8 D’un genre l’autre
Des carnets de voyage à l’autobiographie intellectuelle chez Célestin Monga et Achille Mbembe
Yannick Martial Ndong Ndong
Résumé
Le parcours de Célestin Monga est assez particulier : économiste à la Banque mondiale, c’est plutôt par sa production littéraire qu’il attira l’attention, au-delà de son engagement citoyen. D’abord, la publication de recueils de poèmes de la fin des années 1980 aux années 1990, ensuite un essai qui a fait date, avant sa série de récits de voyage qui confortent son attrait pour la littérature. Mais dans l’élaboration de son projet d’écriture, ses influences sont à la fois diverses et surprenantes, notamment largement inspirées des philosophes du nihilisme. Ces références attestent la centralité de la littérature dans le parcours de Monga. De semblables démarches s’identifient dans l’œuvre d’Achille Mbembe, dont les orientations centrales et dominantes basées sur l’analyse politique et historique, laissent glisser entre les interstices ce qu’il convient d’appeler son autobiographie intellectuelle ou récit de voyages qui s’offrent au lectorat par fragments en fonction du projet envisagé. Ces genres mineurs mais visibles dans leur parcours intellectuel semblent conforter leur statut auctorial tout en relevant les stratégies et les libertés explorées dans l’acte même de production de la pensée.
Depuis 2007, l’œuvre de l’économiste camerounais, Célestin Monga, n’a cessé de s’enrichir de productions aux allures de récits de voyage : Un Bantou à Washington suivi d’Un Bantou à Djibouti (2007), puis Un Bantou en Asie (2011). Ces différents récits racontent respectivement l’expérience de leur auteur dans les lieux explicitement indiqués dès les titres et lui confèrent ainsi un statut de voyageur, c’est-à-dire d’observateur passager. Pourtant, les textes de Monga ne se cantonnent pas au seul récit de voyage qui aurait donné une dimension linéaire à ses écrits, ils se présentent ouvertement comme un espace de réflexion et même de réflexivité où l’auteur camerounais pense la contingence du sujet de discours à la manière des passages de voyageur. Par ailleurs, son lectorat est souvent dérouté par l’abondance de références littéraires et philosophiques, alors que d’un économiste sont plutôt attendues celles se rapportant à ce domaine. Ainsi peut-on s’apercevoir de son attachement aux écrivains et penseurs comme Nietzsche ou Cioran, auxquels l’écrivain camerounais emprunte la forme de l’aphorisme et la critique du nihilisme. Mais Nietzsche et Cioran parmi d’autres sont bien plus que de simples références pour Monga, ils ont clairement un statut de modèle de pensée auxquels l’auteur d’origine camerounais s’identifie et dont il reconduit les catégories dans la littérature africaine francophone. De récits de voyage, découle le répertoire littéraire d’un auteur attaché à la littérature par passion ou par vocation, par-delà les seules exigences professionnelles d’économiste.
Ces pratiques d’écriture à mi-chemin entre écriture de soi et la réflexion sociologique sont tout aussi observées chez Achille Mbembe, dont certains textes sont des récits de son parcours ou explicitement marqués au sceau de l’autobiographie ou du récit de voyage. « Écrire l’Afrique à partir d’une faille », publié en 1993, et sa réécriture dans le premier chapitre de Sortir de la grande nuit « À partir du crâne d’un mort. Trajectoires d’une vie », paru en 2010.
Le premier niveau de passage serait à rechercher dans le statut de Monga et de Mbembe dans le champ littéraire africain : s’agirait-il d’un économiste ou d’un historien dans l’écriture ou au contraire d’un écrivain en économie ou en sciences humaines? Cette question, au demeurant, secondaire traverse néanmoins l’œuvre de Monga et de Mbembe dans sa manière de se situer dans le champ littéraire. Comment s’effectuent les « passages » entre domaines?
Le second niveau d’analyse serait directement lié au statut des deux genres concernés. Le récit de voyage et l’autobiographie intellectuelle sont des variations du récit de vie, formulant différemment les écritures de soi. Il est intéressant d’examiner les différents « passages » que l’œuvre de Monga et celle de Mbembe effectuent de l’un à l’autre : quelle est la part de l’un et de l’autre? Leur présence simultanée et surtout alternée informe-t-elle du statut discursif et littéraire de chaque genre?
Par l’intérêt porté à l’autobiographie intellectuelle et au récit de voyage, l’on vise à restaurer dans la littérature francophone africaine les genres factuels souvent négligés dans les taxinomies par certaines études critiques, en même temps que les relations qui s’établissent entre ces genres et le champ critique.
Célestin Monga, récit de voyage ou autobiographie intellectuelle?
