IV. L’évaluation est-elle une science?

6. L’hybridation disciplinaire, nouveau talisman de l’évaluation?

Steve Jacob

[Traduit de : Jacob, Steve. 2008. « Cross-Disciplinarization a New Talisman for Evaluation? » American Journal of Evaluation 19(2) : 175–94. Traduction par Carine Gazier et Anne Revillard; traduction et reproduction du texte avec l’autorisation de Sage Publications. Traduction relue et corrigée par l’auteur.]

 

Les relations entre les disciplines scientifiques prennent une diversité de formes telles que la multidisciplinarité, l’interdisciplinarité et la transdisciplinarité. Bien que ces termes soient assez vagues et aient de multiples connotations, leur dénominateur commun est leur potentielle valeur pour encourager l’échange, l’interaction et la coopération au-delà des frontières disciplinaires. Un certain nombre de chercheurs et de chercheuses ont tenté de clarifier cette question en soulignant les principales distinctions entre différents degrés d’intégration disciplinaire. Pour éviter toute querelle sémantique, nous retenons la taxonomie de Patricia L. Rosenfield (1992), considérée par beaucoup comme le point de départ le plus pertinent (Fuqua et al., 2004; Maton, Perkins, Altman, et al., 2006; Maton, Perkins, et Saegert, 2006; Stokols et al., 2003; Sussman et al., 2004). Rosenfield présente une taxonomie simple à trois niveaux de la recherche qui favorise la combinaison de différentes disciplines. Le premier type de recherche impliquant de telles collaborations, et le plus fréquent, est multidisciplinaire : des chercheurs et chercheuses travaillent à résoudre le même problème en parallèle et de manière séparée, à partir de perspectives disciplinaires différentes. Le deuxième niveau est interdisciplinaire : des chercheuses et chercheurs partant de bases disciplinaires différentes travaillent ensemble sur un problème commun. Ils et elles utilisent leurs techniques et leurs compétences spécifiques pour développer de nouvelles connaissances qui sont ensuite rapportées de façon séquentielle, discipline par discipline, dans la présentation des résultats du projet. Le troisième niveau, la transdisciplinarité, est atteint lorsque « des chercheurs travaillent conjointement en utilisant des cadres conceptuels partagés rassemblant des théories, des concepts et des approches issus de différentes disciplines pour résoudre un problème commun » (Rosenfield, 1992 : 1351). À partir de ces définitions, nous pouvons conclure que l’approche transdisciplinaire a les objectifs les plus ambitieux et qu’elle pose les bases d’une métadiscipline. Une métadiscipline devient nécessaire, selon Kesteman (2004), quand on souhaite trouver « des solutions pratiques à des problèmes complexes, développer de nouvelles connaissances qui peuvent être appliquées rapidement, et prendre en compte des points de vue multiples et souvent contradictoires » (p.101).

En quoi l’hybridation disciplinaire se distingue-t-elle du développement d’une discipline nouvelle et distincte? La création d’une nouvelle discipline vise à tracer de nouvelles frontières. Les objectifs de l’hybridation disciplinaire sont ambitieux et permettent de rompre avec l’état d’autarcie disciplinaire qui caractérise encore de nombreux travaux (Dogan et Pahre, 1990). Ainsi, l’hybridation disciplinaire est « un processus qui consiste à résoudre un problème, une question ou un sujet trop vaste ou trop complexe pour être traité de manière adéquate par une seule discipline ou profession » (Klein et Newell, 1998 : 3). En outre, il s’agit d’une « nouvelle forme d’apprentissage et de résolution de problèmes impliquant une coopération entre différentes parties de la société et du monde universitaire pour relever les défis complexes de la société » (Häberli et al., 2001 : 7). L’hybridation disciplinaire survient lorsqu’un groupe de chercheurs et de chercheuses décide que la croissance exponentielle des connaissances rend trop difficile l’émergence d’une vision globale du monde. Elle implique le transfert des méthodes d’une discipline à une autre sans que les chercheurs et chercheuses concerné-e-s y perdent leur affiliation disciplinaire. Il s’agit donc d’un processus d’import-export méthodologique et conceptuel, qui dans certains cas peut donner l’impression d’une nouvelle discipline ou d’un domaine de spécialité mixte. La coopération entre les chercheurs au sein d’une même discipline et entre disciplines est un facteur clé de l’évolution des méthodes de production des connaissances.

