Résumés en français
Femmes atteintes du cancer du col de l’utérus et accès aux soins dans la ville de Ouagadougou
Salifou Zeba
Quelles contraintes d’accès aux soins gynécologiques subissent les femmes burkinabè en milieu urbain? Cette étude tente de répondre à cette question à travers une enquête socio-anthropologique réalisée à Ouagadougou auprès de femmes atteintes du cancer du col de l’utérus, de femmes en quête de dépistage, de personnels de santé et de tradipraticien-ne-s. Les résultats démontrent que les acteurs et actrices ont une connaissance de la maladie à partir des campagnes d’information provenant des programmes de santé et présentent le cancer du col de l’utérus comme une maladie « dangereuse » et plus « mortelle » que le sida. Cette pathologie est qualifiée de maladie irréversible et « inguérissable », comme l’indique cette expression locale : mooré baanga si payolsidé (litt. : maladie qui ne s’apaise pas). Pour pallier les problèmes d’accès aux soins, les patientes se tournent vers les soins traditionnels et divers accompagnements spirituels.
Mots-clés : Maladie-Cancer du col de l’utérus-Représentations sociales-Ouagadougou-Mortalité
Vulnérabilité sociale et accouchements en milieu hospitalier dans le district sanitaire de Diapaga
Joseph Bazié et Bouma Fernand Bationo
À l’instar d’autres pays d’Afrique subsaharienne, le Burkina Faso connait une mortalité maternelle élevée : 341 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes (EDS, 2010). La promotion de la santé maternelle reste un défi majeur pour le pays et ses partenaires au développement. La présente étude se veut une approche qualitative sur la vulnérabilité sociale des accouchées à l’hôpital de Diapaga, en termes d’accès aux soins. À travers des entretiens et des observations, on constate que la vulnérabilité sociale de la majorité des accouchées est à la fois temporelle et spatiale. Elle se traduit par une déstructuration de leurs rapports sociaux qui peut aller jusqu’à l’isolement et l’exclusion, dans un contexte où les mécanismes communautaires et institutionnels d’entraide sont peu efficaces. Tout compte fait, l’assurance-maladie universelle semble être une alternative pour garantir l’équité dans l’accès aux soins obstétricaux au Burkina Faso.
Mots-clés : Vulnérabilité- Solidarité- Équité des soins-Santé de la reproduction-Diapaga-Burkina Faso
Soins palliatifs : vulnérabilité d’accès aux soins cliniques et pratiques populaires émergentes comme alternative au district sanitaire de Nouna
Hamidou Sanou, Moubassira Kagoné, Ilario Rossi, Maurice Yé, et Ali Sié
Dans un contexte de pauvreté des populations et du plateau technique médical, nombre de patient-e-s meurent à l’hôpital, dans des douleurs déchirantes, sans que les soignant-e-s ne puissent intervenir. Quelles solutions créatives les populations adoptent-elles, quand leur recours aux soins cliniques est limité dans l’accompagnement des patient-e-s en fin de vie? Le présent chapitre vise à explorer les facteurs de vulnérabilité qui influencent la prise en charge des patient-e-s en fin de vie et les stratégies adaptatives des populations dans l’aire du district sanitaire de Nouna (DSN). Plusieurs facteurs influencent l’accès des populations du DSN de Nouna aux soins et à l’accompagnement de fin de vie : l’insuffisance des infrastructures; l’indisponibilité des médicaments destinés aux soins palliatifs; le manque de personnels qualifié en soins palliatifs et des normes de la pratique médicale qui cloisonnent les responsabilités entre infirmier-e et médecin, en termes d’usage des médicaments. Outre ces obstacles, la précarité des conditions socioéconomiques des populations et les systèmes de représentations expliquent le faible, voire le non-recours aux soins palliatifs. Face à ces différentes vulnérabilités d’accès aux soins palliatifs, émergent des pratiques alternatives pour subvenir aux besoins physiologiques et humains des malades, comme l’usage d’encens, le recours à la religion et aux thérapies traditionnelles. La conjugaison de ces efforts d’accompagnement populaires résout, un tant soit peu, les préoccupations sociales, émotives et spirituelles du ou de la malade et de sa famille. Repenser les limites de la médecine curative s’avère nécessaire, afin de garantir une fin de vie digne aux patient-e-s.