C’est du deuxième récit de Monga (2007), dans l’ordre chronologique et réédité dans le volume Un Bantou à Washington après un premier qui donne son titre à l’ensemble du livre, qu’il est question dans ce point d’ouverture sur l’œuvre de l’écrivain et économiste camerounais. Un Bantou à Djibouti est un récit de voyage écrit par l’auteur camerounais à l’issue d’un séjour dans la corne de l’Afrique, près de vingt ans avant le texte ci-dessus cité. Les trois récits écrits jusque-là par Monga s’inscrivent tous, à des degrés variables, dans la catégorie « récits de voyage », mais au sujet de celui en question dans ce paragraphe, l’auteur lui-même réaffirme cette filiation, en se situant dans la continuité de voyageurs écrivains et voyageuses écrivaines qui ont séjourné dans la corne de l’Afrique et en ont écrit un récit :
Marchant sur les bords de l’eau et contemplant l’énigme de cet endroit dont le mystère avait intrigué bien d’autres voyageurs avant moi — Romain Gary, Arthur Rimbaud, Albert Londres, Joseph Kessel, Michel Leiris Morand et bien d’autres —, je ne pouvais d’ailleurs m’empêcher de méditer les propos de Cioran [1952] : « Les vagues se mettraient-elles à réfléchir, elles croiraient qu’elles avancent, qu’elles ont un but, qu’elles progressent, qu’elles travaillent pour le bien de la mer, et elles ne manqueraient pas d’élaborer une philosophie aussi niaise que leur zèle. » (Monga, 2007 : 30)
Se situant dans la continuité des écrivains et écrivaines dont les récits de voyage sur Djibouti sont de chefs-d’œuvre littéraires, Monga se positionne aussi dans un genre, souvent classé dans la paralittérature, mais qui lui offre de surcroît la possibilité à la fois de raconter un voyage, d’y réfléchir tout en se faisant l’objet de sa propre réflexion. Alors que son récit Un Bantou à Washington raconte ses péripéties aux États-Unis, puis à Djibouti, l’auteur ne peut s’empêcher de réfléchir, en contrepoint, sur la condition de l’exilé-e africain-e qu’il met en miroir avec l’Afrique. Il définit d’ailleurs lui-même le sens de son exil, lorsqu’il écrit :
Mon exil actuel sur les bords de Potomac ne devrait être qu’une étape ponctuelle de mon parcours. Il m’offre l’opportunité de regarder l’Afrique sans trop d’illusion d’optique. Il me permet de rire des caricatures primitives qu’en donnent quotidiennement les médias — y compris les plus « progressistes » et les plus « sérieux » comme CNN, le Washington Post ou le New York Times — et qui éclairent paradoxalement la sombre beauté et la richesse éthique de ce continent. De Washington, il est un peu trop facile de peindre l’Afrique en noir. (Monga, 2007 : 107)
Insérer cette critique du discours américain sur l’Afrique permet à l’auteur de prendre ses distances avec une certaine idée du continent, établie et stéréotypée. Sur ce cheminement, Monga rejoint Valentin Yves Mudimbe, dont The invention of Africa, paru en 1988, retrace la genèse et la consolidation d’une « bibliothèque coloniale » [Colonial Library], depuis le XVIe siècle, dans l’optique d’établir une certaine idée de l’Afrique. Mais les recoupements de Monga avec Mudimbe sont d’autant plus envisagés que celui-ci signe un récit de voyage, Carnets d’Amérique : Septembre — novembre 1974, publié en 1976. Cet élément permet d’inscrire l’économiste dans une filiation littéraire, au-delà qu’il énonce déjà lui-même de façon explicite. N’étant plus en Afrique et étant en Occident à titre provisoire, l’écrivain voyageur africain se situe ainsi au-delà des appartenances primaires ou ethnocentriques et devient à la fois objet et sujet de son discours. Or c’est ce double statut d’objet et de sujet de discours qui est au centre de la réflexivité et sous-tend l’autobiographie intellectuelle. C’est à l’intersection de la réflexivité et de la notion de filiation littéraire ou intellectuelle que l’on aborde l’autobiographie intellectuelle.
L’on a souligné dans les premiers paragraphes les héritages dont Monga est la continuité : au sujet de son récit de voyage à Djibouti, il se revendique de la postérité de Kessel, Rimbaud, Romain Gary, Michel Leiris, etc., tous écrivains voyageurs; tandis qu’Un Bantou à Washington prolonge, à bien des égards, Carnets d’Amérique de Mudimbe, dans leur manière de mêler les impressions de voyage à l’auto-analyse. En citant ses modèles dans ses récits, Monga retrace ainsi une filiation dont ses œuvres sont le nom. Le lectorat ne manque pas d’observer une érudition qui élude délibérément des analyses de type économique en s’établissant dans l’espace des sciences humaines, de la philosophie ou de la littérature.