Le cas de l’évaluation : réflexions sur la disciplinarité et la combinaison des disciplines dans un domaine transversal

Extraits p. 178-180 :

Le développement d’un nouveau domaine d’enquête et de pratique

En observant attentivement le développement de l’évaluation, on remarquera que la pratique a considérablement évolué au fil du temps. Pour être concis, il existe un consensus général sur le fait que l’objectif de l’évaluation est de juger du mérite, de la valeur et de l’importance des différents objets évalués : produits, personnel, politiques publiques, etc. Une tâche commune pour les évaluateurs et évaluatrices de programmes est par exemple l’identification et l’évaluation de l’impact des politiques publiques. Au cours des 40 dernières années, l’évaluation s’est appuyée sur le travail de chercheuses et chercheurs de différentes disciplines (de la psychologie et de la sociologie à l’économie), avant d’acquérir progressivement le statut de domaine autonome à l’égard de ces disciplines. Toutefois, un débat animé fait rage sur la question de savoir si l’évaluation est réellement une discipline distincte. Sur la base de la discussion précédente, il semblerait naturel que l’évaluation des politiques publiques occupe une place centrale dans le débat « multi-trans-post-inter-disciplinarité », même s’il faut reconnaître que « l’évaluation en tant que discipline est une affaire très récente » (Scriven, 1994 : 147). La pratique de l’évaluation pourrait s’expliquer selon la logique du développement et de la spécialisation disciplinaire […]. Cependant, elle est partiellement écartée de cette logique, car au départ, elle n’est pas issue d’une seule discipline. En effet, depuis sa conception, l’évaluation a emprunté son vocabulaire, ses méthodes et ses techniques à plusieurs disciplines. Néanmoins, les évaluatrices et évaluateurs, à l’instar des membres de toute autre discipline, se préoccupent de l’inévitable tendance à la spécialisation (logique interne) ainsi que du souhait permanent de coopérer avec les membres d’autres domaines (logique externe).

Être ou ne pas être une discipline

L’évaluation est-elle une discipline? Ou est-elle simplement un outil de gestion qui emprunte ses instruments à une ou plusieurs disciplines distinctes? Ces questions directes et provocatrices en soulèvent de nombreuses autres et suscitent parfois de vives discussions entre les chercheuses et chercheurs et les expert-e-s de l’évaluation. Même si l’évaluation est souvent comparée à des travaux de recherche scientifique, notamment en ce qui a trait à la rigueur méthodologique, ces deux exercices doivent être considérés comme distincts même s’ils sont parfois entrepris par les mêmes personnes.

Que l’évaluation soit considérée comme une discipline scientifique ou une pratique de gestion est un enjeu qui soulève les passions des partis en présence qui campent sur leur position avec une conviction quasi religieuse. De plus, le statut et l’importance attribués à l’évaluation varient énormément selon le point de vue que l’on adopte sur ce débat. Dans cette section, nous ne prétendons pas apporter une réponse définitive à la question. Nous présentons plutôt, dans un premier temps, les positions divergentes sur le statut disciplinaire de l’évaluation. Le principal point de discorde dans le débat est de savoir si l’évaluation est devenue, sur le plan épistémologique, suffisamment distincte des domaines disciplinaires à partir desquels elle s’est développée pour lui permettre de revendiquer son statut de discipline distincte, ou si au contraire, ces domaines disciplinaires restent de forts déterminants pour produire des connaissances par le biais de l’évaluation. Ce débat repose sur la matrice disciplinaire structurée par Kuhn autour des généralisations symboliques, des modèles et des exemples (compris comme la solution concrète à un problème). À partir de quelques critères explicites permettant de juger du statut de discipline, nous examinons ensuite comment le domaine de l’évaluation est plus ou moins compatible avec les caractéristiques d’une discipline formelle et mature. Bien que l’évaluation partage un certain nombre de points communs avec les disciplines, nous soutenons que l’évaluation n’est peut-être pas (encore) une discipline à part entière.

