2 Littérature-monde ou littérature-mode?
Éloge du copiage chez Sami Tchak et Alain Mabanckou
Adama Coulibaly
La querelle autour du roman Devoir de violence (Ouologuem 1968) trouve ses origines dans un article au vitriol publié en 1970 lors d’un colloque à Laval. Eric Sellin (1971) s’en prenait alors au premier roman de Yambo Ouologuem dont il tentait de démonter la réussite en montrant qu’il s’agissait d’une œuvre plagiaire ayant repris des passages de Schwart-Bart, entre autres. La lecture que je propose dans ce chapitre de deux textes de Sami Tchack (2001, 2003) et d’Alain Mabanckou (2003, 2005) se situe en plein dans le champ de cette question du copiage et de la récriture. Ces deux auteurs partagent un air de famille dans leurs techniques d’écriture. À l’analyse, on constate même que des techniques, des stratégies ou des configurations narratives et discursives embryonnaires chez Tchak éclatent de mille flammes chez Mabanckou. Toutefois, l’antériorité est moins ici un postulat de contamination ou d’influence que le lieu de constat de ce que, peut-être, la question de la littérature-monde se joue aussi dans une sorte de migrance littéraire. De fait, les ressemblances sont si nombreuses qui prennent fond sur l’hyper-réalisme (de l’intertextualité outrancière de recomposition, à la violence, à la sexualité débridée) que l’on ne peut y lire simplement un hasard.
Ce chapitre interroge cette sorte de recyclage littéraire ou culturel sous le sceau d’une inscription de la mode, et peut-être de l’artifice, comme catégorie esthétique dominante en littérature. Loin d’une postulation d’une théorie des influences, mon hypothèse est que la dynamique littéraire dans laquelle ces deux auteurs s’inscrivent les autorise à copier, à recycler, voire à plagier des techniques, des pratiques, des configurations narratives et discursives butinées çà et là. Plagiat esthétique d’un moment transesthétique qui fait valoir une… littérature–mode. Sans donner dans la moralisation, je tenterai de cerner une pratique d’écriture, une catégorie esthétique dans sa dynamique, dans sa prosodie, loin de la notion moderne ou moderniste de propriété. Le conflit est arrivé quand un premier a dit « ceci est à moi, et à moi seul », a dit Jean Jacques Rousseau dans son Discours sur l’inégalité.
Dans une approche comparative à partir de Verre cassé et d’African Psycho d’Alain Mabanckou et d’Hermina et de Place des fêtes de Sami Tchack, je montrerai que l’hyper-réalisme présent dans ces romans, tout en problématisant une réception ambiguë sur le continent africain, s’inscrit dans une tendance contemporaine de motivation extrême de la forme où ce que certains appellent la littérature monde ressemble plus à une littérature mode.
De la mode à la littérature-mode?
Je n’interroge pas ici la mode comme système ou microcosme du vêtir avec ses tendances, ses lois, ses codes. Ceci a bien été développé dans des travaux comme Le système de la mode de Roland Barthes ou Frédéric Monneyron dans La Sociologie de la mode (2006) ou La Frivolité essentielle. Du vêtement et de la mode (2001).
Parce que le système de la mode aboutit à une représentation du monde, Barthes observait que, sous un registre sémiotique, elle débouchait, en termes de construction rhétorique, sur une fonction métaphorique (où l’habit ou la mode indique un état du monde) et sur une autre voie, de l’ordre du paradoxe, où les signes de la mode fonctionnent comme objets ou situations avec une charge propre qui les soustrait à la métaphore générale et entendue de l’idéologique pour avoir une charge situationnelle. Pour Barthes, la prise en compte de ces deux aspects donne du relief à une sorte de roman de la Mode. Ce terme générique est lisible dans la double structure du système comme « code et sa rhétorique » (Barthes 1967, 276). Ces traits de la mode que Barthes met en évidence ne traduisent qu’un aspect de la mode qui intéresse mon analyse.
Ainsi, au cœur même de ce système, une dynamique de recommencement de l’ancien et du nouveau intéresse-t-elle l’acte de création romanesque. La mode prend alors le sens de phénomène de participation à une tendance, à une pratique. On parle aussi de fact of being in fashion, être à la mode, non sous l’angle strict du port d’un vestimentaire mais de la participation à une tendance, un courant, un mouvement, un effet d’adhésion (spontanée ou non) à une pratique (vestimentaire, de parole, de musique, une pratique alimentaire…) mise en circulation, adoptée par un ensemble de personnes pendant un temps donné. La mode alors répond aux traits du Mainstream de Frédéric Martel (2010) dans Enquête sur cette culture qui plait à tout le monde :
Le mot, difficile à traduire, signifie littéralement « dominant » ou « grand public », et s’emploie généralement pour un média, un programme de télévision ou un produit culturel qui vise une large audience. Le mainstream, c’est l’inverse de la contre-culture, de la subculture, des niches […] par extension, le mot concerne aussi une idée, un mouvement […] qui entend séduire tout le monde. (Martel 2010, 19)
La mode comme pratique, tendance, est spontanée ou cultivée, et a une durée. Elle marque un cycle de la nouveauté et est de l’ordre du paraître. Elle est devenue pratique culturelle autonome liée à la production et au consumérisme. Sur l’axe du temps, la mode a une forte productivité langagière avec un « « avant » et un « après » » (Barthes 1967, 304). Ainsi Monneyron rappelle-t-il que Paul Yonnet, dans son étude sur la mode, faisait valoir que la mode n’était pas linéaire mais intégrait trois types de durée ou de temporalité : des cycles courts, d’apparence éphémères, des cycles moyens et des cycles longs qui font figure d’acquisition culturelle définitive (Monneyron 2008, 39-40). De l’ordre de la cyclicité dans la consommation, la mode conjugue une historicité de l’éphémère, vu que rien ne dure vraiment et que le départ, jamais, ne laisse une place vacante. Elle acquiert ainsi une valeur culturelle où l’on parle de l’effet de mode (bandwagon effect) comme l’augmentation de la consommation d’un bien en raison de sa simple popularité.
La critique avance au moins trois tendances explicatives à l’effet de mode : deux anciennes, bien admises, et une qui fait son chemin au centre des luttes hégémoniques. On peut partir du simple principe d’évolution. De ce point de vue, le changement est dans la nature des choses. Ce qui n’évolue pas regresse ou meurt. La mode (amour pour la nouveauté) est différente de l’habitude (respect d’une tradition) et fonctionne comme refus de son propre passé. Elle dit l’opposition entre dynamisme et autarcie. Signe du consumérisme effréné, la mode est entretenue par la pression sociale incitant à un comportement conforme. Elle est moins un fétichisme de l’objet que sa possession dans l’air du temps, pour faire comme tout le monde[1]. La pression pour se conformer est alors si puissante qu’elle échappe à toute critique. Si un grand nombre de personnes pratiquent un comportement donné, il pourra être beaucoup plus facilement accepté. Cette pression est souvent entretenue par l’influence des médias qui peuvent littéralement modeler une société.
