11. La résilience hospitalière dans trois hôpitaux de référence pour la Covid-19 au Brésil

Karla Sousa, Stéphanie Medeiros, Betise Furtado, Ana Lucia Vasconcelos, Gisele Cazarin, Aletheia Sampaio, Sydia Oliveira

Résumé

Les crises sanitaires telles que la pandémie de Covid-19 mettent la résilience des systèmes de santé au défi en testant leur capacité à faire face au changement, à gérer les défis et à s’adapter pour rester efficaces. Cette étude analyse la résilience de trois hôpitaux de référence de la ville de Recife, capitale de l’état du Pernambouc au Brésil : un hôpital public, un privé et un philanthropique. L’objectif est d’analyser les adaptations adoptées par les équipes infirmières de ces hôpitaux qui ont travaillé en première ligne face à la Covid-19. Quatre thèmes d’analyse ont été retenus : le soutien institutionnel, l’accès aux équipements de protections individuelles (EPI), les relations de travail et enfin la peur du personnel et sa santé mentale. La capacité d’adaptation des équipes a été démontrée dans ces quatre thèmes, leur capacité d’absorption a été démontrée dans deux thèmes et aucune capacité de transformation n’a été identifiée. L’étude met en évidence que la crise sanitaire a été difficile à gérer les hôpitaux étudiés, quelle que soit leur situation juridico-administrative.

Mots-clés : Covid-19, hôpital, organisation, pandémie, résilience

Abstract

Health crises such as the COVID-19 pandemic challenge health systems with resilience – the ability to deal with change, manage challenges, and adapt to remain effective. Thus, it is important to understand how these challenges affect and produce reactions in the people and organizations involved in this response. This study analyzes resilience in three reference hospitals in the city of Recife, Pernambuco, Brazil – one public, one private and one philanthropic hospital – by examining the adaptations adopted by the nursing team that acted on the front lines in the face of COVID-19. Four themes were considered relevant for the purposes of this study: institutional support, access to personal protective equipment (PPE), work relationships and fear and mental health. Adaptive capacity was demonstrated in all four themes, absorptive capacity was demonstrated in two themes, and no transformative capacity was identified. The study showed that the health crisis was challenging for all hospitals studied, regardless of their legal and administrative situation.

Keywords: COVID-19, hospital, organization, pandemic, resilience

Resumo

Crises de saúde, como a pandemia da COVID-19, desafiam os sistemas de saúde com resiliência – a capacidade de lidar com mudanças, gerenciar desafios e se adaptar para permanecerem eficazes. Assim, importa perceber como estes desafios afetam e produzem reações nas pessoas e organizações envolvidas nesta res-post-ta. Este estudo analisa a resiliência em três hospitais de referência na cidade do Recife, Pernambuco, Brasil – um hospital público, um privado e um filantrópico – examinando as adaptações adotadas pela equipe de enfermagem que atuou na linha de frente no enfrentamento da COVID-19. Quatro temas foram considerados relevantes para os propósitos deste estudo: apoio institucional, acesso a equipamentos de proteção individual (EPI), relações de trabalho e medo e saúde mental. A capacidade adaptativa foi demonstrada em todos os quatro temas, a capacidade de absorção foi demonstrada em dois temas e nenhuma capacidade transformadora foi identificada. O estudo mostrou que a crise sanitária foi desafiadora para todos os hospitais estudados, independentemente de sua situação jurídica e administrativa.

Palavras-chaves: COVID-19, hospital, organização, pandemia, resiliência

Introduction

La pandémie de Covid-19 a mis en évidence la vulnérabilité mondiale face à la propagation de maladies connues ou nouvelles, considérées comme des urgences de santé publique. Le choc mondial causé par cette pandémie a défié les systèmes de santé, nécessitant de leur part une réponse rapide pour répondre aux besoins de la population. Pour cela, les systèmes de santé devaient être structurellement et financièrement préparés, et devaient pouvoir compter sur des professionnel·le·s de santé capables d’absorber et de s’adapter aux nouvelles demandes, voire de transformer les soins dispensés (Legido-Quigley et al. 2020).

