Préface

Maria Helena Teixeira Pinto

Vu d’ici, le mois de mars 2020 semble si loin. Tout le monde vivait sa vie, vaquait à ses occupations. Internet nous a apporté tant d’informations, une quantité absurde. Les gens avaient déjà perdu ce sentiment d’énormes distances entre eux (souvent saines). Le temps était compté pour rechercher et absorber tant de connaissances dans cet océan de données (bonnes et mauvaises) à portée de main, que l’on soit sur une plage, dans une ville lointaine, sur le marché près de chez soi, bref, n’importe où. Les sciences de la santé, largement diffusées sur le web, se sont révélées puissantes, atteignant des niveaux d’évolution jamais vus auparavant. Personne n’aurait pu imaginer que, de nos jours, une pandémie puisse émerger, se propager aussi rapidement, avoir une portée planétaire et être capable d’ôter la vie à des millions et des millions de personnes. C’est pourtant ce qu’il s’est passé. Nous avons alors appris qu’il nous restait un long chemin à parcourir avant d’être à l’abri de telles tragédies. Nous n’y parviendrons peut-être jamais.

L’humanité a connu la peste noire au 14ème siècle, qui a fait environ 200 millions de morts. Lors de la grippe espagnole au début du 20ème siècle, le virus de l’influenza a décimé environ 50 millions de personnes. Au 21ème siècle, le virus SRAS-CoV-2 a tué jusqu’à présent environ 7 millions de personnes. Bien sûr, la science est responsable de cette baisse abyssale du nombre de victimes, d’autant plus si l’on considère le nombre de décès par rapport à la population mondiale totale. Mais ce que je voudrais souligner, ce n’est pas tout cela, c’est la peur. Notre peur primitive d’une maladie inconnue et mortelle est certainement la même que celle de n’importe quel·le citoyen·ne du 14ème siècle ou du 20ème siècle. La peur a poussé la science à se doter de son meilleur arsenal et à partir en guerre contre le SRAS-CoV-2. Apparemment, cette guerre est gagnée. C’est bien. D’autres soldats et d’autres arsenaux ont émergé à l’arrière de la science. Médecins et infirmier·ière·s pluridisciplinaires, équipes de paramédicaux, secouristes, ambulancier·ière·s, équipes de nettoyage et de désinfection des hôpitaux, tous en uniforme avec leur équipement de protection individuelle et armés d’amour, de courage (chacun avec son savoir et ses outils en première ligne) pour accueillir, soigner et tenter de sauver les personnes infectées, en donnant le meilleur d’eux-mêmes.

La peur nous a aussi fait agir dans cette guerre, même si nous n’étions pas en première ligne de ce combat quotidien et épuisant. C’est ainsi qu’est né le projet COMVIDA (AVEC LA VIE) à l’hôpital universitaire Oswaldo Cruz (une référence en matière d’accueil et de traitement des patient·e·s gravement malades dans la lutte contre la Covid-19 et évoqué dans plusieurs chapitres de ce livre). Ce projet était axé sur un soutien humanisé, avec la distribution de nourriture et la collecte d’équipements de protection individuelle pour tou·te·s les professionnel·le·s de santé qui étaient en contact direct avec les patient·e·s isolé·e·s, s’isolant avec elles et eux dans les services. Ces professionnel·le·s ont fait preuve d’un dévouement sans faille dans leur travail, se battant avec les moyens dont ils et elles disposaient, exposé·e·s à une contamination extrême (et aussi à la peur), vivant souvent, impuissant·e·s, les tragédies quotidiennes de la perte de patient·e·s, sans la certitude de pouvoir vaincre la maladie. Le poids du stress était immense et palpable sur leurs visages, exprimé par le doute et le désespoir qui en découle. Le projet COMVIDA les a accueillis avec amour en leur fournissant des collations offertes par de nombreux fournisseurs partenaires, accompagnées de messages d’encouragement et de félicitations inlassables pour leur travail héroïque, 24 heures sur 24. Ils ont également reçu des équipements de protection individuelle offerts par des entreprises partenaires. Un lien d’amour et d’hospitalité s’est formé autour de ces professionnel·le·s. Les répercussions ont été immenses. La gratitude et le renforcement de leur force dans la lutte contre la pandémie se sont étendus à l’environnement du service, et cette humanisation a atteint et réconforté les patient·e·s et leurs familles en détresse. L’objectif de ce projet était de servir et de soutenir, à l’image de cet ouvrage collectif passionnant qui permet de comprendre ce qu’il s’est passé en dehors du Brésil. Mais il nous a aussi apporté de grandes leçons en guise de récompense, comme celles partagées à la fin de ce livre. L’une d’entre elles, peut-être la plus grande, est que la solidarité n’a de sens qu’AVEC LA VIE, beaucoup de vie.

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