Phase historique de la démocratie (Lipovetsky 1983, 1987; Martel 2010), la mode actuelle s’inscrit également dans la logique d’influence culturelle de la mondialisation. On y perçoit le prolongement ou la traduction du Choc des civilisations de Samuel P. Huntington (2004) et l’exploitation qu’en propose Joseph Nye (2004). Ce dernier met en circulation la notion de Soft Power[2] qui serait l’influence du monde par la culture suscitée, entretenue, aménagée, voire conditionnée pour faire admettre une vision du monde hégémonique. Mais le Soft Power (la culture douce) est aujourd’hui un enjeu stratégique où chaque continent (chaque bloc civilisationnel) tente de créer des industries culturelles, industries de contenu qui font et défont les modes.
En substance, on peut avancer deux types de mode : l’une embryonnaire, voire locale ou régionale, et l’autre (le mainstream) plus structurée, accompagnée par une logistique sophistiquée de la persuasion et utilisée par les industries culturelles. Le mainstream se veut lieu de promotion de l’Art, mais des opinions existent pour disqualifier cette lecture. Dans tous les cas, les deux tendances sont deux modes qui se complètent et ont la même prosodie psychologique : au stade primaire, la mode semble être spontanée. Locales ou globales, ces modes sont des tendances collectives (de groupes), avec un fort ethos de la nouveauté, et se caractérisent comme l’univers de la fantaisie et de l’éphémère (vivre donc au présent) et de la séduction.
La conséquence en est que la mode implique une culture de masse dont on saisira globalement quatre fonctions : une fonction à la fois imitative et explicative, au sens aristotélicien où l’art imite la société, l’expliquant du même coup en donnant à voir certains de ses aspects. La mode fonctionne aussi à produire du Beau, des nouvelles normes du Beau. Autour du mainstream vestimentaire, on explique ainsi le passage d’une esthétique « classe » à une esthétique jeune (sportive, dégagée des contraintes, désinvolte envers les canons » :
Au moment où s’éclipse l’impératif du vêtement dispendieux, toutes les formes, tous les styles, tous les matériaux gagnent une légitimité de mode : le négligé, le brut, le déchiré, le décousu, le débraillé, l’usé, les charpies, l’effiloché […] À l’intégration moderniste de tous les sujets et de tous les matériaux dans le champ noble de l’art correspond maintenant la signification démocratique du jean délavé, des pulls avachis, des tennis élimés. (Lipovetsky 1987, 142-143)
On recycle les signes inférieurs donnant une dynamique bottom up à la mode qui touche toutes les couches. En somme, la mode impose la norme esthétique, une vision du monde, que cela soit avec ou sans le support des industries de culture. Elle fonctionne comme une machine de création et de jugement du goût d’une époque. Si les pratiques semblent anciennes, il faut faire observer qu’une des tendances de la mode dans les pays du Nord depuis les mouvements hippies (retour au passé, mélange du tradi-moderne, pour conquérir les marches de la World Music, Haute Couture, World literature etc.) est cette charge retro, vintage, comme on dit aujourd’hui. De la sorte, la mode n’échappe pas à la lecture d’une théorie du sujet, fonctionnant très souvent dans une logique du sujet sous influence, un sujet suggestible. Forme d’admission des instabilités des modèles, la succession des modes implique un consumérisme effréné et, conséquemment, l’ère d’un sujet insatiable : « Le règne ultime de la séduction, dit-on, annihile la culture, conduit à l’abêtissement généralisé à l’effondrement du citoyen libre et responsable […] » (Lipovetsky 1987, 15). En déclenchant un nouvel état du monde, la mode remplit aussi une fonction d’anticipation sociale confirmant l’idée selon laquelle la fonction de l’art n’est pas seulement d’imiter la nature, « mais […] elle est aussi, et surtout de créer des modèles propres à informer le réel et à structurer le social » (Monneyron 2001, 85).
Fondamentalement, l’analyse de la mode est interrogation de la dynamique sociale et plus encore, dans les pays du Nord, interrogation de la société de consommation caractérisée par les excès et toujours plus de production. Toutefois, au-delà du goût, il y a ce mouvement général des logiques d’influence : celles-ci ont pendant longtemps tenu à la qualité du produit avant de s’ouvrir à un dispositif de la persuasion qui s’affine, mais revient inlassablement pour toujours mieux inciter à consommer. La littérature n’échappe pas à cet environnement de l’influence.
Littérature en contexte de mode?
La question centrale est de savoir comment passer de considérations anthropologiques et sociologiques à la création littéraire. Comment exploiter ce dispositif en littérature? On retrouve les moyens du cheminement chez des auteurs et autrices qui ont mis en évidence des systèmes de biens symboliques entrant en conflit avec les biens marchands. De la dernière version de « L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique » de Walter Benjamin (2000) en passant par « L’industrie culturelle » d’Adorno (1964) avec l’ensemble de l’École de Francfort jusqu’aux Règles de l’art (Bourdieu 1992), on retrouve les éléments de ce rapprochement.
Analysant récemment l’esthétisation du monde, Lipovetsky rappelle que, pour le champ du capitalisme artiste, Andy Warhol est le point de basculement dans cet univers où « l’art et la mode se marient », un monde où s’effondrent les frontières de « l’Art et des affaires, de la copie et de l’original » (2013, 101). Il baptise cet extrême contemporain issu de la culture occidentale comme un « moment transesthétique où l’important est moins la création que la célébrité » (Lipovetsky 2013, 101). Ce changement de paradigme est possible, d’une part, parce que les nouvelles instances de consécration des talents sont confiées aux médias, lieux du « spectaculaire, de la communication, de la médiatisation » (Lipovetsky 2013, 102), mais aussi, d’autre part, parce que des techniques de création sont employées pour faire face à la demande. La création littéraire s’installe ainsi dans l’urgence, ce qui n’était pas son souci pendant longtemps où était privilégiée une sorte de fièvre romantique du créateur ou de la créatrice visités par la muse.
