6 Pour une taxinomie des genres littéraires bààtɔnù

Gniré Tatiana Dafia

La littérature orale africaine connaît, depuis quelques décennies, une évolution certaine en raison des recherches théoriques ainsi que des publications diverses dans le domaine. Traditionnalistes, chercheurs, chercheuses et étudiants, étudiantes se donnent pour tâche de permettre aux valeurs et pratiques littéraires orales endogènes d’avoir une permanence de présence au travers de leurs travaux de recherche, dans un contexte où les nouvelles technologies tentent vainement de leur rendre l’existence impitoyable, parce que faisant croire qu’elles sont condamnées à l’oubli. La littérature orale des Bààtɔ̃́bù du nord du Bénin s’inscrit dans ce registre. En effet, rien ne pourrait mieux revêtir les formes de la réalité que le constat d’une culture littéraire bààtɔnù longtemps rangée dans l’oubli, aujourd’hui peu valorisée et à peine pratiquée. Certes, les recherches sur la culture bààtɔnù et sa tradition orale sont légion. Mais celles qui portent sur la littérature orale et sur les caractéristiques littéraires de certains genres sont presque inexistantes.

Danse traditionnelle, Nord du Bénin. Photo de Bienvenue Tognon. [CC BY-SA]

La présente étude a d’abord pour objectif de favoriser une meilleure connaissance du peuple bààtɔnù à travers sa littérature orale. Ensuite, elle vise l’introduction d’une perspective réellement littéraire dans les études sur la littérature orale du Nord-Bénin, à travers une nomenclature des genres pratiqués. Une telle démarche contribuera à donner plus de visibilité à la littérature orale béninoise dans toute sa diversité. L’objectif réel est par conséquent de compléter les recherches sur la littérature orale béninoise qui se focalisent depuis des décennies sur les cultures méridionales du Bénin, comme l’illustrent les nombreux travaux publiés par Ascension Bogniaho (1995)[1], Bienvenu Koudjo (1989), Mahougnon Kakpo[2], Félix Iroko (1995), etc.

Ce chapitre est organisé en deux parties. La première s’articule autour du cadre géographique de cette étude et du fait littéraire oral bààtɔnù. Elle présente assez sommairement les Bààtɔ̃́bù avant de s’intéresser à la manifestation de la littérature orale à travers ses acteurs et actrices. Quant à la seconde partie, elle est exclusivement consacrée à la taxinomie des genres littéraires oraux et leur fonctionnalité. À cette étape, je procèderai, d’une part, à la classification des genres oraux les plus pratiqués et, d’autre part, je ferai ressortir leurs caractéristiques puis leur fonctionnalité.

La culture bààtɔet les recherches qu’elle a inspirées

Du fait littéraire oral bààtɔnù

L’étude de la littérature orale bààtɔnù et des genres qu’elle regroupe ne peut logiquement se faire sans une présentation, aussi sommaire soit-elle, des Bààtɔ̃́bù, de leur situation géographique et de leur stratification sociale. En second lieu, nous passerons en revue les différentes catégories de griots qui composent la société bààtɔnù tout en montrant le dynamisme qu’ils insufflent à la littérature orale.

Situation géographique du peuple bààtɔnù

Le terme « bààtɔnù » désigne le groupe ethnique et s’emploie également pour désigner au singulier l’individu. Au pluriel, le mot devient « bààtɔ̃́bù ». Les Bààtɔ̃́bù, de façon générale, constituent, dans la hiérarchie démographique béninoise, le troisième groupe majoritaire par rapport aux Fɔ́n et Gùn. Ils seraient de sept cent à huit cent mille habitants, selon le dernier recensement de 2013[3], soit environ 10% à 13% de la population totale du Bénin. Aujourd’hui, les Bààtɔ̃́bù sont installés au Bénin dans les départements de l’Alibori, du Borgou et de l’Atacora puis sur certains territoires de l’actuel Nigéria[4].

La société bààtɔnù est stratifiée en trois groupes : les Bààtɔ̃́géóbù, les Bààtɔ̃́-Wásángárìba et les Bàrùmándé. Les Báàtɔ̃́géóbù représentent les premiers occupants, donc les autochtones et continuent d’être le groupe le plus important du Borgou[5]. Ils habitaient le territoire appelé Bàrùwú et vivaient essentiellement de la chasse et de l’agriculture. Leur origine avant Busa (au Nigéria) est inconnue. Quant aux Bààtɔ̃́bù-Wásángárìba (ou encore Bààtɔ̃́-Wásángárìba), leur installation dans le Borgou remonte aux années 1350, date de la fondation de la dynastie de Nikki. Les Bààtɔ̃́bù-Wásángárìba forment non seulement l’aristocratie bààtɔnù, mais aussi l’élite politique. C’est en leur sein que sont choisis ceux qui président aux destinées des royaumes et des chefferies. Les « Bàrùmándé » regroupent tous les Bààtɔ̃́bù assimilés. Toutes ces couches ont en commun un territoire, une langue et une tradition orale. En un mot, une culture.

En Afrique Noire traditionnelle, une bonne partie de la culture est véhiculée par la littérature orale, elle-même portée par la tradition orale. La littérature orale puise donc sa matière dans la tradition orale qu’elle dynamise et vivifie à travers des formes de paroles dont la production et la performance incombent aux « maîtres de la parole ». Chez les Bààtɔ̃́bù, les griots, maîtres incontestés de la parole, sont appelés bàrɔ̀ au singulier (au pluriel bàrɔ̀bū). Ils sont répartis en trois catégories selon leur rôle et statut.

La littérature orale bààtɔ et les bàrɔ̀ (griots ou professionnels de la parole)

La littérature orale est généralement définie comme l’usage esthétique de la parole. Elle est aussi l’ensemble des productions orales de l’esprit portant la marque de l’esthétique et servant à exprimer des connaissances d’ordre culturel, philosophique, sociologique et se transmettant de génération en génération par le truchement de la parole. Système de communication dans les civilisations de l’oralité, elle véhicule aussi bien l’histoire du groupe que ses croyances et ses représentations symboliques par le biais des différentes productions qui la meublent. Par conséquent, elle revêt un sens, une fonction et est sous-tendue par une portée esthétique.

Dans les sociétés à oralité, comme le révèle Mahougnon Kakpo (1999,  34), la littérature orale est portée et vulgarisée par les professionnelles de la parole, c’est-à-dire les griots, hommes et femmes.

Dans les sociétés traditionnelles, on rencontre des professionnels de la parole, de véritables Maîtres de la parole. Âmes de l’Afrique antique, comme le disait Camara Laye, ils sont chargés de sauvegarder le patrimoine culturel en le transmettant quasi fidèlement de génération en génération, d’égayer les assemblées par des récits et poèmes ou de chanter les louanges de leurs protecteurs. Cette mission très importante est dévolue au griot qui, considéré comme le dépositaire des archives de la communauté, tient également la fonction de poète et de musicien.

On saisit clairement à travers cette réflexion l’importance et le rôle des griots, hommes et femmes, dans la transmission de la tradition orale ainsi que de la littérature orale. Sans l’activité de ces détenteurs de l’histoire, le patrimoine socioculturel africain serait oublié depuis longtemps. Ainsi peut-on toujours entendre les grandes chansons de geste de la tradition, celles de Soundjata Keïta, empereur du Mandingue du XIIIe siècle ou de Lat Dior Diop, roi Wolof de la fin du XVIIe siècle.

Chez les Bààtɔ̃́bù, comme un peu partout en Afrique, les bàrɔ̀(griots) constituent en effet une catégorie professionnelle spécialisée dans l’art de la parole et de la musique. Il existe des hommes et des femmes griots, mais les femmes ont plutôt tendance à se spécialiser dans le chant. De plus, on ne devient pas griot. On naît dans une famille de griots et la charge se transmet alors de génération en génération. Quand ils et elles ne sont pas attachés à la cour ou à une famille noble qui les fait vivre, ils et elles sont alors établis à leur propre compte. Les bàrɔ̀bū représentent en outre les animateurs fondamentaux de la tradition orale et, par voie de conséquence, de la littérature orale. Comme l’indiquent les travaux de Jacques Lombard (1965), Maman Djobosso (1992) et Mama Djibril Débourou (2012), les bàrɔ̀bū sont en amont et en aval de la tradition et de la littérature orale. Mémoire vivante de la culture bààtɔnù, ils et elles constituent un pont entre passé et présent, assurant ainsi une pérennité des valeurs ancestrales. S’intéressant à l’importance de cet ordre social ainsi que des différentes subdivisions qui le caractérisent, Jacques Lombard (1965, 203) soutient à cet effet que le griot

est un régulateur de la vie sociale […]. Son rôle est multi-fonctionnel et s’étend à presque toutes les manifestations de la vie du groupe. Le griot est généralement un homme, mais il existe également des femmes qui chantaient autrefois pour les rois. Il peut être lui-même instrumentiste et s’accompagner en chantant, ou bien chanter seulement, ou bien même diriger un groupe de joueurs ou tam-tamiers à son service.

On le remarque bien, il existe une variété de griots. Ces derniers se différencient et se hiérarchisent les uns par rapport aux autres selon trois critères essentiels que sont « l’instrument utilisé, la personne qu’on loue, ceux dont on reçoit et ceux à qui l’on peut donner » (Lombard 1965, 204-205). Ainsi, en se fondant sur ces critères, il est possible de regrouper les griots en trois grandes catégories à savoir les griots populaires, les griots de cour et affiliés à une famille puis les griots de l’univers funéraire.

Les griots populaires

Ce sont des griots sans statut particulier. Ils et elles sont comparables aux « paroleurs » ou aux « chansonniers » ou encore aux « marchands » dont parlent Louis Lassana Sogododgo (1987), Camara Laye (1978) et Camara Sory (1992, 1982) dans leurs travaux. Les griots populaires animent la vie sociale et se mettent au service aussi bien des nobles que du commun des personnes. Ils et elles vivent de cet art. Selon Djibril Débourou (1965), les griots populaires sont des griots indépendants, quelques fois affiliés à un individu ou à une famille. Il s’agit, d’une part, des Kàràngú  et des Bàasɔ̀wá[6] et, d’autre part, des kànkàngí[7], des gánkù et des gùkù. En somme, les griots populaires jouent un rôle exclusivement distractif.

Les griots de cour et les griots affiliés à une famille

Jacques Lombard, toujours dans son essai de 1965 Structures de type « féodal » en Afrique Noire. Étude des dynamismes internes et des relations sociales chez les Bariba du Dahomey, définit cette catégorie de griots comme des griots « fonctionnaires », c’est-à-dire des griots strictement au service des chefs et assumant des charges politiques. Ce second groupe identifié par l’auteur est composé du griot Kànkàngí (joueur de trompettes sacrées), du Bàràsùnɔ́n ou chef des Bàrɔ̀bū, du Yààkpɛ́, du Túfàrkpɛ́ et des Gɛ̀sɛ̀rɛ́. Pendant que certains sont spécialisés dans la généalogie des rois sans accompagnement musical, d’autres, notamment le  gɛ̀sɛ̀rɛ́, sont gardiens de la mémoire collective, de la tradition, chroniqueurs de l’histoire et dépositaires de la morale. Ils et elles déclament l’histoire et l’épopée des rois dont ils sont les chantres.