Pourtant, il ne faut pas dissocier la profession d’économiste de Monga de sa vocation d’écrivain; les deux se recoupent et s’emboîtent profondément. C’est étonnamment un économiste d’origine ghanéenne, Allan Affuah, rencontré à Boston, qui lui apprend à « résister à la tentation de [se] conformer aux canons d’écriture et de la mauvaise esthétique académique, et de rédiger des textes monétaires avec la même liberté que celle qu’[on] revendique lorsqu’[on] écri[t] un carnet de voyage » (Monga, 2007a : 73). Par séquences, l’auteur rappelle l’importance des milieux économiques dans sa conquête de liberté. C’est au détour d’un élément de biographie personnelle qui permet d’étayer son double ancrage d’économiste et d’écrivain. Monga raconte une étrange conversation avec son père, passé tout près d’une rupture d’anévrisme, lorsque son fils s’efforça de répondre à une question aussi surprenante que claire :
Pourquoi l’économie comme carrière? Après tout, j’aurais pu tenter de gagner ma vie comme certains de mes amis, en enseignant le cinéma africain dans une université d’Ontario ou en faisant l’exégèse de l’œuvre d’écrivains africains dans un collège de l’Arizona. C’eût été assez chic pour une carte de visite. Mais mon choix de carrière fut d’abord une sorte de déterminisme familial. Mon père aimait la science économique, qu’il avait étudiée à l’Université de Dakar mais ne l’avait pas pratiquée durant sa vie de fonctionnaire du ministère des Finances. Je me souviendrai toujours d’un échange avec lui lorsque j’avais treize. Nous roulions en voiture en plein cœur de Mvog-Atangana Mballa, quartier populaire de Yaoundé. Comme tous les parents, il souhaitait savoir ce que j’envisageais comme métier plus tard. Je lui avais répondu que je voulais être écrivain. À peine avais-je prononcé ce mot que notre véhicule était sorti de la route et avait failli faire un tonneau. C’est de justesse que mon père avait alors échappé à une attaque cardiaque : il s’était brutalement emballé, se mettant à bégayer puis à hurler comme un fou, toussant, au point de ne plus pouvoir prononcer le moindre mot et de se garer avec difficulté en bordure de la chaussée. (Monga, 2007a : 75-76)
Si son métier relève d’un « déterminisme familial », sa vocation d’écrivain prend forme dans sa liberté. L’écriture accompagne le parcours de Monga à la manière d’une ombre. Or dans cette séquence, faire le récit de sa venue dans les sciences économiques et remonter le cours du temps pour y déceler ses premiers désirs d’écriture inscrivent son récit de voyage dans le registre de l’autobiographie en général. La formule de « déterminisme familial » utilisée par Monga lui-même comporte en soi quelque chose de fortement autobiographique : elle indiquerait le devenir d’un auteur comme une prédestination, et pose ainsi l’existence selon les termes d’une implacable cohérence. Dans le cas précis de Monga, le rappel des éléments de son parcours américain ou djiboutien et l’évocation des aspects biographiques de son enfance permet une alternance du récit de voyage et de l’autobiographie, voire une altération de l’un par l’autre. Suivant la logique des passages d’un genre à l’autre, le lectorat peut être admiratif du maniement par Monga de codes génériques, qui régissent ces deux catégories littéraires, en donnant à voir un exercice de liberté par l’écriture.
Ces lignes de fracture ou de continuité des genres n’occultent pas les éléments de style tout aussi représentatifs des formes littéraires examinées dans la présente étude.
L’aphorisme, le rythme d’un parcours?
De quels modèles Monga est-il l’héritier ou la postérité? Un autre élément au regard des récits de Monga, par-delà leur appartenance globale au genre de récit de voyage, se trouve dans l’écriture aphoristique semblable à celle, dominante, chez les penseurs et penseuses nihilistes dont l’auteur s’inspire. Composé de paragraphes parfois courts, l’aphorisme donne au récit la double logique d’une discontinuité entre segments et d’une cohérence que l’on ne construit qu’après coup. Cette forme est dominante aussi bien chez Nietzsche (1983) que chez Cioran (1952) qui demeure pour Monga deux irréductibles modèles de penseurs et d’écrivains. En témoignent d’innombrables citations et références à ces auteurs dans les récits de l’écrivain camerounais. Le constat de prédominance de l’aphorisme dans leurs écrits philosophiques interroge le lectorat sur la signification de ladite, repris et réappropriée par un auteur africain : quels enjeux pour Monga d’écrire Un Bantou à Djibouti sur le mode aphoristique? Un intérêt supplémentaire s’ajoute à la question si l’on doit considérer que ce genre d’écriture que l’auteur d’Ainsi parlait Zarathoustra hérite d’Arthur Schopenhauer et des présocratiques se rapporte, non à un essai philosophique, ni à un roman philosophique, mais à un récit de voyage. Semblablement, la démarche entreprise par Monga se prolonge dans son dernier livre, Un Bantou en Asie, où il raconte, sur le modèle d’un récit de voyage, ses pérégrinations asiatiques, lesquelles se prêtent par ailleurs à la forme du voyage philosophique, nourri, comme dans ses précédents ouvrages, aux écrits de Nietzsche et de Cioran.