La dynamique engendrée par le capitalisme sur la production artistique et littéraire semble avoir fini par faire de la littérature, au Nord, un bien de consommation, un objet commercial marchandise comme bien d’autres produits. Or la conséquence de cette objectivation, outre le fait que les consommateurs soient devenus « secondaires », « un accessoire de la machinerie », selon le mot d’Adorno (en 1964 déjà), est que la création elle-même devient un objet de mode. À bon droit, on peut appliquer alors à la création le principe de mode, à partir du postulat que la littérature est lieu des traductions du dynamisme social. Si, en Europe, « la durée de vie moyenne d’un livre en librairie est à présent d’un peu plus de trois mois contre six mois il y a une génération » (Lipovetsky 2013, 89), c’est qu’il faut tenir les contraintes des présences aux rentrées littéraires et autres, et produire pour répondre à la demande comme dans une économie de marché : « Le capitalisme transesthétique est celui où la production est remodelée par les logiques « mode de l’éphémère et de la séduction », par un impératif de renouvellement et de créativité perpétuels » (Liopvetsky 2013, 89). C’est ce dont parle Meizoz (2007) sous l’angle de « posture », et d’autres sous l’angle de logique et d’occupation du champ.
L’analyse littéraire est ainsi conduite à entrouvrir l’impact d’une telle situation de proposition d’une littérature sous régime de mode à plusieurs conséquences. Je n’envisagerai ici que celles de l’histoire littéraire, du comparatisme et de sa pratique. C’est dire que la veine des études littéraires de la mode implique toujours une tension, une flexion par rapport à des habitudes qui peuvent être un point de lisibilité de l’histoire littéraire. En effet, la présence de mots comme « tendance », « courant », « mouvement », « culture » montre une bonne partie des accointances qui existent entre le champ global de la mode et celui de la création littéraire. En s’intéressant simplement au niveau de l’historiographie littéraire, il apparait que l’histoire littéraire fonctionne sur le mode de la mise en relief (celui de la nuance ou de la rupture), s’attachant à expliquer les mouvements de masse ou la particularité d’un créateur ou d’une créatrice à partir d’un contexte, d’une faille historique à partir d’un précurseur ou d’une précurseuse. Toutefois, elle n’intègre pas l’ethos de la mode sous l’angle du copiage, de la reprise, de la superficialité, de la récupération des recettes, des effets du paraître et de nouveauté salués par le public ou la critique qui accompagne la survenue d’une pratique.
L’autre versant de cette historiographie est soulignée par Moura dans « Études postcoloniales : pour une topique des études littéraires francophones » (2002). La section de son texte consacrée à la question des « études littéraires à l’âge global » revient sur le principe général des rapports de forces dans la création. Il constate que « cette étude des relations entre une œuvre résistant au colonialisme et un système qui l’environne de toutes parts et tend à nier son originalité est l’une des grande orientations de la critique postcoloniale » (Moura 2002, 54). La conséquence est la production d’un sens politique de la pratique littéraire avec deux effets : « soit elle donne une voix à qui n’a pas de voix, donne un nom à qui n’a pas de nom […], soit elle est capable d’imposer des modèles de langage, de vision de l’imagination, de travail mental, de mise en relation de données, créant des modèles-valeurs qui sont en même temps esthétique et éthique, essentiels pour tout projet d’action » (Moura 2002, 55).
Aujourd’hui, il semble que les études sur le mainstream induisent un niveau politique et idéologique et une nouvelle pragmatique de lecture face à cette poétique de l’interrelation tous azimuts. En littérature singulièrement, les appareils de légitimation — prix littéraires, résidences ou séjour d’écriture (qui ont leur effet de mode) et autres — font revenir ce problème au premier plan. Une telle approche réduit les accusations de plagiat pour faire analyser les œuvres dans l’esprit de leur contexte de création. Ce qu’on nommera plagiat, avec un geste d’accusation de vol ou de viol, se réduirait ainsi à lire des résurgences thématiques et techniques d’un auteur ou d’une autrice à l’autre.
Consécutivement, l’autre entrée est celle du comparatisme, pour conduire l’étude de la forme de la production culturelle (mode) dans ses rapports aux fonctions qui déterminent « le quotidien » et sa réception en littérature (récit, théâtre). On opérera une superposition à quatre niveaux. Il s’agira d’identifier la phénoménographie de la mode en question (support, forme de déploiement etc.), de s’interroger sur le niveau de verbalisation de l’objet mode en question (travail bien montré par Barthes) et de lire l’impact de l’affirmation de cette mode dans le cas analysé. La toile de fond de l’investigation est la prise en compte de ce qui fait la mode (son caractère spontané, le trait éphémère, tendanciel, et la vision du monde que la mode en question implique.) Un aspect important portera sur l’identification du phénomène pour savoir s’il est de l’ordre du local ou accompagné par les industries culturelles et si leur effet de médiatisation de masse est plus grand que les mouvements spontanés. D’une part, il est évident que la littérature et le cinéma tentent de tourner le dos à l’exotisme. Or la mode implique le paraître, voire la séduction non-stop. D’autre part, là où la littérature prétend à la durée (voire à l’éternité), la mode ne dure que le temps de sa passion. Comment donc concilier le principe de l’éphémère que la mode admet et la création qui veut durer?
En substance, la démarche ainsi esquissée implique plusieurs défis épistémologiques qui se complètent, notamment contre la doxa des créateurs et créatrices et une certaine idée de la création. Les traits mis en relief pour caractériser la mode (la nouveauté, la superficialité, l’éphémère, esprit de masse etc.) lui accolent une charge dépréciative pour les créateurs et créatrices qui prétendent au sérieux, à la sérénité, à la résistance face aux influences et aux bouleversements du monde. De la sorte, l’une des premières résistances ou réactions à laquelle il faut s’attendre, c’est le rejet de cette hypothèse par les créateurs et créatrices « Suivre la mode, quel crime abominable », diraient-ils et elles certainement. Qu’importe ! La critique a à analyser l’œuvre à l’aune du monde ou le monde à l’aune de l’œuvre. La tradition littéraire moderne repose sur le principe de la propriété, de l’authenticité et de l’aura de l’objet d’art. Or, la mode porte une part collective qu’elle recherche et qui lui donne sa puissance. Comment donc trancher une technique partagée par plusieurs auteurs et autrices?
Dans une perspective critique ou historique, la mode en littérature peut être un thème, objet d’enjeu stratégique de pouvoir, de représentation, et contribuer ainsi à une meilleure interrogation du social. Toutefois, cela n’est possible que dans une vraie tension interdisciplinaire et un décloisonnement des champs. Une telle approche rappelle la belle métaphore des missiles balistiques intelligents de Zygmunt Baumann dans La vie liquide (2013, 185-187). Autant d’observations qui rendent intéressant le cheminement de la mode au texte.
