2 Leçons tirées du projet de biogaz communautaire de Pura

À relire aujourd’hui l’analyse rétrospective par Amulya K. N. Reddy du projet pilote de biogaz villageois de la petite localité de Pura, un peu plus de trois cents habitants et un peu moins de 200 bovins en 1977, on mesure une fois encore le caractère précurseur et visionnaire de son travail. En termes simples : la littérature académique actuelle découvre avec quarante ans de retard l’importance des interactions sociales et technologiques à l’échelle des territoires les plus réduits, en matière de planification et de gouvernance mondiale des énergies.

Dans le cas de la France, pour ne prendre que cet exemple, les enjeux de transition énergétique conduisent ainsi depuis peu à un « retour des lieux », c’est-à-dire à l’observation, très convergente à celle engagée par Reddy, « des débats, des conflits, mais aussi des expériences plus consensuelles » que provoquent « les effets de la décentralisation de l’énergie sur les territoires induits par le développement des énergies renouvelables ». Et pour la première fois, relèvent les observateurs, cet essor « entrouvre la porte à bien des expérimentations tout autant sociales que technologiques »[1]. On ne saurait mieux dire toute l’actualité du texte qui nous intéresse ici.

En 2004 en effet, lorsqu’il tire les leçons du programme engagé près de trente ans plus tôt par son laboratoire de l’Institut Indien des Sciences dans le village de Pura, Amulya K. N. Reddy s’inscrit pour sa part dans sa propre histoire de retours réflexifs et critiques sur le développement des énergies renouvelables dans les pays des Suds. Le lieu de publication de ce texte en témoigne, puisqu’il s’agit du seul écrit du présent recueil à être paru dans la revue initiée par Reddy et l’International Energy Initiative (IEI) lancée à Bangalore en 1991. Cette revue, Energy for Sustainable Development, toujours vivante aujourd’hui, paraît en effet pour la première fois en juillet 1994, soit dix ans exactement avant le présent texte synthétique[2].

Trois « mots clefs » – Développement, énergie, durabilité/préoccupation environnementale – définisse le projet de cette revue relève le responsable de la publication K. Krishna Prasad dans le premier éditorial, trois mots dont on perçoit la forte continuité avec le travail de Reddy lui-même, engagé bien des décennies plus tôt[3]. Ce dernier le précise d’ailleurs dans ce même premier numéro en rappelant la perspective fondatrice de l’IEI, et donc de la revue, à savoir « diffuser un regard sur l’énergie où le niveau des services énergétiques est pris comme la mesure du développement au lieu de la seule magnitude/grandeur de la consommation et des approvisionnements d’énergies »[4].

Changer le regard sur les énergies, approcher par le qualitatif et l’expérimental les possibilités nouvelles ouvertes aux pays des Suds, tirer le bilan des tentatives locales, cumuler les résultats et les mettre en réseau à l’échelle internationale, faire travailler de concert la recherche universitaire et les acteurs de terrain, plaider et défendre la cause des technologies énergétiques adaptées à une émergence socio-économiquement et écologiquement durable : tout le travail de l’IEI apparaît comme un aboutissement de la réflexion personnelle d’Amulya K. N. Reddy, un aboutissement que résume l’acronyme anglais qu’il invente, INTAACT, « Information, Formation, Analyse, Plaidoyer et Action ».

Le texte qui suit est donc la mise en œuvre de ces principes. Et il ne consiste pas seulement, malgré les apparences, en un compte-rendu précis de la disponibilité saisonnière en excréments bovins dans un village traditionnel d’Inde du Sud, et des usages énergétiques auxquels la méthanisation de ces derniers peut ouvrir. Si l’analyse précise de la disponibilité variable de ce type de « bioressource », ainsi que la nomme Reddy, est très précisément envisagée, ainsi que sa technoéconomie propre – rémunération indirecte des fournisseurs, coût et entretien des équipements, reprise et usages finaux tels que l’engrais pour les cultures, etc. -, le cœur du propos de l’énergéticien indien insiste sur l’importance du processus de prise de décision villageois (qu’illustre même une photographie), et sur les interactions avec les politiques gouvernementales nationales d’infrastructures et de réseaux.

