8 Comment faire pour que le service public ne capte pas les communs?

Thomas Perroud

Ce texte réfléchit sur une façon d’agencer les relations entre la puissance publique et les communs. J’étudie ici les nombreux risques de capture que l’État peut mettre en place pour diminuer les ressources oppositionnelles de la société civile. J’examine ensuite deux outils : la pertinence d’un partenariat public commun et la question du financement.

En me basant sur l’étude de deux cas qui feront partie d’un livre que je suis en train d’écrire sur « Service public et commun », je me propose dans ce chapitre de réfléchir aux risques que l’État peut faire peser sur les communs. Ces deux cas, la pédagogie institutionnelle et les lycées autogérés, montrent à mon sens que des façons différentes, plus horizontales, de gérer un service public, ont du mal à fonctionner dans le cadre étatique traditionnel. Ces deux cas fournissent d’ailleurs une gradation, puisque l’épisode Freinet que je vais étudier met en évidence un échec — l’État y a mis fin — tandis que les lycées autogérés perdurent, mais dans une forme de containment, pour reprendre un vocabulaire de la Guerre froide.

J’envisagerai ensuite deux solutions inspirées des modes de fourniture du service public : une solution technique, contractuelle et une solution de financement. Le seul problème — et pourtant de taille — sur lequel échouent ces entreprises, c’est celui du financement. C’est celui qui rend l’État incontournable, mais qui en retour menace le commun en introduisant un acteur qui n’a pas les mêmes intérêts que la communauté.

État contre les communs : études de cas

Les deux cas présentés ici ne sont pas des communs au sens strict. Ils en revêtent cependant certains caractères essentiels, dans la mesure où il s’agit de services conçus dans un souci d’autonomie et d’auto-organisation. Ces deux cas ont été retenus ici dans la mesure où ils illustrent la difficulté qu’ils ont eue à convivre au sein du service public. Sont ainsi montrées les menaces que l’État peut faire peser sur ces types de structure, et en particulier sur les communs, auxquels on peut les associer.

Premier cas : l’épisode Freinet

Le mouvement de la pédagogie institutionnelle est créé par le frère de Jean Oury, Fernand Oury et s’inscrit dans la continuité du Mouvement de l’École moderne de Célestin Freinet et du courant plus ancien encore de l’École nouvelle[1]. On retrouve dans ce mouvement de Freinet la même idée initiale : démocratiser l’École[2] en favorisant les relations horizontales, c’est-à-dire le travail du groupe et les réunions tous les matins pour favoriser le dialogue et les retours d’expérience (Rey, 2009, 51). Il s’inscrit dans l’idée de république d’enfants (Ruchat, Gardet et Boussion, 2020). Ce qui m’intéresse ici, ce ne sont pas les techniques pédagogiques de Freinet et Oury, mais les structures institutionnelles d’émancipation des élèves et la réaction de l’institution scolaire et gouvernementale.

Freinet utilise le modèle de la coopérative dont le prestige parmi les socialistes de la IIIe République est très important. L’idée coopérative est intéressante en ce sens qu’il s’agit bien, comme on le verra, de favoriser l’égalité à l’intérieur d’une entreprise puisque le principe cardinal de la coopérative est une personne une voix, à la différence du principe de la société anonyme dans laquelle le poids électoral dépend de la richesse. Freinet a d’ailleurs impulsé de nombreux projets coopératifs dans son village natal. Je ne m’attarderai pas ici sur les institutions mises en place, mais sur la réaction de l’État.

Alors même que ses expériences font l’objet d’inspections positives par les services de l’éducation nationale, et alors même qu’il acquiert une notoriété grandissante auprès de ses pairs (Saint-Fuscien, 2017), les conservateurs auront raison de ces innovations. Il est important pour notre propos d’analyser la réaction de l’institution dans ce qu’elle a de politique. Nous lirons donc les archives dans le but de comprendre comment les innovations de Freinet sont interprétées[3].

Un épisode me semble particulièrement marquant et révélateur de la portée politique de ce modèle. Les problèmes politiques des années trente ont en effet connu une traduction dans ce domaine[4].

Le problème Freinet naît au départ d’un conflit avec le maire. Manifestement, le maire de Saint-Paul n’est pas favorable à l’école laïque et ne remplit pas ses obligations en matière d’hygiène (raccordement à l’eau, aux égouts, nettoyage) vis-à-vis de l’école. Freinet est donc amené à porter ces problèmes devant l’Administration qui doit enjoindre au maire de respecter ses obligations légales. La relation entre le maire et l’instituteur est donc au départ dégradée. Elle va ensuite s’envenimer fortement et un conflit ouvert éclate entre ces deux personnages, conflit qui a précisément pour objet la méthode de Freinet, ainsi que ses opinions politiques. Le camp du maire va notamment monter en épingle certains écrits des élèves qui manifestent une grande animosité envers l’édile municipal[5]. Un incident intervient dans le village en décembre de la même année, accusant Freinet d’endoctriner les élèves.