De Tchak à Mabanckou : entre mode et copiage esthétique
On pourra évoquer plusieurs types d’approche du plagiat pour mieux établir le rapport avec la mode. Au sens juridique et moderne, le plagiat assure et garantit la propriété. Ensuite, l’excellent article de Marie Dinclaux dans Palabres (« Le plagiat en droit, la contrefaçon en matière ») introduit la notion de contrefacteur (notamment dans le droit français). Dinclaux fait une mise au point utile. Elle parle surtout de contrefaçon : « Contrefaçon : on appelle ainsi la reproduction ou l’imitation frauduleuse de la chose d’autrui, faite contre les droits du propriétaire » (1997, 16). Ainsi malgré son usage courant, Marie Dinclaux observe que, dans le droit français, le plagiat
est absent des textes juridiques. En droit français, l’on parle, depuis l’existence de droits d’auteur, de contrefaçon définie dans un dictionnaire de droit de 1855 de la manière suivante : « Contrefaçon: on appelle ainsi la reproduction ou l’imitation frauduleuse de la chose d’autrui, faite contre les droits du propriétaire; Les art. 425 et suivants du Code pénal prévoient et punissent la contrefaçon en matière d’art » » (Delbreil 1855 cité par Dinclaux 1997, 16-17)
La contrefaçon serait décrite et définie par l’actuel Code de la propriété intellectuelle à l’art. L. 335-2. :
Toute édition d’écrits, de composition musicale, de dessin, de peinture ou de toute autre production, imprimé ou gravé [sic] en entier ou en partie, au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs, est une contrefaçon; et toute contrefaçon est un délit. (cité par Dinclaux 1997, 17)
À partir du rappel de plusieurs affaires d’accusation de plagiat en France, André Lucas (2002) arrive aussi à la conclusion que la démonstration du plagiat est extrêmement difficile, relevant presque de la « loterie ». Il conclut que les condamnations sont souvent prononcées pour des affaires « de copies quasi serviles d’œuvres scientifiques ou techniques » (Lucas 2002, 597).
Les lignes de défense touchent à la question de la création, de l’authenticité (propriété) mais aussi de la morale (vol/viol intellectuel) et à la chronologie (A vole ce que B a produit avant lui). Ce qui se joue sous le régime moderniste de la propriété exclusive, de l’unité, de l’antériorité comme critère de propriété et peut-être aussi de l’authenticité ramène à ce que Sophie Rabau traite de « ménardisme » dans le dossier N°17 de LTH (Littérature, Histoire, Théorie) de la plateforme Fabula. Cette première forme, d’essence juridique, donc privative pour les uns et attributive pour les autres, introduit au débat très philosophique du plagiat comme le procès de l’Un, de l’Unique et du particulier et du double. Un livre est-il condamné à n’exister que comme modèle unique? Y répondre rapidement par l’affirmative, c’est oublier ou négliger le fait que même dans la nature, les jumeaux existent. Vrais jumeaux ou faux jumeaux, le principe d’une duplication à l’identique n’est donc pas une lubie de créateur. Sophie Rabau a ainsi forgé le ménardisme, comme un néologisme lié à l’attitude de Pierre Ménard dans la nouvelle de Jorge Borgès « Don Quichotte de Pierre Menard, le nîmois ».
Dans la nouvelle, Ménard est troublé car convaincu que l’on ne peut écrire deux fois le même texte : « Les ravages du ménardisme sont […] procès en plagiat et autres, accusation de contrefaçon, dépenses inconsidérées des « auteurs » pour lancer des livres qu’ils croient avoir écrits, dévotion envers d’autres auteurs » (Rabau 2016). La trame de cette critique, très excentrique, soit « la pensée post-ménardienne », tourne autour de l’auto-attribution où « l’attribution ne ressortit pas à l’établissement d’un fait puisque de toute façon il est établi que je suis, comme tout le monde, l’auteur de tous les livres. Par quoi l’attribution est de l’ordre d’une élection, d’un choix, d’une volonté : je choisis les livres dont je veux être l’auteur.e » (Rabau 2016).
Cet article à la tonalité très relativiste rappelle l’argumentation par l’absurde (au sens temporel) qu’on retrouve sous le nom de « plagiat par anticipation » (Bayard 2009). Réfléchir sur la création littéraire, « réfléchir sur l’influence de l’avenir », raisonnement par l’absurde, voire raisonnement de type postmoderne, l’hypothèse de ce texte est que « les grands créateurs […] ont souvent été — telle est à la fois leur force et leur faiblesse — des plagiaires par anticipation » (Bayard 2009, 15). Conséquemment, « en s’obstinant à n’étudier que le jeu des influences dans une seule direction, il est possible que les historiens de la littérature aient inspiré à des générations de lecteurs une vision limitée, voire fallacieuse, de la succession des textes » (Bayard 2009, 16). Le relativisme mis en avant par Rabau et Bayard arrachent le plagiat aux foudres du droit exclusif pour entrevoir des approches d’essence esthétique comme cela commence à se poser dans la littérature africaine. On peut rappeler que les conclusions auxquelles Lucas étaient arrivées, sans inciter au plagiat, laissent la place à des phénomènes d’emprunts, de réécriture, de copier-coller.
Sans prétendre à l’exhaustivité, on peut citer trois travaux d’envergure sur la question et sur les orientations que la question du copiage ou d’un plagiat esthétique prend dans les littératures africaines : 1) le numéro 3-4 de la revue Palabres en 1997, 2) l’article de Boniface Mongo-Mboussa dans Africultures (2003) et les deux tomes de Plagiat et créativité (2008, 2011) de Jean-Louis Cornille et 3) Crimes d’auteurs d’Antony Mangeon (2016). L’approche synchronique de ces travaux montre une modification progressive et prudente où l’on sort de l’ornière de l’accusation, y voyant plutôt une technique avant la lettre ou en avance pour l’époque, pour finalement admettre l’hypothèse très osée d’une stratégie d’écriture, une stratégie qui prend toute sa place dans une société de la technicité, mais aussi de la surproduction de tout type de biens. La revue Palabres revient ainsi sur des cas d’école de la littérature africaine (ce qu’on pourrait appeler l’Affaire Beyala avec Les honneurs perdus (1996), mais aussi l’air de gémellité de textes de Sony Labou Tansi avec ceux de Gabriel García Márquez ou Le docker noir (1956) de Sembène Ousmane). Si la difficulté et la délicatesse de l’analyse du phénomène sont marquées, le ton est plus prudent dans Palabres que chez Cornille et Mangeon.
Le détour par Boniface Mongo-Mboussa inscrit la question à la fois dans l’Histoire littéraire africaine, dans l’idéologique (réhabiliter l’auteur ou l’autrice ostracisé-e) et dans l’aventure technique de l’écriture : « Yambo Ouologuem [est le] point de flexion d’une nouvelle façon d’écrire qui, considéré à la lumière du grotesque, […] ouvre à l’invention de nouveaux espaces de liberté » (Mongo-Mboussa 2003, 23), en proposant de nouvelles pistes dans le débat littéraire sur ce plagiat. Significativement, Mongo-Mboussa réhabilite Ouologuem et suggère de lire Le Devoir de Violence comme « un roman postmoderne » (2003, 25). Les clefs de cet art consommé, où les recherches formelles sont hardies et ambitieuses, se trouveraient dans « l’éloge de l’art combinatoire, de l’imitation littéraire, en recommandant au jeune romancier l’usage de l’érotisme, du suspense, de la violence, des parodies comme gages de succès littéraires à Paris » (Mongo-Mboussa 2003, 25). La proposition de ce qui ressemble à des recettes d’écriture ne pose-t-elle pas, de façon décisive, le risque de retrouver des motifs similaires, des techniques d’écriture reprises ou recyclées ça et là?