D’emblée, une remarque sur la logique de la précédente hypothèse s’impose : commencer par le récit américain de Monga et continuer ici par son premier récit souscrit à une cohérence que l’auteur lui-même explique. Celle-ci porte sur le recouvrement de sa pleine subjectivité et sa liberté après les problèmes rencontrés au Cameroun. Sur le plan formel, cela peut expliquer pourquoi Un Bantou à Washington est un texte linéaire, qui retrace un itinéraire sans détour ni fantaisies d’écriture, quand Un Bantou à Djibouti se donne à lire comme un ensemble de fragments, aphorismes, rendant compte d’un sujet fragmenté. Les pages d’Un Bantou à Washington qui reviennent sur les tribulations politiques et professionnelles de l’auteur au Cameroun auraient trouvé un espace dans Un Bantou à Djibouti, sans qu’un problème de cohérence se fût posé. Bien plus, les dites pages prolongent systématiquement le récit de 1990, parce qu’elles se donnent comme la narration d’un état de conscience, celle de l’auteur à cette période précise; l’écrivain camerounais ne faisant sur Djibouti qu’un « transfert » de ses angoisses nées du nihilisme partagé en Afrique. C’est pour Monga aussi un autre exemple au-delà de la situation du Cameroun, son pays natal. De ce que l’on peut observer, l’insertion de la forme aphoristique en filigrane d’un récit à mi-chemin entre le récit de voyage et l’autobiographie intellectuelle apparaît comme le point d’originalité de ses récits, à ceci près qu’elle ne figure pas dans tous ces récits avec les mêmes proportions. S’il est dominant dans Un Bantou à Djibouti, l’aphorisme s’observe très peu dans Un Bantou à Washington tandis qu’il n’apparaît que par à-coups dans son dernier récit, Un Bantou en Asie.
L’admiration pour Nietzsche et Cioran, deux théoriciens du nihilisme et par ailleurs convaincus que sous les productions mêmes les plus aseptisées se voile un êthos, un caractère voire un tempérament d’auteur et d’autrice, mène Monga à structurer ses récits suivant la dictée d’un sentiment, voire d’un tempérament. Vraisemblablement a-t-il retenu du penseur allemand que les réflexions les plus philosophiques pourraient être des biographies et des confessions dissimulées. Qu’apporte l’aphorisme aux récits de vie? Sans doute une manière de prise de distance avec le modèle d’écriture classique, qui donne aussi à ses récits une dimension sociologique ou philosophique : il pense le nihilisme et la contingence avec Nietzsche et Cioran dans les formes mêmes prisées par ceux-ci.
Sur un tout autre plan, la situation de Monga le long de son parcours rend plus qu’actuelles les thèses philosophiques défendues par Henri Bergson (1985), dès son Essai sur les données immédiates de la conscience, lorsque le philosophe présente l’émotion comme une source de création, pouvant altérer les jugements. Soit dit en passant, il ne s’agit pas de retomber dans la binarité : sentiment versus jugement; la présence de l’autobiographie intellectuelle, forme médiane entre le récit et l’essai, est le lieu du télescopage des deux facultés. Sentiment et productions de l’esprit, intellectuelles ou artistiques, sont ainsi étroitement liés ou renvoyés dos à dos dans la perspective d’une complémentarité ou d’une indissociabilité. C’est d’ailleurs cette position bergsonienne qui se trouve confortée dans l’avant-propos de l’édition de 1990 lorsque Monga (2011 : 117) note : « l’écrivain n’est que le greffier subjectif du temps qui passe »; ce qui laisse implicitement apparaître les marques du temps sur ses représentations. Dans ces conditions, comment inscrire politiquement l’aphorisme chez Monga au-delà des influences reçues?
Procédant d’un double enjeu de discours, concision et brièveté, l’aphorisme s’interprète comme forme de la postmodernité par excellence qui s’entend dans le « procès du grand récit moderne » pour reprendre substantiellement le théoricien de la postmodernité Jean-François Lyotard. S’invitant sur la scène littéraire, il est assurément une alternative aux grandes trames romanesques modernes et suspend ainsi le langage, conscient désormais de ses limites à dire le réel de façon totalisante. Comme forme philosophique, elle constitue un événement de la pensée en redéployant le spectre de la littérature sous les écrits philosophiques. On sait assez la double occurrence du spectre que relève Jacques Derrida dans Spectres de Marx (1993), à la fois présence invisible et absence visible. Ces deux variations soulèvent au moins la question de la frontière entre littérature, forme de la pensée, et philosophie, la pensée de la forme. Autrement dit, si les propositions esthétiques et langagières se réservent le champ de la littérature, à quoi pensent-elles?
Une telle interrogation fait écho à celle formulée par Pierre Macherey (1990) et qui n’avait pas pour but de faire de la littérature un objet de pensée philosophique, et vice versa, mais d’indiquer combien, dans leur apparente différence, elles peuvent souvent s’altérer les objets mutuellement. S’inspirer de philosophes pour écrire un texte littéraire, comme le fait Monga, peut, à bien des égards, se situer dans le droit fil de ce projet. C’est tout l’esprit des passages d’un genre à l’autre!
Dès l’ouverture d’Un Bantou à Djibouti, l’avant-propos donne le ton général du récit par sa concision; il tient sur une dizaine de lignes et est ponctué par une citation de Cioran indiquant la correspondance entre l’expérience et l’écriture. Tout le récit ou, si l’on veut, les micro-récits sont marqués par cette brièveté inhérente à l’aphorisme. Quelques exemples suffisent à le montrer : « Les clients au comptoir de la banque sont tous en short (Européens) ou en vouta (espèce de pagne). L’ambiance est si décontractée qu’on se croirait dans un guichet installé sur une plage. » (Monga, 2007a : 124).