Les griots de l’univers funéraire

On les rencontre en amont et en aval des offices funèbres des Bààtɔ̃́géòbu. Ils et elles sont les griots spécialisés et désignés dans l’animation des offices religieux et funèbres et interviennent, avec l’orateur du jour, pour chanter les louanges du défunt ou de la défunte et de ses proches. Par exemple, ils et elles sont présents lors du rituel górúsíkúbù, c’est-à-dire pendant l’inhumation, à chanter les louanges du défunt ou de la défunte, ainsi que pendant les veillées funéraires.

En somme, les griots bààtɔnù sont les dépositaires de l’histoire et de la généalogie. Ils et elles sont aussi les artistes d’un peuple, les responsables d’une tradition orale musicale et poétique, car c’est grâce à eux que se transmettent la poésie, la musique et l’histoire, et cela de génération en génération. De fait, la littérature orale bààtɔnù ne saurait s’envisager sans ces professionnels de la parole.

La littérature orale bààtɔnù, en tant qu’objet d’étude, est si nouvelle[8] que ce n’est que récemment que quelques travaux étudiants de recherche – d’ailleurs assez mineurs – lui sont consacrés. Il s’agit de travaux de mémoire et de D.E.A[9] réalisés ou en cours de réalisation dans ce domaine. C’est donc pour l’essentiel une littérature inexploitée. La preuve en est que la plupart des études qui ont été réalisées[10] sur la société bààtɔnù du nord du Bénin relèvent du domaine des sciences sociales et humaines. Ces travaux permettent d’appréhender les éléments de civilisation conçus par ce peuple. Certes, il existe quelques tentatives d’approches littéraires, mais elles sont presque toujours déduites de l’anthropologie et de la linguistique[11]. En littérature donc, tel que nous avons pu le remarquer, les recherches ne sont pas étendues. Les travaux portant véritablement sur la littérature orale, en tant que description et analyse du fait littéraire ainsi que de son fonctionnement restent encore à l’état embryonnaire. C’est pourquoi la bibliographie sur cette littérature orale bààtɔnù et ses genres est insuffisante.

Classification des genres littéraires oraux bààtɔnù

Parler des types de paroles ou des genres littéraires pratiqués chez les Bààtɔ̃́bù préfigure un examen préalable des différentes approches proposées pour l’analyse du fait littéraire oral en Afrique, aux fins d’une sélection judicieuse.

Comme le prouve l’histoire littéraire, la classification des textes oraux en des genres bien déterminés a préoccupé plus d’un chercheur ou dd’une chercheuse en littérature orale : Antti Aarne (1911) et Stith Thompson (1940), les tout premiers, puis Vladimir Propp (2015), Alan Dundes (1980), Denise Paulme (1976), Samuel Marcel Eno Belinga (1978), Véronica Görög (1981), Jean Derive (1999), etc. pour ne citer que ceux-là. Leurs différents travaux ayant porté sur les genres oraux comme le conte ou le mythe ont abouti à une classification classique reposant soit sur le contenu du texte, soit sur la forme, soit encore sur la fonction. Mais le genre n’est pas un concept universel. Il englobe les valeurs culturelles liées à chaque communauté. C’est ce que semble expliquer Fatima Mendoça (1994) quand elle soutient qu’en « Afrique, la littérature orale est un système » et que « ce système a une configuration propre ». En effet, ainsi que le précise Alain Kam Sié (1980/2002), en littérature orale africaine, non seulement l’utilisation des textes oraux tient compte d’autres facteurs (comme le temps, le lieu, la circonstance, etc.) mais encore, certaines dénominations classiques (le conte par exemple) ne correspondent pas exactement aux conceptions de ce genre dans le milieu africain. On le comprend bien, les productions en littérature orale se doivent d’être alors appréhendées sous un angle endogène. Alain Kam Sié, par exemple distingue cinq grandes catégories de textes dans lesquelles peuvent se ranger pratiquement tous les types de textes oraux : les discours narratifs, les discours non narratifs, les énoncés, les « paroles » d’instruments musicaux, et enfin, les paroles des jeux de plaisanterie. Dominique Zahan (1965), Ascension Bogniaho (1987) et Bienvenu Koudjo (1989), quant à eux, parlent de genres parolés et de genres musiqués.

Faisant miennes ces différentes catégories, je propose de séparer la littérature orale bààtɔnù en littérature profane et littérature sacrée. À l’intérieur de ces catégories se développent plusieurs genres dont les plus répandus et les plus connus sont : tùmàrù (le panégyrique), mↄ́ndú (le proverbe ou le dicton), sùkù kpírìbu (la devinette), sùkù dɛ́ǹdɛ́mu (le conte), gↄ̀ↄbìirù (le nom de consécration ou la devise), tàarà (la généalogie), nɔ̀ɔmɛ̀rù (l’incantation),  kánàrù (la prière), dɔ́nmárú (la bénédiction) et wóm (le chant ou la chanson). Selon leur mode d’énonciation, ces genres peuvent être regroupés en trois grandes catégories à savoir les genres parolés, les « paroles » d’instruments musicaux[12] et les genres musiqués. Tous ces genres oraux assurent des fonctions circonstanciées et plurielles.

Les genres parolés

Les genres parolés sont des genres dits sur un mode parlé ou mi-parlé mi-chanté. Nous y regroupons les genres tels que le panégyrique (tùmàrù), la généalogie (tàarà), le conte (sùkù dɛ́ǹdɛ́mu), le proverbe (mↄ́ndú), la devinette (sùkù kpírìbu), les noms de consécration (gↄ̀ↄbìirù) et les incantations (nɔ̀ɔmɛ̀rù ). En vérité, il convient de signaler que les genres dont il est question correspondent, selon la classification de Alain Kam Sié (2007), aux genres narratifs et lapidaires[13].

Tùmànù ou le panégyrique : une poésie de louange

Dérivé du verbe « tùmà » qui signifie « louer » ou « célébrer » ou encore « glorifier », tùmàrù désigne l’« action de louer » ou le « fait de chanter les louanges » d’une personne. En d’autres termes, c’est le fait de dire le panégyrique d’une personne ou d’un clan. Tùmàrù est donc un texte poétique élaboré par le griot pour honorer un individu d’un clan ou d’une famille donné. Il peut être également un discours élogieux destiné à un personnage célèbre ou à une divinité. En un mot, c’est une poésie de louange. C’est un genre à mi-chemin entre la généalogie et le panégyrique qui relève de la charge des griots, notamment de Yɛ̀rɛ̀gú ainsi que des griots laudateurs de cour : le Kòrògú, le gɛ̀sɛ̀rɛ́ et les Bàrɔ̀bū. Proféré sur un mode a capella ou responsoriel, avec accompagnement de tambour ou sans, tùmàrù est un texte mi-parlé mi-chanté ouvert et généralement long, dynamique, qui n’est jamais achevé.

Tùmàrù se présente comme la déclinaison du patronyme d’un individu et retrace l’histoire de vie des aïeux, les heurts et malheurs d’une communauté ou d’un clan. Il débute par une série de formules de salutations rappelant la généalogie de l’individu loué. C’est un texte qui rend hommage aux ancêtres à travers l’éloge des qualités exceptionnelles comme la bravoure, la générosité, l’esprit de combativité, etc. Et nous pouvons souligner avec Ascension Bogniaho que le panégyrique, « c’est l’égrenage des réelles qualités originelles et généalogiques de quelqu’un » (1987, en ligne).

Au-delà de la portée esthétique qu’on lui reconnaît, il convient aussi de ne pas perdre de vue la fonction pédagogique et historique du texte. Car, l’individu loué est perçu comme héritier des actes glorieux entrepris par les illustres figures de son clan ou de sa communauté. Ainsi, à travers l’exposition des exploits et des qualités morales exceptionnelles des ancêtres, le griot espère susciter chez les plus jeunes le désir d’imitation. En outre, les griots sont appelés à se rendre sur les champs de bataille pour exalter le courage et la dextérité du roi, ses exploits et sa grandeur d’âme. Les pièces créées dans ce contexte sont destinées à l’émulation du « Tàbù-Sùnɔ̀n » (littéralement « chef de guerre ») à conduire les troupes avec vaillance et son incitation à accomplir des actes dignes de son ascendance à travers l’évocation de la bravoure de ses ancêtres. C’est en cela que tùmàrù est considéré comme une institution. De même un griot peut également choisir de déclamer le panégyrique de son maître au cours d’une soirée festive, pour lui faire simplement plaisir. Là, tùmàrù assure une fonction distractive. On le voit ici, tùmàrù (le panégyrique) fonctionne comme une thérapie. Il agit sur les sens de l’allocutaire. L’exemple ci-après est un extrait d’un panégyrique des bàrɔ̀bū.

Dans cette séquence de tùmàrù, le griot, comme on peut le remarquer, remonte dans les versets 7 à 9 à la filiation de Sabi Gado, l’allocutaire de ce texte. Il égrène la généalogie du personnage Kora sabi Gado et loue les qualités de son grand-père mettant en relief (Versets  17 à 20) la force de caractère de celui-ci : son courage, son goût du risque. Le griot présente le grand-père comme un homme qui ne recule devant aucun obstacle. Il exhorte ce faisant le petit-fils à marcher sur les pas de son grand-père à travers la culture des mêmes qualités. Enfin, il célèbre le petit-fils lui-même qu’il compare à l’insecte « gbánkɔ̀kɔ̀rù », à une rivière en crue et à une aiguille. Toutes ces images traduisent à la fois l’agilité, la puissance, la fortune (à travers l’image de la « rivière en crue » qui traduit une abondance).

Exemple de panégyrique

1- Bágáná[14] e!Bágáná e!
Hé Le buffle!/Hé! Le buffle!
Hé! Le buffle! Hé! le buffle!

2- Kɔ́rà[15] gbánkɔ̀kɔ̀rù[16] dáara yíbà
Kora/insecte rapide/rivière/remplir
Kora, l’insecte rapide, la rivière en crue!

3- Bágáná e! Bágáná e!
Hé! Le buffle!/Hé! Le buffle!
Hé! Le buffle! Hé! le buffle!

4- Wórù kásɛ̀ débù bùu
Worou Kasè/petit-fils
Petit-fils de Worou Kasè!

5- Gídà[17] wɔ bwísì bákà ya nàa
Homme/voici que/malice/grand/c’est/venir
Voici qu’est venu le grand malin!

6- Yérà ya Sabi Kpaí
C’est/cela/Sabi Kpasi
Toi, Sabi Kpaï!

7- Kíkí ɣárɔ̀n Wórù Wúrè Kùma débù bùu
Kiki Yaro/Worou Wouré Kuma/petit-fils
Petit-fils de Woru Wuré Kuma à Kiki Yaro!

8- Kɔ́rɔ̀kɔ́rɔ̀n Wórù kúmà débù bùu
Korokoro/Worou/Kuma/petit-fils
Petit-fils de Worou Kuma à Korokoro!

9- Síkàdarè wɔ Wórú Kùmã debū búú
Sikadaré à/Woru Kuma/petit-fils
Petit-fils de Woru Kuma à Sikadaré  

10- Kɔ́rà gbánkɔ̀kɔ̀rù dáara yíbà
Kora/insecte rapide/rivière/remplir
Kora, l’insecte rapide, la rivière en crue! 