La pandémie a exercé une forte pression sur les hôpitaux et les professionnel·le·s de santé, en particulier dans les pays d’Amérique Latine et des Caraïbes (ALC), en raison des taux de mortalité élevés et des inégalités sociales et infrastructurelles (Solano Gámez 2020). Les systèmes de santé d’ALC ont réagi à la pandémie en priorisant les soins liés à la Covid-19 par rapport aux services de santé essentiels. Cette situation a entraîné une surmortalité et réduit l’espérance de vie de 2 à 10 ans (Lima et al. 2021). Plusieurs initiatives ont été mises en œuvre pour renforcer les ressources humaines en santé : recrutement de personnel, échange de professionnel·le·s au sein et entre les établissements, élargissement des rôles et partage des tâches (World Health Organization 2021), intégration des technologies numériques de santé (Holeman, Cookson, et Pagliari 2016), et formation des professionnel·le·s de santé.

Les hôpitaux sont des structures administratives (statuts juridiques et administratifs différents) et organisationnelles complexes (Adams et Walls 2020). Les professionnel·le·s des soins infirmiers constituent le groupe le plus important de l’équipe de santé et celui qui est en contact le plus longtemps avec les patient·e·s. Ainsi, des études spécifiques concernant cette catégorie professionnelle sont importantes. En effet, les infirmier·ière·s sont confronté·e·s à de nombreux défis, qu’ils ou elles soient lié·e·s à des charges de travail extrêmes ou exposé·e·s à d’autres facteurs de stress comme l’incertitude concernant la maladie (Khattak et al. 2020).

Cette étude évalue la résilience des équipes infirmières qui ont travaillé en première ligne face à la Covid-19 dans trois hôpitaux de référence au Brésil, en examinant les stratégies d’adaptations qu’elles ont pu mettre en œuvre entre avril et octobre 2020 (1ère vague épidémique).

Méthode

L’étude de cas est qualitative et multiple (Yin et Ridde 2018). Trois cas ont été sélectionnés pour leur diversité de statuts juridico-administratifs : un hôpital public, un hôpital privé et un hôpital philanthropique – institution privée à but non lucratif qui a un contrat avec le système public pour fournir des soins aux patient·e·s du Système de Santé Unifié (SUS). Au moins 60% des services offerts par les hôpitaux philanthropiques sont obligatoirement destinés au SUS. L’hôpital public est un hôpital universitaire, qui appartient au gouvernement de l’État de Pernambuco et qui est une référence dans la gestion des maladies infectieuses, avec 400 lits. Les hôpitaux privés et philanthropiques ont été les pionniers du réseau de santé non-public à offrir des soins Covid-19, ouvrant respectivement 270 et 120 lits (Tableau 1). Ces hôpitaux étaient considérés comme une référence dans le traitement des cas de Covid-19 (patient·e·s atteint·e·s de Covid-19, cas Covid) dans le Pernambouc. Cet État s’est démarqué par son nombre de cas, et la capitale, Recife, a été en tête du nombre de cas dans la 12ème semaine épidémiologique (« WHO Coronavirus (COVID-19) Dashboard », 2020). Le Brésil, en juin 2023, est le deuxième pays le plus touché par la Covid-19 en nombre de décès, recensant 704 320 décès en juillet 2023 (« WHO Coronavirus (COVID-19) Dashboard », 2023).

Les hôpitaux ont été intentionnellement choisis et les données recueillies entre avril et octobre 2020. La collecte de données consiste en des observations directes, en l’analyse de documents, et en la réalisation de 21 entretiens semi-structurés avec des infirmier·ière·s sélectionné·e·s pour avoir travaillé dans la gestion et/ou la prestation directe de soins Covid (Tableau 2). Les entretiens ont été menés à l’aide d’un guide d’entretien pré·testé basé sur le cadre conceptuel du projet multi-pays HoSPiCOVID (Ridde et al. 2021), puis ont été transcrits et codés à l’aide du logiciel MAXQDA Analytics Pro 2020®.