Mangeon et Cornille ont pris définitivement (pourrait-on dire) le parti de lire ces affaires de réécriture comme un au-delà de l’intertextualité. Il est évident que la charge morale et juridique est encore en toile de fond dans Crimes d’auteur puisque, métaphoriquement, le plagiat est désigné comme « le crime suprême de l’auteur » (Mangeon 2016, 9). Mais Cornille est arrivé à la conclusion que « la littérature se reproduit par mimétisme et l’on trouve, logé au cœur de la création, des petits mécanismes de copiages infiniment efficaces qui assurent sa transmission » (Cornille, 2008, quatrième de couverture). Le second volume creuse cette postulation de « mitose littéraire » ou de communication entre textes comme fondement de la création : « On ne fait de la littérature nouvelle qu’avec de la littérature déjà faite » (Cornille 2011, 7). Cornille formule surtout une trame à l’intérieur du champ littéraire africain où le besoin de continuité est au cœur des textes dits subversifs. Son rappel de Bloom et de son anxiété de la création est révélateur à cet égard.
Analyse de quatre romans
En tendant à l’extrême ces lectures, il apparait que les tensions de la création autorisent, dans le contexte de l’hyperproduction, d’autres pistes dont celle d’une littérature Mode, la mode étant dans le mouvement de balancier du va-et-vient mais aussi dans l’ensemble du dispositif de création (ou de production). Sami Tchak (2001, 2003) et Alain Mabanckou (2003, 2005) ont produit, à deux ans d’intervalles, quatre romans qui se ressemblent énormément par leur rapport thématique mais surtout par rapport à la technique de l’intertextualité (intertextualité outrancière, carnassière etc.). La dynamique littéraire dans laquelle ces deux auteurs s’inscrivent les autorise à copier, à recycler voire à plagier des techniques, des pratiques, des configurations narratives et discursives butinées çà et là, parce que c’est cela la mode, à l’heure des médiascapes (Appadurai 2001, 71), c’est-à-dire de l’univers physique des médias et de l’empire des images et de l’imaginaire que ces médias engendrent.
Sur la ligne narrative, le texte le plus ancien, Place des fêtes (2001), met en scène un narrateur « obsédé sexuel et textuel » (Tchak 2011, 162) dont la logorrhée et le langage fleuri et ordurier à souhait n’est pas sans anticiper un personnage comme Verre Cassé dans le roman éponyme de Mabanckou (2003). La figure auctoriale fictive est obsédante chez Sami Tchak. Elle se décline avec le narrateur anonyme dans Place des fêtes et Héberto, narrateur-auteur fictif, et son roman impossible à écrire et qui devra s’intituler Hermina (2003, 20). Ces deux romans se bâtissent autour des techniques d’autotextualisation (le roman explique sa propre venue au monde). On retrouve ce regard intérieur des conditions de la venue au monde du roman dans Verre Cassé : un cahier confié par Crédit à Voyager dont il a rempli les feuillets et qu’il a déposé, en murmurant « mission terminée » (2005, 201). Verre cassé, c’est l’histoire d’un ivrogne instituteur radié des effectifs qui, installé dans le bar de Crédit à Voyager, recueille les historiettes des habitués du lieu. Avec Place des fêtes et Verre Cassé, il s’agit de deux narrateurs au ban de la société, le narrateur de Place des fêtes rappelant les problèmes d’intégration auxquels les gens de la banlieue, noirs de surcroit, sont confrontés à Paris. Identité spatiale de claustration et flux continu de gros mots.
Un univers de crime et de sexe parcourt Hermina et African Psycho. La critique a déjà relevé que African Psycho est une parodie de American Psycho de Bret Easton Ellis (1991) et Mabanckou n’a pas fait mystère de cet emprunt. Roman noir du criminel qui focalise les préparations de mise à mort, le projet central de Gregoire Nakobomayo est la mise à mort de sa compagne : « J’ai décidé de tuer Germaine le 29 décembre » (2003, 11), dit-il. Tout le texte est l’histoire de la préparation de ce crime. On retrouve aussi cette espèce de scène de mise à mort par marteau dans African Psycho et Hermina. Dans le roman de Mabanckou, Grégoire Nakobomayo se présente chez un notaire, Fernandès Quiroga (sorte de figure renversée du criminel de Brett Easton Elis), se faisant passer pour un client et dans un moment d’inattention de ce dernier, il sort le marteau de sa poche et, d’un mouvement vif, lui assène un coup dans la nuque. Il avait l’ « impression d’avoir cassé un œuf de dinosaure» (2003, 48). Dans Hermina, une scène similaire existe : Djamila Ben Ali, la fille de Rachid et l’amante de Heberto, a aussi planifié la mise à mort de sa mère avec un marteau. Elle se confie à son père dont elle ne porte en définitive pas le nom, parce que sa mère ne le voulait pas : « Un marteau, je n’avais jamais su qu’un marteau pouvait être si beau, je n’avais jamais su qu’un marteau pouvait être si efficace » (2003, 251). La conséquence : deux crimes jamais élucidés par la police. Identité d’arme du crime qui met le critique sur la voie d’un rapprochement plus que suspect…
Sur une tonalité scatologique, on retrouve aussi une sorte de série bakhtinienne du « Concours de pets au lit des parents » (Tchak 2001, 51) qui peut avoir inspiré le concours d’urine entre Robinette et Casimir dans Verre Cassé (2005, 79-89). Richala, la prostituée que Rachid gère aussi dans Hermina, a un problème à l’image de l’Homme aux Pampers de Verre Cassé : « Richala, elle est douce, très douce, mais son problème, c’est qu’elle a des fuites au lit, elle porte des couches pour dormir » (Tchak 2003, 229). Alors que l’homme Pampers est devenu « la chose » des caïds de la prison où il s’est retrouvé, accusé à tort, selon ses mots, soumis à se faire «bourrer le derrière, ce qu’ils appelaient la traversée du milieu » (Mabanckou 2005, 49). On observe aussi que si Heberto a décidé de se suicider, il avait choisi, après un long tête à tête allégorique avec la Mort sous forme de dialogue tiré de L’Aventure ambiguë (Kane, 1961), de « [j]eter la valise et les vêtements dans le fleuve, avant de plonger » (Tchak 2003, 241). Verre cassé aussi se réserve le même sort : « plonger dans les profondeurs de ces eaux étroites, il me suffira de passer le pont » (Mabanckou 2005, 200). Identité de destin, aucun des deux, en définitive, ne plonge. Les analogies sont multiples mais « un auteur ne saurait prétendre monopoliser un thème littéraire ou artistique et les idées sont dites de parcours libre », en droit (Lucas 2002, 592-93). On pourra se focaliser sur la dimension technique des emprunts.