11- Dã́a  górù té tà bìmìrìmɔ̄
Arbre/mort/qui/se/rouler/en train
L’arbre mort qui se roule sans cesse

12- djímā tá kúrà té dì
Termites/se/ne pas/le/manger
Les termites ne peuvent le ronger

13- Kɔ́rà gbánkɔ̀kɔ̀rù dáara yíbà
Kora/insecte rapide/rivière/remplir
Kora, l’insecte rapide, la rivière en crue!

14- Yàbú tè  bara sɔ̃̀ɔ  kéwè
Chose/la/qu’on/soleil/sécher
Tout ce qui doit être exposé au soleil

15- Á nì kúgú sɔ̃́wà
Si tu/cacher/soleil
Si tu l’en prives

16- Bṹbṹsùwà yárà gɔ́síé
Moisissure/cela/devenir
Cela moisit

17- Yé  bàrà maa nɛ̀ɛ  gánà  yàn wɔ̀rùmà
Et/quand on/aussi/dire/mur/si/tomber
Et quand on dit que si un mur tombe,

18- Yen tèm  kùrà túrí búgà gà bànì
Son/sable/ne pas/suffire/pour que/bâtir
Son résidu ne suffit pas à l’érection d’un autre

19- Wúnɛ̀n débùn gánà yà  wɔ́rùmà
Ton/grand-père/mur/cela/tomber
Le mur de ton grand-père s’est écroulé

20- Yén  tèm  mà  túra  ba ga  ga  bãrùwà
Son/sable/et/suffire/pour qu’on/autre/bâtir
Et son résidu suffit à l’élection d’un autre mur

21- Mã gá tiyà ba ga burārū bakā bãrùwà
Et/ça/en/rester/pour/grenier/grand/bâtir
Il en resta pour ériger un grand grenier !

22- Kɔ́rà gbánkɔ̀kɔ̀rù dáara yíbà
Kora/insecte rapide/rivière/remplir
Kora, l’insecte rapide, la rivière en crue!

23- Yɔ̀rābasi  Sabi Gado
Aiguille/nudité/Sabi Gado
Sabi Gado à la nudité d’aiguille!

Mɔndú : le proverbe

Admis, en général, comme un court énoncé exprimant un conseil populaire, une vérité de bon sens ou d’expériences, le proverbe est un genre parlé. Il permet de communiquer une sagesse et une morale sociale. C’est un énoncé déduit de l’observation de la nature qui procède par une formule énigmatique et elliptique. Selon Mwamba Cabakulu (1992, 11),

Les proverbes constituent des maximes énoncées en peu de mots, pour instruire sur les attitudes et les règles de conduite adaptées aux circonstances de la vie. Ils dépeignent des vérités générales, universelles et des habitudes que commande l’expérience commune devant la réalité et la vie quotidienne. Ils représentent tous un code social et juridique.Les proverbes contiennent donc la sagesse humaine qu’ils mettent en valeur. Ils couvrent un vaste champ sémantique comprenant d’autres formes de parole : dicton, maxime, sentence, aphorisme…Véhicules du patrimoine culturel, les proverbes occupent en Afrique une place de choix parmi les témoignages des cultures vivantes et authentiques africaines.

De ce qui précède, il apparaît clairement que le proverbe assure plusieurs fonctions et revêt une grande importance dans la société. En tant donc qu’outil spécifique de transmission de connaissance et de formation dans les civilisations de l’oralité, le proverbe, comme l’observent P. Crépeau et S. Bizimana (1979), n’échappe à aucun domaine de la vie. Quoi qu’il en soit, il est évident que le proverbe est un genre très pratiqué. Il est assez fréquent dans les chansons bààtɔnù, spécialement dans les chants de louange, les prières ainsi que les contes. Le proverbe se transmet au fil des générations et se présente sous deux formes : le proverbe à deux énoncés et celui à un énoncé. Le type le plus utilisé cependant en milieu bààtɔnù est le « proverbe à un énoncé » qui permet d’illustrer d’une façon apodictique une constatation. Ce type de proverbe se rencontre dans les conversations. Comme le fait remarquer Émile Mworoha (1992, 9), le proverbe « est souvent sollicité, au cours des jugements en guise de conclusion pour conforter celui à qui le juge donne raison et débouter celui qui voudrait s’entêter dans le tort ». Le proverbe donc permet de trancher une discussion ou de lever des équivoques. Par son caractère très symbolique et sa forme poétique, le proverbe passe pour un genre très prisé par le bààtɔ́n. Aussi, s’en sert-il fréquemment pour donner des conseils, mettre en garde la jeunesse. C’est un genre qui intègre facilement les contes, les devises, les chants d’éloge et les chansons de tout genre. Son emploi est toujours contextuel, comme on peut le constater dans les exemples ci-après :

níkí bíí  tíá kùrà wɔ́rì dòkù
Doigt/un/ne pas/gluant/laper
Un seul doigt ne mange pas la sauce gluante

Yírú boka tíá kúrā yɛ̃́nú kúrè
Balai/brindille/une/ne pas/cour/balayer
Un seul brin de paille ne balaie pas la cour 

Ces proverbes posent essentiellement la problématique de la solidarité et disent que, dans la vie, l’on a toujours besoin de plus petit que soi ou vice versa.

à ǹ bwɛ̃́ɛ  bàkàrù mɔ̀ sèrè a tɛ̃́nú bɔ́kɔ́ kásù
Si tu/vagin/grand/avoir/il faut/tu/couche/de taille/chercher
Si tu as un grand vagin, il te faudra chercher une couche de cette taille

En d’autres termes, de la mesure et de la proportionnalité dans toute chose.

Àn wísín kɔ̃́ sɔ̃́ɔ, témɔ̃ a sɔ̃́ɔ
Si tu/voisin/natte/asseoir/par terre/tu/asseoir
Si tu es assis sur la natte du voisin, tu es assis par terre (entendu qu’il pourra le reprendre)

Par ce proverbe, la sagesse recommande de compter toujours sur ses propres forces d’abord dans toute situation avant de s’adosser sur autrui.

wɔ́mún sírá túrà, bú ka ge bɔ́ké
singe/queue/suffire/pour que/le/attacher
La queue du singe suffit pour qu’on l’attache avec

Lorsque quelqu’un se sert de ce proverbe, c’est pour signifier en général qu’il n’a besoin de personne, d’aucune aide quelconque et qu’il peut se débrouiller très bien seul.

Pour conclure, nous pouvons dire avec Ascension Bogniaho (1987, 55) que le proverbe appartient à la catégorie de la « parole sensée », c’est-à-dire une parole

ramassée, courte, mais pas frustrante car riche de significations (qui) traduisent un certain pragmatisme, des réalités issues de l’observation et de l’empirisme quotidiens conceptualisés par une mise en forme savante. La parole sensée est celle de l’ancien, du sage.

Sùkù kpíríbu ou la devinette

 Le vocable « Sùkùru » désigne indifféremment le conte et la devinette. Les deux genres en effet s’ouvrent par la même formule préambulaire même si elles ne procèdent pas du même mode d’énonciation : « I ko sùkùru yò »/« Sùkùru gò »[18]. Tous deux jouissent du même moment de profération[19]. Cependant, en référence à leur structure et leur volume, afin de distinguer le conte de la devinette, le Bààtɔ́nù emploie les formules « sùkù kpírìbu »[20] et « sùkù dɛ́ǹdɛ́mu »[21], c’est-à-dire le « conte court » et le « conte long ».

Relevant du genre parlé, Sùkù kpírìbu ne présente pas la structure classique qu’on connaît à la devinette en français, c’est-à-dire celle d’une question dont il faut deviner ou déduire la réponse. En bààtɔ́nù, la question posée n’est pas toujours construite autour d’indices ou de motifs cohérents induisant une réponse logique. Au contraire, les termes qui fondent la question sont sémantiquement dénués de sens. Cette forme de devinette exige du locuteur une connaissance préalable de la question et de sa réponse. C’est ce qu’on observe dans les exemples ci-après empruntés à Maman Abdou Djobosso (1992, 90-91) ainsi qu’à la tradition orale (exemple 3 et 4) :

Question 1 : « tɛ́ kù tɛ́, bàrà bàrà fùtú »
Réponse : « bìì gɔbó kù ǹ guù, wín dàà kù rà  kpéè »
Enfant/mauvais/si ne pas/mourir/sa/habitudes/ne pas/finir
Les habitudes d’un enfant indigne ne le quittent qu’après sa mort.

Question 2 : « kpèngán sáárò »
Réponse : « à ǹ kà soru sànná à sɔ̀kùrù sé »
Si tu/avec/mortier/se brouiller/tu/igname pilée/éviter
Si un conflit t’oppose au mortier, abstiens-toi de manger de l’igname pilée.

Question 3 : « Gúrúrú má gɛ́rɛ́rɛ̀ »
Réponse : « bá kù rà gúrú báká bèkùrù wúkírí »
On/ne pas/montagne/pagne/couvrir
On ne recouvre pas la montagne avec un pagne

Question 4 : « Kótórógò wɔ́n »
Réponse : « á ǹ  sódà tém túgè »
Si tu/trébucher/sol/baisser la tête
Si tu trébuches, baisse ton regard vers le sol

Si les réponses à ces devinettes revêtent un sens, comme on peut s’en rendre compte, il n’en est pas de même des questions. Du point de vue syntaxique, les signifiants ne renvoient à aucun signifié et vice versa. Les mots ayant servi à la construction de la question s’apparentent à des idéophones ou des onomatopées. Peut-être appartiennent-ils à un fonds commun qui s’est perdu dans le temps?

À l’observation et en se référant au fonctionnement de la devinette, il est clair que celle-ci présente une structure à deux énoncés. Elle fonctionne comme un jeu interactif, selon une modalité d’action-réaction. Ce type de parole donne lieu à une véritable mise en scène au cours de la conversation. Un locuteur A cite le premier énoncé, laissant le soin à son interlocuteur B, sensé connaître la devinette, de la compléter explicitement ou mentalement en en donnant la réponse. Deux possibilités s’offrent alors : 1) l’interlocuteur connaît la réponse et dans ce cas, réplique le deuxième énoncé, ce qui a pour conséquence de clore la séance de devinette et de « faire avancer le débat » entre les interlocuteurs; 2) ne connaissant pas la devinette, l’interlocuteur manifeste son ignorance par la formule « nà ǹ túbà »[22] qui signifie « je l’ignore » et, dans ce cas, la réponse est donnée par l’émetteur qui restitue le second énoncé et poursuit son discours.

La devinette assure une fonction à la fois pédagogique et ludique. Elle sert à développer les aptitudes intellectuelles ainsi qu’à initier les jeunes esprits aux valeurs cardinales de la société bààtɔ́nù tout en les amusant.

Sùkùru ou sùkù dɛ́ǹdɛ́mu : le conte bààtɔnù

Genre parlé, le conte est désigné par l’expression « sùkù dɛ́ǹdɛ́mu ». Il se présente comme l’un des genres de la littérature orale le mieux connu et le plus répandu. Les contes bààtɔnù, comme tous les récits d’aventure imaginaires africains, mettent en scène deux catégories de personnages : les êtres humains et les animaux doués d’attributs humains. Il s’agit en fait de fables d’animaux, comme l’illustre le conte intitulé « yé wↄ́mùn nↄ̀ǹi Ka dùkìa »[23] dont le personnage central est le singe, alors que le conte « wↄ̃́kó Ka yέmɔ̀ » quant à lui, met en scène des personnages humains (L’aveugle et l’infirme). Le conte débouche toujours sur un enseignement. C’est ce que confirme cette réflexion de Denise Paulme (1976, 11) qui avance que le but du conte « […] n’est pas le seul divertissement, il transmet toujours en un langage allusif un message implicite que l’auditoire déchiffre plus ou moins aisément ». En outre, le conte aide à réguler la société et à maintenir la cohésion sociale par des voies déterminées notamment l’emploi abondant d’images et de symboles.