Amulya K. N. Reddy, on le remarquera, ne développe pas de manière polémique les « raisons non techniques » qui ont justifié de l’arrêt, entre novembre 1997 et mars 1998, après dix ans de bon fonctionnement, de l’usine de biogaz de Pura. Même si l’on comprend au final et indirectement qu’un « nouvel organisme » officiel, non axé sur l’utilisation de déchets organiques (les bouses de vache) et la gouvernance participative locale, a repris le projet de développement des méthaniseurs locaux capables de fournir de l’électricité (et donc de l’eau par pompage), de la force motrice et du gaz de cuisson à des familles modestes des villages ruraux. En utilisant une nouvelle source de biomasse associée à une technique non-éprouvée (l’huile de Karanj), cette évolution mal concertée a conduit à l’échec, à la fois social (par l’éloignement des habitants), et économique (par l’augmentation des surcoûts), un exemple de problèmes qu’ont pu connaître, bien plus tard, d’autres centrales de biomasse[5].

Si les recommandations finales de Reddy pour s’assurer de la réussite d’une expérimentation dans le domaine des énergies renouvelables – un soutien technique solide, une gouvernance participative, des institutions locales fortes – restent pertinentes aujourd’hui encore, pour les pays des Suds comme pour ceux des Nords[6], il n’en demeure pas moins que c’est d’abord la valeur emblématique de l’exemple du biogaz de Pura pour toutes les réflexions sur les énergies, comme chaque lectrice et lecteur pourra s’en assurer, qui demeure à l’esprit une fois la lecture du propos achevé. Cette valeur exemplaire et qui invite à la poursuite de la réflexion est abordée ici sous son angle socio-technique et pratique général. Elle l’est dans sa dimension plus directement sociopolitique dans le texte suivant, « La bénédiction des communs ».

– Frédéric Caille

Leçons tirées du projet de biogaz communautaire de Pura

Sur la base de la description de près d’une décennie d’expérience du projet d’installation de biogaz communautaire dans le village de Pura (Inde du Sud), une vue d’ensemble des leçons à tirer et des défis pour la réplication de tels systèmes est présentée[7]. Une indication est également donnée sur la durabilité à long terme de ces systèmes énergétiques ruraux[8].

1. Contexte

Le projet d’usine de biogaz communautaire dans le village de Pura[9] (à environ 120 km de Bangalore dans le district de Tumkur de l’État de Karnataka, Inde du Sud) a une longue histoire. L’étude approfondie menée en 1977 sur les habitudes de consommation d’énergie en milieu rural [ASTRA, 1982] a montré que la cuisine était la principale utilisation finale de l’énergie et que le bois de chauffage était la source d’énergie dominante. Contrairement à l’opinion qui prévalait à l’époque, selon laquelle la dépendance à l’égard du bois de feu pour la cuisine était la principale cause de la déforestation, on a constaté que les femmes et les enfants, les principaux ramasseurs de bois de feu, se concentraient sur les brindilles et les branches tombées au sol, plutôt que sur les bûches d’arbres abattus. Néanmoins, le bois de chauffage est associé à un certain nombre de problèmes – le travail et le temps passés par les femmes et les enfants à ramasser le bois de chauffage, la pollution de l’air intérieur causée par la fumée des poêles à bois, etc. Une alternative au bois de chauffage était donc souhaitable et, dans ce contexte, le biogaz par la fermentation anaérobie des bouses de bovins a été mis en avant [Prasad et al., 1974]. Ce document plaidait pour des installations communautaires (plutôt que pour l’approche alors dominante d’installations familiales), parce que tous les ménages (1) n’ont pas de bétail et (2) ne peuvent pas se permettre d’avoir leurs propres installations. Il y avait aussi l’intérêt d’économies d’échelle (on a estimé qu’une installation communautaire pour 56 ménages ne coûtait que 6 fois plus cher qu’une installation de taille familiale). Une proposition détaillée pour un projet de biogaz communautaire a ainsi été formulée [Reddy et al., 1978] et acceptée pour financement par le Conseil d’État du Karnataka pour la Science et la Technologie.