Enfin, le contenu des données a été analysé qualitativement (Bardin 2015) et organisé selon quatre thèmes jugés pertinents pour comprendre la capacité de résilience des hôpitaux étudiés : le soutien institutionnel, l’accès aux équipements de protection individuelle (EPI), la surcharge de travail et enfin la peur des personnels et leur santé mentale. Pour chaque cas étudié, ont ensuite été analysées : 1) la capacité d’absorption (le fait d’offrir le même niveau de services en utilisant le même niveau de ressources); 2) capacité d’adaptation (le fait de fournir le même niveau de services avec moins de ressources et/ou des ressources différentes); et 3) la capacité de transformation (le fait de se transformer pour répondre à un environnement changeant) (Blanchet et al. 2017).

Résultats

Cette étude a révélé la capacité d’adaptation des équipes infirmières de première ligne dans les trois hôpitaux étudiés, en ce qui concerne le soutien institutionnel, l’accès aux EPI, les relations de travail, la peur et la santé mentale. Leur capacité d’absorption a été observée concernant le soutien institutionnel et l’accès aux EPI. Aucune capacité de transformation n’a été observée (Tableau 3).

Appui institutionnel

Le soutien institutionnel, compris comme une stratégie pour améliorer et renforcer les soins fournis, a été observé dans les trois hôpitaux étudiés et exprimé par les répondant·e·s de tous les hôpitaux comme l’une des caractéristiques ayant le plus contribué à la capacité d’absorption et d’adaptation aux scénarios de crise.

Le soutien des gestionnaires dans la prise de décision et la garantie d’une communication claire ont été cruciaux pour fournir des informations et une formation aux infirmier·ière·s. À l’hôpital public, des activités de formation-continue des professionnel·le·s ont été menées avant l’arrivée des patient·e·s suspect·e·s. Les infirmier·ière·s ont décrit la tension qu’elles ressentaient en attendant de s’occuper des premiers cas et comment le soutien institutionnel, par la formation du personnel, était essentiel pour renforcer le travail de première ligne.

Ce que j’ai vu dernièrement qui a contribué et fait la différence : formation d’équipe, formation continue (…). Je pense que la formation a fait la différence. (Hôpital public)

Les responsables des hôpitaux non-publics ont fourni des informations actualisées sur la Covid-19, établissant clairement les priorités et les actions à suivre, ainsi que les mesures de protection pour les patient·e·s et les professionnel·le·s. Avec le changement des protocoles de soins, toutes les infirmier·ière·s ont déclaré avoir dû s’adapter aux nouveaux formats de diffusion de l’information et aux nouvelles procédures (protocoles de contrôle des infections, utilisation des EPI, habillage et déshabillage, entre autres). Des infirmier·ière·s plus expérimentées ont parfois eu besoin de former des collègues aux soins des patient·e·s pour répondre aux demandes urgentes générées par la pandémie.

La communication a été adaptée afin que tou·te·s les infirmier·ière·s puissent accéder à l’information et des stratégies ont été mises en place pour les messages numériques, en plus des procédures disponibles sur papier.

En général, anticiper les situations inhabituelles a contribué à atténuer l’insécurité et à restaurer un sentiment de contrôle. Les infirmier·ière·s ont déclaré se sentir en sécurité dans l’environnement de travail grâce à la supervision continue et à la présence et la disponibilité de l’équipe de gestion.

Tous les hôpitaux ont pu offrir un soutien institutionnel aux infirmier·ière·s et à toute leur équipe de santé.

Accès aux équipements de protection individuelle (EPI)

L’accès aux EPI a varié entre des moments d’offre étendue et des périodes de rationnement et/ou de pénurie. L’étude montre une homogénéité des déclarations des infirmier·ière·s des hôpitaux non-publics, qui se sentent en sécurité au travail, même face à une menace inattendue.