Quant à la technique narrative, le conte en bààtɔnù comporte une formule d’introduction à valeur participative qui fait entrer l’auditoire dans l’univers fictionnel du conte. Le conteur introduit donc son récit par la formule suivante : « I ko sùkùru yò » (« faites le conte!) ». Puis les auditeurs répondent : « Sùkùru gò »[24] (« tuons le conte! »). Le conte peut être émaillé de proverbes; il peut également intégrer le chant. De fait, il n’y a pas vraiment de frontière étanche entre les genres. Ils s’imbriquent les uns dans les autres. Le conte n’est pas non plus caractérisé par une forme fixe. Ainsi, il se fait et se défait avec le verbe qui lui sert de support. Il ne nécessite aucune mise en scène particulière. Il peut être dit à l’intérieur d’une case comme en plein air; l’essentiel est qu’il soit dit avec talent, que l’art du conteur permette à l’enseignement dont il est porteur non seulement de passer mais aussi de susciter l’adhésion des auditeurs. Chez les Bààtɔ́bù, dire le conte relève de la responsabilité des grands-parents. Quelques rares fois, au cours des veillées funéraires, les griots narrent l’histoire de chasseurs illustres.

Au total, le conte en milieu bààtɔnù ne déroge pas aux fonctions qu’on lui connaît en Afrique et universellement : « il contribue à assurer la permanence des croyances ancestrales, à donner en exemple un mode de vie qui a fait ses preuves. (…). Le conte œuvre à maintenir les assises de la pensée culturelle et religieuse » (Kane 1968, 31-36). C’est à peu près la même idée que met en relief Maman Abdou Djobosso (1992, 91-92) lorsqu’il explique qu’« en tant que support symbolique de la réalité, les contes ont une valeur représentative. Ils sont évoqués dans les chansons pour faire allusion à un événement dont le rapport d’analogie avec le conte en favorise la compréhension ».

Gɔɔbíirù : du nom de consécration à la devise

D’emblée, il importe de s’interroger d’abord sur l’importance de l’imposition du nom dans la culture bààtɔnù ainsi que son fonctionnement. Cette démarche nous aidera alors à mieux cerner le fait culturel qu’est le nom de consécration, de même que les circonstances et les auteurs de son attribution. Autrement dit, qui, à qui, comment et selon quels critères attribue-t-on le nom de consécration? Enfin, quelle en est la valeur, surtout du point de vue littéraire?

Destiné à distinguer une personne d’une autre, le nom, yĩ́isírù constitue un facteur d’identification social de l’individu. Il est une réalité ethnologique et sociologique. Mais il est surtout porteur d’histoire et des aspirations passées, actuelles et futures du groupe social auquel appartient celui ou celle qui le porte. On pourrait alléguer avec Djobosso (1992, 75) que « le nom est l’expression par laquelle la société traduit l’espoir qu’elle place dans l’individu et dont elle attend l’accomplissement ».

Dans la culture bààtɔnù, l’imposition du nom revêt une valeur cardinale : elle contribue à perpétuer la tradition ainsi qu’à maintenir vivace, dans la mémoire collective, le souvenir de ceux et celles qui ne sont plus. De plus, cette imposition de nom est rattachée à un lieu, un événement, à une divinité ou une circonstance particulière. Par exemple, un enfant prénommé Gání suppose qu’il est né le jour de la fête de Gání ou au cours du mois de Gání. Ainsi, on distingue chez les Bààtɔ̃́bu, les noms claniques, les noms de naissance et les noms de consécration.

Le nom clanique constitue une marque identitaire qui permet de repérer l’individu dans la société et de le rattacher au groupe social ou professionnel auquel il appartient. Ainsi, lorsqu’un individu est appelé Màkó, cela indique automatiquement qu’il est du clan de la dynastie des Gbàsì, aujourd’hui clan professionnel des griots. Le nom de naissance, en revanche se rapporte au nom que l’on attribue à un individu en fonction de son sexe et de son ordre d’arrivée dans la fratrie. Chez les Bààtɔ̃́géòbu, le garçon premier né porte le nom Wòru alors que la première fille s’appelle Yɔ́ɔ. Précisons que ce nom de naissance varie selon qu’on appartient au groupe des Bààtɔ̃́géòbu ou à celui des Wásángárìba.

Quant au nom de consécration, donc le gɔ̀ɔbírù, il désigne un nom-fort, celui que s’attribue un individu ou celui que la Yɔ́ɔ Kɔ̃gi[25] attribue au cours de la Gání aux princes (les Wásángárìba). De longueur variable au plan morphologique, le gɔ̀ɔbírù peut se présenter sous la forme d’un mot ou d’un long texte poétique.Dérivé de « gɔ̀ɔ », c’est-à-dire la « mort » et de « bírù » qui signifie « derrière, après », gɔ̀ɔbírù, contrairement à la thèse avancée par Jacques Lombard (1965, 306), ne signifie pas littéralement « l’héritage d’un nom » mais plutôt « après la mort ». Il s’agit donc du nom d’une personne qui n’est plus de ce monde et que l’on attribue à un nouveau-né ou qu’un individu s’approprie comme nom de règne. C’est le nom d’un ancêtre attribué à un enfant. Comme on le remarque, l’approche définitoire de Jacques Lombard tient plus d’une interprétation. En effet, tel que fonctionne le gɔ̀ɔbírù, il peut être effectivement considéré comme l’héritage d’un nom car il consiste à donner à un enfant, le nom de l’un de ses ascendants décédés ayant marqué la famille et la société par sa sagesse et ses qualités exceptionnelles. Son attribution fait reléguer au second rang les autres prénoms. Le gɔ̀ɔbírù peut aussi être considéré comme un nom fort que s’attribue un individu à un moment donné de sa vie pour exprimer un changement de personnalité ou un nouveau mode de vie, par exemple, lorsqu’un prince est intrônisé roi. Cela s’observe surtout chez les princes ou les rois. Ainsi, les faits et gestes posés tendent désormais à justifier le nom. Par ce nouveau nom, l’individu affirme ainsi son engagement à honorer ses nouvelles charges sociales. Plus qu’une simple dénomination, le nom de consécration représente une figure emblématique, un programme de règne, une devise personnelle destinée à inspirer l’ensemble des actions de l’intéressé dans la vie.

L’anthropologue et sociologue Jacques Lombard va davantage préciser l’origine, la fonction et la portée du gɔ̀ɔbírù à travers la description qu’il en donne. Il fait, à ce titre, observer qu’à l’origine, le gɔ̀ɔbírù était une pratique propre à la corporation des chasseurs et avait pour but de maintenir dans la mémoire collective le souvenir des exploits d’un ancêtre. Lombard (1965, 307) rapporte à cet effet que le gɔ̀ɔbírù avait

un rôle de nature essentiellement religieuse et qu’elle était associée au culte des ancêtres. La coutume qui consistait à donner à un enfant le nom de l’un de ses ascendants décédés implique la croyance à une participation au moins partielle du défunt à la personnalité du descendant. […] La transmission du nom dans les familles de chasseurs donnait la possibilité de sauver de l’oubli les exploits d’un ancêtre et en même temps de valoriser, aux yeux des autres, son héritier.

Mais progressivement, cette pratique sera récupérée par les Wásángárìba dans les cours royales au point de devenir une institution. Dès lors, le gɔ̀ɔbírù va évoluer du religieux au socio-politique et se définit comme le développement d’un nom de règne qui accompagne et explique non seulement le nom mais aussi le programme de règne. C’est désormais le nom par lequel le roi est encensé, loué. Lombard (1965, 306-307) précise :

Pour un Wasangari, c’est un titre ancestral, ayant à la fois un contenu honorifique – grâce aux exploits accomplis par ceux qui l’ont porté – et un contenu spirituel – par la réincarnation d’une âme dans un individu –, qui donne à son titulaire un rang social élevé avec la possibilité d’accéder à de hautes fonctions politiques, et qui se transmet, sous la forme d’étriers, à un représentant particulièrement valeureux ou représentatif d’une lignée. […] Plus que pour les chasseurs, le Gobiru intervenait comme un moyen d’exaltation de la personnalité.

On le constate, comme chez les Bààtɔ̃́géòbu, le principe de transmission du gɔ̀ɔbírù est le même; mais chez les Wásángárìba, il s’accompagne de la possession des étriers de l’ancêtre qui pouvaient être en cuivre ou en fer. Les différents noms forts que s’attribuaient, en général, les princes ou que les griots leur attribuaient, donnaient lieu à la manifestation d’une poésie de louange. Par exemple, rapporte Djibril Débourou (2012), après son accession au trône de Buɛ, Yaru Banson, treizième roi, se fit appeler Sunɔn Wɔ́gɔ́gí, c’est-à-dire le « téméraire roi ». Ce nom de règne traduisait ainsi l’intransigeance avec laquelle Yaru Banson dirigea le royaume. Il en est de même de Gunu Krisi Yerima. À son intronisation, il se fit appeler Kɛ́ngɛ́n Yínɛ́[26]. Autrement dit, « celui qui recolle les morceaux », donc l’unificateur.

Au regard de tout ce qui précède, il ressort que le nom de consécration, à l’origine propre aux chasseurs, fonctionne comme une devise depuis la prise de pouvoir et l’installation des Wásángárìba. Il est exprimé dans un énoncé court et décrit en des termes concis et précis le caractère, la vision du monde, la philosophie ou le programme de règne de l’individu qui a choisi de le porter. Il peut prendre également la forme d’un proverbe ou d’une maxime. C’est ce que traduit cette réflexion d’Ascension Bogniaho (2001, 4-5) : « les noms de consécration constituent une littérature, un genre formulaire, un poème dont la création obéit à une règle de concentration verbale où s’observent une syntaxe particulière et une rhétorique spéciale ». Toutefois, quelle que soit la forme empruntée, le nom de consécration constitue une sorte d’appellation honorifique qui exalte la partie « épique » de la personnalité en reliant l’individu au passé prestigieux de son groupe social. Il rattache en réalité l’individu à différents niveaux sociaux et contribue de même à rehausser l’image sociale de ceux et celles qui les portent. En outre, le caractère métaphorique évident de ces noms nous autorise à les identifier comme des éléments pourvus d’une valeur littéraire. 

Les genres musiqués

C’est la catégorie des genres qui sont proférés sur un mode chanté, avec ou sans accompagnement musical. Les genres musiqués regroupent le chant, la chanson, la comptine (bídúèbù wómúsú), la berceuse (wóm dórà), la lamentation (gɔ̀ɔ̀ wóm) ainsi que les autres genres qui se prêtent à la psalmodie comme la prière (kánàrù).

