6 Santé et entreprenariat au féminin. Réflexions sur le cas du Burkina Faso

Marie-Thérèse Arcens Somé

Contexte

Le Burkina Faso demeure l’un des pays les plus pauvres au monde, malgré une progression économique ces dernières années. Cependant, il lui reste un long chemin à parcourir sur la voie du développement, car il revient de loin. Le PIB par habitant-e est de seulement 613 $USD (2015) et les infrastructures dans tous les domaines du travail, de la santé, de l’éducation et des transports sont défaillantes.

L’agriculture occupe encore 86% de la population active et l’économie repose essentiellement sur ce secteur. Plus de 40% de la population vit toujours sous le seuil de pauvreté selon la Banque mondiale (2014). En ce qui concerne la pauvreté des régions, les plus touchées sont celles du Nord avec 73,45%, la région du Centre Sud avec 69,79%, la Boucle du Mouhoun avec 64,61%, le Sud-Ouest avec 61,82% et le Centre-Est avec 60,58% (UNICEF, 2012).

Les femmes représentent 52% de la population du pays. Les mauvaises conditions de vie, notamment dans le milieu rural, sont exacerbées par la rareté de l’eau, l’insuffisance de la production vivrière (maïs, sorgho, mil, arachide) qui est de faible apport nutritif et les pesanteurs culturelles qui font que la femme est soumise à des coutumes qui la rendent passive et peu encline à la créativité, même quand il s’agit de prendre des décisions pour sauver de la mort un nouveau-né ou un nourrisson malade. Les enfants de moins de cinq ans et les femmes sont les individus qui souffrent le plus de la malnutrition à cause de leurs besoins spécifiques en nutriments à des moments essentiels de leur vie. Ils ont besoin d’une prise en charge spécifique qui ne peut être assurée dans un contexte de statut inférieur de la femme (Vokouma et Kaboré, 2009 : 34) et de non-reconnaissance du nouveau-né qui n’a pas encore d’identité dans la communauté (Attané, 2007 : 23; Dupire, 1982 : 9).

La situation socio-économique précaire qui règne dans les zones rurales montre que les différents domaines (éducation, formation, eau et assainissement collectif et individuel) ne sont pas pris ensemble pour réduire sensiblement la mortalité maternelle et infantile. Le statut de la femme relève de ces domaines particuliers et elle a besoin d’éducation et de formation pour développer en elle la conscience de sa propre prise en charge et de celle de ses enfants. Ses activités sont prises en compte pour son rôle de femme, d’épouse et de mère, et non d’actrice économique susceptible de contribuer au développement et à l’amélioration des conditions de vie familiale.

L’OMS et d’autres organismes internationaux, dont le FMI et la BM, associent les normes de bonne santé au développement socio-économique (Audibert et Kondji Kondji, 2015 : 27). En effet, ils estiment que le développement socio-économique dans un pays est conditionné par la santé de la population dans sa globalité. La santé est un préalable parce qu’elle permet de réduire l’absentéisme, dans les domaines économiques et sociaux notamment. Elle accroit la faisabilité du développement local et rend possible le changement des attitudes, des habitudes et des comportements des hommes et des femmes face aux potentialités et aux perspectives d’avenir qui s’ouvrent à eux et à elles (ibid.).

C’est dans ce contexte de pauvreté et de mauvaises conditions de vie des femmes au Burkina Faso que nous analyserons la participation et la capacité des femmes, notamment en milieu rural, à la construction de l’entreprenariat dans leur milieu familial, à travers le prisme de l’économie sociale féminine.

Problématique

Le développement socio-économique du Burkina Faso passe d’abord par le développement local. Les communautés de base sont les mieux à même de décider des productions et des services à déployer pour atteindre l’autosuffisance alimentaire et l’exportation. Le gouvernement a sa part de responsabilité dans cette dynamique, car les communautés ont besoin de renforcement de capacité, d’infrastructures et d’équipements adéquats pour travailler.

En exemple, la province du Yatenga, dans le Nord, est connue pour ses grandes productions et exportations d’oignons et de pommes de terre, appuyées, il est vrai, par des ONG qui ont mis l’accent sur le renforcement des techniques culturales et d’irrigation adaptées aux terres sèches de cette région. Dans la région du Centre Sud, les communautés rurales produisent des tubercules comme l’igname et la patate douce, dont une grande partie est exportée vers la capitale, les centres urbains et les pays voisins. L’économie du Burkina Faso reste très exposée aux aléas climatiques, malgré quelques efforts non négligeables du gouvernement pour réduire cette dépendance. En effet, le pays a investi dans la construction de barrages hydroélectriques et d’aménagements hydro-agricoles (vallée du Sou, vallée du Sourou, barrage de Bagré, etc.), autour desquels des individus et des groupements s’attèlent à cultiver, avec des équipements plus ou moins performants.