Un récent débat dans The Industrial-Organizational Psychologist illustre la controverse sur le statut disciplinaire – ou non – de l’évaluation. L’échange a été initié par E. Jane Davidson (2002), qui affirme que l’évaluation est « une discipline à part entière » (p.33). Pour étayer son propos, elle souligne les spécificités méthodologiques développées par la profession et les compétences particulières requises pour mener une évaluation. Selon Davidson (2005), l’un des grands défis du développement de l’évaluation en tant que discipline est de la faire reconnaître comme étant distincte des diverses autres disciplines dont elle est issue (p.3). Les arguments de Davidson s’inspirent du travail de Scriven (1994), qui considère que la discipline générale de l’évaluation regroupe la somme des activités visant à apprécier la valeur ou la qualité de quelque chose (programme, personnel, performance, produit, proposition, politique, voire même l’évaluation elle-même par une méta-évaluation) (p.148). Selon Scriven, l’évaluation, comme les mathématiques, est une transdiscipline. Les transdisciplines sont un groupe d’élite de disciplines fournissant « des outils essentiels pour d’autres disciplines, tout en conservant une structure autonome et un effort de recherche propre » (Scriven, 1993 : 19). En réponse à Davidson, Robert Perloff (2003) affirme que l’évaluation n’est pas une discipline. Il affirme que « les disciplines sont systématiques, cohérentes, fondées le plus souvent sur une théorie solide et proposées comme programmes dans les collèges, les universités et les écoles professionnelles accréditées » (p.52). D’autre part, Perloff (2003) ajoute que « l’évaluation est un mélange hétéroclite, un ragoût de procédés développés par ‘essai et erreur’ » (p.52).

[…]

Extraits p. 180-181 :

Nous soutenons que bien que l’évaluation soit un domaine autonome, elle est à la fois une composante et composée d’un certain nombre d’autres disciplines. Pour certain-e-s, l’avenir de l’évaluation sera ancré dans des fondements disciplinaires, mais pour d’autres, les perspectives sont transdisciplinaires (Coryn et Hattie, 2006). En même temps, le fait que l’évaluation partage un nombre d’attributs avec d’autres disciplines à part entière, tend à garantir qu’elle soit traitée comme telle. Comme nous l’avons indiqué précédemment, depuis les débuts de l’évaluation, les évaluateurs et évaluatrices ont emprunté à diverses disciplines académiques des concepts théoriques et des instruments méthodologiques nécessaires pour formuler des recommandations utiles et crédibles. À cet égard, Scriven (1994) soutient que la spécificité méthodologique de l’évaluation constitue l’élément principal qui justifie la prise en compte d’une « véritable discipline de l’évaluation » (p.148).

En ce qui concerne la pratique de l’évaluation, l’existence d’une communauté d’évaluateurs et d’évaluatrices est indéniable, comme l’indiquent clairement les nombreuses sociétés nationales et internationales dans ce domaine. Cette communauté est composée d’acteurs et d’actrices aux profils hétéroclites qui varient selon le rôle qu’ils et elles remplissent dans le processus d’évaluation (commanditaire, évaluateur ou partie prenante) et selon leur affiliation organisationnelle (administration publique, université ou secteur privé). Si l’on ajoute à cela la multiplicité des objectifs poursuivis par la démarche d’évaluation, on peut facilement voir qu’une telle diversité rend difficile l’émergence de l’évaluation en tant que discipline spécifique. Par conséquent, il semble logique d’insister sur un ancrage disciplinaire concret de la part des évaluateurs et évaluatrices pour qu’ils et elles puissent s’acquitter de leur tâche. En reproduisant la structure institutionnelle du milieu académique qui subit des transformations et qui est régulièrement remise en question, les évaluatrices et évaluateurs reproduisent également les conditions favorisées par cette sphère encore plus segmentée.