Dans ce conflit, les inspections de l’Éducation nationale vont donc devoir enquêter sur Freinet. Mais ce qui est le plus frappant dans les archives, c’est aussi que Freinet est surveillé par les services du ministère de l’Intérieur et notamment la direction de la sûreté générale. Il y a ainsi des rapports sur les activités pédagogiques et politiques de l’instituteur.

Le petit instituteur de Saint-Paul devient donc un symbole national et le « sinistre Freinet » est attaqué, ainsi que ses méthodes, par la presse de droite et d’extrême-droite. Le conflit trouve un écho dans Le Figaro et L’Action française. Dans Le Figaro du 8 janvier 1933, on peut lire : « Freinet joint au culte du bolchévisme le culte du freudisme ». Le même journaliste ajoute :

Il traite ses élèves comme des cobayes; il leur inocule en quelque sorte le virus freudien au risque de troubler à jamais leurs jeunes imaginations. Au lieu de leur enseigner des idées vraies, moyens efficaces de résister aux mauvaises passions, il favorise l’éclosion des pensées troubles, qui pourront plus tard devenir systématiques et engendrer des actes criminels. Sa singulière pédagogie trouve des admirateurs enthousiastes, en dehors même des bolchévistes.

M. Ad. Ferrière écrit que « C. Freinet est en train d’élever Saint-Paul au rang d’une des capitales pédagogiques de l’Europe ». L’auteur de cette phrase monumentale est un de ces pédagogues de la S. D. N., fils de Jean-Jacques Rousseau, qui, sous le vocable de l’« éducation nouvelle », prétendent régénérer le monde. Ces partisans des méthodes « modernes » ont tenu congrès à Nice l’été dernier, et ont visité avec admiration l’école de Saint-Paul-de-Vence. La République, organe radical et maçonnique, couvre de son égide l’instituteur « dans le mouvement ». Elle voit dans sa technique nouvelle, l’imprimerie à l’école, la huitième merveille du monde. La Gerbe de Freinet, « la première revue d’enfants, entièrement écrite et illustrée par des enfants », n’a aucun équivalent dans aucun pays du monde… Le plus grave est que le conseil de discipline, ayant à juger Freinet pour ses méthodes particulières d’éducation, non conformes aux programmes officiels, a remis ses délibérations sine die, sur l’ordre du préfet. Il importe que les choses n’en restent pas là. Les contribuables français paient des impôts pour entretenir des écoles publiques, et non des écoles freudiennes. Le procès doit être repris, et sans perdre de temps… Charles Maurras dénonce, lui, la « psychologie internationale » dont s’inspire Freinet. (L’Action française, 28/12/1932)

Il n’est pas indifférent de reprendre à présent les archives pour voir que ces arguments sont repris par l’Administration dans l’instance disciplinaire qui s’ouvre contre Freinet. Plusieurs rapports vont être diligentés (un rapport de l’Inspecteur primaire et un autre de l’Inspecteur d’académie).

Le Conseil départemental statue sur le cas de l’instituteur et propose au préfet une sanction de censure en 1933. Quelle est la motivation? La motivation du Conseil n’est pas dénuée de contradiction, puisqu’après avoir annoncé qu’il n’était pas question pour lui de porter des jugements sur la méthode de l’instituteur et « son freudisme ou son similifreudisme », le rapporteur, n’hésitant pas à parler à la première personne, affirme :

Mais ce qui n’est pas douteux, c’est que l’école ne saurait être transformée en laboratoire de recherche ou d’essai au service d’une doctrine psychologique quelle qu’elle soit. Sans doute, rien n’autorise à exclure du champ d’observation des élèves la vie intérieure ; mais c’est là une question de mesure et de tact, car il y a de sérieux dangers à habituer ainsi les enfants à pénétrer jusqu’au fond du gouffre obscur qui est en chacun de nous et où grouillent parfois d’étranges monstres. (Rapport de M. Richard pour le Conseil départemental et adressé au préfet, 25/01/1933)

L’inspiration freudienne inquiète donc l’institution scolaire. Les écrits de Freud sont à cette époque très influents et notamment auprès des écrivains. L’écriture spontanée ou automatique des surréalistes, qui semble ici inspirer Freinet, est en vogue. Elle est refusée par l’institution scolaire. Mais c’est aussi la question des rôles qui interroge le rapporteur :

méthode d’autant plus aventureuse que sous prétexte de respecter la liberté de l’enfant, le maître se croit tenu d’accueillir avec une égale sympathie les textes les plus déconcertants et les plus extravagants. La rédaction libre ne peut être un blanc-seing délivré à l’enfant pour traiter n’importe quoi (…). Ici, l’erreur est également dans l’outrance et ce parti pris d’abstention, car si chaque enfant suit sa pente où qu’elle le conduise, ce respect n’est plus qu’une abdication, pleine de risques. En fixant l’attention des élèves sur ces textes, en les faisant lire, écrire, en leur donnant ce prestige et cette consécration de la chose imprimée, en en faisant le thème de la plupart des exercices de la journée, le maître leur donne une force de pénétration et de suggestion extrêmement inquiétante. (Rapport de M. Richard pour le Conseil départemental et adressé au préfet, 25/01/1933)