Les femmes participent à toutes ces productions agricoles, mais elles le font pour le compte de leur mari et de la famille. Les bénéfices des ventes des produits agricoles sont gérés par les hommes. Les femmes ont généralement de petites parcelles autour des concessions pour cultiver des légumes afin d’agrémenter les repas. Elles s’adonnent également à la cueillette qui leur procure des feuilles, des fruits et des tubercules, selon les saisons. Celles qui vivent non loin de voies fréquentées commercialisent une partie de leurs produits de cueillette et les légumes des jardins de case, afin d’obtenir de l’argent pour subvenir aux besoins de santé et d’éducation des enfants.

Bien que les femmes, encadrées par des ONG et des associations, cherchent à profiter de ces infrastructures mises à la disposition de la population, elles sont peu nombreuses à y trouver leur place en tant que productrices et entrepreneures. Les pesanteurs socio-culturelles et le patriarcat sont des obstacles difficilement franchissables pour la majorité d’entre elles, malgré leur envie de participer au développement local en tant qu’entrepreneures. Pourtant, les différentes approches théoriques pour l’implication des femmes dans le développement économique et social représentent l’un des longs combats des féministes. Aujourd’hui, les organismes internationaux (FMI, BM et les ONG) reconnaissent que « la surcharge de travail des femmes africaines entrave le développement économique du continent[1]».

Même si les taux de scolarisation et d’alphabétisation sont en hausse sensible au Burkina Faso, il demeure que les filles et les jeunes femmes sont bien vite déscolarisées pour être mariées et procréer. En 2013-2014, le taux national de scolarisation au primaire (TNS) est estimé à 64,7% pour les garçons et 64,2% pour les filles. Au collège, ce taux chute de façon drastique pour atteindre 23,8% pour les garçons et 21,9% pour les filles[2]. Ce manque d’instruction des filles a une répercussion sur l’éducation et la santé des enfants. Elles sont mariées au cours de leur adolescence, alors qu’elles sont encore en train d’assimiler les pratiques culturelles et sociales qui devraient faire d’elles des femmes. Ainsi, cette inculcation se fait sans créativité, dans un système de reproduction sociale inappropriée, mais respectueux de la coutume. Elles vont se retrouver dans des tâches d’adultes avant leur dix-huitième année, où elles devront elles-mêmes s’occuper de bébés et de la famille.

L’OMS estime que la grande majorité des décès maternels et infantiles dans le monde se produit dans les régions les plus pauvres, notamment en Afrique francophone, dans les pays où « les couples mère-enfant les plus à risque de mortalité sont les plus pauvres […] qui résident loin des services de santé et dont les mères sont les moins instruites » (Audibert et Kondji Kondji, 2015 : 87).

Les jeunes femmes sont soumises à des accouchements multiples et à risque. Le Burkina Faso est l’un des pays où le taux de mortalité maternelle et néonatale est le plus élevé au monde (UNICEF, 2012). De plus, les séquelles de ces nombreuses grossesses les handicapent à vie, restreignant de fait leur dynamisme et leur créativité. Dans un cas extrême de maladie et de handicap (fistules obstétricales), elles sont exclues de la famille et de la société. Les femmes traitées de sorcières et exclues de leur communauté sont nombreuses à se retrouver dans les centres sociaux urbains (Djomhoué 2013), comme le centre social Delwendé à Ouagadougou.

En 2002, le ministère de la Santé estimait l’incidence des fistules obstétricales externes à 6 pour 10 000 femmes ayant accouché. L’âge médian des femmes souffrant de fistules était de 25 ans, 96,3% de ces femmes étant des femmes au foyer, sans revenu propre. Les principaux facteurs favorisant la survenue des fistules obstétricales sont le travail prolongé lors de l’accouchement et les grossesses survenant à un âge précoce. Ces données montrent bien que de nombreuses jeunes filles mariées dans leur adolescence sont handicapées très vite par des problèmes de santé qui les empêchent ensuite de participer activement à des activités créatives et entrepreneuriales.