Sous le strict angle technique, dans Hermina, Sami Tchak recourt à la technique de la citation des extraits des textes d’auteurs avec le protocole clair : l’usage des deux points suivis de propos entre parenthèses ( : « »), suivi du nom et/ou titre du texte cité. On est au cœur d’une sorte de citation à partir d’un style direct et on peut identifier plus de soixante extraits[3] directement introduits :
Amateurs de seins, dans mon île là-bas […] sans vous mentir, « il y a des seins pleins de calme. Il y a des seins pleins de douleur. Il y a des seins pleins de passion. Il y a des seins pleins de divorce. Il y a des seins pleins de calamités. Il y a des seins pleins de poison. Il y a des seins pleins d’énervement. Il y a des seins pleins de larmes. Il y a des seins pleins de nuit. Il y a des seins pleins de surprises. Il y a des seins pleins de charité. Il y a des seins pleins d’adultère. Il y a des seins pleins d’or amassé. Il y a des seins pleins d’hypocrisie. Il y a des seins pleins de compote de maison. Il y a des seins pleins de pédanterie. Il y a des seins pleins de plombs de chasse. Il y a des seins pleins de petites médailles de la Vierge. Il y a des seins pleins de menue monnaie. Il y a des seins pleins de blancheur sous leur surface noire. Il y a des seins pleins d’air comme des ballons » (Tchak 2003, 194-195)
La technique situe au cœur d’un jeu de décryptage où la culture du lecteur ou de la lectrice est sollicitée, nouvelle pragmatique de la lecture dont le personnage n’est même pas sûr que les lecteurs et les lectrices aient la compétence. Aussi relève-t-il sa source : « Y’a-t-il une seule personne dans la salle qui ait reconnu dans cette litanie des seins un passage d’un chapitre des Seins de Ramon Gomez de la Serna? (2003, 195) ».
Mabanckou aussi décline son récit Verre Cassé par la convocation de citations célèbres et en déclinaisons des titres des œuvres et autres techniques intertextuelles :
Et puis il y a eu enfin une action directe des groupes de casseurs payés par quelques vieux cons du quartier qui regrettaient la Case de Gaulle, la joie de mener une vie de boy, une vie de vieux nègre et la médaille, une vie de l’époque de l’exposition coloniale et des bals nègres de Joséphine Baker gesticulant avec des bananes autour de la taille, et alors ces gens de bonne réputation ont tendu un piège sans fin au patron… (2005, 14)
Tout le texte de Verre cassé est la conduite audacieuse de cette technique de conjugaison du contemporain littéraire (auteurs et autrices, textes et citations célèbres) pour en faire un roman savoureux et d’exception.
À l’analyse, on constate que cette technique qui donne une saveur particulière et qui autorise à parler des recherches formelles de Verre Cassé, est déjà présente chez Tchak avec Place des fêtes dès 2001. Si la technique n’est pas systématique à l’échelle de la diégèse, on retrouve plus d’une trentaine d’occurrences[4]. Revenons sur deux exemples dans lesquels la convocation des citations directes est déjà présente (263, 327, etc.) et l’insertion des titres des œuvres est fortement utilisée :
Exemple 1 : « Le sexe, c’est un bonheur, mais c’est aussi un piège sans fin comme on le disait au Dahomey sous le soleil des indépendances, au moment où l’on attendait, à l’ombre des palmiers et du vaudou, le vote des bêtes sauvages sans la monnaie des outrages et des défis à lever par jeunes nations. Quelle aventure ambigüe ». (Tchak 2001, 96-97)
Les cinq titres enfilés ne portent pas de marques d’italique dans le texte. Ils se confondent ainsi avec l’environnement global du texte et seule la culture et la perspicacité du lecteur ou de la lectrice les mettent à nu.
Exemple 2 : « des seins qui méritent leur place dans Seins, le bijou littéraire de Ramon Gomez de la Serna. Des seins qui méritent que Juan Manuel de Prada, le chouchou des Espagnols, les prenne en compte dans son prochain bouquin qui je l’espère, sera un aussi raffiné bijou littéraire que son irrésistible roman Cons ». (Tchak 2001, 191)
Dans ce second exemple, Seins et Cons sont signalés comme des titres et interpellent d’emblée le jeu intertextuel. De Place des Fêtes à Hermina, Sami Tchak autocite ses références, créant un cas d’intratextualité intéressante : le texte Seins revenant d’un texte à l’autre est édifiant. Les ressorts de cette technique ont pu être évoqués comme jeu de mots, mais aussi dynamique parodique tous azimuts. Ainsi, au-delà des mêmes titres qui reviennent chez Tchak et Mabanckou, certains titres sont l’objet d’un camouflage plus hardi :
Parce que, […] je ne voulais pas qu’elle devienne Albertine pour qu’on se mette à dire qu’elle était définitivement disparue à l’ombre des fleurs au moment où tout le monde trempait sa petite madeleine dans le thé pour que de ma mémoire jaillisse le monde évanoui avec ses couleurs, ses odeurs et ses impressions. (Tchak 2001, 258)
La référence à Proust est nette pour le lecteur ou la lectrice averti-e mais avec Mabanckou le jeu prend une tournure plus inventive bien des fois. C’est cette « sagaie de Chaka Zulu et cette épée de Damoclès » (Mabanckou 2005, 21) auxquelles les nègres du cabinet présidentiel sont soumis pour trouver une formule plus historique que ce « J’accuse » du ministre Zou Lekia qui semble faire ombre au président. Ils convoquent et détruisent ou déconstruisent les grandes citations de la culture mondiale (Mabanckou 2005, 21-29). Le jeu de déconstruction est mémorable et le texte a même donné lieu à adaptation théâtrale. Une autre inventivité est cette reconstitution du nom de Ferdinand Céline à partir d’une scène d’adultère entre la femme de l’Imprimeur, Céline, et son fils, Ferdinand. Cette intertextualité conduit ainsi à un ludisme qui, bien des fois, renarrativise le texte par angles et points de vue novateurs.
Place des fêtes et Hermina sont antérieurs à Verre Cassé et il n’est donc pas hasardeux de tenir l’hypothèse d’une reprise de technique dont l’exacerbation chez Mabanckou a fini par en faire la marque de fabrique du génie de ce texte. Une justification d’autant d’accointances pourrait se trouver dans la présence auctoriale. En effet, les trois textes travaillent à positionner le récit à partir d’un narrateur qui a les compétences d’un écrivain, fut-il « un simple obsédé textuel », un écrivant, ou un ivrogne écrivant ne se prenant pas au sérieux. Le prototype de narrateur lacunaire ainsi esquissé n’est en définitive qu’une feinte de l’écriture.