2. Première phase du projet

Au cours de la première phase de ce projet, qui a débuté en 1978, l’objectif était de fournir à tous les ménages du village du biogaz pour la cuisine. En plus de deux digesteurs de biogaz à l’échelle de la communauté (de 4,1 m de diamètre et de 4,2 m de profondeur) construits selon le principe du « tambour flottant »[10], un réseau de distribution de biogaz a été mis en place pour permettre l’acheminement du biogaz vers des brûleurs spécialement conçus pour toutes les maisons. L’adéquation entre la quantité de gaz distribué et les besoins des familles a varié selon  la taille de ces dernières : les petites familles de moins de cinq membres (constituant la majorité des ménages) réussissaient à finir de cuisiner avec le gaz disponible. En revanche, une minorité de ménages avec des familles nombreuses (et de grandes exploitations bovines) ne parvenaient pas à terminer leurs tâches de cuisson, même s’ils étaient les principaux fournisseurs de bouse. Si l’on établit une moyenne sur l’ensemble du village, le rendement total en gaz s’est avéré suffisant pour cuisiner un seul repas. La quantité trop faible de gaz disponible n’était pas due à une mauvaise collecte des bouses disponibles – en fait, les opérateurs de l’usine se rendaient dans toutes les étables des maisons avec une brouette, pesaient les bouses et les apportaient pour les traiter, ce qui permettait une efficacité de collecte des bouses de plus de 90 %.

L’insuffisance de l’offre de gaz par rapport à la demande relevait de deux raisons. Premièrement, il y avait eu une surestimation des ressources en bouse de vache – la collecte de bouse de référence de maison en maison ayant été effectuée après les pluies de novembre, alors même que la disponibilité de la bouse du bétail en liberté varie selon la saison (et la couverture herbeuse). La figure 1 montre la variation mensuelle de la collecte de bouse tandis que la figure 2 montre la variation mensuelle des précipitations. Deuxièmement, les besoins en biogaz ont été sous-estimés car l’estimation (à partir de la consommation de bois de feu) est sensible aux rendements des poêles à bois et à biogaz, lesquels n’avaient pas été mesurés avec précision à l’époque. La phase du projet consacrée au gaz de cuisson a duré plus d’un an avant d’être interrompue en 1984. Elle a notamment démontré que les familles propriétaires de bétail étaient disposées à partager le biogaz dérivé des bouses avec les familles pauvres sans bétail, à condition que les boues riches en azote soient restituées proportionnellement à la contribution des bouses.

Rétrospectivement, il apparaît que le faible ratio bovin/homme était le principal obstacle à la satisfaction de tous les besoins en énergie de cuisson du village. Il est cependant concevable que les villages ayant un ratio bovin/homme élevé (ou un ratio modéré et des systèmes d’alimentation en stabulation) soient en mesure de développer plus facilement des systèmes d’énergie de cuisson basés sur le biogaz. Heureusement, après quelques mois, les villageois-es ont demandé à relancer le projet en mettant l’accent sur la production d’électricité à partir du biogaz pour pomper l’eau potable et éclairer les maisons. Bien que ces utilisations finales ne nécessitent qu’une fraction de l’énergie requise pour la cuisson, elles correspondent à une amélioration spectaculaire de la qualité de vie.