Les femmes ne sont que peu ou pas instruites et ne savent pas se faire encadrer par les personnes compétentes dans leurs entreprises. Cela montre leur méfiance et leur manque de confiance en elles. Or, l’autonomisation économique des femmes a pour vocation de renforcer l’efficacité du développement, en générant plus de croissance économique. Comme le souligne Marguerite Monnet (1998), les femmes se heurtent à des contraintes liées à leur statut et à leur position socioculturelle.

L’autonomisation des femmes ne peut se faire que par l’éducation et de meilleurs services de proximité en santé. Un aspect à analyser en profondeur est la problématique des grossesses précoces à l’école, dont de nombreux responsables sont les éducateurs eux-mêmes, ce qui montre encore une fois la soumission de la fille et de la jeune femme à ce qu’elle estime être une autorité, à savoir un homme adulte et instruit.

L’hypothèse que nous mettons en avant est que la vulnérabilité sanitaire de la femme burkinabè et son manque d’autonomie économique constituent un frein puissant à l’émergence économique et sociale du Burkina Faso.

Les questions de recherche sont les suivantes :

  • Quels sont les problèmes de santé récurrents qui sont un facteur limitant pour l’entreprenariat féminin au Burkina Faso?
  • Quelles sont les potentialités des femmes dans le domaine de l’entreprenariat familial pour sa contribution au développement?

L’objectif principal de cette étude est de montrer comment l’amélioration de la santé de la femme peut être un facteur d’ouverture au développement socio-économique. À travers une analyse sur la santé maternelle et sur le manque d’autonomie sociale des femmes, nous voudrions montrer comment le développement local est basé sur la créativité et l’initiative entrepreneuriale des femmes. Ainsi, l’autonomie économique et la solidarité féminine sont deux puissants déterminants qui ont toute leur importance dans le bien-être des femmes, des enfants et des familles.

Méthodes et matériels

Nous avons recherché la définition de certains concepts qui nous paraissaient importants pour avoir une lecture objective de l’entreprenariat féminin et de la santé des femmes au Burkina Faso. Ainsi, nous avons emprunté au Rapport sur la situation socioéconomique des femmes (RGPH 2006, Thème 12), la définition sur les femmes au foyer et à Marguerite Bonnet, une spécialiste de la question du genre, les définitions sur le genre et le sexe.

Les analyses de 2010 et 2012 faites par l’UNICEF sur la situation de la femme et de l’enfant au Burkina Faso sont basées sur les statistiques de l’INSD. Elles comprennent de nombreuses informations qui permettent de faire des corrélations entre l’économie, la santé des femmes et le développement local.

Pour faire le lien entre l’économie locale et la santé de la femme, nous avons consulté de la documentation, notamment les statistiques nationales et des ouvrages traitant de l’économie marchande et entrepreneuriale au Burkina Faso. En plus de la documentation sur l’entreprenariat féminin, nous avons également utilisé des données d’une enquête menée en juillet et en août 2016 sur la mortalité néonatale dans la région de Dédougou et les pratiques familiales sur le nouveau-né, qui montre la soumission de la femme aux traditions et aux décisions des hommes.

Définitions de concepts et revue de littérature

La femme au foyer est considérée dans le rapport de l’UNICEF (2010) comme celle qui n’exerce aucune activité agricole, artisanale ou commerciale et qui effectue les travaux ménagers chez elle. Généralement, il s’agit d’une femme nouvellement mariée, mère d’enfants en très bas âge.

Les femmes occupent de plus en plus de place dans la vie économique et sociale du Burkina Faso. Il est désormais reconnu mondialement qu’il ne peut y avoir de développement sans la pleine participation des femmes au processus. En effet, c’est en 1975, lors de la conférence des Nations Unies marquant l’année internationale de la femme, que le phénomène a été reconnu pour la première fois.

Au Burkina Faso, on compte environ 51 580 entreprises, toutes catégories confondues. Selon le recensement de 2004, 31% du total des femmes entrepreneures sont dans le commerce, contre 28% dans l’agro-alimentaire et 43% dans les services (Maré, 2010).

L’esprit d’entreprise est l’aptitude créative de l’individu, isolé ou au sein d’une organisation, à identifier une opportunité et à la saisir pour produire une nouvelle valeur ou un succès économique.

Il s’agit, selon Émile Dialla (2004 : 5), d’un « vaste champ d’activités où se mêlent à la fois opportunité, sens des affaires, prise de risques, innovation, invention, créativité, intuition, persévérance, sens de l’organisation, etc., pour aboutir à la création de richesses ».