Le rapporteur se livre bien ici à une critique de la façon dont Freinet « élève » au sens premier du terme, les enfants. Donner à leurs écrits le sérieux, la consécration de la chose imprimée, est considéré comme une faute. Mais, plus intéressant encore, le rapporteur en vient à rappeler le rôle de l’État :

L’État (…) n’a pas le droit d’entraîner l’école dans des voies aventureuses. Sa responsabilité est lourde, il veut des preuves de la supériorité des méthodes nouvelles qu’on lui propose et il a raison. C’est pourquoi l’activité de l’instituteur public doit se développer dans les limites que lui assignent les programmes et les règlements établis en Conseil supérieur. (Rapport de M. Richard pour le Conseil départemental et adressé au préfet, 25/01/1933)

L’État doit être le gardien de l’orthodoxie pédagogique, celle-ci n’ayant d’ailleurs pas besoin, elle, de preuve de son efficacité…

L’inspecteur d’académie est aussi très critique de l’inversion des rôles et de la liberté laissée aux élèves. Ce n’est pas le respect accordé à la liberté de l’enfant qui gêne l’inspecteur, mais l’abdication devant cette liberté :

Liberté dans le choix, dans l’exécution d’un travail, voilà pour l’élève ; liberté de vote sur ce travail, voilà pour la classe (…). Conception très contestable du point de vue intellectuel, intolérable à considérer la formation du goût et celle du cœur. Que devient l’action du maître qui doit redresser, corriger, guider en véritable éducateur? Est-ce élever et former l’enfant que de lui conférer une espèce de majorité morale et civique dans une école libérée? (Rapport de M. Richard pour le Conseil départemental et adressé au préfet, 25/01/1933)

La classe est donc bien, dans l’esprit de l’inspecteur, un condensé de la société politique. L’institution souhaite ainsi figer les rôles de chacun. L’idée que l’école doit former à la liberté et qu’il est contradictoire de traiter un futur citoyen en être passif est absente des réflexions des administrateurs.

Le ministère de l’Intérieur questionne aussi les méthodes de Freinet. On ne comprend pas bien comment les rapports adressés à la direction de la sûreté générale ont pu se retrouver dans le dossier Freinet, puisqu’ils sont notés confidentiel, si ce n’est justement la tournure politique qu’a prise l’affaire (Rapport du 3 décembre 1934 adressé à la direction de la sûreté générale par le Commissaire spécial, s.d.).

Le Conseil départemental de l’enseignement primaire lui demande d’abandonner ses méthodes et le sanctionne le 6 février 1933[6]. Le Conseil d’État juge que les faits reprochés à Freinet pouvaient « légalement motiver la mesure »[7]. Sa notoriété le protège de poursuites plus sérieuses. Il est ensuite agressé devant son école. Il se met en congé de longue durée et ouvre sa propre école… privée, le 1er octobre 1935 à Saint-Paul[8].

Une conception inclusive de l’école est donc rendue impossible sous la pression des milieux conservateurs. L’intérêt de cet épisode est de montrer que la conception verticale de l’État correspond aux options politiques de certains groupes sociaux que l’État reprend à son compte. On l’a dit, les rapporteurs rendent leurs avis en faisant valoir une conception du rôle de l’État dans l’éducation. L’épisode Freinet est donc aussi un épisode qui questionne la fonction de l’État et la conclusion est bien que sa fonction soit de généraliser les préférences politiques d’une classe sociale. Cette expérience resta éphémère et minoritaire, comme celle des Républiques d’enfants dans l’après-Deuxième Guerre mondiale[9], dont les caractéristiques sont de proposer un modèle d’autogouvernement des enfants et d’être paneuropéen puisque l’on retrouve des expériences aussi bien en France, qu’en Italie ou en Suisse.

Le mouvement institutionnel, dans ses deux versions, à l’hôpital psychiatrique et à l’école, a pu prospérer sur une base privée (lucrative ou non). Il est difficilement assimilable pour l’État. Ces expériences contiennent des enseignements importants pour l’idée de commun.

Dans un cadre public, le commun a peu de chance de pouvoir prospérer. Cependant, le cadre privé ne constitue pas une assurance de la pérennité du commun dans l’institution puisque la partie commune de la clinique est encastrée dans une structure juridique dont l’esprit est tout à fait opposé.

L’enjeu serait de faire correspondre l’esprit des deux structures, car c’est le seul moyen d’assurer la pérennité du commun[10].

Second cas : les lycées autogérés

L’autogestion n’est pas une forme sociale, mais plutôt une exigence de décentralisation de la décision dans l’organisation, parfaitement alignée avec la pensée des communs et correspond à une demande fondamentale des sociétés qui renaît à certains moments charnières de l’histoire française. C’est le mouvement d’émancipation lancé par les événements de Mai 68, même si les bases théoriques sont antérieures[11], qui a généré un engouement pour ce thème et une floraison de recherches, qui se sont taris dans les années 80[12].