Indépendamment de l’expérience particulière du village de Pura, en général, les ratios bovins-humains dans cette partie de l’Inde ne correspondent pas à une quantité suffisante de biogaz pour répondre aux besoins de cuisson de tous les ménages d’un village[11]. Ainsi, le biogaz produit par les bovins traditionnels en liberté ne peut pas répondre à tous les besoins en énergie de cuisson des villages, à moins d’une augmentation substantielle du ratio bovin/homme et du passage à des bovins plus grands/hybrides nourris en stabulation.

Figure 1. Collecte de bouses en kg par mois, de mars 1982 à février 1983

Figure 2. Précipitations en mm par mois de mars 1982 à février 1983

3. Deuxième phase du projet

Dans la deuxième phase du projet, le schéma consistait à ce que les villageois-es fournissent de la bouse de vache à l’usine de biogaz où elle serait fermentée en anaérobie pour produire du biogaz qui alimenterait un moteur diesel modifié, lequel à son tour ferait fonctionner un générateur électrique. L’électricité ainsi produite alimenterait une pompe électrique submersible immergée dans un puits tubulaire et monterait l’eau potable pour le village, et elle serait en outre fournie aux ménages pour leur permettre de s’éclairer (Figure 3).

Figure 3. Le système d’usine communautaire de biogaz de Pura

Traduction des termes, de gauche à droite et de bas en haut :

  • Cattle shed : Étable
  • Fields : Champs
  • Dung : Fumier
  • Cattle care : Soin du bétail
  • Sludge : Boues
  • House : Maisons
  • Payment : Paiement
  • Dung delivery fee : Frais de livraison de fumier
  • Short trip : Courte distance
  • Water : Eau
  • Lights : Lumières, éclairages
  • Biogas plant : Usine communautaire de biogaz
  • Public taps : Robinets publics
  • Revenue for REC : Revenus pour l’entretien et l’extension
  • Biogaz : Biogaz, méthane
  • Enginegenset : Groupe électrogène bi-carburant (biogaz/diesel)
  • Payment for diesel : Paiement du carburant non biogaz
  • Pumpset : Pompe électrique pour l’eau potable

Les deux mêmes digesteurs communautaires fournisseurs de biogaz utilisés dans la première phase du projet, concernant la cuisson, ont également été utilisés pour la deuxième phase. La charge maximale de ces installations est de 1,25 tonne (t) de fumier de bovins mélangé à 1,25 m³ d’eau par jour. Ces installations peuvent produire, à une température ambiante moyenne de 25-26ºC, un maximum de 42,5 m³ de biogaz par jour (environ 60 % de CH4 et 40 % de CO2). En plus du gaz, le chargement de la boue de fumier et d’eau génère environ 2,45 m³ par jour de boue digérée, ce qui donne, après élimination de l’eau par filtrage, environ 1,2 t/jour de boue. Cette boue, qui contient 3,6 kg (2,2 %) d’azote – soit la même quantité d’azote que dans l’intrant – est restituée aux villageois-es en proportion de la quantité de fumier fournie.

Un moteur biogaz-diesel (bi-carburant) de 7 chevaux (5,2 kW) refroidi par eau a été installé dans une salle des machines (5,05 m x 3,5 m) située à la limite du village, près des champs. Le biogaz provenant de l’installation de biogaz passe à travers un piège à condensation et entre ensuite dans le moteur où il est complété par du diesel pour faire fonctionner le moteur. Le moteur est couplé à un générateur triphasé de 5 kVA 440 V, pour permettre le fonctionnement d’une pompe submersible triphasée.

Le système d’approvisionnement en eau (qui a commencé à fonctionner en septembre 1987) consiste en une pompe submersible triphasée de 3 chevaux (2,24 kW) pour 6,75 m3/h installée dans un puits tubulaire. Cette pompe aspire l’eau d’une profondeur de 50 m vers un réservoir aérien. L’eau est ensuite distribuée par gravité à travers neuf robinets de rue dans le village. Un de ces robinets est destiné au bétail et un autre se trouve dans l’enceinte de l’usine de biogaz. En outre, il y a 29 robinets privés à l’intérieur des maisons des ménages.