Le concept d’économie sociale et solidaire désigne un ensemble d’entreprises organisées sous forme de coopératives,  de mutuelles et d’associations, dont le fonctionnement interne et les activités sont fondées sur un principe de solidarité et d’utilité sociale[3]. Il s’agit d’un mode d’entreprenariat conciliant solidarité et performances économiques, utilité sociale et efficacité.

Cependant, les femmes rencontrent des difficultés et des contraintes pour développer une entreprise même au niveau familial. Plusieurs facteurs limitent leurs actions en matière d’entreprenariat, comme le fait de ne pas disposer de garanties pour l’accès au crédit (une terre ou un bien immobilier), le faible accès aux moyens de production (intrants, équipements modernes) et les contraintes familiales (enfants en bas-âge, les corvées de puisage d’eau et de recherche de bois, la préparation du repas). À ces facteurs s’ajoutent l’analphabétisme, leur faible niveau d’instruction et leur faible qualification professionnelle. Ce sont autant de facteurs qui non seulement limitent la qualité des activités, mais bloquent ou ralentissent surtout la formalisation des entreprises (Maré, 2010).

Quant au concept de genre, il se réfère aux « différences sociales entre les femmes et les hommes qui sont acquises, susceptibles de changer avec le temps et largement variables tant à l’intérieur que parmi les différentes cultures » (Monnet, 1998 : 7). Cette notion renvoie aux rôles des femmes et des hommes et la relation entre eux dans la société. Ainsi, Marguerite Monnet définit le genre de la manière suivante :

La notion de genre renvoie aux relations socialement construites entre hommes et femmes, relations qui varient selon les cultures, les religions, les facteurs économiques, géographiques et historiques. Le genre fait référence aux rôles, aux responsabilités, et aux statuts; il est le résultat d’un conditionnement social et dépend de facteurs tels que l’âge, l’ethnie, la classe sociale… Le genre varie dans l’espace et dans le temps, il est dynamique (ibid.).

En somme, ce sont les sociétés qui déterminent les caractéristiques féminines et masculines et assignent des rôles différents aux hommes et aux femmes dans le cadre de l’organisation de la communauté.

Ainsi, certaines sociétés africaines entretiennent un système de discrimination à l’égard des filles, notamment dans la préférence pour le garçon à la naissance ou l’allaitement prolongé du garçon et le moindre accès des filles à la scolarisation (Monnet, 1998 : 7). Par la suite, il y a une discrimination à l’égard des femmes, par exemple, dans le moindre accès aux ressources, au contrôle de ces ressources, aux instances de décisions[4], mais plus encore dans leur maintien dans les travaux ménagers et les corvées dévolues à l’entretien de la famille et de la concession.

Marguerite Monnet fait une différence entre les deux notions de genre et sexe. La définition qu’elle donne à la notion de sexe est la suivante :

La notion de sexe renvoie aux différences biologiques entre hommes et femmes. Le sexe est inné : l’individu vient au monde en étant de sexe masculin ou de sexe féminin; de ce point de vue, le sexe est universel : quelle que soit sa race, sa religion…, l’homme ou la femme a les mêmes fonctions biologiques. Le sexe ne varie ni dans l’espace ni dans le temps : il est immuable (ibid.).

Ainsi, la grossesse, l’accouchement et l’allaitement maternel sont des rôles liés au sexe. En revanche, l’homme et la femme peuvent faire la cuisine, mais généralement, la femme fait la cuisine sous forme de tâche domestique obligatoire et sans salaire, alors que l’homme l’exerce sous forme de métier de cuisinier. Également, en milieu rural africain, la corvée de l’eau et de bois revient à la femme, alors que l’homme peut devenir bucheron ou vendeur d’eau. Ce sont les perceptions liées aux traditions et coutumes qui font le statut de l’homme et de la femme.

Nous remarquons néanmoins que dans les rapports des ONG, associations et même des organismes internationaux (UNICEF), l’entreprenariat féminin dans les pays en développement est souvent considéré par rapport à la force de travail et à la main-d’œuvre féminine et enfantine. Elle est rarement analysée sous l’angle des capacités féminines mises à mal par leur santé défaillante et leur condition de femmes soumises à des règles de vie sociétales qui leur laissent peu de place en tant que décideuses, ne serait-ce que de leur propre vie. L’étude de Dabat et al. (2014) souligne néanmoins cette difficulté des femmes de passer après les hommes quand il faut entreprendre en milieu rural. De même, une étude sur la santé publique en Afrique francophone montre comment la santé de la population est intimement liée au développement socio-économique local et national (Audibert et Kondji Kondji, 2015).