Dès lors, c’est surtout le processus de professionnalisation de la pratique qui rend l’évaluation de plus en plus indépendante en tant que discipline (Morell, 1990; Smith, 2001). Avant d’examiner plus avant l’évaluation fondée sur l’hybridation disciplinaire pour en apprécier la valeur, soulignons d’abord brièvement certaines conséquences associées à la spécialisation de l’évaluation tendant vers le statut de discipline spécifique. À mesure qu’une discipline se spécialise, elle développe une sémantique distincte qui peut progressivement créer des barrières entre les chercheurs (Pantazidou et Nair, 2001 : 343). Pour résumer, l’évaluation a quitté les laboratoires universitaires pour la sphère privée du marché du conseil. Néanmoins, la spécialisation de l’évaluation en tant que discipline distincte n’est pas complète; les antécédents disciplinaires de l’évaluateur ou de l’évaluatrice demeurent importants et guident sa pratique. Il n’est donc pas surprenant que l’évaluation professionnelle reflète les frontières disciplinaires traditionnelles du milieu universitaire. La principale vertu découlant de la spécialisation de l’évaluation en une discipline distincte est qu’elle nous permet d’identifier et de prendre en compte ses particularités. Ces particularités découlent de la nécessité de trouver un équilibre entre une perspective académique (essentiellement pour des raisons méthodologiques) et une perspective pragmatique – nécessaire pour encourager la mise en œuvre de la recherche en évaluation par les décideurs et décideuses (Patton, 1997).

Toutefois, à l’heure actuelle, cette évolution a conduit à une spécialisation, voire à une hyperspécialisation, qui comporte elle-même certains risques. La frontière disciplinaire, avec son langage et ses concepts uniques, peut isoler les évaluatrices et évaluateurs des chercheuses et chercheurs d’autres domaines et les empêcher ainsi de se faire une idée des préoccupations ou des problèmes qu’elles et ils ont en commun. Cet esprit disciplinaire risque de propager parmi les évaluateurs et évaluatrices un air malsain d’exclusivité, qui interdirait tour empiétement extérieur sur leur domaine d’expertise (Morin, 1994). Dans un contexte d’essor des croisements disciplinaires à l’université, il est grand temps que la communauté de l’évaluation saisisse le potentiel de cette dynamique pour aborder les problèmes du monde réel.

Vers une combinaison des disciplines en évaluation

[…] Extraits p. 182-185 :

Au-delà des slogans et des déclarations d’intention, plusieurs avantages plaident en faveur d’une évaluation fondée sur l’hybridation disciplinaire.

Validité des connaissances générées. Tout d’abord, l’évaluation fondée sur l’hybridation disciplinaire permet une mise en commun des connaissances et des projections spécifiques à certains domaines. Plutôt que de considérer cette approche comme une négociation sur le tracé des frontières, il faut y voir l’émergence d’une pratique qui crée des intersections. Selon Blackwell (1955), le croisement de différentes disciplines est utile dans des situations précises. Il s’agit notamment des cas dans lesquels une discipline ne peut pas traiter un problème de manière adéquate : théoriquement, le problème se situe dans une zone grise entre les disciplines; différentes disciplines ont contribué à faire progresser la réflexion sur un problème; l’intégration de cadres conceptuels auparavant distincts semble nécessaire; le problème est d’une telle ampleur que seule la recherche en équipe pourrait le traiter; les membres des disciplines pertinentes sont prêtes et disposées à collaborer; enfin, « des chercheurs issus des disciplines pertinentes, et qui répondent aux critères d’une recherche en équipe multidisciplinaire, sont disponibles » (Blackwell, 1955 : 370). En effet, le mouvement de spécialisation [propre aux disciplines] entraîne un affaiblissement de la communication entre les champs, voire y met fin (Spengler, 1950 : 360). C’est cette communication que nous estimons pouvoir restaurer par l’hybridation disciplinaire.

En réunissant un groupe d’expert-e-s autour d’un objet d’évaluation commun, l’hybridation disciplinaire évite une fragmentation inutile de l’objet étudié. Cette combinaison qui a pour but d’examiner les problèmes sous différents angles, peut s’avérer bénéfique et devrait permettre une synthèse qui « peut contribuer à stimuler la réflexion en dehors des sentiers battus et à perfectionner les compétences de communication entre différents secteurs d’activité et disciplines » (Davidson, 2002 : 34). Il évite ainsi la fragmentation en fonction des préoccupations spécifiques de chaque domaine disciplinaire. La réalisation d’une analyse unique, mais multidimensionnelle permet l’expression et l’intégration de points de vue contrastés. En tirant parti du potentiel de chaque discipline, ceci permet l’élaboration de théories générales intégrées ou de concepts englobants (Blackwell, 1955 : 369‑70).