Le système d’éclairage (mis sous tension en octobre 1988) se compose de 103 tubes fluorescents de 20 W – 97 dans des maisons, deux dans un temple public et quatre dans le complexe de l’usine de biogaz. Quarante-sept maisons ont choisi d’avoir un tube lumineux et 25 en ont deux. La durée de vie des lampes à tube a été estimée entre 1580 et 1957 heures sur la base de l’expérience empirique du remplacement de 58 lampes à tube d’août à décembre 1990.

Sur une période d’échantillonnage allant de septembre 1987 à avril 1991 (44 mois), le moteur alimenté au biogaz a fonctionné pendant 4521 heures – 2211 heures pour l’approvisionnement en eau et 2310 heures pour l’éclairage électrique. Le temps de fonctionnement quotidien moyen a été de 4h09 min – 1h40 min pour l’eau et 2h29 min pour l’éclairage.

Ce système modifié a été exploité avec succès par les villageois-es pendant près de dix ans. Les systèmes institutionnels et de gestion novateurs, qui ont conduit à un nouveau paradigme « La bénédiction des communs / The blessing of the commons »[12] [Reddy, 1995], ont fait du projet l’un des rares projets d’usine de biogaz communautaire réussi dans le monde à cette époque. Le projet a été acclamé pour les raisons suivantes. L’expérience de Pura a été largement citée et décrite au niveau international[13]. Pura a été visité par le directeur du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), par des équipes de la Banque mondiale, par plusieurs secrétaires en chef du gouvernement du Karnataka et par une centaine de scientifiques qui ont assisté à la conférence internationale BioResources-94 à Bangalore en 1994. Les performances techniques et économiques de 1987 à 1996 ont été documentées de manière très détaillée [Rajabapaiah et al., 1994; Reddy et al., 1994]. Une analyse financière et économique rigoureuse (coûts – avantages sociaux) a été réalisée par des économistes indiens et étrangers.

Pendant près de dix ans, les villageois-es ont assumé les dépenses de fonctionnement et d’entretien des bio-digesteurs/méthaniseurs, plus de 90 % des ménages payant pour l’éclairage et l’eau. Les niveaux tarifaires ont été fixés au cours d’un processus de réunions ouvertes avec les villageois-es (impliquant une interaction individuelle entre les scientifiques et les communautés villageoises, avec des questions et des réponses des deux côtés). Ces réunions étaient basées sur un affichage public (Figure 4) du nombre de lampes fluorescentes et de robinets d’eau potable envisagés par maison, des participations financières estimées nécessaires au projet, et des contributions quotidiennes en fumier demandées.

Figure 4 : Affichage public de la comptabilité financière du projet

Il est intéressant de noter, du point de vue des connaissances en termes de politiques et d’action publique, que tous les ménages ont montré une volonté constante de participer financièrement à l’expérimentation[14]. Dans le cas de l’éclairage, le tarif était en fait inférieur aux dépenses des ménages pour les lampes à kérosène, même s’il était beaucoup plus élevé par kWh que les tarifs d’électricité urbains. Dans le cas de l’eau potable, les villageois-es ont eu tendance à préférer l’eau sûre (venant du puits tubulaire), payante, à l’eau non sûre, gratuite, provenant d’un étang ouvert.

Malgré le succès mentionné ci-dessus, le système de l’usine de biogaz de la communauté de Pura a été arrêté[15] entre novembre 1997 et mars 1998, pour des raisons non techniques qui dépassent l’objet de cette note. Les assistant-e-s de projet travaillant sur le système ont été transféré-e-s et les micro-centrales à méthanisation ont été fermées.

Ces méthaniseurs, avec tous leurs actifs, ont été remis à un nouvel organisme dont l’approche différait de celle développée à Pura à partir de l’utilisation des déchets, de la gestion participative, de la création d’institutions locales et du renforcement de l’autonomie.