Mots-clés : Soins palliatifs-Vulnérabilités-Accès aux soins-Pratiques populaires-District sanitaire-Nouna
Perception et riposte au VIH chez les personnes âgées dans la ville de Bobo-Dioulasso
Adjara Millogo, Anselme Sanon, Abdramane Berthé, Blahima Konaté, Isidore Tiandiogo Traoré, et Patrice Toé
En Afrique subsaharienne, les personnes âgées représentent 14% de la population adulte vivant avec le VIH (Negin et al., 2012), mais elles sont peu prises en compte dans la riposte au VIH. Menée à Bobo-Dioulasso entre 2014 et 2015, notre étude vise à décrire la perception de l’infection à VIH et à identifier les facteurs limitant le recours au dépistage chez les personnes âgées et leur prise en charge. Les personnes âgées perçoivent en effet le sida comme une « maladie des jeunes », « égale à la mort », « sans remède et honteuse à cause du tabou de la sexualité », marquée par « l’humiliation ». Il ressort également de l’étude que les personnes âgées ne sont pas ciblées par les activités de sensibilisation, et que leur infection est diagnostiquée tardivement. La perception négative du VIH et son attribution à des comportements déviants excluent de la riposte les personnes âgées, considérées comme chastes. Cette étude montre que les personnes âgées sont aussi vulnérables que les jeunes et méritent tout autant d’être prises en compte dans la riposte au VIH.
Mots-clés : Perception-VIH/sida-Personne âgée-Bobo-Dioulasso
Don et consommation néonatale du colostrum : pratiques, représentations et enjeux de santé publique au Burkina Faso
Ludovic Ouhonyioué Kibora et Roger Zerbo
Selon l’OMS, l’allaitement exclusif au sein diminue les risques de mortalité infantile imputable aux maladies courantes de l’enfance. Et la grande majorité des professionnels de santé reconnaissent que l’allaitement artificiel ne peut suppléer le lait de la mère, et particulièrement le colostrum. En effet, le lait artificiel n’a pas la qualité nutritionnelle du lait maternel. De plus, les règles d’hygiène ne sont pas observées par les femmes qui optent pour l’allaitement artificiel, ce qui peut causer des maladies et la mort du nourrisson. Bien qu’il existe des situations nécessitant un recours obligatoire à l’allaitement artificiel, l’allaitement artificiel a par ailleurs un coût économique important pour les familles. Il s’avère donc important de donner aux femmes les moyens nécessaires pour réussir la pratique de l’allaitement maternel dans leur famille, dans la communauté, sur leur lieu de travail et également en situation d’urgence.
Mots-clés : Allaitement-Santé publique-Colostrum-Enfant-Burkina Faso
Santé et entreprenariat au féminin : réflexions sur le cas du Burkina Faso
Marie-Thérèse Arcens Somé
Cette étude a pour objectif de montrer la corrélation entre les contre-performances féminines dans le domaine entrepreneurial et la santé précaire de ces dernières, notamment dans le monde rural. Les femmes burkinabè participent à toutes les activités sociales et économiques au sein des communautés villageoises. Cependant, elles sont soumises à des traditions et rites qui détériorent leur santé, alors qu’il leur est demandé de donner à la société leur force de travail dans sa totalité pour l’éducation des enfants, la production agricole et l’entretien de la famille. Des études réalisées sur la femme et l’enfant au Burkina Faso et les statistiques de l’Institut National des Statistiques et de la Démographie (INSD) montrent que le manque d’instruction des femmes est un obstacle au changement de comportements en santé, en assainissement et en hygiène. Mettre l’accent sur le lien primordial entre santé et entreprenariat féminin est essentiel. Le manque de confiance des femmes en elles-mêmes et leur incapacité à décider de leur vie et de celle de leurs enfants influent négativement sur le développement local et les innovations.
