité religieuse, les offres relatives à la religion figurent en bas de la liste des informations proposées, avec seulement deux articles (moins de 1% du nombre total) proposés par les pays du sud de la Méditerranée au cours de la période considérée. Il est également utile de mentionner que les deux offres provenaient des pays du sud du bassin méditerranéen. Comme nous savons que le contenu religieux est vraiment important pour les pays arabes, nous nous sommes d’abord demandés pourquoi il n’y avait pas de grande offre sur ce sujet.

Nous savons également que les deux rives de la mer Méditerranée sont témoins chaque année de nombreuses fêtes et manifestations religieuses telles que le Ramadan, les deux fêtes des populations musulmanes (une immédiatement après le mois sacré du Ramadan et la fête de l’Aïd al-Adha, juste après le Hajj), Noël et Pâques pour les populations chrétiennes, Ahura pour les musulmans chiites en particulier, même si elle est également célébrée par les populations sunnites. Mais nous avons réexaminé la période de l’année choisie qui faisait l’objet de notre étude, à savoir les trois mois (janvier, février et mars 2017), et nous avons découvert que cette période particulière n’incluait pas ces évènements religieux.

Impérialisme culturel : la version méditerranéenne

La théorie bien connue de « l’impérialisme culturel » soutient que l’Occident est en train d’inonder le Sud (y compris l’Est) de contenus culturels, y compris de contenus médiatiques. Selon la même idée, ces contenus culturels « occidentaliseraient » le Sud, dans le cadre de l’occidentalisation du tiers-monde (Mattelart, 2002). La théorie de « l’impérialisme culturel » est-elle valable dans le contexte méditerranéen?

La réponse est non. Selon nos statistiques, les pays du sud de la Méditerranée inondent le nord de contenus vidéo. Selon nos chiffres, l’échange d’informations en Méditerranée ne reflète pas ce que suggère le « Nouvel ordre international des nouvelles » (Mattelart, 2017). S’il y a un impérialisme culturel, c’est dans la direction opposée : du sud au nord.

Références

Crivello M., 2013, « L’émergence et l’élaboration d’un patrimoine télévisuel en Méditerranée», Sociétés & Représentations, vol. 35, no. 1, pp. 97-107.

Guaaybess T., 2005, Télévisions arabes sur orbite : Un système médiatique en mutation (1960-2004), Paris, CNRS Éditions.

Guaaybess T., « Les bouquets satellitaires et le développement du système télévisuel arabe.
Accès :
https://www.inaglobal.fr/television/article/les-bouquets-satellitaires-et-le-developpement-du-systeme-televisuel-arabe

Kent G. et Palmer J., 2005, « Mondes arabophones et médias », Questions de communication [En ligne], 8 | mis en ligne le 01 décembre 2005, consulté le 17 août 2018.
Accès : http://journals.openedition.org/questionsdecommunication/3837

Mattelart T., 2002, « Le Tiers Monde à l’épreuve des médias audiovisuels transnationaux : 40 ans de controverses théoriques », in Mattelart T., La mondialisation des médias contre la censure, De Boeck Supérieur, « Médias- Recherches », pp. 17-80.

Mattelart T., 2017, « Nécessaire rééquilibrage des flux d’information transnationaux », in Badie B. et al., En quête d’alternatives, Paris, La Découverte « L’état du monde », pp. 31-39.

Le site internet officiel de l’Union des radiotélévisions Européennes (EBU) : www.eurovision.net

Le site internet official de l’Union des radiotélévisions des Etats Arabes : www.asbu.net

Le site internet official de la conférence des radiodiffuseurs méditerranéens (COPEAM) : http://www.copeam.org

Résumé/ملخص/Abstract

 

Cette étude aborde la nature du flux d’informations partagées entre dix pays méditerranéens par l’intermédiaire de leurs sociétés publiques de radiotélévision. Nous avons choisi cinq pays du nord de la mer Méditerranée et cinq autres pays du sud. Cet échange de nouvelles a eu lieu dans le cadre de l’échange d’informations méditerranéen, qui fait partie du principal échange d’informations suivi par l’Union Européenne des Radiodiffuseurs (UER).

Mots-clés : Actualités, échanges méditerranéens, informations magazines.

***

تبادل تدفقات معلوماتية بين ضفتي حوض البحر المتوسط

عكفنا في هذا البحث على دراسة طبيعة تدفق الأخبار المتبادلة بين 10 دول الواقعة في حوض البحر الأبيض المتوسط عبر مؤسساتها للبث التلفزيوني التابعة للقطاع العمومي. لقد اخترنا 5 دول من شمال البحر الأبيض المتوسط و 5 دول من الجهة الجنوبية. حدث تبادل للأخبار و هذا في إطار التبادل المتوسطي للأنباء ، والذي يعد جزءًا من التبادل الرئيسي للأخبار التي يراقبها الاتحاد الأوروبي للإذاعة و التلفزيون (EBU).

الكلمات المفتاحية الأخبار ، التبادل المتوسطي ، أخبار متفرقة.

***

Title : Two-way Information Flows between Either Side of the Mediterranean

In this study, we have looked into the nature of the flux of soft news stories that have been shared between 10 Mediterranean countries via their public broadcasting corporations. We have chosen 5 countries from the northern side of Mediterranean Sea, and other 5 countries from the south. This news exchange took place within the Mediterranean news exchange that is part of the main news exchange monitored by the European Broadcasters Union (EBU).

Keywords : News, Mediterranean exchange, soft stories.


  1. Crivello, Maryline. « L'émergence et l'élaboration d'un patrimoine télévisuel en Méditerranée », Sociétés & Représentations, vol. 35, n°1, 2013, pp. 97-107.
  2. Eurovision est l’un des distributeurs les plus connus de contenus sportifs et d’informations pour les plus grandes plateformes mondiales de diffusion audiovisuelle. Son siège est à Genève, mais il dispose aussi de nombreux bureaux dans le monde, notamment à Moscou et aux États-Unis. Il est également certifié OSS (One Stop Shop) partout dans le monde.
  3. L'Union des radiotélévisions des États arabes, appelée ASBU, est une organisation regroupant toutes les sociétés de radiodiffusion publiques des États arabes. Cet organisme fait partie de la Ligue arabe. Le centre d’échange des informations de cette organisation est situé à Alger, tandis que son administration est située à Tunis.
  4. L’Union des radiotélévisions des États arabes (URTEA) est une organisation regroupant les entreprises de radiotélévision des pays arabes, cette organisation fait partie de la Ligue arabe. Le centre d’échange d’informations est situé à Alger, alors que son siège administratif est à Tunis.
  5. www.eurovision.net
  6. L’Union européenne des radiotélévisions (UER) dispose de nombreux niveaux de partenariat : des membres à part entière, des membres associés et des organisations indépendantes telles que AsiaVision (l’échange d’informations des pays asiatiques).
  7. Les statistiques recueillies à l’aide de la technique du Watermarking ne nous donnent pas la possibilité d’identifier les diffuseurs ayant utilisé les différentes informations.
  8. Tourya Guaaybess, « Les bouquets satellitaires et le développement du système télévisuel arabe », www.inaglobal.fr, 2010.

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