Ces deux phrases dans l’ensemble du récit constituent des isolats, et ne sont rattachées aux paragraphes qui les précèdent ou les suivent par aucun lien logique. Or, ce procédé aphoristique entretient aussi et avant tout, la structure d’un journal de voyage. Certes, le principe de notes d’impressions ne s’observe pas au fil des jours, conformément au journal de voyage classique, mais les effets de rupture brusque laissent envisager leurs affiliations. Il est vrai que le journal de voyage se réfère aux dates par souci du principe de réalité, cependant qu’il n’est qu’une variété de récit de voyages. Monga fait le pari de juxtaposer ces divers modes résultant aussi bien de la philosophie que de l’écriture littéraire.
Les prises de parole autobiographiques chez Monga s’affranchissent des seules narrations linéaires, en souscrivant à certains codes d’écriture assez sophistiqués. Dans le cas précis des récits de voyage, il convient de dire qu’ils permettent de regarder le voyage, au-delà du thème littéraire majeur, comme une posture d’écriture de l’écrivain voyageur ou de l’écrivaine voyageuse, prompt à inscrire le mouvement dans ses textes pour refléter son expérience. La lecture rapprochée dans le prochain point de deux versions de l’essai autobiographique d’Achille Mbembe (2010), aux accents prononcés de récits de voyage, nous conforte un peu dans cette hypothèse.
Écrits de déplacé-e-s et déplacements de l’écrit
Certains écrits de voyages d’auteurs ou d’autrices exilé-e-s sont modifiés au gré de déterritorialisation et de reterritorialisation, lesquelles deviennent, de fait, la condition de leurs auteurs ou autrices. Sans donc jamais écrire de récits de voyages strictement nouveaux, ces auteurs et autrices s’appuient sur leurs textes déjà publiés et leur impriment une marque nouvelle, en général, celle des nouvelles terres d’accueil. Achille Mbembe est celui qui correspond le mieux à cette situation, grâce à la réécriture en 2010, dans Sortir de la grande nuit, sous le titre d’« À partir du crâne d’un mort. Trajectoires d’une vie », de son essai autobiographique de 1993, « Écrire l’Afrique à partir d’une faille ». Certes, entre 1993 et 2010, les expériences et les voyages de l’auteur camerounais se sont densifiés; il est surtout évident que le changement de site géographique et culturel — Amérique du Nord en 1993 et Afrique du Sud en 2010 après le CODESRIA — y est pour beaucoup. Ce sont ces éléments, qui installent le récit de voyage dans un voyage du récit, que nous étudions dans le présent passage.
« Écrire l’Afrique à partir d’une faille » relate la trajectoire de Mbembe (2010) du Cameroun à ses premières années américaines via ses études en France, et place ainsi les voyages et les expériences de l’auteur comme autant d’étapes de sa formation intellectuelle. C’est d’ailleurs pour cela qu’il emploie itérativement la notion d’« identité intellectuelle », pour rendre compte de l’incidence que toutes ces expériences ont eue sur sa personnalité. Mais dix-sept années après la publication de sa « biographie intellectuelle », l’historien camerounais reprend le même récit en le modifiant, comme s’il y avait urgence et nécessité d’en revoir certains aspects. Pourtant, à lire la nouvelle version, il est moins question de supprimer que d’ajouter de nouveaux éléments dictés sans doute par les nouvelles « trajectoires d’une vie », celles de l’auteur, selon le sous-titre de son essai.
Les premières modifications dans la seconde version du texte commencent par le style, déjà remarquable dès la première version, mais affiné par la suite, comme pour donner un élan romanesque au récit. Après ce qui fait office d’introduction au récit, inspiré des réflexions « poématiques » de Martin Heidegger sur l’œuvre de Hölderlin, la seconde version intègre un élément de style qui lui donne un aspect romanesque :
Je suis bien né un jour de juillet, alors que le mois tirait vers sa fin. C’était en mil neuf cent cinquante-sept, dans une contrée d’Afrique que l’on nomma, récemment, le « Cameroun », en souvenir de l’émerveillement qui saisit les marins portugais du XVe siècle, […]. (Mbembe, 1993 : 70)
Juillet. Je suis bien né un jour de juillet, alors que le mois tirait vers sa fin, dans une contrée d’Afrique que l’on nomma, tardivement, le « Cameroun », en souvenir de l’émerveillement qui saisit les marins portugais du XVe siècle, […]. (Mbembe, 2010 : 34)
Le sens de ces deux énoncés reste sans doute le même, mais la recomposition formelle de la seconde version nécessite que l’on s’y attarde. D’abord, une phrase nominale placée d’emblée en ouverture de cette version « Juillet. » donne un sens plus étroit au-delà du seul indice temporel auquel elle renvoie. Cela est d’autant plus lisible que cet indice est répété dans la seconde phrase du passage. Mais s’agit-il simplement d’une répétition? Loin de là. Il y a, d’un côté, une signification implicite, livrée que partiellement au lectorat; de l’autre, une signification explicite se rapportant directement à la date de naissance de l’auteur camerounais. Si l’on se réfère alors au premier segment doté d’implicite, une portée symbolique, savamment entretenue par l’auteur lui-même, s’ajoute : juillet n’est plus que le seul mois de naissance de Mbembe, il renvoie à quelque chose de plus profond; il est aussi le mois au cours duquel un certain nombre de rituels et de veillées s’observent au village, selon le récit de Mbembe. Cette portée symbolique du temps se précise lorsque, deux pages plus loin, l’on retrouve une semblable formulation : « Décembre. Chaque nuit, le brouillard descendait sur la brousse et, au petit matin, venait mouiller les sentiers pareils à des navires éventrés, acculés sur la berge » (Mbembe, 2010 : 34).