À première vue, il n’y aurait aucune raison de traiter de l’autogestion dans une étude sur les services publics, mais des expériences de services publics se réclamant de l’autogestion, notamment d’écoles, m’imposent d’exposer ce modèle. De quoi s’agit-il?

Le terme a été utilisé d’abord pour qualifier le système yougoslave de gestion des entreprises, c’est donc au départ un concept de management (Rosanvallon, 2017). Comme l’explique Pierre Rosanvallon, la notion charrie avec elle plusieurs couches de sens et d’espoirs : un idéal de management décentralisé, un refus de l’oppression étatique et capitaliste. En ce sens, elle recoupe complètement l’idéal coopératif que j’ai décrit plus haut et elle porte un véritable projet de société, une démocratie radicale, qui n’est pas limitée à la sphère réduite de l’État, mais qui s’étend à l’ensemble des segments de la société. Rosanvallon (2017) formule une définition : « L’autogestion se définit comme exercice collectif de la décision, possibilité d’intervention directe de chacun dans les problèmes qui le concernent ».

En 1982, le ministre de l’Éducation nationale, Alain Savary, autorise quatre lycées expérimentaux[13] (Saint-Nazaire, Oléron, Paris et Hérouville-Saint-Clair), unique concession de François Mitterrand, semble-t-il, à l’engagement en faveur de l’autogestion dans le programme commun (Mouriaux, 2013). D’autres établissements, comme Vitruve ou Ange-Guépin, se réclament de l’autogestion (Pagis, 2009).

Ces mouvements autogestionnaires sont liés aux théories institutionnelles, mais l’idée de départ est de radicaliser davantage ces idées pour impliquer les enfants plus profondément dans l’organisation de l’école :

L’enfant n’a la possibilité d’intervenir dans l’organisation de la vie scolaire (quand existe une coopérative) que dans des secteurs secondaires. La prise en charge de l’essentiel, le contenu du savoir, son organisation, la méthode d’apprentissage, l’évaluation restent le privilège de l’enseignant. (Fonvieille, 1988, 9)

L’attitude de l’Administration vis-à-vis de ces centres est assez positive puisque l’expérimentation est progressivement pérennisée. Mais on sent que les recommandations de l’Administration vont dans un sens centralisateur qui n’est pas aligné avec l’esprit autogestionnaire. Des réunions sont organisées par l’Administration de l’Éducation nationale en mars 1990 avec les lycées, desquelles il ressort les recommandations suivantes :

Les 4 centres constituent, dans l’ensemble, des structures adaptées, semble-t-il, aux besoins de jeunes mal à l’aise dans des structures normales. Il est indispensable, cependant, que chacun se dote d’un projet pédagogique imposant un minimum d’exigences, notamment en termes d’organisation et de fréquentation des cours ainsi que d’objectifs à atteindre.[14]

La recommandation adressée au Lycée autogéré de Paris est intéressante car c’est la structure qui a pris le plus au sérieux l’exigence autogestionnaire :

Il conviendrait alors de rechercher un chef d’établissement qui accepterait le rattachement administratif et qui serait capable de s’investir pour mettre au point avec l’équipe enseignante un règlement imposant un minimum d’exigences sur le plan de la pédagogie et de la gestion. (Patry, 2020, 15)

On voit bien ici la contradiction entre service public et autogestion et comment l’intervention du ministère introduit de la verticalité. L’absence de pluralisme dans l’offre éducative, c’est-à-dire la difficulté à accepter l’essor de modèles d’écoles différents, est d’ailleurs dénoncée par les spécialistes des sciences de l’éducation (Viaud, 14/09/2021). Les écoles pratiquant une pédagogie alternative et promouvant une relation différente à l’enfant dans le service sont restées à la marge du système scolaire. Dans une étude longitudinale, Marie-Laure Viaud a mis en évidence une stabilité du nombre de ces écoles différentes : « les collèges et lycées “différents” de l’Éducation nationale étaient au nombre de 9 en 1983, et ils sont toujours 9 en 2021. Quant aux écoles primaires Freinet, il en existait 20 en 2001, 23 en 2013, et autant en 2021. » (Viaud, 2017). Les structures alternatives ont en outre été réservées aux décrocheurs. Dans le privé, le contrôle de l’État sur la création d’établissements hors contrat est allé croissant depuis la loi Gatel de 2018.

L’État français, par le contrôle du secteur public et par une emprise sur le secteur privé, se pose en gardien d’une conception autoritaire du service public de l’éducation. Ces exemples illustrent encore une fois la difficulté de faire du commun dans l’État français.

La présence de l’État est inévitable, bien souvent en raison d’un besoin de financement des initiatives collectives. Plus fondamentalement, la présence de l’État peut aussi être importante lorsqu’une initiative commune dépasse l’intérêt d’une communauté. Dans ce cas, il est nécessaire que les intérêts des tiers ne soient pas lésés et que l’entreprise commune agisse bien dans l’intérêt général.

Je souhaiterais étudier maintenant comment agencer les rapports entre l’État et les communs.

Quel partenariat entre la puissance publique et les communs?

J’étudierai ici deux points : le contrat entre l’État et le commun et la question du financement.