La conséquence est que l’univers de ce dernier, peuplé de sources, de références, de titres et autres faits liés au champ littéraire, ne peut être ignoré dans les textes ainsi créés. Dans tous les cas, la caractéristique de ces trois textes est la provocation, la surenchère formelle, ce que Broch appelle le tape-à-l’œil (1966, 309) et la fantaisie. Un esprit à la recherche du Nouveau et d’originalité, ne manquera pas de parler de kitsch… La proximité est telle qu’une hypothèse de plagiat esthétique ou de littérature mode pour dire la reprise d’une technique qui fait recette, reprise d’un auteurou d’une autrice à l’autre, n’est plus une provocation. La question en bout de ligne sera de savoir si la copie, le copier-coller (voire l’imitation) autorise à parler de chef d’œuvre. On ne manquera aussi de se poser la question de la paternité d’un texte composé sur fond de rapiéçage, de couper-coller. Il est vrai que Benjamin (2000) évoquait déjà la perte de l’aura décriée de l’objet d’art, mais la norme esthétique est-elle une donnée immuable ou s’adapte-elle à l’imaginaire de son époque?
Un personnage de Hermina affirme :
il n’y a même plus de raison d’écrire des romans, personne ne peut apporter quoi que ce soit dans ce genre, tout a été déjà fait, aucune innovation n’est possible dans aucun genre, aucune. Même si l’on souhaitait faire du style pour le style, il n’y a plus aucun style qui soit franchement neuf, tous les styles ont déjà vieilli. Il n’y a plus aucune structure neuve, aucune forme de narration novatrice; Il n’y a vraiment plus rien. Écrire suppose dans ce cas que l’on se mette à faire semblant […]. Il naît sur cet art noble, sur les cendres des Dostoïevski, des milliers de péteurs de mots. (Tchak 2003, 201-202)
Norme baroque où le neuf est du vieux reforgé, effet de baroquisme? Que faire dans une société où tout a, peut-être, été dit? Prendre conscience que cette société est une société à la fois de la nouveauté permanente (ou plutôt de la production permanente), de la fantaisie, du rythme effréné des nouveautés, en somme une société qui fonctionne en mode be in fashion. Mais on comprend aussi qu’une telle société est une société du déchet :
Le déchet est le produit de base, sans doute le plus répandu, de la société de consommation moderne liquide; parmi les industries de la société de consommation, celle qui broie les déchets est la plus imposante, la mieux protégée des effets de la crise. Ainsi le traitement des déchets est-il l’un des deux grands défis que la vie ait à affronter. L’autre grand défi est la menace de devenir un déchet. Dans un monde rempli de consommateurs et des objets de leur consommation, la vie balance avec gêne entre les joies de la consommation et les horreurs du tas des déchets. (Bauman 2006, 20)
Je ne me lancerai pas dans une herméneutique du déchet tel que cela a été fait par Walter Moser (1999), mais j’observe seulement que, dans le contexte de la mode, à l’ère du mainstream, la norme de l’esthétique se déplace. Ce déplacement dit la mort de l’innocence et de l’authenticité. Copier n’est plus voler mais une condition de la création. La rapide succession des données, des contenus proposés par les modes les plus hétéroclites, conduit à une confusion de l’ordre de l’équilibrisme sur des sables mouvants.
Conclusion
Un point actuel du monde globalisé présent est un recours au paraître, au clinquant, pour suivre la mode. Cette course est peut-être le triomphe de la forme et de la sophistication mais elle est aussi la mort de l’intériorité. De la sorte, il faut sinon changer nos outils de lecture, du moins les adapter à l’air du temps, en tournant le dos au démon de la théorie (Compagnon 2001) pour entamer une critique du quotidien, une critique en régime de mode ou de mainstream. Broch nous dit bien :
L’art, pris dans son sens le plus large, est toujours le reflet de l’homme d’une certaine époque et lorsque l’art tape-à-l’œil est mensonge – attribut dont on le qualifie souvent et à bon droit -, le reproche en retombe sur l’homme qui a besoin de ce miroir embellisseur mensonger pour se reconnaître en lui, en une certaine mesure avec une satisfaction sincère, se ranger du côté de ses mensonges. (Broch 1966, 311)
L’un des aspects de la beauté des quatre textes survolés (il est vrai), entre autres justificatifs, se singularise dans une perspective diachronique qui instaure l’artifice et la mode comme traits fondamentaux de leur migrance littéraire. On se retrouve avec ce que Jean-Louis Cornille appelle « un plagiat créatif » dans ses deux textes, Plagiat et Créativité I et II (2008, 2011). Les expansions des titres de ces deux livres (onze enquêtes sur… et Douze enquêtes sur…) situent le ou la critique à la lisière de l’enquête de police et du jeu des indices dans les recherches formelles. De la sorte, la littérature-monde à laquelle on les rattache décline bien plus une littérature-mode dont le mode majeur serait l’inscription de la reprise, de l’artifice, de l’éphémère et de la consommation comme fondements de la création contemporaine.
Références
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Adama COULIBALY est Docteur d’État et Professeur des Universités. Actuel doyen de la Faculté de Lettres (UFR Langues, Littératures et Civilisations) de l’Université Félix Houphouët-Boigny (Côte d’Ivoire), il est, par ailleurs, directeur du GRATHEL (Groupe de Recherche et d’Analyses en Théories Littéraires) et enseigne le roman africain francophone au département de Lettres modernes. Il est double boursier de l’Agence Universitaire de la Francophonie (A.U.F) : Bourse Postdoctorale à l’Université d’Ottawa (2004-2005) et bourse Hors-postdoctoral à l’Université de Montréal en 2010. Spécialiste du postmodernisme littéraire, des transferts culturels et littéraires, son champ d’intérêt est étendu à la théorie littéraire, au renouvellement de l’écriture romanesque d’Afrique subsaharienne francophone et à la sémiotique narrative. Outre une quarantaine d’articles à titre personnel, il a publié Des techniques aux stratégies d’écriture dans la création romanesque de Tierno Monénembo (2011) et Le postmodernisme littéraire et sa pratique chez les romanciers francophones (2017). Il a codirigé Intertextualité et Transculturalité, Revue En-Quête n°17, EDUCI, (2007), Le postmodernisme dans le roman africain : Formes, enjeux et perspectives (2011), Je(ux) narratifs dans le roman africain (2013) ; Médias et Littérature : formes, pratiques et postures (2014) et Écritures migrantes. De l’exil à la migrance littéraire dans le roman francophone (2015). Courriel : adamaqul@yahoo.fr
Résumé
Ce chapitre interroge le recyclage littéraire ou culturel sous le sceau d’une inscription de la mode, et peut-être de l’artifice, comme nouvelle catégorie esthétique. Loin d’une postulation d’une théorie des influences, l’hypothèse est que la dynamique littéraire dans laquelle Sami Tchak et Alain Mabanckou s’inscrivent les autorise à copier, à recycler, voire à plagier des techniques, des pratiques, des configurations narratives et discursives butinées çà et là. Mon propos souhaite se dérober à toute emprise moralisante pour tenter de cerner une pratique d’écriture, une catégorie esthétique dans sa dynamique, dans sa prosodie, loin de la notion moderne ou moderniste de la propriété.