Utilité des conclusions. Le deuxième avantage découle en partie du premier. Il semble que c’est en matière d’utilité que les résultats d’une analyse fondée sur l’hybridation disciplinaire ont le plus de potentiel. Cette évolution modifie les critères de validité d’un résultat de recherche. L’utilité de la connaissance pour le commanditaire remplace la traditionnelle évaluation par les pairs qui était autrefois la méthode la plus courante de vérification de la validité : « le monde académique a ainsi l’occasion de corriger sa myopie qui se focalise uniquement sur des formes de connaissances scientifiques » (Muller et Subotzky, 2001 : 175). En effet, en plus de fournir des solutions à des problèmes complexes, il semble que les résultats obtenus par la combinaison des disciplines seraient plus crédibles aux yeux de certains bailleurs de fonds qui encouragent souvent la collaboration entre praticien-ne-s et universitaires (Hackett, 2000; Stark, 1995). Ce point de vue est étayé par le constat qu’il faut combiner des perspectives multiples pour résoudre les problèmes du monde réel. En effet, « les problèmes se présentent en ‘couches’ qui doivent être séparées et analysées, mais les solutions doivent généralement être globales et aborder le problème comme un système, et non comme des pièces détachées » (Davis, 1995 : 39). Les connaissances issues d’une combinaison de plusieurs disciplines tiennent compte d’un certain nombre de facettes du domaine examiné, ce qui accroît la précision des résultats et renforce l’acceptabilité et la faisabilité des recommandations. En fait, l’examen de quelques exemples de recherches fondées sur un croisement de disciplines révèle que ces projets encouragent les chercheuses et chercheurs à quitter leurs laboratoires, à collaborer avec les responsables de la mise en œuvre des politiques publiques, et permettent mieux aux décideuses et décideurs d’atteindre leurs objectifs spécifiques. Enfin, la traduction des résultats en techniques appliquées peut améliorer les capacités des parties prenantes et faire émerger de nouvelles perspectives sur des interventions alternatives (Fuqua et al., 2004; Maton, Perkins, et Saegert, 2006). Ainsi, les recommandations d’action issues d’études croisant les disciplines répondent au critère d’utilité, qui est pour beaucoup d’évaluateurs et d’évaluatrices l’élément le plus important pour mesurer la valeur d’une évaluation (Patton, 1997; Smith, 1979).

Capital social et apprentissage. Un autre aspect à ne pas négliger est que l’hybridation disciplinaire encourage le développement du capital social entre les personnes ainsi amenées à collaborer (chercheurs, chercheuses, évaluateurs, évaluatrices ou praticien-ne-s) qui sont associées dans un processus de construction d’un cadre commun, qui partagent des valeurs et font face ensemble aux difficultés qui se présentent (Fuqua et al., 2004; Morgan et al., 2003; Rosenfield, 1992; Stokols et al., 2003). Cela tend à créer des communautés d’apprentissage qui encouragent le transfert de connaissances et de compétences entre les intervenant-e-s (Guthrie et al., 2006). Sur ce point, l’examen systématique de la littérature sur le transfert des connaissances dans le secteur de la santé montre que le facteur le plus souvent cité comme déterminant de l’utilisation des connaissances scientifiques réside dans les relations interpersonnelles entre les chercheurs et chercheuses d’une part, et les utilisateurs et utilisatrices d’autre part (Innvaer et al., 2002; Lavis et al., 2005).