Le partenariat public commun

La relation de l’État au commun peut prendre deux formes. Le commun peut faire partie de l’État, comme une école par exemple — Freinet a mis en place sa communauté d’élèves dans un cadre public —, mais cette configuration est plutôt rare. Le commun peut aussi être lié à l’État par un contrat, comme dans le cas d’une concession de service public. Le modèle de la concession me semble intéressant pour le commun car il confère à l’entreprise une très grande indépendance et, notamment, un contrôle très limité. Le commun est à mon sens l’occasion de repenser la concession de service public, et ainsi de réfléchir à une nouvelle forme de concession qui permettrait de fournir différemment les services collectifs en impliquant davantage la communauté.

L’État, les communes ont accepté depuis le 19e siècle de déléguer certains services publics à des entreprises privées de nature commerciale. Ces entreprises disposent d’une grande indépendance. La fourniture d’eau, les écoles privées lucratives, les cliniques privées lucratives fonctionnent donc de cette manière depuis longtemps. On pourrait imaginer le même mécanisme pour des services commerciaux qui seraient gérés sur une base communautaire.

Pour illustrer notre propos on peut comparer la fourniture de l’eau à Naples et Paris pour montrer les risques que la présence des communes fait peser sur le commun et, en même temps, l’absence d’arguments pour refuser un véritable commun lié par un contrat à une municipalité. J’utiliserai en réalité ces deux cas comme deux contre-exemples, des exemples de ce qu’il ne faut pas faire, à savoir utiliser l’établissement public.

L’eau à Naples et à Paris et le choix de l’établissement public

En Italie, une nouvelle figure de collaboration est née, mais la structure de gouvernance ne semble pas radicalement renouveler l’action administrative puisqu’après tout l’association des personnes privées à une fonction administrative est une fonction classique du droit administratif français, et même très en vogue depuis la IIIe République.

Naples a mis en place, à la suite du référendum victorieux contre la privatisation de l’eau en 2011, une structure publique de gestion de l’eau appelée Acqua Bene Comune Napoli (Eau Bien Commun de Naples) équivalent d’Eau de Paris. Les deux structures sont des EPIC, c’est-à-dire la structure classique de l’administration wébérienne mais la gouvernance établie montre des nouveautés. La structure napolitaine, telle qu’Alberto Lucarelli l’a décrite, fait une place importante à une désignation des membres du conseil d’administration par la société civile (Lucarelli, 2023). ABC Napoli contient deux structures de gouvernance : un conseil d’administration et un conseil de surveillance — l’utilisation de ce second terme est intéressante puisqu’elle s’inspire de la société anonyme (ABC Napoli, 2023).

Le conseil d’administration d’ABC Napoli comprend cinq membres, dont le président de l’établissement, nommés par le maire sur la recommandation du conseil municipal. Le conseil comprend en son sein deux représentant·e·s d’associations de protection de l’environnement, ce qui leur donne un poids très important dans la prise de décision. C’est un rapport de force très intéressant, puisque le risque le plus évident d’une gestion purement démocratique de l’eau est l’épuisement de la ressource par une tarification trop basse. Non seulement le conseil d’administration fait une place significative à la protection de l’environnement, mais en plus la désignation de ces représentant·e·s implique la société civile. À côté du conseil d’administration, il y a un conseil de surveillance où siègent des représentant·e·s des usagèr·e·s et du personnel. Ce conseil est chargé d’arbitrer les conflits potentiels entre les différents intérêts en présence, notamment entre les intérêts des usagèr·e·s et ceux de la ressource. L’existence de ce conseil est intéressante, puisqu’elle matérialise l’idée que nous avons avancée d’une « communauté de contrôle » dans le rapport sur l’échelle de communalité (Rochfeld, Martin et Cornu, 2021). Il est nécessaire en effet d’avoir une structure permettant d’observer les pratiques.

Si, en regard, on examine de près la structure du conseil d’administration d’Eau de Paris, on voit que la différence est très nette (Eau de Paris, 2023). Le conseil d’administration d’Eau de Paris est composé presque exclusivement d’élu·e·s et de membres de l’administration de la mairie. Il y a 20 personnes. Le personnel n’a que deux représentant·e·s. Le monde associatif en a trois. Ce monde associatif c’est : l’UFC-Que Choisir, l’Observatoire Parisien de l’Eau[15] et France Nature Environnement (FNE). FNE est donc le seul représentant des intérêts de la nature. Les experts sont au nombre de deux dans le conseil et n’ont que voix consultative. La gouvernance de l’eau est donc purement politique à Eau de Paris et ne peut être qualifiée de commun. La gouvernance est encore verticale et la société civile, le personnel ne sont pas suffisamment impliqués. C’est une excroissance de la Mairie plus qu’un commun. À la différence donc des expériences allemande ou italienne, la remunicipalisation parisienne n’a pas créé un nouveau modèle.

Ces deux expériences contrastent fortement l’une avec l’autre. La limite dans chaque cas — même dans le cas napolitain — c’est la forme sociale choisie, un établissement public. Un établissement public est chargé de mettre en œuvre la politique élaborée par la ville ou l’État, ce n’est donc pas une structure communautaire.