Wòm : le chant ou la chanson

En bààtɔnù, « Wòm » désigne indifféremment le « chant » ou la « chanson ». Du genre musiqué, il représente un des modes d’expression les plus populaires. Son origine semble remonter ab origine. Aucun des informateurs n’a pu m’indiquer à quelle époque remonte la découverte de la chanson. Néanmoins, il est aisé de réaliser que la chanson en tant qu’art populaire et communautaire peut être rattachée aux artistes et aux bàrɔ̀bū (griots professionnels). Ce sont eux et elles qui, griots de cour ou griots particuliers, offraient des spectacles aux populations au gré de leur inspiration. Ce sont encore eux et elles qui animaient les manifestations religieuses, initiatiques et funèbres. Dépositaires de la tradition orale, experts généalogistes et « maîtres de la parole », leurs chansons sont le reflet de l’histoire d’un peuple. Les occasions où la chanson se pratique sont donc nombreuses. Aussi, existe-il diverses sortes de chansons dans la littérature orale bààtɔnù qui rendent compte de la vie quotidienne. Tous les événements et toutes les occasions de la vie sont propices à être chantés : la mort, la vie, la joie, la mélancolie, la douleur… Nous pouvons distinguer les chansons profanes et les chansons circonstancielles ou sacrées. Les chansons profanes regrouperaient toutes les chansons populaires et récréatives alors que les chansons circonstancielles renfermeraient les chansons sacrées, spécifiques à une occasion donnée. C’est d’ailleurs la classification proposée par la plupart des spécialistes de la chanson et qu’adopte aussi Maman Abdou Djobosso (1992, 106) dans son étude. Analysant la chanson bààtɔnù et ses différentes catégories, il note qu’en

tant que fait culturel, la chanson intéresse tous les domaines de la société. Elle est utilisée aussi bien au cours des occasions ordinaires de distraction qu’au cours des occasions exceptionnelles des cérémonies. Ceci permet de distinguer deux grands types de chansons qui concernent les domaines sacré et profane. Les chansons sacrées qui requièrent des conditions particulières pour leur exécution, sont objet d’exclusivité d’une corporation structurée et hiérarchisée à l’image de la société toute entière : c’est le monde des chanteurs professionnels dont la formation intègre des procédés pédagogiques originaux, mais fort édifiants. Les chansons profanes quant à elles, animent les activités quotidiennes dans la société. Elles incluent les comptines qui animent et accompagnent les soirées récréatives des enfants.

On le réalise, Maman Abdou Djobosso (1992) a procédé à une taxinomie par fonctionnalité. Ainsi, pendant que les chansons profanes regrouperaient les productions individuelles ou collectives voire « traditionnelles qui présentent un caractère populaire », les chansons sacrées, fait exclusif des griots ou chanteurs professionnels, tiennent, d’une part, à la compétence héréditaire du chanteur ou de la chanteuse, aux circonstances d’exécution des chansons, et d’autre part, à l’identité de la personne à qui s’adresse la chanson. Il distingue les chansons sacrées à caractère religieux, funèbre et initiatique.

Pour ma part, dans le souci d’éviter tout amalgame, et en se fondant sur les occasions de production, je retiens deux catégories de chansons : les chansons profanes et les chansons sacrées. Les chansons profanes regroupent les chansons populaires comme les chansons de jeux d’enfants (les comptines appelées bídúèbù wómúsú ou bíkɔ̀kɔ̀sù wómúsú[27], les berceuses ou wòm dórí[28], les chansons de sous-groupes socio-professionnels tels que les chansons des chasseurs, des forgerons ou encore les chansons d’adversité.

D’une façon générale, ces pièces s’inscrivent dans le vaste domaine des chants qui magnifient la vie tant dans ses heures de bonheur que de difficultés. Ce sont donc des chansons qui meublent les réjouissances populaires et qui, naturellement, expriment les événements de la vie comme la naissance et la mort. En tant que telles, elles expriment les sentiments humains, les espérances, les velléités non accomplies et les échecs. Il existe également des chansons de guerre, tābù wòm ou tābù gon[29]. Ces chants ont pour but de galvaniser les guerriers et sont dits par les Kòrògú et les gɛ̀sɛ̀rɛ́ sur les champs de bataille ou à l’occasion des funérailles du tàbù dùrɔ̀, c’est-à-dire du « chef de guerre ». Cette catégorie comprend aussi les chansons de jalousie à travers lesquelles les femmes, entre coépouses traduisent, leurs rivalités et leurs sentiments.

Quant aux chansons sacrées, elles concernent les chansons anciennes, caractérisées par un certain sens religieux et sacré puis transmises aux Bààtɔ̃́bù par les voix inconnues des ancêtres. Elles renferment une valeur sacrée et rituelle. Les chansons sacrées regroupent les bàngù wóm (chansons des cérémonies initiatiques), les gɔ̀ɔ̀ wóm (chants funèbres) et les bũu wóm (chants liturgiques relatifs aux divinités, par exemple le recrutement et la sortie des fidèles d’une divinité : bùkàkàrí ou sã̀bànì).

Une remarque mérite d’être signalée à ce niveau : c’est que les chants de deuil (gɔ̀ɔ̀ wóm) en tant que textes sacrés relèvent quelque peu de la composition in-performance. Certes, ils sont figés par le rythme et construits sur un fond commun, cependant le re-créateur qu’est le griot ou la re-créatrice qu’est la veuve a la possibilité d’imprimer au texte une nouvelle dynamique en fonction de son talent, des dispositions du moment, de même que du statut et de l’origine clanique du défunt ou de la défunte. En cela, la poétique fournissait les règles de création et l’esthétique qui s’inscrit dans la dynamique de re-création.

Profane ou sacrée, on le remarque aisément, la chanson est un art prolifique et utilitaire. Elle assure à la fois une fonction ludique, thérapeutique, religieuse et exutoire. La chanson populaire, quant à elle, sert de tribune de critique sociale, de dénonciation. Elle embrasse une pluralité de thèmes. Voici un exemple de chanson qui dénonce le comportement de certaines filles qui, par caprice ou par une « prétendue émancipation » finissent par être  données en mariage à un vieillard, à défaut de finir vieille fille. Cette chanson, on le comprend bien, dresse une satire sociale des jeunes filles oisives et trop ambitieuses.

wɛ̃́ndía wí ú nɔ́ní yɔ̰̃̀rà
séré bù wíí wín tɔ́kɔ kɛ̰̃
ù ǹ wìn tɔ̀kɔ̀ gɛ̃̀mà yà
kpa ù wìn tànàrù dɔ̀rà
tènkú bà ǹ dɔɔ̀nɔ̀ bù bén kùrɔ fààrà wa
bà ǹ wa bà ǹ kpa
bù wìi dárá wɔ́kúrú kɛ̰̃
ù ǹ dārā wɔ̄kūrū gɛ̃́mà nī
u wìn kàm sínà
yén kɔ̀kɔ̀rɔ̀ kà yén fìntì
báá dommá póló tíà sɔɔ
báá dommá tòbèkú tíà sɔɔ
wín watáaré kórú kɔ́rē
wín wɛ̰nɛ́ɛrɛ́ kórú kɔ́rē
wín bàràrù nàasu kórú kɛ́ki
Traduction élaborée
Quand une fille est capricieuse
On la donne en mariage à un vieil homme
Si elle méprise le vieil homme
Elle mène une vie de célibataire
Aux commerçants ambulants
Elle servira de compagne gratuite
Quand ils en auront fini avec elle
Ils lui donneront cinquante francs pour le service rendu
Et si elle dédaigne la somme à elle offerte
Elle restera sans sous
Et enfin de compte,
Tout le temps,
elle se vêtira du même polo
Tout le temps, elle se vêtira de la même jupe
Son pagne bon marché usé et rapiécé
Sa bassine recollée
Son unique paire de chaussures usées

Kánárù : la prière

Appelée kánàrù en bààtɔnù, la prière est également désignée, et ceci par abus de langage, par le terme « dɔ́nmárù » qui renvoie plutôt à la « bénédiction ». Kánàrù peut être proférée sur un mode chanté ou mi-parlé mi-chanté. Elle se définit comme un acte religieux par lequel un individu s’adresse à Dieu, à une divinité ou à l’esprit des ancêtres. C’est un genre sacré populaire, une parole liturgique et un signe de gratification. La prière kánàrù jalonne et rythme l’existence du ou de la Bààtɔnù dans la mesure où, voie de salut, le sacrifice définit son quotidien. Le sacrifice fait ainsi partie de la relation qui unit le ou la fidèle à la divinité. À l’intérieur de kánàrù, on retrouve nɔ̀ɔmɛ̀rù qui renvoie à l’incantation, et dɔ́nmárù qui désigne la bénédiction et dont le contraire est bónɛ̀, c’est-à-dire la malédiction, l’imprécation.

La prière s’observe au cours des cultes religieux comme adjuvant au sacrifice (yánkúrù). Organisées donc, à l’endroit des bṹnṹ (divinités) ou encore au cours des cérémonies funéraires, les prières visent l’épanouissement et le bien-être des personnes. On pourrait préciser ici avec Issiaka-Prosper Lalèyè (1993, 694) que

sans la parole, le sacrifice ne peut pas être. Convaincue de sa propre puissance, mue par son élan créateur et recréateur, la parole anime le sacrifice. Mais elle est simple, claire, accessible à tous, assurée de joindre les adorateurs, les dieux et l’Être suprême.

Or, cette parole n’est autre que la prière.

Aussi, au cours des rituels sacrificiels, la prière est-elle exécutée par le bṹu kɔ́só, c’est-à-dire le prêtre de la divinité, donc le maître des cérémonies, et les Kòrògú. Ils et elles en représentent la cheville ouvrière. Ce sont en effet eux et elles qui dirigent les cultes et chantent les louanges aussi bien des divinités que des fidèles. Les chants expriment la grandeur et la puissance des bṹnṹ ainsi que leur sollicitude à l’endroit des humains. Ils célèbrent également les louanges des fidèles (les búnúgíbù) ainsi que l’esprit bienveillant des ancêtres. Dans ces prières, les louanges à l’égard des divinités et des fidèles s’entremêlent et s’alternent. C’est ce que démontre Ascension Bogniaho (1987, 57) quand il affirme que les prières « sont mélange de supplications, de demandes, d’objurgations et de paroles génésiaques louangeuses, car il faut flatter, magnifier, parfois supplier pour fléchir le divin donateur ».

À l’observation, kánàrù présente un canevas fixe, préétabli, sur lequel l’hiérophante construit et réactualise son texte. Ainsi, le texte de prière s’ouvre sur des formules de salutation appropriées, intégrant devise et généalogie de la divinité. Ensuite, le prêtre de cérémonie expose la situation puis invoque les divinités tutélaires. Enfin, on assiste à la présentation des offrandes et des sacrifices suivie de la demande de médiation à l’endroit d’autres divinités. On peut observer cela dans l’exemple ci-dessous. Ce texte fait partie des litanies adressées aux génies et aux ancêtres. Tous les noms sont des noms d’ancêtres ou de génies ou encore d’esprits. Recueillie au cours d’une cérémonie à la divinité Tabé, cette prière d’intercession met en lumière le processus par lequel les fidèles invoquent et sollicitent les grâces de la divinité. Dans ce texte, l’officiant sollicite l’intercession de la divinité pour le retour de la paix. On peut noter que la prière présente la structure suivante :

  • la louange à la divinité et l’exposition de la situation (Versets 1 à 6);
  • l’invocation et la supplication de la divinité (bṹu) (Versets 35 à 54). Cette phase peut se retrouver aussi après la présentation du sacrifice;
  • la demande de médiation à l’endroit des autres divinités (Versets 7 à 20);
  • enfin, la présentation du sacrifice et des offrandes (Versets 21 à 34) suivi encore de la supplication et des remerciements.