Enchâssés dans un récit qui se veut linéaire, ces indices temporels lui donnent des aspects de récit de voyage ou de journal intime où les expériences du voyageur sont rattachées à des dates précises. Ce qui leur confère un rythme discontinu dicté par les impressions au fil des jours de l’écrivain. Quelles pourraient alors être les significations de ces éléments de discontinuité dans un récit, lui, continu?
Ils impriment les éléments de la fiction dans un récit qui se prête entièrement au « pacte autobiographique », et brouillent ainsi les limites internes aux deux modes de représentation. Peut-être qu’à force de ne plus avoir un sol fixe, Achille Mbembe en tant que sujet d’exil africain finit par domestiquer la contingence de sa condition, pareille à celle de certains personnages de fiction. L’attrait pour la fiction romanesque dans l’élaboration de la réflexion de Mbembe est assez significatif pour qu’il y consacre de nombreux articles, de Sony Labou Tansi à Amos Tutuola ou Chinua Achebe. Il y voit un discours et une représentation d’un réel transfiguré qui n’en reste pas moins significatifs de nos historicités, celles-là mêmes que l’historien camerounais s’efforce obstinément de mettre en lumière.
Ces références montrent pourtant que la contribution de Mbembe est irréductible à une œuvre exclusivement historienne; elle est incompatible à quelque polarisation disciplinaire et rigide. C’est peut-être en cela que se dévoile la modalité du récit mouvant et changeant que symbolise son premier chapitre de son livre de 2010, « Sur le crâne d’un mort. Trajectoires d’une vie ». L’insertion des éléments biographiques propres au parcours sud-africain de l’auteur depuis 1999 et des généralités sur l’apartheid et des vagues migratoires connues par cette contrée du monde déplace, en la réécrivant, une précédente production de 1993 aux allures de récit autobiographique, « Écrire l’Afrique à partir d’une faille ». Pourtant, l’auteur semble être moins préoccupé à faire œuvre d’historien qu’à méditer sur l’histoire de l’Afrique du Sud, à partir de ses observations et expériences dans ce pays où il vit depuis au moins une dizaine d’années. Au-delà donc des promesses post-apartheid probablement à l’origine de son concept d’« afropolitanisme », Mbembe relève les blessures encore mal cicatrisées des victimes et bourreaux du système de ségrégation. Il préconise pour cela ce qu’il appelle une « productivité poétique de la mémoire et du religieux » (Mbembe, 2010 : 52) comme lieu d’une cure à la fois individuelle et collective. Sa formule suggère ironiquement, entre autres choses, un sens littéraire de la production de soi.
Mais introduire dans la seconde version de son récit ce pan sur l’Afrique du Sud ne dit pas seulement le nouveau lieu de résidence d’Achille Mbembe, il est aussi une façon de produire une symphonie de ses mémoires camerounaises, européennes, américaines et sud-africaines dont l’accord des notes n’est finalement fonction que du projet de l’auteur. Quand il parle de productivité poétique de la mémoire, il met l’accent sur la manière de dire son histoire, ses modes d’appropriation. Ainsi, il est moins question de changement dans le récit que de son élargissement. Du reste, tout cela permet à son essai autobiographique aux forts accents de récit de voyage de différer sans cesse sa propre conclusion, en en faisant le lieu d’une ouverture ou d’une mise en perspective. Une telle ouverture, au demeurant une coquetterie intellectuelle, inscrit cependant, sur le plan politique, la démarche de Mbembe dans un nomadisme ou cosmopolitisme assez représentatifs du penseur ou sujet postcolonial. Regarder l’histoire de l’Afrique du Sud, c’est se rappeler le « refus de sépulture » dont sont l’objet tous ceux et toutes celles qui ont essayé de défier l’État colonial et que la postcolonie assigne à l’oubli. Dans ces conditions, les retours par l’auteur sur le leader nationaliste Ruben Um Nyobè, assassiné en 1958, peuvent ainsi s’interpréter à la lumière des tragédies sud-africaines. Le récit de vie s’installe dans un mouvement permanent où les nouvelles références et expériences l’ouvrent indéfiniment pour en rajouter du sens et de la matière.
Il ne faut pourtant pas perdre de vue le projet d’Achille Mbembe à l’origine de Sortir de la grande nuit : interroger les points aveugles de la postcolonialité, dont l’emboîtement des genres de discours pourrait être un aspect. Et si l’historien et politiste camerounais reprend son essai autobiographique en ouverture de son livre, c’est pour y raconter « comment le moment postcolonial proprement dit commença, pour beaucoup, par une expérience de décentrement » (Mbembe, 2010 : 12).