Résultats

Notre objectif est de montrer le lien existant entre la santé précaire de la femme et le manque de développement socioéconomique au niveau local.

La santé précaire des femmes, facteur influençant de l’entreprenariat féminin

Les jeunes femmes constituent la force ouvrière familiale. Leur état de santé préoccupant n’est pas en faveur du développement local. En effet, la malnutrition chronique est un phénomène très fréquent au Burkina Faso, surtout en milieu rural, et cela est particulièrement grave pour les enfants en bas âge et les femmes en âge de procréer. Peu ou pas instruites, elles ont tendance à la soumission la plus totale et à un manque de réflexion sur ce qui pourrait être le mieux pour leurs enfants. Le manque d’assainissement et d’eau aggrave cette réalité, car ce sont elles qui pourvoient la famille en services divers pour l’entretien et la survie des membres de la communauté.

La question de l’entretien et de l’hygiène aux nouveau-nés est cruciale et les décès qui y sont liés sont nombreux (UNICEF, 2012). La prise en charge dépend de la réactivité de la mère, mais cette question épineuse met l’accent surtout sur les conditions de vie dans lesquelles les mères et les enfants vivent à domicile et les connaissances personnelles et collectives sur l’entretien d’un nouveau-né. Le système social patriarcal est conservateur et reste centré sur la tradition. Le changement social et les nouveaux savoirs s’intègrent difficilement et la soumission de la femme au système culturel et ses craintes à s’ouvrir à l’extérieur se reflètent ne serait-ce que dans ses difficultés à comprendre et intégrer les pratiques des soignant-e-s.

Les femmes ont tendance à utiliser l’économie informelle et non-monétaire quand elles n’ont pas accès à l’entreprenariat. La production de rente, comme le coton, qui assure les revenus de la famille est gérée par le chef de famille. Le petit commerce qui assure aux femmes quelques menus revenus ne leur permet pas d’avoir une autonomie. Elles restent assujetties à la décision du chef de famille dans tout ce qui concerne leur santé et celle de leurs enfants.

Elles travaillent dans le champ familial avec l’ensemble de la famille. Elles ne peuvent pas se soustraire aux tâches collectives sans l’autorisation du chef de famille. Quand l’accouchement devient imminent, elles sont évacuées vers la formation sanitaire locale. Ces maternités villageoises n’ont que peu de personnel formé et pas ou peu d’équipements, et le retard dans la référence commence à ce niveau.

Un agent de santé explique :

Il y a la référence tardive. La plupart de nos morts, mort fœtale, elles viennent et l’enfant est déjà mort… Vous allez voir en hivernage, le taux est un peu élevé parce que nous sommes dans les travaux champêtres. Les agents peuvent décider d’évacuer et les parents voient déjà le retard que ça va causer dans les travaux. Si tu prends un cultivateur, s’il va laisser son champ et venir faire une semaine à Dédougou, c’est pas du tout évident. On dit que c’est gratuit, mais lui est-ce que manger là c’est gratuit?

L’agent de santé met à nu plusieurs réalités sociales. Dans un premier temps, la famille a besoin de la femme même enceinte, comme main-d’œuvre, surtout en période hivernale. Une femme évacuée en ville pour accoucher revient relativement cher à la famille, même si la prise en charge sanitaire est acquise. La famille doit donc chercher des accompagnant-e-s pour suivre la femme qui va accoucher en milieu urbain. La santé de la femme et de l’enfant reste directement liée à l’autorité du chef de famille et non pas à celle de la femme. Ainsi un grand nombre de femmes accouchent encore à domicile, car la décision ne leur revient pas. Il s’agit d’une décision économique et non de santé.

C’est le patriarche qui décide à quel moment la femme reprendra le travail à domicile et dans les champs. La question de la santé de la femme entre très peu en ligne de compte quand la question de la survie du groupe familial est mise en avant.

Un enquêté résidant à Tchériba sur la route de Ouagadougou a trois enfants. Avec son frère, il a accompagné sa femme qui a mis au monde son quatrième enfant. Il explique :

Pendant la saison des pluies, nous cultivons et après la saison des pluies, les femmes font le petit commerce au marché ou au bord de la voie.