Voici un exemple de prière :

1-    Tábé  Bíɔ́ Wúré Tabé/Bio – Wouré Tabé Bio Wouré!
2-    Na nun tɔ́búrà Je/te/saluer – Je t’invoque!
3-    Bṹu kpúró kpúró    bṹu Bíɔ́ Wúré Divinité/de tous les/divinité/Bio Wouré – Bio Wouré, divinité des divinités!
4-    Bṹu súunú bṹu Divinité/centre/divinité – Divinité qui est au centre des divinités!
5-    Tábé Bíɔ́ WúréTabé/Bio/Wouré – Tabé Bio Wouré!
6-    Bíɔ́  síná Kógón bṹu Bio/chef/Kogo/divinité – Bio, divinité du chef Kogo
7-    Bɛ́sɛ́ wee Nous/voici – Nous voici!
8-    sa yíré  báká ka búu kpúró nous/à genoux/grands/et/petits/tous – Tous à genoux, grands et petits!
9-    bɛ́sɛ́ń wásíyá swĩ́yá notre/corps/chauffer – Notre santé s’est dégradée!
10-  yera  sa  na sú nún déemá alors/nous/venir/pour/te/trouver – Alors, nous sommes venus te solliciter!
11-  Tábé  Bíɔ́ Wúré Tabé/Bio/Wouré – Tabé Bio Wouré!
12-  Sa náwá mí gáswĩ́yá a  yírém  wísí Nous/venir/là où/se chauffer/tu/fraîcheur/verser – Nous sommes venus afin que tu rafraîchisses ce qui est chaud
13-  Sa yɛ̃́  mɛ̀ sá tórá Nous/savoir/bien/nous/avoir tort – Nous sommes bien conscients de notre faute!
14-  A kú nɛ́ɛ  bɛ́sɛ́ǹ  dáawá  ka ka  sún   nɛ́rɛ́ Tu/ne pas/dire/notre/nature/et que/nous/traiter – Ne nous traite pas en fonction de notre nature!
15-  Á  kú sún  nɛ̃́rɛ́ ka  sɛ̃́rá  Tu/ne pas/nous/traiter/avec/chicotte – Ne nous traite pas avec sévérité
16-  Á sún nɛ́rúɔ́ ka núkú dóbú Tu/nous/traiter/avec/bienveillance – Traite-nous avec bienveillance
17-  Bárá té tá dúá  bɛ́sɛ́ǹ wúugésɔ́ á té gbáró á kɔ̃̀ Maladie/là/qui/entrer/notre/dans village/tu/le/banir/et/jeter – Repousse de notre village toute maladie qui s’y introduira
18-  Sa yɛ̃́ mɛ̀ sá tórá Nous/savoir/bien/nous/avoir tort – Nous sommes bien conscients de notre faute!
19-  Á  súurú súá á sɔ́bé Tu/patience/prendre/tu/porter – Sois d’une grande patience!
20-  Súurúwá gúrógúrón kóm C’est patience/sage/apanage – La patience, c’est l’apanage du sage
21-  Á sún   sɔ̃́ɔwá a  nɛ́ɛ́ Tu/nous/dire/tu/dire – Tu nous as dit que :
22-  Sá ǹ ká yã́a kpíkíní ná Si nous/avec/béliers/blancs/apporter – Si nous apportons des béliers blancs
23-  Kaa   kɔ̃́sá  yé gbárá Tu/mal /là/repousser – Tu repousseras le mal-là!
24-  Yé á bíkíá ye wee sá ká  ná Ce que/tu/réclamer/le/voilà/nous/que/apporter – Voilà que nous avons apporté ce que tu réclames
25-  Yá ǹ nun wɛ̃́ré á sún  sɔ̃́ɔwó sú nɔ́ Si/cela/te/convenir/tu/nous/dire/que/entendre – Si cela te convient, fais-le nous entendre!
26-  Tábé Bíɔ́ Wúré á ná mwá á dí Tabé/Bio/Wouré/tu/venir/prendre/tu/manger – Tabé Bio Wouré! Viens prendre et mange!
27-  Yé á bíkíá ye wee Ce que/tu/réclamer/le/voilà – Voilà ce que tu as réclamé!
28-  Á mwá á dí tu/prendre/tu/manger – Prends et manges-en!
29-  Kpá sun bwã́a   dóbú  kɛ̃́ Puis/nous/ santé /donner- Puis accorde-nous la santé
30-  Á sun yírém wísíóTu/nous/fraîcheur/déverser – Déverse sur nous ta fraîcheur!
31-  Á úurú kówó Bíɔ́  Wúré Tu/patience/faire/Bio/Wouré – De grâce, Bio Wouré!
32-  Á bɛ́sɛ́ń  yã́kú té mwɔ́ Tu/notre/sacrifice/là/recevoir – Reçois notre sacrifice!
33-  Níkí bíí tíá kú rá wɔ́rí dókú Doigt /seul/ne pas/gluant/laper – Un seul doigt ne lape pas la sauce gluante!
34-  Yen sɔ̃́ná  ná màa bɛ̀ɛ̀ sókúmɔ́ C’est pourquoi/je/aussi/vous/invoquer – C’est pourquoi, je vous invoque aussi :
35-  Káni Bɔ́ná Wúré De Kandi/Bona/Wouré – Bona Wouré de Kandi
36-  Gbéerú  bɔ́kɔ́   Bɔ́ná Wúré Forêt/grand/Bona/Wouré – Bona Wouré de la grande forêt!
37-  Yĩ́ná  síná Tábé Ina/chef/Tabé – Chef Tabé de Ina !
38-  Wã́rárɔ́  Sábí búkɔ́ Wanrarou/Sabi/grand – Grand Sabi de Wanrarou
39-  Wɛ́ɛwɛ́ɛren Bɔ́ná Wúré Wèwèré de/Bona/Wouré – Bona Wouré de Wèwèré!
40-  Kpeteere Wórú Wúré Kpétérou/Worou/Wouré – Worou Wouré de Kpétérou
41-  Karaka kpara Sã́ni KpásíKaraka/village/Sanni Kpaï – Sanni Kpaï du village de Karaka
42-  Wórú Kótó Wórú Wúré Worou/Koto/Worou/Wouré – Worou Koto Worou Wouré
43-  Yámbé[30] Bíɔ́ Wúré Yambé/Bio/Wouré – Yambé Bio Wouré!
44-  Táraagíí Wórú Wúré Celui qui est tressé/Worou Wouré – Worou Wouré à la tresse!
45-  Sábi Sání Sabi Wúré Sabi/Sani/Sabi/Wouré – Sabi Sani Sabi Wouré!
46-  Bíɔ́   Káná Bíɔ́ Wúré  Bio/Kana/Bio/Wouré – Bio Kana Bio Wouré!
47-  Nárí Bíɔ́ Wúré Nari/Bio Wouré – Nari Bio Wouré!
48-  Yɛ́gí Bɔ́ná WúréYègui/Bona/Wouré – Yègui Bona Wouré!
49-  Bɔ́ná bíi mɛ́ró bírú[31] Bona/fils/mère/derrière – Bona, mère dont le dos porte l’enfant !
50-  Kóné Bɔ́ná Wúré Koné/Bona/Wouré – Koné Bona Wouré!
51-  Bɔ́ná bíi mɛ́ró bírú Bona/fils/mère/derrière- Bona, mère dont le dos porte l’enfant!
52-  Swã́a gã́are Bɔ́ná  WúréSwaan gãaré Bona Wouré Swaan gãaré – Bona Wouré!
53-  Bɔ́ná bíi mɛ́ró bírú Bona/fils/mère/derrière – Bona, mère dont le dos porte l’enfant!
54-  See Gúrún Bíɔ́ Bíɔ́ Wúré Sé Gourou/Bio/Bio Wouré – Bio de Sé Gourou, Bio Wouré!
55-  Ba kù ra tàbùgárí bu ka kpè On/ne jamais/combat/compter/jusqu’à/finir – On ne finit jamais de compter jusqu’à la fin les combats
56-  Sínání túrón bíbú Roi/d’un seul/enfants – Enfants d’un seul Roi
57-  Sínání wɔ́rógóo wíyá márá Roi /d’en haut/celui que/attendre – Le roi d’en haut que tu attends
58-  Bɛ́ɛ kpúró kpúró í ná í mwá ídí Vous/tous ensemble/vous/venir/vous/prendre/manger – Vous tous ensemble, venez prendre à manger!
59-  Súnú wórárú gbérún  sékúrá Eléphant/amaigrissement/brousse/honte – Si l’éléphant maigrit, honte à la brousse !
60-  Sà ǹ sékúrúwá bɛ́ɛn    sékúrá Si nous/   honte  /votre/honte – Notre honte est votre honte!
61-  Í mwɔ́ í  dí  Vous/prendre/vous/manger – Prenez et mangez!
62-  Kpá í màa ɛ́ɛn bíbú bwã́a dóbú kɛ̃́ puis/vous/aussi/vos/enfants/santé/donner – Puis accordez à votre tour à vos enfants la santé!
63-  Í ná í sún yɔ̃́ré bɛ́ɛ kpúró kpúró Vous/venir/vous/nous/veiller/vous/tous ensemble – Venez nous protéger tous ensemble!
64-  kɔ̃́sá yé yá wã́a bɛ́sɛ́n  wúugésɔ́ í yé wɔ́ká Malheur/qui/être/notre/village/vous/faire/essuyer – Anéantissez le présent malheur qui sévit dans notre village!
65-  yé yú kó  bɛ́sɛ́ń wúugé sósí í yé gáwámá Ce qui/faire/notre/village/développer/vous/le/attirer – Attirez dans notre village la prospérité !
66-  ba kù ra dáarú dée bù ka nɔ̀rù wee On/ne pas/rivière/aller/on/avec/soif/rentrer – On ne revient pas de la rivière assoiffé!
67-  kɔ̃́sá yé sá wáamɔ́ ka yé sá ǹ wáamɔ́ Malheur/que/nous/voir/et/ce que/nous/ne pas/voir – Le malheur que nous voyons et que nous ne voyons pas
68-  í yé kpúró gbáró Vous/les/tous/conjurer – Conjurez-les tous!
69-  bá kú ra ǹ súunú sɔ́ní náasù  sun  tém gáwé On/ne pas/éléphant/chevaucher/pieds/ils/sol/traîner – On ne chevauche pas un éléphant avec les pieds rasant le sol
70-  bɛ́ɛwá sá ká yɔ̃́rá C’est vous/nous/avec/se remettre – C’est à vous que nous nous remettons!
71-  í kú dé sú sékúrú  dí Vous/faire/laisser/nous/honte/manger – Ne nous exposez pas à la honte!
72-  Tabé Bíɔ́ Wúré Tabé/Bio/Wouré – Tabé Bio Wouré!
73-  á núá yé sáká yíré  búrú té tu/entendre/ce pour quoi/à genoux/matin/ce – Comprends-tu la raison de notre invocation matinale?
74-  Bíɔ́ bṹu súunú bṹu Bio/divinité/entre/divinité – Bio, divinité des divinités!
75-  Bíɔ́ síná Kógón bṹu Bio/suprême/Kogo/divinité – Bio, suprême divinité de Kogo!
76-  Bíɔ́ wútúutú Bírɛ́nú yãmírí (intraduisible)
77-   Bíɔ́ síná sɔ̃́ɔ  wɔ̃só wí ú rá ǹ sáa  sínɔ̀  kéré Bio/chef/soleil/vivant/celui qui/ombre/assis/dépasser – Bio, le chef, le soleil vivant, celui qui dépasse l’ombre assise!
78-   Bee tɔ̃́gán tɛ́ndú bíɔ́ Wúré Il est dit que/lianes/arc/Bio/Wouré – Bio Wouré, il est dit que l’arc à lianes,
79-  á ǹ kú ń tóobú yɛ̃́ a tíi tóo Si tu/ne pas/tirer/savoir/tu/toi tirer – Si tu ne sais pas le manipuler, tu tireras sur toi-même!
80-  Á ǹ dã́a dɛ́ndɛ́ndún   bínú díní Si tu/arbre/grand/fruits/manger/- Si tu manges les fruits du grand arbre,
81-  Á ǹ kaa   wúnɛ́ń dã́rú tɔ́bírí Tu/ne pas/ton/arbre/remercier – Ne vas-tu pas remercier ton arbre?
82-  Wúná  bɛ́sɛ́ń dãrú Bíɔ́ Wúré C’est toi/notre/arbre/Bio/Wouré – C’est toi notre arbre, Bio Wouré!
83-  Á  kú dé  sú  sékúrú wá Tu/ne pas/laisser/nous/honte/connaître – Ne nous expose pas à la honte!
84-  Bíɔ́   síná  sɔ̃́ɔ   wɔ̃só wí ú rá ǹ saa sinɔ̀ kéré Bio/chef/soleil/vivant/celui qui/ombre/assis/dépasser- Bio, le chef, le soleil vivant, celui qui dépasse l’ombre assise!
85-  Bee  tɔ̃́gán tɛ́ndú bíɔ́  Wúré Il est dit que que/lianes/arc/Bio/Wouré – Bio Wouré, il est dit que l’arc à lianes,
86-  Á ǹkú ń tóobú yɛ̃́ á tíi tóo Si tu/ne pas/tirer/savoir/tu/toi/tirer- Si tu ne sais pas le manipuler, tu tireras sur toi-même
87- Á ǹ dã́a   dɛ́ndɛ́ndún   bínú dí ní Si tu/arbre/grand/fruits/manger/- Si tu manges les fruits du grand arbre,
88- Á ǹ kaa wúnɛ́ń dã́rú tɔ́bírí Tu/ne pas/ton/arbre/remercier – Ne vas-tu pas remercier ton arbre?