Plus radicalement, dans les textes canoniques africains, la colonie apparaît toujours comme la scène où le moi fut dépouillé de sa teneur et remplacé par une voix dont le propre est de prendre corps dans un signe qui détourne, révoque, inhibe, suspend et enraye toute volonté d’authenticité. C’est la raison pour laquelle dans ces textes, faire mémoire de la colonie, c’est presque toujours se souvenir d’un décentrement primordial entre le moi et le sujet. De cette diffraction originelle, l’on déduit généralement que le moi authentique serait devenu un autre. Un moi étranger se serait mis à la place du moi propre, faisant ainsi de l’Africain le porteur, malgré lui, de significations secrètes, d’obscures intentions, de quelque chose d’étrangement inquiétant qui dirige son existence à son insu, et qui confère à certains aspects de sa vie psychique et politique un caractère démonique. (Mbembe, 2002 : 37-38)
Cette « expérience de décentrement » du sujet dans le moment postcolonial serait-elle de même nature que celle du sujet colonial décrite par l’auteur camerounais à la lumière de l’œuvre de Frantz Fanon?
Il convient de l’expérience de l’étrangeté faite par le sujet colonial ou colonisé et du décentrement du sujet postcolonial qu’explique Mbembe à la lumière des trajectoires intellectuelles et politiques du psychiatre et essayiste martiniquais Frantz Fanon. Le collectif de Béatrice Bijon et d’Yves Clavaron rassemble les contributions traitant de « la production de l’étrangeté dans les littératures postcoloniales ». Les théories de Mbembe y sont abondamment citées, notamment sa notion de la « postcolonie ». Ce diagnostic qui rapproche étonnamment sujet colonial et postcolonial et inscrit dans les expériences de Mbembe soulève bien des questions à propos de l’idée que l’auteur camerounais se fait de son parcours et de ses expériences : ses voyages ou ses exils ne peuvent-ils pas être lus comme une intériorisation de ce décentrement originel? En s’intéressant à la posture intellectuelle de l’auteur, n’y a-t-il pas une volonté du sujet de discours d’être souvent décentré de soi? L’attend-on dans une analyse, que celle-ci se trouve étayée par le récit. Ces quelques interrogations cherchent à saisir la diffraction entre le sujet africain et le moi, c’est-à-dire sa conscience, en même temps qu’elles dessinent les contours qui rendent possible le dédoublement textuel des modes narratifs et autobiographiques et des analyses de type sociologique ou philosophique, qui donne argument à l’ensemble du présent travail.
Par ailleurs, les déplacements de textualité inféodés à ceux du sujet de discours et de voyage enracinent le récit, comme cela a été développé au début de ce point, dans un mouvement permanent entre fiction et réel. Avec quelques outils de texte de Mbembe, cette hypothèse a été esquissée. Seulement, elle ne peut être rendue moins discutable que si l’on considère les postures d’auteurs et d’autrices écrivain-e-s et signataires de récits de vie. C’est le cas de l’écrivain nigérian Wole Soyinka et du Malien Amadou Hampâté Bâ. Leurs récits de vie, très hétérogènes, ouvrent sur la problématique encore non abordée dans ce travail — certes, pas sa priorité — des autobiographies littéraires. Elles le sont moins à cause de leurs auteurs écrivains que du fait de leur reconduction de certaines techniques littéraires émanant de la fiction. Toutes choses qui confortent les passages des genres, ceux des sujets aux objets, ou vice versa.
Conclusion
Achille Mbembe et Célestin Monga sont deux figures représentatives d’une tendance d’écriture observée depuis quelques décennies chez les intellectuel-les et écrivain-e-s africain-e-s : des réflexions théoriques serties de séquences autobiographiques ou autoréflexives. Chez ces deux auteurs, l’exercice libre de l’écriture alterne et altère les propositions théoriques développées.
Par ailleurs, les deux penseurs sont estampillés « postcoloniaux ». Or, cette relation entre les écritures de soi et la théorie postcoloniale est largement théorisée par de nombreux chercheurs et chercheuses. Jane Hiddleston s’en est fait une des voix remarquables. Dans un collectif dirigé par Jean Bessière, Littératures francophones et politiques, Hiddleston signe un article, « L’interprétation politique et la théorie postcoloniale : le Moi, l’Autre et les incertitudes de la critique » qui étudie réciproquement l’autobiographie et la théorie postcoloniale, en montrant comment elles s’imbriquent dans les démarches d’écriture et de pensée postcoloniales. Si elle y polarise d’abord autobiographie et théorie, elle relève ensuite que « la théorie postcoloniale nous recommande surtout une conscience de soi et des prétentions du discours critique […] pour souligner l’anxiété de notre projet de réflexion » (Hiddleston, 2008 : 52).