Très peu parviennent à mettre en place de petites entreprises de transformation de céréales pour donner de la valeur à leur commerce. Elles sont organisées en coopérative ou en association pour se venir en appui, mais rares sont ces associations endogènes qui réussissent à se développer sans un appui extérieur. À Ouagadougou, à Bobo-Dioulasso, à Dédougou, à Koudougou et dans bien d’autres centres urbains, de nombreuses femmes ont développé des innovations dans le domaine de la transformation des fruits et légumes ainsi que des céréales. Elles ont développé leurs contacts extérieurs et participé à des formations qui ont multiplié leur réceptivité et leur capacité de création de richesses. Elles vivent en milieu urbain et puisent leurs ressources auprès de leurs consœurs des milieux ruraux, qui ont moins d’autonomie qu’elles. Une quinzaine d’entre elles, venant de villes du Burkina Faso, ont participé au Forum national de la recherche scientifique et technologique (FRSIT) qui s’est déroulé du 19 au 26 novembre 2016 à Ouagadougou. Elles ont été sélectionnées sur compétition pour offrir aux participant-e-s du forum et aux visiteurs et visiteuses des mets locaux originaux (FRSIT, 2006).

Une étude réalisée par Audibert et Kondji Kondji (2015 : 84) montre que la position sociale est liée à la santé. Les femmes qui ont une position sociale inférieure aux hommes dans la société rurale ont une santé plus précaire que celle des hommes. De même, quand les individus ont un réseau social fourni, la santé s’améliore.

En matière de santé, les statistiques nationales de 2006 (RGPH, 2006) mentionnent un taux de mortalité maternelle de 330,4 pour 100 000 naissances vivant en milieu rural contre 173,8 en milieu urbain, avec un taux de fécondité de 6,6 enfants par femme en milieu rural et 4,5 enfants par femme en milieu urbain. Les jeunes femmes qui sont dans la période de procréation sont les plus à même de s’investir dans l’économie et le social. Cependant, elles sont freinées dans leur élan par leurs enfants en bas âge et les pesanteurs socio-culturelles. D’autres obstacles, comme l’analphabétisme et l’accès aux services sociaux (eau, assainissement, santé), sont des éléments importants dans le changement nécessaire des conditions de vie de la femme pour qu’elle puisse jouer un rôle prépondérant dans le développement local et national.

Selon les mêmes statistiques nationales de 2006, le taux d’occupation de la population de 15 à 64 ans s’élève à 98,3% pour les femmes et 97,0% pour les hommes. 81,8% des femmes au Burkina Faso, tous milieux de vie confondus, travaillent dans le secteur primaire. Le travail des femmes n’est pas considéré comme de l’entreprenariat rural féminin pour une économie sociale et solidaire. Il s’agit plutôt de rôle et de statut social, qui n’est pas rémunéré et qui fait de la femme une personne corvéable à souhait pour le bien-être de la famille. Son travail familial et social n’est pas organisé pour être rentable pour elle et pour sa famille du point de vue économique. Pourtant, il est possible de rentabiliser certaines activités féminines réalisées dans le domaine familial, afin qu’elles puissent obtenir des avantages tant sociaux que pécuniaires. Pour cela, il faudrait une toute autre organisation du travail familial et plus d’autonomie de décision pour les femmes afin qu’elles aient la capacité de conceptualiser et de créer; ce dont elles sont capables, car elles l’ont montré dans de nombreux contextes.

Les potentialités des femmes burkinabè dans l’entreprenariat social et économique

Les études du Fonds de développement des Nations unies pour la femme (UNIFEM) montrent que le développement de l’entreprenariat féminin a un impact positif significatif sur la réduction de la pauvreté des ménages.

Les femmes sont victimes des inégalités et des injustices, mais elles restent les acteurs-clés du changement. Puisque la pauvreté les concerne tout particulièrement, elles doivent être au centre de toutes les stratégies visant à lutter contre ce fléau. Elles sont présentes dans tous les secteurs de l’économie et sont surtout présentes dans l’économie informelle, car elles manquent de financement, ce qui représente un frein au développement de leurs initiatives entrepreneuriales.

Au Burkina Faso, la promotion de l’entreprenariat féminin est mise en œuvre par le gouvernement et les ONG. Des initiatives sont développées, notamment en direction des femmes du monde rural. Le faible niveau d’instruction et de qualification des femmes ne joue pas en leur faveur dans la créativité et l’initiative entrepreneuriale parce qu’elles ont très peu accès aux ressources économiques (le foncier notamment). Elles et leurs enfants se mettent au service des investissements de leur conjoint ou de la famille, sans retour économique. Malgré la hausse du taux de scolarisation des filles au Burkina Faso, celles-ci sont les premières concernées par le décrochage scolaire, généralement pour des raisons économiques ou de mariage.

