Introduction

L’accroissement considérable et continu des actions terroristes dans le monde conduit les pays du monde entier à coordonner leurs efforts pour combattre le phénomène. En effet, le terrorisme, en constante évolution, met en péril la paix et la sécurité internationales; il détruit les sociétés et déstabilise le monde entier. De même, avec le processus d’intensification des échanges internationaux facilité par la mondialisation et les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC)[1]on assiste à une recrudescence du phénomène terroriste et de sa médiatisation. Même le plus localisé des attentats est aussitôt connu de l’ensemble des pays du monde par la profusion des moyens d’information et leur propension à faire des attentats un sujet de prédilection[2]. Aussi le Niger, à l’instar des autres pays du Sahel, n’a pas été épargné par le terrorisme. Ce pays fait face depuis quelques années à des défis sécuritaires dont le terrorisme constitue l’un des aspects les plus saillants. Dès lors, des solutions doivent être recherchées à tous les niveaux et celles-ci doivent être en conformité par rapport aux dispositions prises en la matière par la communauté internationale.

Qu’est-ce que le terrorisme?

Le terrorisme est une notion en perpétuel débat et ayant un contenu juridique flou. La question de la définition du terrorisme[3] fait en effet l’objet, depuis des décennies, d’intenses discussions entre les États qui peinent à trouver une définition consensuelle définitive. C’est une notion flexible qui offre aux États un dispositif privilégié permettant la justification et la légitimation de politiques sécuritaires. En effet, malgré les divergences relevées dans la définition du concept, les éléments retenus dans les instruments juridiques internationaux[4] et régionaux, demeurent encore flous. Ce qui laisse ainsi une marge d’appréciation aux États dans la qualification d’actes terroristes et la mise en place de régimes juridiques dérogatoires et exceptionnels.

Parallèlement, la globalisation du monde qui n’épargne plus aucune région, l’explosion d’Internet et les supports de la révolution numérique aident les ramifications du terrorisme et du crime organisé. Dès lors, la problématique de la sécurité et du développement constitue l’un des défis majeurs auxquels la zone du Sahel fait face. Le Sahel est exposé à l’insécurité, compte tenu de la faiblesse des structures étatiques qui rend cette zone vulnérable au terrorisme. De même, les caractéristiques géopolitiques précaires, avec notamment des conflits armés, des perturbations écologiques (telles que les sècheresses) sans oublier les problèmes de sous-développement, fragilisent encore plus les États de la zone face au terrorisme.

Ainsi, face à la montée du terrorisme et la diversité des acteurs animant les groupes terroristes au Sahel, les pays sahéliens s’organisent en mettant en place des dispositifs juridiques de fond et de forme, pour lutter contre ces groupes. En effet, du groupe Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), en passant par les mouvements Ansar Dine, Al-Mourabitoun, Boko Haram[5], ils sont nombreux, les groupes armés terroristes[6] opérant au Sahel et les acteurs qui les animent sont d’horizons divers. Le mouvement Boko Haram, par exemple, rassemble des combattants de nationalités diverses : Nigérians, Tchadiens, Nigériens ou Camerounais. Outre la diversité des nationalités des terroristes, d’autres paramètres rendent encore plus difficile la lutte contre le terrorisme au Sahel : il s’agit notamment des lieux d’arrestation, de détention et parfois de comparution des acteurs.

Dès lors, la lutte contre le terrorisme au Sahara et au Sahel est un combat gigantesque, à l’image de la superficie de l’espace où sévissent les terroristes. En effet, le Sahara et le Sahel s’étalent sur une surface de plus de 11 millions de km2. Contrairement à l’imaginaire populaire, la zone sahélo-saharienne n’est pas juste un océan de sable qui s’étale à perte de vue; elle a un relief accidenté fait de plateaux et de montagnes percées de grottes. Ces aspects rendent difficile, pour les États du Sahel (Mali, Niger, Mauritanie et Burkina Faso), le contrôle de ces contrées et la traque des terroristes qui ont fait de la zone un véritable no man’s land où ont lieu toutes sortes de trafics (drogue, armes, carburant, cigarettes, etc.). De ce fait, règnent, dans cette zone, des groupes armés qui ne reconnaissent pas les pouvoirs publics qu’ils combattent, mais s’affrontent entre eux pour le contrôle des routes et de la contrebande. Du coup, l’espace sahélo-saharien est devenu une zone de rébellion par excellence, où rivalisent des extrémistes religieux et des multinationales, pour avoir la mainmise sur cette région au sous-sol très riche. Cette montée en puissance de divers trafics dans l’espace sahélo-saharien entraine l’affaissement de l’État dans les pays sahéliens.

C’est dans ce contexte d’instabilité régionale et mondiale que le Niger s’est trouvé confronté au phénomène du terrorisme[7] transfrontalier. Faisant face à la gravité des enjeux que cela implique, les autorités du Niger se sont engagées à lutter contre le terrorisme et à relever les défis qui pèsent sur la sécurité du pays.