Une coopérative aurait été beaucoup plus proche de l’esprit des communs en permettant d’assurer l’indépendance du service vis-à-vis du politique. On ne peut réaliser une gouvernance commune à partir de l’établissement public puisque cet outil est fait pour matérialiser le pouvoir hiérarchique. La fourniture d’un commun doit donc se faire sur une base privée, la coopérative est certainement un outil bien adapté, et liée par un contrat à la municipalité.

Les partenariats citoyens en Allemagne

Le partenariat public commun semble un outil intéressant, qui est d’ailleurs utilisé en Allemagne. Ce partenariat peut prendre deux formes : le partenariat municipalité-citoyen (public-citizen partnership) et le partenariat à plusieurs partenaires. À chaque fois, la forme sociale utilisée pour donner une existence et une organisation à la communauté est la coopérative.

Le premier type de partenariat est un partenariat entre la municipalité et les citoyen·ne·s dont l’objet est la formation d’une coopérative. Dans ce cadre, les citoyen·ne·s s’engagent à remplacer ou à compléter l’action des services municipaux. Ce cas de figure apparaît le plus souvent quand une ville menace de mettre un terme à certains services. Ce partenariat permet d’assurer la pérennité du service, mais sous une autre forme et avec un rapport différent à la société civile. Un cas particulièrement intéressant est celui de la coopérative citoyenne : elle est possédée par les citoyen·ne·s et la municipalité fournit certaines facilités comme des locaux par exemple. De multiples arrangements sont donc concevables entre la ville et les citoyen·ne·s avec des niveaux d’engagements réciproques très divers. Ce partenariat implique cependant un tout autre rapport entre le service et les citoyen·ne·s (Bauer Markmann, 2016, 289; Münkner, 2012, 330). Une recherche sur ces partenariats a mis en évidence que ce modèle de coopérative permet d’améliorer l’auto-organisation des citoyen·ne·s et dynamise la participation, la solidarité et la cohésion sociale au niveau local (Lang, Roessl, Weismeier-Sammer, 2013).

Le second est le partenariat à plusieurs partenaires (multi-stakeholder partnership). Il permet de réunir ensemble des acteurs publics et privés, des entreprises, des citoyen·ne·s, pour la réalisation d’un service. Le principe « une personne une voix » peut poser un défi à ce genre de coopérative, car les personnes publiques ont du mal à abandonner tout pouvoir sur un service qu’elles financent.

Le contrat de partenariat public commun et les valeurs du public

Le lien entre la personne publique (État, région, département, municipalité) et la communauté doit donc être formalisé. Ce contrat devrait imposer à la communauté le respect d’un certain nombre de principes de base : respect des droits fondamentaux, principe d’égalité, d’une certaine tarification s’il s’agit de l’eau par exemple ou des programmes scolaires s’il s’agit d’une école.

Je ne suis pas dupe du danger que ce contrat comporte pour le commun, le Contrat d’engagement républicain en est le meilleur exemple. À partir du moment où l’État intervient, il y a un risque d’utilisation politique (électoraliste du commun), de menaces sur le projet par attrition des ressources. C’est la raison pour laquelle il faut réfléchir au financement.

Quel financement public pour les communs?

Pour montrer le problème, on peut commencer par signaler les difficultés que le financement étatique fait peser sur les associations. C’est par le financement que l’État, les communes, capturent la société civile.

Le problème du financement étatique pour les communs

Beaucoup d’acteurs de la société civile dépendent de financements étatiques, directement ou indirectement, ce qui ne semble pas sain pour développer une culture d’opposition réelle. Voici le constat de l’Observatoire des libertés associatives :

On a d’abord assisté, dans les années 2000, à une augmentation de la part des financements issus des collectivités territoriales, visant à compenser le désengagement de l’État. Mais celle-ci a fini par baisser du fait de contraintes budgétaires croissantes dans le cadre de la loi NOTRe[16]. La transformation la plus significative est surtout la diminution substantielle des subventions au cours des dix dernières années (- 1,7 % par an sur 10 ans). Ces dernières ne représentent plus en 2017 que 20 % des ressources des associations, alors qu’elles constituaient 25 % de l’ensemble en 2011 et 34 % en 2005. Cette baisse des subventions a été compensée à la fois par le recours à des financements privés et philanthropiques ainsi que par la réalisation de missions de service public déléguées, grevant l’autonomie des associations. “La montée en charge des financements locaux et la privatisation croissante du financement du secteur associatif accroissent la dépendance des associations au contexte économique local”, et fragilise d’autant plus les acteurs situés dans les territoires les plus pauvres. Cette précarisation a été accélérée par la suppression des 250 000 emplois aidés CUI-CAE (Contrats d’accompagnement dans l’emploi, “d’emplois aidés”) annoncés par le gouvernement à l’automne 2017, pour partie financés par l’État. Face à ce désengagement public, ce sont les financements privés qui prennent peu à peu, et seulement en partie, la place laissée vacante par l’État. Ces chiffres invisibilisent en outre de réelles disparités entre les grosses fédérations qui disposent de contrats pluriannuels de financement avec l’État, et les petites associations locales, peu professionnalisées et qui déploient leurs activités dans une grande précarité. (Observatoire des libertés associatives, 2021)

Le même constat a été dressé dans certaines recherches sur le droit de l’Union européenne. Le financement par la Commission de certaines ONG diminue leur culture oppositionnelle (Alemanno, 2020).