La beauté de leurs œuvres, entre autres justificatifs, se singularise dans une perspective diachronique qui instaure l’artifice et la mode comme traits fondamentaux de leur migrance littéraire… On se retrouve avec ce que Cornille (2008, 2011) appelle un plagiat esthétique. De la sorte, la littérature-monde à laquelle on les rattache décline bien plus une littérature-mode dont le mode majeur serait l’inscription de la reprise, de l’artifice, de l’éphémère et de la consommation comme fondements de la création contemporaine.
Dans une approche comparative, à partir de Verre cassé (2005) et African Psycho (2003) d’Alain Mabanckou, et de Hermina (2003) et Place des fêtes (2001) de Sami Tchak, je montrerai que l’hyper-réalisme présent dans ces romans, tout en problématisant une réception ambiguë dans le continent africain, s’inscrit dans une tendance contemporaine de motivation extrême de la forme où ce que certains appellent la littérature-monde ressemble plus à… une littérature-mode.
Mots clés
Littérature africaine, plagiat, Sami Tchak, Alain Mabanckou
Citation
Coulibaly, Adama. 2019. « Littérature-monde ou littérature-mode? Éloge du copiage chez Sami Tchak et Alain Mabanckou ». In Dɔnko. Études culturelles africaines. Sous la direction d’Isaac Bazié et Salaka Sanou, pp. 21-45. Québec : Éditions science et bien commun.
Ce texte sous licence CC BY SA est disponible en libre accès à l’adresse https://scienceetbiencommun.pressbooks.pub/donko.
- L’effet de mode est un principe explicatif du consumérisme ambiant par le détour de l’influence, du faire faire qui conduit à adopter une pratique nouvelle. ↵
- Comme par anticipation, Lipovetsky combattait déjà cette idée de la Soft Power dans le cadre d’une guerre de civilisation en estimant que « la Mode ne s’identifie nullement à un néo-totalitarisme doux, elle permet, tout au contraire, l’élargissement du questionnement public, l’autonomisation plus grande des pensées et des existences subjectives, elle est l’agent suprême de la dynamique individualiste » (1987, 20). ↵
- Restif de la Bretonne (Le pornographe, p. 27, 28, 29), Ramón Gomes (Seins, p. 40, 194. et La femme d’ambre p.115), Eva Perón, (La razón de mi vida, p. 46), Witold Gombrowicz (Ferdydurke, p. 48, 210, 214, 215, 216), Suzy Nikiema (L’homme à la bagnole rouge, p. 50), Alexandre Pouchkine (La fille du capitaine, p. 58), Otto Weninger, (Sexe et Caractère, p. 59, 304, 306), Henri Miller (Nexus, p. 60), Françoise Sagan (Bonjour Tristesse, p. 61), Eimi Yamada (La chrysalide brisée, Amère volupté, p. 63), Kateb Yacine (Nedjma, p. 64, 234, 237), Jim Thompson (Rouge noire, p. 66), Guilleragues (Lettres de la religieuse portugaise, p. 67), Ernesto Sabato (Le tunnel, p. 68, 199), Lezama Lima (Paradiso, p. 73, 156), Ananda Devi (Soupir, p. 81, 116, 122, 211), V.S. Naipaul (Les Guérilleros, p. 84, 161, Un chemin dans le monde, p. 209), Louis Galaferte (La mécanique des femmes, p. 101), Dante (La Divine comédie, p. 102), Albert Londres (Terre d’Ebène, p. 102), Reinaldo Arenas (Avant la nuit, p. 146,159), Gao Xingjian (La montagne de l’âme, p. 154), Chester Himes (Regrets sans repentir, p.153 ; La troisième génération, p. 242), Khalil Gibran (Le prophète, p. 157), Curzio Malaparte (La peau, p. 171), Yukio Mishima (Le marin rejeté, p. 207), Léon Tolstoi (Anna Karénine, p. 214), Kafka (La métamorphose, p. 233), Cheick Amidou Kane (L’aventure ambiguë, p.241), Albert Memmi (La dépendance, p. 244) Albert Cohen (La belle du Seigneur, p. 263), Moses Isegawa (Chroniques abyssiniennes, p. 261), Sade (La philosophie dans le boudoir, p. 277), Alejo Carpentier, (Le siècle des Lumières, p. 312.), Malcolm Lowry (Au-dessous du volcan, p. 327), Guillermo Cabrera Infante (La Havane pour un infante défunt, p. 330), Gabriel García Márquez (L’automne du patriarche, p. 338). ↵
- « Rien à faire pour lui enlever de la tête cette idée de retour au pays natal comme un cahier martiniquais » (p. 12); « Où des cuisses blanches s’écarteraient tels les pétales des fleurs du mal » (p. 30); « Peut-être un Antillais noir, lui, sans prendre un chemin glissant vers l’éloge de la créolité » (p. 45); « Sil n’y a pas eu trop de queues tombées en panne sur cette terre des hommes en vol de nuit et en pilote de guerre, papa, moi petit prince » (p. 56); « Dans leur cent ans de solitude sexuelle » (p. 92); « Le sexe, c’est un bonheur, mais c’est aussi un piège sans fin comme on le disait au Dahomey sous le soleil des indépendances, au moment où l’on attendait, à l‘ombre des palmiers et du vaudou, le vote des bêtes sauvages sans la monnaie des outrages et des défis à lever par jeunes nations. Quelle aventure ambigüe » (p. 96); « Je bande donc je jouis » (p. 128); « des seins qui méritent leur place dans Seins, le bijou littéraire de Ramon Gomez de la Serna. Des seins qui méritent que Juan Manuel de Prada, le chouchou des Espagnols, les prenne en compte dans son prochain bouquin qui je l’espère, sera un aussi raffiné bijou littéraire que son irrésistible roman Cons. » (p. 191); « il était martiniquais sans son cahier du retour au pays natal? » (p. 202); « il faut vraiment le hasard qui fait que les petits garçons naissent aussi des étoiles » (p. 222); « élégies majeures » (p. 253); « Tu baises, donc tu es» (p. 258); « On appelle ça, je crois "les harems de la solitude en cent ans" » (p. 259). ↵