Satisfaire les besoins du ou de la commanditaire. Il convient de souligner que ces arguments « théoriques » en faveur du croisement des disciplines trouvent un écho auprès des utilisatrices et utilisateurs de l’évaluation. Puisqu’elles et ils sont conscient-e-s que « de nombreux problèmes de recherche ne peuvent être facilement résolus à l’intérieur des limites de disciplines particulières » (Salter et Hearn, 1996 : 3), la plupart des commanditaires demandent une évaluation pour recueillir des résultats complets et des recommandations spécifiques. Les attentes à l’égard des évaluations sont élevées, et la plupart des commanditaires d’évaluation se préoccupent peu des frontières disciplinaires et des débats territoriaux qui structurent le monde universitaire. L’hybridation disciplinaire répond aux besoins croissants des utilisatrices et utilisateurs en matière de conseils politiques complexes et largement ciblés et pourrait améliorer les conclusions d’une évaluation de plusieurs façons. L’hybridation disciplinaire permet de dépasser les objectifs séquentiels et de mieux tenir compte d’une vision globale qui prévoit un processus décisionnel intégré au cœur de l’action, cette vision est inspirée par quelque chose ressemblant à une approche médicale holistique (Herman et al., 2000; Yoshikawa, 2006).

Bénéfices de la spécialisation disciplinaire. Enfin, l’hybridation disciplinaire permet de tirer le meilleur des deux mondes, car outre les avantages mentionnés précédemment, elle bénéficie également des avancées disciplinaires propres à chaque domaine. Il est utile de noter « que tou-te-s les spécialistes ne sont pas forcément enclin-e-s à la coopération interdisciplinaire, ni capables de travailler de cette manière. La coopération interdisciplinaire est une tâche qui incombe à une poignée d’élu-e-s » (Wohl, 1955 : 376). Pour les évaluatrices et évaluateurs qui sont disposé-e-s à participer à cet exercice, les leçons et la formation de chaque discipline peuvent enrichir leur façon de voir l’objet évalué. C’est grâce à un ancrage disciplinaire que les progrès sont rendus possibles et réalisables. Il faut donc souligner que le recours à une perspective qui met l’accent sur la multiplicité n’est évidemment pas une tentative d’abolir les frontières disciplinaires. « Les disciplines ne se ‘fertilisent’ pas mutuellement de façon naturelle comme tant de fleurs sauvages. Pour qu’un travail créatif en collaboration devienne possible, il faut prendre appui sur des groupes de chercheurs déjà reliés par des liens sociaux solides et satisfaisants » (p.376). En effet, « la collaboration interdisciplinaire découle du fait même de la spécialisation et serait inconcevable sans elle » (p.376). D’après ce qui précède, il est nécessaire de garder à l’esprit que toute discussion sur les avantages de l’évaluation fondée sur l’hybridation disciplinaire doit aussi prendre en compte les inconvénients qui pourraient en résulter.

Ou une source de problèmes insurmontables?

Une valeur ajoutée nulle en matière de validité des résultats. L’une des principales difficultés qui résulte d’une évaluation fondée sur l’hybridation disciplinaire est l’hypothèse selon laquelle la rencontre de diverses perspectives est supérieure à une approche monodisciplinaire. L’ajout de perspectives est inutile si elle ne produit pas de meilleurs résultats. Il ne faut donc pas considérer la réalisation d’une évaluation fondée sur l’hybridation disciplinaire comme une fin en soi. En outre, personne ne se satisfera d’une « dilution constante de la spécialisation sans que la synthèse ne produise des avantages en retour » (Sussman et al., 2004; Wohl, 1955 : 379). L’évaluateur ou l’évaluatrice aura l’impression d’avoir perdu son temps et le ou la commanditaire aura gaspillé son argent et se trouvera avec des conclusions et des recommandations inadéquates. Les évaluateurs et les évaluatrices doivent s’assurer qu’ils et elles comprennent vraiment les enjeux du programme qu’ils et elles évaluent avant de rendre les choses trop complexes sur le plan analytique (Johnson, 1990 : 133).