Un financement décentralisé

Il y a plusieurs paramètres. Un commun peut être commercial (distribution de l’eau par exemple) ou non et donc, dans ce second cas, avoir besoin d’un financement. À côté de ces deux paramètres, il faut avoir à l’esprit qu’il y a plusieurs modes de financement public possibles : des financements directs par l’État sous la forme de subventions et des financements indirects par la société civile — bénéficiant de réduction d’impôt le cas échéant. Il est évident qu’une communauté ne peut fonctionner correctement — de façon parfaitement horizontale — avec des financements directs qui mettront la puissance publique directement en lien avec le commun et risque de générer des interventions. Le mode de financement le plus en phase avec l’idée de commun est un financement attaché à la personne, selon moi.

Alors quel financement décentralisé peut-on trouver? J’évoquerai seulement ici des pistes, qu’il faudra explorer dans de futures recherches. L’idée est ici d’essayer de mobiliser des techniques de financement décentralisé, c’est-à-dire dont le citoyen est le décideur et pas l’État pour éviter l’utilisation politique du commun. L’esprit du commun implique en effet une gestion décentralisée. Il faut donc que le financement le soit aussi.

Deux caveats sont nécessaires. Ces partenariats public-commun doivent être d’une part non lucratifs. D’autre part, les communs doivent accepter dans le partenariat qui se matérialise par un contrat le socle de valeurs publiques essentielles (respect des droits fondamentaux, de l’individu, principe d’égalité qui se matérialise par des conditions d’entrée dans le commun qui doivent être indifférentes aux revenus des individus), comme je l’ai dit plus haut. Le modèle de la clinique de La Borde, que l’on a évoqué, est un bon modèle à ceci près que la structure ne doit pas être lucrative, ce qui n’est pas le cas actuellement, et qu’elle doit impliquer l’ensemble des communautés (agent·e·s et usagèr·e·s).

Le meilleur système est d’attacher le financement à l’individu, par une forme de droit de tirage, qui est d’ailleurs déjà à l’œuvre dans le financement de beaucoup de services publics[17].

 

En conclusion, l’organisation et le financement des communautés doivent être pensés en échelle :

  • la situation la meilleure est évidemment celle dans laquelle les communautés parviennent à s’organiser d’elles-mêmes et à financer le service de façon autonome;

  • dans le cas où une intervention publique est nécessaire, 4 paramètres doivent être étudiés :

    1. la structure supportant la communauté, qui doit être non lucrative et égalitaire dans son mode de fonctionnement (impliquant agents et usagers).

    2. le lien juridique entre la communauté et la puissance publique : ce lien doit être matérialisé par un contrat obligeant les deux parties et contenant les obligations de la communauté vis-à-vis du public. En outre, ce contrat doit être coconstruit, co-écrit par les différentes communautés : État, agents, usagers. Ce contrat doit aussi contenir des obligations de transparence et de reddition des comptes de la communauté vis-à-vis du public et pas seulement de l’État. Les décisions de recrutement doivent être transparentes ainsi que les conditions d’accès au commun et les motifs de refus.

    3. le mode de financement du service qui doit être de préférence attaché à la personne.

    4. le type de contrôle que la puissance publique est en droit d’effectuer.