Nous avons beaucoup de matériel. Donc ça donne une certaine sécurité. Peut-être que mon point de vue est assez différent de celui des gens qui travaillent dans le public [hôpital]. Ici on a la blouse, le masque… (Hôpital Privé)

À l’hôpital public, avant la pandémie de Covid-19, l’accès aux EPI était facile, alors qu’en période de pénurie, il a été nécessaire d’adapter le rationnement quotidien pour éviter les pénuries. Les infirmier·ière·s ont commencé à recevoir des fournitures en plus petites quantités, impliquant ainsi une utilisation intermittente et/ou prolongée du même EPI. Cela a négativement impacté la routine de soins des hôpitaux, entraînant principalement un inconfort physique des personnels. La formation du personnel à une utilisation rationnelle des EPI a permis de réduire leur consommation pour répondre aux défis imposés par la crise.

La présente étude a démontré que tous les hôpitaux, bien que de façons différentes, ont tous été en mesure d’absorber la demande imposée par la pandémie, en maintenant leurs fonctions et en fournissant des soins.

Relations de travail

La pandémie de Covid-19 a entraîné une augmentation significative de la demande de soins dans les hôpitaux en peu de temps. Les infirmier·ière·s ont ainsi subi des charges de travail excessives dans les trois hôpitaux étudiés. Pour faire face à cet effet provoqué par la pandémie, davantage d’infirmier·ière·s ont été recruté·e·s. Cependant, la plupart n’avaient aucune expérience en soins d’urgence ou en soins intensifs, ce qui n’a finalement pas allégé la charge de travail des équipes infirmières initialement présentes (besoins de formation).

Dans tous les hôpitaux étudiés, la surcharge de travail a provoqué un accroissement de prise de congés dans les équipes, pour se protéger pour les professionnel·le·s les plus à risques, mais également de congés maladie pour celles et ceux atteint·e·s de Covid. Celles et ceux qui sont resté·e·s ont ainsi dû faire face à une nouvelle augmentation des charges de travail, avec des conséquences non seulement sur leur santé physique et mentale mais aussi sur les relations interpersonnelles au sein des équipes. La fatigue physique associée à un stress émotionnel constant a considérablement affecté la qualité des soins et des relations interpersonnelles. Certain·e·s infirmier·ière·s estimaient que la qualité du service était devenue négligée, générant progressivement des plaintes et des malaises chez les professionnel·le·s. Alors que les effets des lourdes charges de travail se sont fait ressentir dans tous les hôpitaux étudiés, les infirmier·ière·s des hôpitaux non-publics ont davantage mis en avant une pression des équipes de direction et/ou des patient·e·s.

Cela a été un défi car il ne s’agit pas seulement de soigner des patients, le nombre de patients est très important, mais aussi la pression de la direction, des superviseurs (…) (Hôpital privé)

La surcharge de travail a rendu la gestion de la Covid-19 plus difficile. Les difficultés ressenties au quotidien ont notamment été aggravées par la pression pour maintenir une certaine qualité de soins et la nécessité de prendre soin des patient·e·s et d’eux et elles-mêmes.  Dans les trois cas, des adaptations ont été nécessaires pour attirer de nouvelles recrues ou pour gérer le nombre réduit de professionnel·le·s dans le service.

Peur et santé mentale

Dans les trois cas étudiés, travailler avec la Covid-19 a déclenché ou intensifié des sentiments de peur chez les infirmier·ière·s à l’idée de l’attraper et/ou de le transmettre aux membres de leur famille. Ce sentiment s’est ajouté à la pression générée par les afflux de patient·e·s Covid et à l’angoisse causée par la maladie et/ou la mort de collègues.

Des mesures restrictives, l’isolement social et l’éloignement de la famille, ont amplifié les tensions inhérentes à la peur, telles que l’angoisse, l’insécurité et la responsabilité de ne pas devenir un vecteur de la maladie.