Mots-clés : Entreprenariat féminin-Santé-Économie locale-Vulnérabilité
Expériences associatives dans l’action publique en faveur des populations vulnérables : cas de AAS et REVS+ au Burkina Faso
Kamba André Soubeiga
La fin des années 1990 voit au Burkina Faso la floraison d’associations et ONG dans le champ de la lutte contre le sida. Cette recherche s’intéresse à l’expérience de deux d’entre elles (AAS et REVS+) qui furent les premières structures (dès 1998) à proposer aux personnes infectées et affectées par le VIH/sida une prise en charge multiforme (y compris par les ARV), et ce, bien avant l’État. Les multiples dimensions induites par la prise en charge des personnes infectées (prévention, soins, accompagnement psychosocial, etc.) et par le management associatif dans un environnement normatif et financier bien balisé par l’État et les bailleurs internationaux, sont révélatrices d’une complexification croissante de la conduite de l’action publique qui appelle, de la part des structures associatives, une adaptation à cette évolution et l’offre de réponses appropriées. En tant que partenaires incontournables du système de santé, les structures associatives légitiment leur utilité sociale en agissant dans le cadre de l’intérêt général.
Mots-clés : Associations-Action publique-VIH/sida-Populations vulnérables-Burkina Faso
La vulnérabilisation des femmes africaines et séropositives en contexte migratoire
Laura Mellini, Francesca Poglia Mileti, et Michela Villani
Les femmes séropositives d’origine subsaharienne vivant en contexte migratoire cumulent les vulnérabilités, en lien avec leurs conditions de migrantes, de malades et de femmes. La précarité des statuts légaux (permis de séjour) conjuguée au manque de ressources sociales, économiques, matérielles et au caractère socialement stigmatisant du VIH/sida placent ces femmes dans des positions de minorité, de dépendance, voire de soumission. Cet article est basé sur deux études de cas tirés d’une enquête qualitative menée en Suisse auprès de 30 femmes séropositives originaires de l’Afrique subsaharienne. Il montre que ce cumul de désavantages engendre un processus de vulnérabilisation, soumettant ces femmes à stigmatisation, exclusion sociale, domination et exploitation. Pour rester dans le pays d’accueil et continuer de bénéficier d’un traitement médical, les femmes en question n’ont souvent pas d’autres options que de se soumettre aux attentes des institutions, notamment dans le domaine de la migration, accepter des conditions de travail précaires ou dégradantes et endurer des relations de couple pouvant être abusives.
Mots-clés : Femme-Migration-Séropositivité-Accès aux soins-Stigmatisation-Afrique subsaharienne
Éduquer et soigner avec Kant : la route éducative vers l’humain
Fatié Ouattara
Le lien entre l’éducation et la santé n’est pas surprenant. L’ignorance est pour le philosophe-éducateur ce que la maladie est pour le médecin généraliste, quoique le type ou la nature du soin ainsi que sa modalité diffèrent d’un domaine à l’autre. Mais ce qu’ils ont en commun, c’est que le processus de guérison qui est suivi dans les deux cas intègre le souci de l’altérité, du patient comme de l’ignorant. C’est cet autre « moi » que le médecin ou l’éducateur aide à sortir de sa situation d’être souffreteux, vulnérable, fragile, faible et pauvre. La présente réflexion montre, en effet, que l’ignorance est une maladie qui persiste, qui attaque à la fois le corps, l’âme et l’esprit du patient ou de la patiente qu’est l’ignorant-e, maladie dont on ne guérit jamais totalement parce que l’être humain est un éternel élève : il apprendra toujours d’autrui et du monde.
Mots-clés : Éducation-Altérité-Maladie-Soin-Ignorance