La théorie postcoloniale regroupe ainsi la double conscience de soi et critique de l’écrivain-e. Elle prolonge en suggérant que la « théorie se mêle à l’autobiographie pour mettre en question la position du “je” autobiographique », de même que la présence autobiographique indique « les limites de [la] neutralité » théorique (Hiddleston, 2008 : 53). Pour donner de la lisibilité à sa démonstration, elle convoque une constellation de penseurs et penseuses postmodernes, de Derrida à Cixous et de Barthes à Kristeva afin de rappeler ses filiations et affiliations épistémologiques. Hiddleston insiste par-dessus tout sur la théoricienne indienne Gayatri Spivak, traductrice en anglais de De la grammatologie de Derrida, à qui elle consacre plusieurs pages. Cet ultime détour rappelle les affiliations entre les démarches postmodernes et les stratégies postcoloniales, pour lesquelles Mbembe et Monga pourraient constituer un trait d’union. En témoigne l’importance de certains penseurs postmodernes — Fernando Pessoa, Cioran ou Nietzsche — dans les écrits de Monga, comme Michel Foucault occupe une place centrale dans certains travaux de Mbembe. Mais il ne s’agit pas d’une simple transposition, mais d’une dérivation : si la « pensée postcoloniale » (Mbembe et al., 2006) s’appuie sur les outils théoriques et conceptuels de la pensée postmoderne, elle ne s’en éloigne pas moins par le contexte historique et politique. De sorte que l’une est un « procès » du grand récit colonial et colonialiste, quand l’autre en est un du grand récit moderne. La condition postcoloniale s’offre ainsi comme un des avatars de la condition postmoderne, par un jeu complexe de reprises, d’appropriations ou de réappropriations, de subjectivations. C’est sans doute dans ces intervalles ou ces héritages pluriels et transversaux que les tendances d’écriture de Mbembe et Monga sont à situer.
Bibliographie
Bergson, Henri (1985). Essai sur les données immédiates de la conscience (1889). Paris, PUF/Quadrige.
Bijon, Béatrice et Yves Clavaron (dir.) (2009). La production de l’étrangeté dans les littératures postcoloniales. Colloque international organisé à l’Université Jean Monnet de Saint-Étienne (17-18 janvier 2008). Paris, Honoré Champion.
Cioran, Emil Michel (1952). Syllogismes de l’amertume. Paris, Gallimard.
Cioran, Emil Michel (1973). De l’inconvénient d’être né. Paris, Gallimard.
Cioran, Emil Michel (1991). Le Crépuscule des pensées. La Flèche (Sarthe), L’Herne.
Hiddleston, Jane (2008). « L’interprétation politique et la théorie postcoloniale : le Moi, l’Autre et les incertitudes de la critique », dans J. Bessière, (dir.), Littératures francophones et politiques. Paris, Karthala : 51-62.
Macherey, Pierre (1990). À quoi pense la littérature? Exercice de philosophie littéraire. Paris, PUF.
Mbembe, Achille, Mongin, Olivier, Lempereur, Nathalie et Jean-Louis Schlegel (2006). « Qu’est-ce que la pensée postcoloniale », Revue Esprit, (12) : 117-133.
Mbembe, Achille (1993). « Écrire l’Afrique à partir d’une faille », Politique Africaine, 51 : 69-97.
Mbembe, Achille. 2007. « De la scène coloniale chez Frantz Fanon », Réflexions sur la postcolonie, 58 (4), PUF : 37-38.
Mbembe, Achille (2010). Sortir de la grande nuit. Essai sur l’Afrique décolonisée. Paris, La Découverte.
Monga, Célestin (2007). Un Bantou à Washington suivi d’Un Bantou à Djibouti. Paris, PUF.
Monga, Célestin (2011). Un Bantou en Asie, Paris. PUF.
Mudimbe, Valentin Yves (1976). Carnets d’Amérique : septembre — novembre 1974. Paris, Éditions Saint-Germain-des-Prés.
Mudimbe, Valentin Yves (2006). Cheminements. Carnets de Berlin (Avril-Juin 1999). Montréal, Humanitas.
Nietzsche, Friedrich (1938). La naissance de la philosophie à l’époque de la tragédie grecque. Paris, Gallimard.
Biographie
Après une thèse de doctorat soutenue à l’Université de Strasbourg en juin 2014 sur le thème « Les écritures africaines de soi (1950-2010) : du postcolonial au postracial? », publiée chez Édilivre en 2016, Yannick Martial Ndong Ndong poursuit ses recherches sur la place des récits de vie et de l’autobiographie intellectuelle dans les théories postcoloniales, les relations entre les littératures africaines et les savoirs où il compte de nombreux articles et recensions de lectures. Par ailleurs, il est qualifié pour les sections 9 et 10 au Conseil National des Universités et enseigne parallèlement à l’Université de Libreville.
Courriel : yannickmartial@yahoo.fr
Abstract
Célestin Monga’s career is quite peculiar: an economist at the World Bank, it is rather through his literary production that he draws more attention, beyond his civic commitment. First, the publication of collections of poems from the late 1980s to the 1990s, then a landmark essay, before his series of travel narratives that reinforce his vocation for literature. But by developing his writing project, his influences are both diverse and surprising, largely inspired by the philosophers of nihilism. These references attest to the centrality of literature in Monga’s career. Similar approaches are identified in the work of Achille Mbembe, whose central and dominant orientations based on political and historical analysis, suggest his intellectual autobiography or travel story, which are offered to the reader in fragments. These minor but visible genres in the intellectual journey of both writers seem to reinforce their authorship while highlighting the ways they develop their projects.