Des actions de prise en charge en santé mentale ont alors été organisées. La création d’un environnement de soutien au sein de l’administration avait pour objectif de minimiser ou d’anticiper les problèmes liés à la santé mentale. Ainsi, les gestionnaires préparés devaient identifier les ressources de soutien pour fournir des soins supplémentaires. Dans les hôpitaux étudiés, les stratégies allaient du soutien téléphonique avec un suivi psychologique au sein de la structure organisationnelle, au soutien mutuel entre les professionnel·le·s des services. Des soins individuels en santé mentale ont aussi été mis en place pour faire face à la crise et rester actifs auprès des patient·e·s.

Je suis retourné en thérapie. C’est quelque chose que j’ai déjà fait, mais pendant la pandémie, ça a dû être suspendu, mais ensuite j’ai dû revenir même s’il s’agissait de soins virtuels. (Hôpital philanthropique)

Dans les questions liées à la santé mentale, bien que le besoin de psychothérapie prédominait, d’autres formes de soins ont été avancées, comme les soins de santé intégratifs et complémentaires, ou encore le recours à la foi et aux expériences spirituelles. Par ailleurs, certain·e·s ont choisi de réduire leur exposition à l’actualité et au flux intense d’informations diffusées.

Certain·e·s des répondant·e·s perçoivent la résilience psychologique comme un facteur de protection, mais la perception du soutien institutionnel était également fondamentale pour la santé mentale des infirmier·ière·s.

Il a été observé dans les trois hôpitaux que, malgré l’adoption de moyens de protections et de soins pour la santé mentale des infirmier·ière·s, le maintien de l’exercice de leurs fonctions restait limité par le manque de ressources matérielles disponibles, les obligeant ainsi à s’adapter avec des moyens de soins nouveaux et/ou différents.

Discussion

Cette étude a démontré que de nombreux facteurs ont influencé la capacité de résilience des hôpitaux étudiés au cours de la pandémie de Covid-19. Des capacités d’absorption et d’adaptation ont été observées dans les trois hôpitaux, démontrant que tous étaient capables de fournir des services avec des ressources existantes et/ou de les réajuster aux besoins imposés par la prise en charge de la maladie. Il n’a pas été possible d’observer, à partir des données collectées, des changements transformationnels menés dans ces hôpitaux (par ex., d’infrastructure).

Silva et al. (2020) affirment que lorsque les individus sont exposés à des situations défavorables, les changements demandent des comportements résilients, qui nécessitent de la préparation, de l’expérience et de l’apprentissage de ces expériences. Dans le contexte de la Covid-19, les infirmier·ière·s ont été indispensables dans les soins directs prodigués aux patient·e·s. Garder ces professionnel·le·s en première ligne s’est avéré être un immense défi, étant donné le besoin nécessaire de soutien pour continuer à soigner les patient·e·s face aux risques d’infection, aux lacunes potentielles en matière de formation, aux nouveaux flux de travail et enfin aux pénuries d’approvisionnement (Teixeira et al. 2020; Silva et al. 2021).

Les infirmier·ière·s interrogé·e·s avaient besoin d’assimiler de nouvelles informations sur l’agent pathogène et ses répercussions afin d’améliorer et d’ajuster leur travail. Face aux crises sanitaires, les initiatives institutionnelles sont des moyens puissants pour garantir la créativité et l’autonomie de ces professionnel·le·s et développer leur travail de manière résiliente (Schultz et al. 2020).

Le soutien institutionnel a été observé dans les activités de formation continue pour les infirmier·ière·s déjà présent·e·s et celles et ceux nouveaux·elles. Les répondant·e·s ont déclaré avoir reçu une formation sur les protocoles de soins Covid-19, notamment sur les séquences d’utilisation correcte des EPI (mise et retrait). Dans certaines études, la plupart des infirmier·ière·s ont déclaré ne pas avoir reçu de formation ou la considéraient comme insuffisante, les rendant plus exposé·e·s aux risques professionnels (Silva et al. 2021; Messias et al. 2022). Les personnes rencontrées dans nos trois études de cas considèrent la formation comme un facteur de soutien fondamental à leur performance et à celle de l’équipe.