Fonctions de la littérature orale

La littérature orale bààtɔnù, à l’instar de toutes les littératures orales d’Afrique, remplit plusieurs fonctions comme nous l’avons constaté à travers chacun des genres étudiés. Source de distraction, la littérature orale bààtɔnù permet de se changer les idées, de se détendre à travers les chansons de réjouissance pendant les cérémonies de mariage, baptême, etc.

Elle a également une valeur éducative pour les jeunes. Les leçons de morale des contes, les séances de devinette sont autant d’occasion au cours desquelles les parents éduquent et enseignent aux enfants les valeurs cardinales de la société. Au moyen des panégyriques (tùmàrù), la société transmet l’histoire des rois et des clans, de génération en génération.

Elle assure aussi une fonction thérapeutique et cathartique. Dans le domaine du chant funèbre, notamment au moyen de la lamentation, la littérature orale bààtɔnù joue un rôle exutoire. Elle permet aux endeuillés de soulager leurs peines en injuriant la mort, en exprimant leur désarroi. A ce niveau, la lamentation fonctionne comme un discours consolatoire. En manifestant en outre l’ignorance et l’impuissance de l’humain face à la mort, en veillant les morts, elle diffuse les rituels et les croyances, encourage la conformité aux normes culturelles puis apporte un soulagement psychologique dans un cadre institutionnalisé comme celui du deuil. Elle permet en outre d’assurer la médiation avec le divin, le mystère et le numineux tout en facilitant la transition vers l’autre monde : celui des esprits. De plus, elle permet de soutenir un travail, de converser avec le bébé et de le bercer à travers les wóm dórí (berceuse); elle permet aussi de faire l’éloge de l’amour ou de dire les ressentiments de l’amour à travers les chansons d’amour. On comprend donc pourquoi la poésie orale est bifonctionnelle. Art utilitaire, « elle est entreprise et action […] creuset où tout fait culturel peut se consigner; elle est exorcisme et libération » (Ascension Bogniaho 1987, 53). En définitive, multiforme et multifonctionnelle, la littérature orale bààtɔnù, comme le fait remarquer Djibril Débourou (2012, 298), est un « trésor de poésie, de verve, de grandeur, trésor coloré et parfois émouvant, l’arsenal littéraire baatonnu n’est pas figé; il comprend tous les genres : chansons de geste, tragédie, comédie, proverbes, contes et fables ».

Conclusion

Au terme de cette esquisse sur le fait littéraire oral bààtɔnù, il ressort que la littérature orale bààtɔnù, en tant qu’objet d’étude est assez récente. C’est pourquoi peu de travaux lui sont consacrés. Elle puise sa matière dans la tradition orale et doit son dynamisme essentiellement aux artistes et griots aussi bien de cour qu’aux griots populaires. Par ailleurs, comme toutes les littératures orales du monde, la littérature orale bààtɔnù se ramifie en littérature orale profane et en littérature orale sacrée avec, à l’intérieur de chacune d’elle, des genres aussi bien narratifs et lapidaires (parolés) que poétiques (musiqués).

Comme genres parolés (c’est-à-dire narratifs et lapidaires), nous retenons les genres tels que : sùkù dɛ́ǹdɛ́mu (le conte), mɔ́ndú (le proverbe), Sùkù kpírìbu (la devinette) et comme genres poétiques (entendons ceux musiqués), tòmànù ( le panégyrique), wóm et toutes ses variantes (le chant ou la chanson), la devise (gɔ̀ɔbírù), kánàrù (la prière), l’incantation (nɔ̀ɔmɛ̀rù ), etc. Enfin, nous avons noté aussi que la littérature orale bààtɔnù est multiforme et multifonctionnelle.

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Gniré Tatiana DAFIA est Docteure d’État en littérature orale africaine à l’Université d’Abomey-Calavi où elle enseigne en qualité de monitrice. Co-auteure de Les Fils de Râ, nous sommes parents d’âme (poème), elle a participé en tant qu’auteure poète aux anthologies : Ce regard de la mer…, Si Dieu était une femme… de Mahougnon Kakpo et à l’écriture plurielle : La petite fille des eaux dirigée par Florent Couao-Zotti. La plupart de ses recherches et travaux s’inscrivent dans le domaine de la littérature orale sacrée, notamment le chant funèbre. Courriel : tianadafia@yahoo.fr ou gannigui1972@gmail.com

Résumé

Véhicule privilégié des cultures qui la créent et la pratiquent, la littérature orale représente, sans conteste, la mémoire partielle ainsi que le patrimoine du groupe qu’elle exprime. Chez les Bààtɔbù du nord du Bénin, comme chez tous les peuples de l’Afrique noire, la littérature orale se manifeste par l’intermédiaire des griots. Ce sont eux, « gens de la parole », qui créent l’histoire et qui transmettent la poésie et la musique, de génération en génération, à travers diverses paroles. Ainsi constituée de genres dont bon nombre sont restés jusque-là inexplorés, la littérature orale bààtɔnù se décline en littérature orale sacrée et en littérature orale profane. L’objectif fondamental de cette étude est de dresser une nomenclature de ces différents genres oraux pratiqués par les Bààtɔbù. Une telle démarche permettra à coup sûr de rendre plus perceptible et plus visible un des aspects de la riche littérature orale béninoise.

Mots clés

Bénin, griots, littérature orale africaine, Bààtɔbù

Citation

Gniré, Tatiana Dafia. 2019. « Pour une taxinomie des genres littéraires bààtɔnù ». In Dɔnko. Études culturelles africaines. Sous la direction d’Isaac Bazié et Salaka Sanou, pp. 121-158. Québec : Éditions science et bien commun.

Ce texte sous licence CC BY SA est disponible en libre accès à l’adresse https://scienceetbiencommun.pressbooks.pub/donko.