Le groupe d’âge des 20-24 ans compte le plus de femmes au foyer. Ce sont celles qui ont beaucoup d’enfants en bas âge. Ce statut social leur est imposé sur le plan culturel par leurs obligations d’épouse et de mère et, ainsi, elles ont peu accès aux programmes économiques de développement rural.

Lorsqu’on parle d’économie entrepreneuriale ou d’économie marchande, il s’agit de travail générant un produit commercialisable. Majoritairement, les entrepreneures sont actives dans les domaines qui n’exigent pas de niveau de formation spécifique. Il s’agit de secteurs traditionnellement féminins qui nécessitent moins d’investissement ou de formation, notamment le commerce et l’agro-alimentaire (Maré, 2010).

Néanmoins, depuis une vingtaine d’années, de plus en plus de femmes s’investissent dans le domaine de la production de denrées alimentaires. Cette production est généralement réservée à l’autoconsommation familiale, dans l’accomplissement de leurs tâches ménagères et d’économie de subsistance. Cependant, avec la hausse de la demande urbaine en consommation de produits locaux, ce domaine devient un créneau rentable pour des associations féminines et des femmes leaders.

Selon le GRET[5], une ONG française qui appuie les groupements féminins dans la transformation du beurre de karité, les difficultés que rencontrent les femmes ont trait à l’inégale division du travail au sein de la famille, qui les empêche de développer de petites entreprises de commercialisation, surtout en période hivernale durant laquelle elles travaillent à plein temps dans les champs familiaux (Dabat, Ouedraogo, Yoda et Zongo, 2012 : 205).

Les hommes expliquent que en tant que chefs de famille, ils ont le devoir de gérer des revenus plus importants que les femmes, ce qui leur donne le droit de récupérer les activités de production les plus rentables (ibid.). Les femmes se soumettent à ce trait culturel patriarcal et montrent ainsi, selon le GRET, leur manque de confiance en leur capacité à gérer une petite entreprise familiale génératrice de revenus. Elles vivent dans la concession du mari où elles n’ont aucune possession qu’elles pourraient revendiquer. Cependant, avec la monétarisation croissante de l’économie rurale, les hommes s’accaparent, à travers leurs organisations mieux appuyées et financées, les activités les plus rentables comme la production cotonnière, laitière, la gomme arabique et même les produits non-ligneux. Les femmes perdent leurs activités traditionnelles et sont utilisées comme de la main-d’œuvre, ce qui conduit à une précarisation de leur statut tant social qu’économique, qui se fait de plus en plus sentir avec la dégradation des ressources naturelles. C’est le cas des activités de cueillette et de transformation de produits non-ligneux dont la commercialisation prend de l’ampleur. Les hommes se retrouvent nombreux dans la commercialisation de produits comme le beurre de karité, la gomme arabique ou le souchet, qui sont devenus des produits très demandés et rentables.

Nous avons constaté sur le terrain que, bien qu’elles soient organisées en associations, les femmes maraichères doivent attendre que les hommes aient terminé leurs activités agricoles pour bénéficier des équipements. De même, à la récolte des oignons et autres produits maraichers rapidement périssables, les hommes utilisent en priorité les charrettes et les vélos ainsi que les camions de transport pour vendre leur production. Les femmes subissent ainsi de nombreuses pertes de leurs récoltes et généralement se contentent d’écouler leurs produits dans les marchés voisins ou aux abords de routes fréquentées[6].

Les femmes sont surtout habituées à des regroupements dont les règles de fonctionnement sont basées sur des critères de parenté ou culturels. Elles se sentent parfaitement à l’aise dans des associations dirigées par des femmes leaders, souvent issues du milieu urbain. Elles suivent un système de règles lignagères et générationnelles (position du mari, âge, rang d’épouse, ainée ou cadette, etc.). Les plus jeunes constituent la force de travail, les femmes en âge de procréer sont la source du capital et les femmes âgées la source de connaissance. Un nouvel environnement social et économique, qu’elles ont parfois du mal à maitriser hors du système traditionnel de référence sociale, s’offre à elles (Dabat, Ouedraogo, Yoda et Zongo, 2012 : 217).