Pour répondre aux changements fréquents de protocoles de soins Covid-19 au fur et à mesure de la progression de la pandémie, une communication plus rapide et efficace a dû être mise en place pour l’adaptation de l’information des équipes et de la formation des nouveaux personnels. Ceux-ci ont notamment été formés par les infirmier·ière·s expérimenté·e·s pour le traitement des patient·e·s, en plus d’avoir accès aux outils numériques. Une étude récente a mis en évidence l’efficacité des outils numériques pour minimiser les impacts de la Covid-19 sur les systèmes de santé et contribuer à l’adoption de nouvelles pratiques et modèles de soins de santé (Celuppi et al. 2021).

Malgré les nombreux changements vécus lors de la pandémie, les répondant·e·s ont déclaré se sentir en sécurité dans l’exécution de leurs tâches grâce au soutien et à la formation reçus. L’accompagnement institutionnel, par la formation continue, a été évoqué comme un outil de réduction des tensions et d’uniformisation des comportements générateurs de soins de qualité et de sécurité pour les patient·e·s et les professionnel·le·s de santé (Santos et al. 2021; Gomes et al. 2020).

Dans ce contexte, le sentiment de sécurité rapporté par les répondant·e·s des hôpitaux philanthropiques et privés provient d’un accès adéquat aux EPI, avec la garantie d’un environnement de travail qui inspire confiance. Dans l’hôpital public, les répondant·e·s ont indiqué qu’ils et elles avaient accès à des EPI, mais que ces derniers étaient limités, ce qui a nécessité une adaptation et de nouvelles règles d’utilisation. Dans le monde entier, l’acquisition de matériels médicaux et d’EPI, et leur rareté potentielle, est devenue une réalité difficile pour les services de santé dans plusieurs pays (Rigotti et al. 2021).

Les hôpitaux étudiés ont dû ajuster les taux de professionnel·le·s de santé par le recrutement. La pénurie de main-d’œuvre qualifiée a conduit à l’embauche d’infirmier·ière·s sans formation spécifique aux urgences ou aux soins intensifs, générant ainsi une surcharge de travail pour les professionnel·le·s interrogé·e·s qui, en plus d’être responsables de leur propre travail, devaient collaborer à la formation des nouveaux personnels. La charge de travail excessive est un facteur déterminant auquel doivent faire face les gestionnaires, car elle entraîne un roulement élevé, voire une pénurie de ressources humaines (Rigotti et al. 2021).

Dans les hôpitaux non-publics, les professionnel·le·s ont signalé des pressions de la part de la direction et des patient·e·s, des pressions de performance et de maintien de la qualité des soins, générant du stress et de l’épuisement physique et mental chez les professionnel·le·s. Dal’Bosco et al. (2020) suggèrent que les conditions inhérentes à l’emploi dans les hôpitaux privés, telles que la précarité et les changements fréquents d’emplois et de fonctions, constituent un facteur important de survenue de troubles psychologiques, contrairement au secteur public où les licenciements sont quasi inexistants.

Conclusion

Cette étude a montré que les crises sanitaires étaient difficiles pour tous les hôpitaux et que des ressources financières plus importantes permettent d’accéder à des facteurs de protection pour toutes les personnes concernées. Cependant, qu’ils et elles soient du service public ou privé, les infirmier·ière·s ont fait face à des défis qui ont nécessité le développement de stratégies pour maintenir les services aux malades, et préserver leur emploi et leur santé.

Les services de santé ont montré une bonne résilience dans les catégories d’absorption (soutien institutionnel et accès aux EPI) et d’adaptation (soutien institutionnel, accès aux EPI, surcharge de travail, peur et santé mentale). Les participant·e·s ont reconnu que l’apprentissage acquis par les professionnel·le·s de la gestion et des soins a permis de surmonter les difficultés de la crise sanitaire actuelle, soulageant la souffrance des professionnel·le·s et patient·e·s.

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