  1. Il faut ajouter à cette œuvre de référence les nombreux articles publiés par le chercheur sur la littérature orale du sud du Bénin.
  2. Mahougnon Kakpo, à l’instar des  deux premiers chercheurs, s’est investi depuis quelques années dans les recherches sur la littérature orale sacrée du sud Bénin, notamment la littérature sur le Fa. Il a publié dans ce contexte plusieurs études parmi lesquelles on peut citer : Introduction à une poétique du Fa (2006); Les épouses de Fa : récits de la parole sacrée du Bénin (2008); « Poétique de la paix ou Tofa : communication entre les Vodun et les vivants », in Mahougnon Kakpo, (textes réunis et présentés par), Voix et voies nouvelles de la littérature béninoise (2011); Yɛku-Mɛnji : une théologie de la mort dans les œuvres de Fa. Essai d’herméneutique littéraire (2012) et L’iroko : l’arbre de vie dans la mystique Vodun (2018).
  3. Source : INSAE/RGPH 2013.
  4. Le bààtɔnù est parlé au Nigeria dans le Kwara State, précisément dans les divisions d’Okuta, Ilesha, Yashikira, Shia, Gwanara, Kosubosu, Kaiama et Busa.
  5. Dans le cadre de cette étude, le Borgou doit être perçu comme un territoire ethnolinguistique qui transcende les limites des frontières nationales et dans lequel les peuples bààtɔnù ont en commun une même pratique culturelle.
  6. Une remarque mérite d’être faite en ce qui concerne les griots Bàasɔ̀wá. Les Bàasɔ̀wá désignent une catégorie de griots où se manifeste la forte présence des femmes. En effet, lorsque le griot est de sexe masculin, il porte le nom de Bàasɔ̀wá alors que quand c’est une femme, elle est désignée par le nom de Yɛ̀rɛ̀kú. Cette catégorie de griots se sert d’un instrument de musique de la famille des harpes. De forme rectangulaire, cet instrument laisse pendre des lacets de cuir terminés par des grelots qui annoncent les changements de rythme dans les chansons.
  7. Les kànkàngí sont des joueurs d’instruments, précisément de trompettes comme le gúkú est flûtiste et le gáñkū, le joueur de tambours.
  8. En effet, il est  impossible de remonter aux origines de la littérature orale bààtɔnù. En se fondant sur des faits historiques, on pourrait postuler que la littérature orale bààtɔnù, portée et vulgarisée par les griots, peut être rattachée à l’installation des Wásã̀gáríbà dans le Borgou.
  9. Nassirou Sabi Mora Mohamadou. 2011. La poéticité du panégyrique clanique : cas de quelques panégyriques claniques de la culture baatɔnu du Nord-Bénin. Mémoire de Maîtrise de Lettres Modernes. Cotonou : UAC. Tatiana Gniré Dafia. 2012. L’esthétique littéraire dans les chants mortuaires en pays baatɔnu. Mémoire de D.E.A. Cotonou : UAC. Koudous Bandiri. 2015. Théâtralité et fonctions sociales du rite funéraire goru sikubu chez les Baatɔm Geobu. Mémoire de Maîtrise de Lettres Modernes. Cotonou : UAC. Abdou Maman Djobosso. 1992. Mécanismes didactiques en tradition orale : Aspects de la chanson baatonum. Mémoire de Maîtrise de Linguistique, Cotonou : UNB. Ahmed G. Bio Nigan. 2003. L’annonce du deuil et le port du deuil dans l’aire culturelle baatɔnu. Mémoire de Maîtrise de Linguistique. Cotonou : U.A.C.
  10. L’objet des investigations était beaucoup plus d’ordre philosophique, anthropologique, sociologique, ethnologique et historique. J'ai essayé de dénombrer les différents travaux consacrés sur le Borgou à partir des œuvres que j'ai pu consulter. Au total, lorsqu’on se réfère à la bibliographie indiquée par Jacques Lombard à la fin de son dernier ouvrage datant de 1965 (Structures de type « féodal » en Afrique Noire,…), il ressort qu’une soixantaine d’ouvrages ont été écrits et publiés sur le Borgou, entre 1830 (1832 exactement) et 1965, ceux consacrés spécifiquement aux Bààtɔ̃́bu étant au nombre de vingt-cinq. De plus, un examen minutieux des titres montre combien la préoccupation de ces chercheurs était loin du fait littéraire qui, à n’en pas douter, était bien manifeste dans cette société marquée par une multiplicité d’influences culturelles. Parmi ces titres, nous pouvons retenir toute la série de travaux publiés par Jacques Lombard : « L’intronisation d’un roi bariba » in Notes Africaines, I.F.A.N., n°62 ; ou encore M.M.D., « La signalisation chez les Bariba de Kandi », Notes Africaines, n°23, juillet 1944. Cinquante ans après le dernier ouvrage de Lombard, on se rend compte, sur la base de la bibliographie proposée par Djibril Débourou dans sa thèse – aujourd’hui ouvrage de référence dans le domaine de l’histoire des Bààtɔ̃́bu –qu’à peine une quinzaine d’études ont été publiées sur les Bààtɔ̃́bu. Aujourd’hui, cette tendance se corrige avec les différents travaux de recherche de maîtrise et en DEA. Certes, ces œuvres sont encore mineures mais elles témoignent de l’intérêt nouveau que la communauté bààtɔnù accorde désormais à sa propre culture.
  11. On en a pour preuve la série de travaux publiés par Jacques Lombard ou par Djibril Mama Débourou, Obarè Bagodo ou encore Léon Bani Bio Bigou : Jacques Lombard. 1965. Structures de type féodal en Afrique noire -Étude des dynamiques internes et des relations sociales chez les Baribas du Dahomey, Paris : La Haye/Mouton. Jacques Lombard. 1998. Le Modèle socio-politique des peuples du Borgou dans les sociétés d’Afrique noire. E. Boesen, Ch. Hardung, R. Kuba (éds). Djibril Débourou. 2012. La société baatonnu du Nord-Bénin, son passé, son dynamisme, ses conflits et ses innovations. Paris : L’harmattan. Obarè Bagodo. 1978. Le royaume Borgou Wasangari de Nikki dans la Première Moitié du XIXème  siècle, (Essai d’Histoire Politique). Cotonou : CNPU, UNB. 189 p. Obarè Bagodo. 1993. « Jalons et perspectives pour une approche des problèmes de chronologie dans l’histoire du Baruwu (Bargu) précolonial » in Afrika Zamani, numéro spécial sur le Bénin, n°1, Nouvelle série, Yaoundé, juillet 1993, pp. 125-148.  Léon Bani Bio Bigou. 1994. Bref aperçu sur les origines du peuple baatↄnu ″bariba″ : musique et religion traditionnelles, artisanat. Cotonou : UNB.
  12. Les « paroles » d’instruments musicaux se définissent, selon Alain Kam Sié, « comme des paroles traduites à partir des sons ou des notes d’instruments musicaux dits « parlants » (tambour, tamtam, balafon, sanza, arc musical, mvet, etc.). Il est capital de noter qu’à ce niveau, il ne s’agit pas de considérer les sons musicaux comme des éléments de littérature orale, mais des paroles qui découlent – par traduction – de ces sons » (Alain Kam Sié 2007, 283).
  13. Les genres narratifs sont ceux qui racontent une histoire dans laquelle interviennent des actants (personnages humains, animaux, esprits, Dieu, êtres végétaux, minéraux, etc), chacun selon un rôle qu’il joue ou une « fonction ». Il s’agit des récits de conte, de la fable, de la légende. Quant aux énoncés, ce que nous désignons par genres lapidaires, « ce sont des formulations assez courtes et généralement de forme stéréotypée qui ont une valeur de sentence, ou qui servent aux louanges, ou enfin qui sont utilisés pour faire des « jeux de langage » (Alain Kam Sié 2007, 281-282).
  14. Bágáná est un nom électif qu’un individu choisit et par lequel il se fait appeler. Généralement, cela se produit lorsqu’une nouvelle charge ou responsabilité incombe à un individu. Le mot « Bágáná » désigne en réalité un « buffle ». L’individu, en choisissant de se nommer ainsi, se compare à un buffle. Bágáná était le nom fort utilisé par le roi de Kouandé quand il prit le trône. C’est un nom emblématique pour caractériser sa personne et son règne.
  15. Kɔ̀ɔra est le nom par lequel les Bààtɔ̃́bù désignent le fleuve Niger. Mais c’est aussi le nom attribué au prince wásàngárí.
  16. Le mot « gbãkɔ̀kɔ̀rù » désigne un insecte au vol rapide et bruyant. C’est donc cette qualité qui semble être attribuée à l’allocutaire de ce panégyrique.
  17. Le vocable « gídà » est un mot peul qui signifie « homme ».
  18. « I ko sùkùru yò ». Cette première phrase est prononcée par le conteur. « Ko » désigne le verbe « faire » ; « I », le pronom personnel « vous » et « sùkùru », le « conte ». Ainsi, l’expression signifierait : « faites le conte ! ». Quant à l’auditoire, il répond par la formule : «  sùkùru gò ». Cette formule peut être traduite par « tue le conte » puisque « go » signifie « tuer ».
  19. Les séances de contes et de devinettes se déroulent en général les soirs, précisément la nuit après les travaux champêtres. C’est l’heure du repos où hommes et femmes, débarrassés des occupations de la journée peuvent se détendre et passer du temps avec leurs enfants.
  20. L’expression « sùkù kpírìbu » est formée à partir du mot « sùkù », forme contractée de « sùkùru » qui signifie « conte » et de « kpírìbu » qui signifie « court », « petit ». Ainsi, « sùkù kpírìbu » désigne un « petit conte » ou un « court conte ».
  21. -L’expression « sùkù dɛ́ǹdɛ́mu », à l’inverse de « sùkù kpírìbu » désigne un « long conte » : « sùkù », comme nous l’avons dit, forme contractée de « sùkùru », « conte » et « dɛ́ǹdɛ́mu » qui signifie « long » ou « grand ».
  22. La phrase « nà ǹ túbà » littéralement traduite se présente comme suit : « nà », « je » «  », particule de négation qui signifie « ne pas » et « túbà » qui signifie « reconnaître », « deviner ». Ainsi, la phrase « nà ǹ túbà » signifie « je ne devine pas » ou tout simplement, « je ne sais pas » ou « je l’ignore ».
  23. Le titre de ce conte peut être traduit comme suit : « Pourquoi le singe a les yeux enfoncés dans les orbites? » (p. 31). Nous avons emprunté cet exemple au Guide de lecture bariba publié par la Commission nationale suisse pour l’UNESCO en 1974.
  24. Les séances de devinettes, nous l’avons dit, débutent par la formule introductive suivante : « I ko sùkùru yò ». Cette première phrase est prononcée par le conteur. « ko » désigne le verbe « faire » ; « I », le pronom personnel « vous » et « sùkùru », le « conte ». Ainsi, l’expression signifierait : « faîtes le conte ! ». Quant à l’auditoire, il répond par la formule : « Sùkùru gò ». Cette formule peut être traduite par « tue le conte » puisque « go » signifie « tuer ».
  25. Yon Kɔ̃gi désigne la personne « qui garde ou détient le rasoir sacré » permettant de baptiser les princes. C’est donc la gardienne des rasoirs sacrés chargée de baptiser les Wásã̀gáríbà. Au cours de la cérémonie de baptême, le prince né reçoit la certification d’appartenir au groupe des nobles. De bonne heure, tous les princes devant être baptisés et leurs parents assiègent les appartements de Yɔ́ɔ Kɔ̃gi. A tour de rôle, elle coupe symboliquement une touffe de cheveux au front et à la nuque de chaque prince. Ce geste, accompagné de prière de bénédiction est suivi de l’attribution d’un nouveau nom. Elle est assistée dans cette mission par des wãzãm (ce sont des coiffeurs professionnels) qui achevaient de raser la tête aux princes.
  26. Le nom « Kɛ́ngɛ́n Yínɛ́ » est un nom composé à partir du substantif « Kɛ́ngɛ́n » qui signifie « morceaux », ou « débris » et de « Yínɛ́ », « coudre », « racommoder » ou « recoller ». D’où le sens de « recolleur de morceaux » ou d’unificateur. Il faut surtout rappeler qu’au moment où celui-ci prenait le trône, le royaume de Buɛ était divisé.
  27. L’expression « bídúèbù wómúsú » signifie littéralement « chansons de jeux d’enfants » (« bídúèbù » exprime l’idée de « jeux d’enfants » alors que « wómúsú » désigne les « chants »). Par conséquent, l’appellation « bídúèbù wómúsú » désigne les « chants qui agrémentent les jeux d’enfants », donc les comptines. La comptine en bààtɔnù est également désignée par l’expression « bíkɔ̀kɔ̀sù wómúsú », forgée à partir des vocables « bíkɔ̀kɔ̀sù » qui signifie « comportements d’enfants » et « wómúsú », (pluriel de « wòm ») désignant le « chant » ou la « chanson ». « Bíkɔ̀kɔ̀sù wómúsú » désigne alors les « chants où des enfants chantent et miment des comportements ».
  28. Formé de « wòm » qui signifie « chant » ou « chanson » et de l’adjectif « dórí », c’est-à-dire « tendre » ou « doux », l’expression « wòm dórí » signifie « doux chant » ou « tendre chanson » voire « chant attendrissant et apaisant ». C’est ainsi que les femmes dénomment les berceuses qu’elles fredonnent à leurs nourrissons.
  29. Littéralement, l’expression « tābù gon » signifie le « tambour de guerre ». C’est une chanson de guerre qui s’accompagne de la danse « gbangba ». Le chanteur et les danseurs sont en tenue de camouflage : ils sont habillés en herbe et dansent en cercle.
  30. « Yambé » est un autre nom fort de la divinité.
  31. Cette formule décrit en réalité une des caractéristiques de la divinité « Yègui ». Lorsque le fidèle est en état de transe, il porte souvent sur son dos un spectateur.

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