Ancrées dans leur manque de confiance en elles, elles ne prennent pas de décision sans l’aval des hommes, mari ou père. Avec l’appui des ONG et associations, la situation évolue quelque peu, selon les provinces et la dynamique des femmes dans le développement agricole.

Conclusion

Cette étude a pour objectif de montrer que l’accès des femmes à de meilleures conditions de vie, à l’instruction et à des formations les amèneront à mieux s’investir dans le développement local. Elles apprendront à prendre des décisions et à avoir confiance en leur capacité entrepreunariale. Pour le moment, les femmes, en milieu rural notamment, sont soumises aux pesanteurs sociales et culturelles et tant qu’elles sont dans la période de procréation, elles subissent les traditions et coutumes qui exigent d’elles un investissement prioritairement pour la famille, quelles que soit les difficultés qu’elles peuvent éprouver en matière de santé.

Assurer leur autonomie économique et financière est une étape indispensable afin de libérer les forces créatrices de richesse en Afrique.

Les coutumes ancestrales sont parfois lourdes à supporter par les femmes et les jeunes qui ont envie de changements sociaux et de nouvelles dynamiques. C’est l’une des causes principales de l’exode rural des jeunes, mais aussi de plus en plus de jeunes filles qui cherchent à échapper au mariage précoce et aux travaux champêtres dépourvus de technologies et exigeant de gros efforts physiques.

Il est important que les décideurs et décideuses politiques en prennent conscience afin de permettre une meilleure synergie des programmes budgétaires ciblant l’économie, la santé et l’éducation. Il est aussi nécessaire de renforcer les programmes de santé et d’éducation des filles et des femmes surtout dans la qualité de l’offre, afin qu’elles puissent participer au mieux au développement socio-économique national à travers leur créativité et leurs initiatives privées et collectives.

Références

Attané, A., 2007, « Cérémonies de naissance et conception de la personne au Burkina Faso », L’Autre, vol. 8, n°3, Éd. La Pensée sauvage, pp. 21-35.

Audibert, M. & D. Kondji Kondji (dir.), 2015, Le développement sanitaire en Afrique francophone. Enjeux et perspectives post2015, Paris, L’Harmattan. 

Bernard, P., 2009, « La surcharge de travail des femmes africaines entrave le développement économique du continent », Le Monde, daté du 7 mars 2009.

Coyne, B., Godinot, X., Tran Q. et T. Viard, 2014, Pour un développement durable qui ne laisse personne de côté : le défi de l’après-2015 , France, Édition Quart monde, Rapport final. https://www.atd-quartmonde.org/wp-content/uploads/2015/07/RapportFinalOMDFrcsSept14.pdf.

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Pour citer :

Arcens Somé, Marie-Thérèse. 2020. « Santé et entreprenariat au féminin. Réflexions sur le cas du Burkina Faso ». In Vulnérabilités, santé et sociétés en Afrique contemporaine. Expériences plurielles. Sous la direction de Bouma Fernand Bationo et Augustin Palé, p. 115-132. Québec et Ouagadougou : Éditions science et bien commun.


  1. Cette phrase est le titre d’un article de Philippe Bernard paru dans le quotidien français Le Monde daté du 9 mars 2009.
  2. DGESS MENA et MESS. Annuaires statistiques de l’Éducation nationale de 2000-2001 à 2013-2014. Annuaires statistiques des enseignements post-primaire et secondaire de 2000-2001 à 2013-2014.
  3. Source : CEDEF, Qu'est-ce que l'économie sociale et solidaire? Accès en ligne : https://www.economie.gouv.fr/cedef/economie-sociale-et-solidaire
  4. Dans certaines sociétés, les femmes ont accès aux instances de décisions quand elles deviennent reine mère ou matriarche. Un homme a accès aux instances de décisions dès qu’il crée une famille.
  5. Le GRET a travaillé au Burkina Faso avec des fédérations de femmes transformatrices de beurre de karité et des femmes productrices de lait. L’ONG a montré que les femmes peules ont perdu petit à petit leur rôle de commercialisation du lait de vache au profit des hommes depuis l’évolution de la demande urbaine en lait.
  6. L’INERA avec l’IRSAT, l’INSS et l’ISRA ainsi que d’autres acteurs, a conçu un projet en 2013 intitulé « Mécanisation des opérations de production de la filière oignon » et financé par le FONRID. Une équipe a mené des visites de sites maraichers en 2012 pour identifier les techniques utilisées par les associations pour la production et la récoltes d’oignons.

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