Le Niger, à l’instar des autres pays du Sahel, a dû modifier et adopter un nouveau dispositif pénal pour lutter contre le terrorisme et les narco-trafiquants de tous bords. Ainsi, le dispositif pénal national a intégré les recommandations des instances internationales en matière de répression des infractions de terrorisme. Le nouveau dispositif juridique de lutte contre le terrorisme au Niger est issu de textes divers qui ont une portée nationale, régionale ou universelle. Ces textes ont permis la mise en place d’un dispositif juridique complet et efficace de répression du terrorisme au Niger. Il s’agit d’un ensemble de règles juridiques antiterroristes respectueuses des droits humains et qui assurent la concordance des décisions rendues en la matière.

Parallèlement, lutter contre le terrorisme impose la prise en charge de questions et de défis qui y sont étroitement liés, notamment l’identification des auteurs et des groupes terroristes opérant dans la zone, la question de la radicalisation et celle de la prise en charge des victimes d’actes terroristes.

Mais l’efficacité de la lutte antiterroriste rime avec un renforcement de la coopération bilatérale, régionale et même internationale. En effet, le terrorisme est une menace transnationale qu’aucun gouvernement ou organisation ne peut combattre seul. Pour ce faire, une action multilatérale concertée aux niveaux national, régional et mondial est nécessaire. Il s’agit à la fois d’une coopération militaire, institutionnelle et judiciaire au niveau régional et international.

En termes de défis, la lutte contre le terrorisme exige un traitement rapide des affaires terroristes. La question du respect des droits humains est également posée dans le cadre de la lutte contre ce qui se présente avant tout comme la négation et l’anéantissement des droits humains. De même, les droits des victimes d’actes terroristes doivent être respectés.

Ce livre entend rendre compréhensible le cadre normatif de lutte contre le terrorisme au Niger. Ce cadre normatif constitué d’instruments juridiques de fond mais aussi de forme permet de prévenir mais aussi de réprimer les activités du terrorisme. Il s’agit d’identifier et de rendre accessible les différents instruments juridiques de lutte contre le terrorisme au Niger (première partie). L’autre ambition de ce livre est de traiter des questions et défis liés au terrorisme national et international. En effet, La recrudescence des actions terroristes fait du terrorisme l’un des grands défis de la paix et de la sécurité du Niger et des pays du Sahel. Une lutte efficace contre le fléau amène au préalable à poser des questions en termes de défis dans le cadre de ce combat. Il s’agit notamment de la prise en charge et d’un traitement rapide des dossiers judiciaires des actes liés au terrorisme, mais aussi du respect des droits des personnes (deuxième partie).


  1. Les organisations terroristes utilisent l’Internet à de multiples fins comme « le recrutement, le financement, la propagande, l’entraînement, l’incitation à commettre des actes de terrorisme, la collecte et la diffusion d’informations. Internet présente évidemment de nombreux avantages, mais peut être utilisé pour faciliter la communication au sein d’organisations terroristes, pour transmettre des informations sur des actes de terrorisme planifiés et pour apporter un soutien matériel à ces actes » (Rapport ONUDC, 2014, Utilisation de l’Internet à des fins terroristes, New York, Accès en ligne : https://www.unodc.org/documents/terrorism/Publications/The_Use_of_Internet_for_Terrorist_Purposes/Use_of_the_Internet_for_Terrorist_Purposes_French.pdf).
  2. Mario Bettati, 2013, Le terrorisme : les voies de la coopération internationale, Paris, Odile Jacob p. 120
  3. Sur la question de la définition du terrorisme, lire François Dubuisson, « La définition du « terrorisme » : débats, enjeux et fonctions dans le discours juridique », Confluences Méditerranée, 3, n°102, pp. 29-45.
  4. Le premier instrument juridique international adopté en la matière remonte à 1937 (Convention sur la répression et la prévention du terrorisme du 16 novembre 1937). Mais ce texte n’est jamais entré en vigueur, compte tenu des différends entre les États membres concernant les articles sur l’extradition qui ont empêché sa ratification. D’autres textes ont été adoptés par la suite et le premier en la matière remonte à 1967. Par ailleurs l’approche retenue au niveau international est une approche sectorielle qui consiste à adopter des conventions visant certaines actions terroristes.
  5. Si la première attaque de Boko Haram en territoire nigérien, sur la ville de Diffa et la bourgade de Bosso, dans le sud-est du pays, à proximité du Nigéria, ne s’est produite que le 6 février 2015, cela faisait plusieurs années que le Niger était affecté par la crise humanitaire chez son voisin, notamment en accueillant des dizaines de milliers de réfugiés.
  6. Les groupes armés dits djihadistes (AQMI ou Ansar Dine) recourent eux aussi volontiers aux réseaux et aux pratiques mafieux; cet état de fait leur permet d’évoluer dès lors dans un environnement de moins en moins hostile.
  7. Selon Laurent Bigot, « Le terrorisme, ou plutôt la montée en puissance des groupes armés dans le Sahel, est la conséquence d’une grave crise de gouvernance qui touche toute l’Afrique de l’Ouest. Cette crise de gouvernance se caractérise par une disparition de l’État au service des populations. » (Le Monde, daté du 16 août 2017 : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/08/16/le-terrorisme-au-sahel-consequence-de-la-prevarication-erigee-en-mode-de-gouvernance_5172873_3212.html)

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