Bibliographie

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  1. L’École nouvelle est bien la marque du fait que la demande d’inclusivité est ancienne dans ce service. Ce mouvement est en France inspiré du modèle anglais remettant en cause l’école traditionnelle caractérisée par la compétition entre les élèves. Cecil Reddie a attaché son nom à ce mouvement au Royaume-Uni en plein 19e siècle. En France, Edmond Demolins ouvre l'École des Roches à Verneuil-sur-Avre en 1899 et il est clair dans ses écrits que son but est aussi politique (Edmond, 1897, 7). Ed. Demolins montre comment l’école comme institution forme davantage à l’obéissance qu’à la véritable citoyenneté. Les amis de l’École nouvelle seront un soutien très fort de Célestin Freinet dans son conflit avec l’administration.
  2. « La philosophie qui anime Freinet dès 1923 et à laquelle il consacre un article scolaire dans son ouvrage, l’école émancipée, est de “faire évoluer la (les) classe(s) vers la démocratie, pour le développement social et humain de tous les enfants” » (Jacomino, 2013, 7).
  3. Les archives se trouvent aux archives départementales des Alpes-Maritimes : 01T 0492, 01T 0248, 01T 0338, 01T 0031, 01T 0444.
  4. Les archives montrent aussi une volonté de l’administration de l’enseignement supérieur de lutter contre les enseignants communistes.
  5. L’écrit le plus critiqué est un rêve écrit par un enfant et sélectionné pour apparaître dans le journal qui dit ceci : « J’ai rêvé que toute la classe s’était révoltée contre le Maire de Saint-Paul qui ne voulait pas nous donner les fournitures gratuites. M. Freinet était devant. Il a dit à M. le Maire : - Si vous ne voulez pas nous payer les livres, on vous tue. - Non. - Sautez-lui dessus, dit M. Freinet. - Je m’élance. Les autres ont peur. M. le Maire sort son couteau et m’en donne un coup sur la cuisse. De rage, je prends mon couteau et je le tue. M. Freinet a été le Maire et moi je suis allé à l’hôpital. À ma sortie, on m’a donné mille francs. »
  6. Le rapport conclut ceci : « Il y a de sérieux dangers à habituer ainsi les enfants à pénétrer jusqu’au fond du gouffre obscur qui est en chacun de nous et où grouillent parfois d’étranges monstres. Une pareille méthode ne peut être maniée que par des médecins psychiatres; ce n’est point l’affaire de l’instituteur. » (Saint-Fuscien, 2017).
  7. Conseil d’État, 3 avril 1936, M. Célestin Freinet, n°36037, Lebon p. 449.
  8. Une procédure est ouverte contre cette école, car Freinet a omis de déclarer l’ouverture de cette école privée.
  9. Ces républiques d’enfants qui s’occupent de regrouper les enfants victimes de la guerre sont organisées sur le modèle inclusif de l’École nouvelle (Ruchat, Gardet et Boussion, 2020). Ces villages d’enfants pratiquaient bien l'autogouvernement.
  10. Un exemple montre qu’un rapprochement est possible. La clinique de la Chesnaie fonctionne selon les principes de la psychothérapie institutionnelle, mais le propriétaire a décidé de vendre la clinique, ce qui a fait craindre aux salarié·e·s un dévoiement de l’esprit de la clinique. Cet exemple met en évidence le hiatus dont j’ai parlé. Le nouveau propriétaire pourrait tout à fait changer l’esprit de la clinique. Les salarié·e·s ont donc réfléchi à mettre en place une coopérative pour racheter la clinique : « des salariés et sympathisants réunis sous le collectif Les amis de la Chesnaie désirent créer une société coopérative d’intérêt collectif, structure juridique qui leur permettrait de racheter l’établissement, si le prix le permet. Et de la gérer de façon collégiale, en assemblée générale, entre sociétaires : salariés, usagers bénéficiaires et partenaires extérieurs. “Qui de mieux placé que l’équipe pluridisciplinaire déjà en place pour en assurer la continuité?”, se demande Magalie Tostain, salariée du Club de la Chesnaie, la structure en charge des activités culturelles et de l’organisation de ses nombreux concerts […]. L’idée serait aussi, grâce à la reprise, d’insuffler toujours plus de démocratie dans la clinique » (Jordan Pouille, Psychiatrie : la clinique de la Chesnaie, symbole à vendre, Le Monde, 26 mai 2022).
  11. En matière pédagogique, les réflexions sur l’autogestion datent des années 50 (D. Patry, “La tentation d’une pédagogie autogestionnaire alternative : l’exemple des lycées expérimentaux dans les années 1980 en France”, Recherches en éducation, 39-2020).
  12. Les dates de la revue Autogestion sont révélatrices de l’engouement. Elle commence en 1966 et le dernier numéro date de 1986 (V. tous les numéros ici : https://www.persee.fr/collection/autog). L’idée d’autogestion n’a rien de nouveau, elle est déjà présente chez Proudhon. Le programme commun de gouvernement, adopté le 27 juin 1972 par le Parti socialiste et le Parti communiste français, comprend ainsi un volet démocratisation des services publics et de l’économie.
  13. Le Centre expérimental de Saint-Nazaire, le Centre expérimental maritime en Oléron, le Collège-lycée expérimental d’Hérouville-Saint-Clair et le Centre expérimental autogéré de Paris qui deviendra le Lycée autogéré de Paris (LAP) (Patry, 2020).
  14. Je suis ici l’analyse de Delphine Patry (2020). La référence qu’elle donne est celle-ci : note 27 “Compte-rendu du 27 mars 1990 de la Direction des lycées et collèges sur les centres expérimentaux, compte-rendu des réunions organisées les 6, 7, 8 et 12 mars par la Direction des lycées et collèges avec la participation des quatre rectorats concernés, les deux inspections générales, de la DGF, de la DPID, de la DPAOS et de la DPE (p. 3), Département de la recherche et du développement, de l'innovation et de l'expérimentation (Direction générale de l'enseignement scolaire), cotes : 20130078/30 à 200130078/32, Archives nationales.”
  15. Cet Observatoire contient lui-même, à nouveau, des élu·e·s parisien·ne·s… La description sur le site ne permet pas de comprendre les rapports de force (Observatoire parisien de l'eau, 2023).
  16. Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, plus connue sous son acronyme loi « NOTRe ».
  17. Voir cependant les dérives de ce système de financement à la personne dans le chapitre 6 de Nicole Alix.

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