Une dégradation de la qualité des résultats de l’évaluation. La contrepartie de la complémentarité, que nous avons présentée comme l’un des avantages de la combinaison de plusieurs disciplines, est sans aucun doute le risque de produire des résultats centrés sur le plus petit dénominateur commun. Ainsi, on court le risque de « ne pas utiliser les outils et les concepts les plus sophistiqués et les plus puissants de chaque discipline lorsqu’on tente de fusionner les disciplines ou de les rendre équivalentes dans une entreprise de recherche spécifique » (Blackwell, 1955 : 370). Étant donné que « le temps et l’énergie consacrés à la compréhension d’autres disciplines nuisent invariablement au temps et à l’engagement consacrés à la maximisation de la maîtrise d’une seule discipline » (Naiman, 1999 : 293), certain-e-s considèrent que les approches fondées sur l’hybridation disciplinaire compromettent l’ensemble du processus analytique. Il y a donc un risque d’être non scientifique (Caldwell, 1996). Il faut par conséquent éviter d’importer certaines théories d’une discipline donnée ou de surestimer l’utilité de nouvelles connaissances ou théories avant que leur validité n’ait été rigoureusement testée pour en assurer la validité. Il pourrait aussi arriver que la pensée complexe et la réflexion pointue cèdent la place à une sorte de surf scientifique et intellectuel. Cette inclinaison à la superficialité sape rapidement le développement de connaissances spécialisées (Hamel, 2005 : 109).

Des rapports tendus entre les disciplines. Les approches fondées sur l’hybridation disciplinaire pourraient également se heurter à une sorte de chauvinisme disciplinaire de la part de ceux qui ont une faible estime quant à cette façon de travailler, ou à une sorte d’impérialisme disciplinaire de la part de ceux qui pensent que leur discipline est supérieure aux autres (Younglove-Webb et al., 1999). Il existe encore une croyance selon laquelle « aucun prestige n’est accordé à ceux qui travaillent avec d’autres disciplines » (Rosenfield, 1992 : 1355). Cet impérialisme disciplinaire est miné par les travaux fondés sur l’hybridation disciplinaire qui ont le potentiel de redéfinir de nouvelles bases, de remettre en question les points de vue traditionnels et d’aboutir à de nouveaux domaines de recherche. Entre-temps, il ne faut pas oublier que l’hybridation des disciplines émerge dans un contexte où les disciplines conservent un rôle essentiel, car, comme le suggère Friedman (2001), « Peut-on avoir de l’interdisciplinarité sans qu’il y ait un certain sentiment de dépassement ou de transgression des frontières disciplinaires? » (p.506).

Une disjonction entre les niveaux d’analyse. Une autre menace qui pèse sur ce type de travail est le risque d’inintelligibilité en raison d’une disjonction quasi totale des niveaux d’analyse. En outre, l’avantage attendu de la communication entre des domaines de connaissances dissociés oblige à sacrifier certaines de ses valeurs pour prendre en compte les « faits » ou les valeurs d’un autre domaine. Cela dépasse les difficultés sémantiques qui peuvent être surmontées assez facilement en accordant une attention particulière au partage des connaissances et au développement d’un vocabulaire commun. Ici, il ne faut pas perdre de vue qu’en dépit de tous les efforts déployés pour « unifier » la compréhension et développer des concepts communs utiles, les disciplines restent dominantes dans l’appréhension des problèmes, dans leur formulation et leur résolution. Dans ce cas, « le caractère multidisciplinaire de l’évaluation isolerait les débats théoriques et empiriques dans les disciplines traditionnelles » (Dubois et Marceau, 2005 : 25).

Des problèmes de faisabilité et de coordination. Enfin, il ne faut pas laisser croire que cette approche est plus facile à mettre en œuvre. Au contraire, si de grands efforts d’organisation ne sont pas déployés, l’évaluation fondée sur l’hybridation disciplinaire posera de nouveaux problèmes en ce qui a trait à la collaboration et à la motivation des participants. Il existe un réel risque de blocage qui pourrait affecter considérablement le processus d’évaluation. Chacun sait que le temps est une ressource inestimable dans la conduite de l’évaluation et qu’il serait donc préjudiciable de le gaspiller dans des problèmes de coordination. Il est donc important d’accorder une plus grande attention aux compétences requises pour le travail de groupe afin que les efforts de collaboration puissent porter leurs fruits. Le travail d’équipe et l’intégration par la combinaison de disciplines différentes exigent donc une réflexion préalable sur les modalités de sa mise en œuvre afin que la collaboration soit à la fois viable et rentable (Morgan et al., 2003; Suarez-Balcazar et al., 2006).

 

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