Notre attention va maintenant se porter sur les facteurs sous-jacents au déclin du projet, ainsi que sur certains problèmes majeurs associés à la réplicabilité du modèle sur une plus grande échelle. Étant entendu que les leçons apprises valent dans la mesure où elles sont généralisables à d’autres contextes.

4. Les raisons immédiates du déclin

  1. Même pendant l’apogée de cette expérience, l’excédent des recettes sur les dépenses d’exploitation s’est trouvé tout juste suffisant pour assurer des réparations et un entretien « de routine ». Avec l’augmentation de 3,6 fois du prix du diesel (de 4,25 roupies par litre en janvier 1989 à 15,20 roupies par litre en septembre 1996) et l’augmentation de 2,6 fois des salaires (de 11 roupies par jour en septembre 1987 à 28,55 roupies par jour en août 1993), le système a eu besoin d’apports financiers externes pour supporter les réparations majeures telles que la révision du moteur ou le levage de la pompe submersible placée dans le puits tubulaire. Ainsi, lorsque ces fonds pour les réparations majeures ne sont pas arrivés en novembre 1997, le système s’est-il arrêté.

  2. Il y a eu également un changement radical dans le processus de prise de décision, transformée de la participation communautaire villageoise à la gestion descendante top-down par des administrateurs et administratrices de projet situés à plus de 100 km de là, dans la métropole de Bangalore. Les villageois-es ont réagi à cet abandon de la gestion participative en retirant leur coopération.

  3. L’imposition d’augmentations tarifaires sans la participation et l’approbation de la communauté est un exemple de l’extension de la prise de décision top-down, du haut vers le bas. Dans le cas de l’électricité ou de l’eau en milieu urbain, les consommateurs et consommatrices ne peuvent pas se passer de ces services (et donc la variation de la demande est largement décorrélée de la variation du prix); iels protestent donc par agitation/révolte pour résister aux augmentations de tarifs. En revanche, les villageois-es de Pura ont toujours eu la possibilité de refuser l’apport indispensable de fumier sans lequel le système ne peut fonctionner. Même l’arrêt des services d’éclairage électrique et d’eau potable n’a eu en fin de compte pour conséquence que de ramener les villageois-es à la situation antérieure au projet (malheureusement, l’impact le plus grave concerne les femmes), à savoir des lampes à kérosène et de l’eau insalubre provenant de l’étang ouvert.

  4. Finalement, le village s’est vu imposer un changement de matière première pour le moteur diesel bi-carburants, d’une source de biogaz locale à une huile végétale provenant de graines de Pongamia pinnata[16]. Ce changement radical a été mis en œuvre sans études de fiabilité adéquates sur les performances à long terme de ces moteurs avec le nouveau carburant, et sans garantie d’approvisionnement de la matière première le constituant à des prix stables. L’un des problèmes des bioressources est que leurs utilisations concurrentes exercent une pression sur leurs prix, lesquels peuvent donc grimper et compromettre l’économie du système énergétique basé sur ces bioressources[17]. De plus, le changement de technologie a été mis en œuvre sans une large sensibilisation des villageois-es et sans s’assurer de leur soutien et leur approbation. Ainsi, le projet a-t-il pris une direction rétrograde en remplaçant une technologie éprouvée et acceptée par une technologie non éprouvée et imposée[18].

Il est clair que les difficultés décrites ci-dessus sont très significatives, bien qu’aucune n’ait été vraiment irrémédiable. Par exemple, l’escalade des coûts aurait pu facilement être expliquée aux villageois-es par la pratique déjà établie de l’affichage public des tableaux des dépenses et par des présentations lors de réunions ouvertes au village. Le projet aurait également pu contrer l’augmentation des coûts (du diesel, de la main-d’œuvre, etc.) en obtenant l’approbation collective d’une augmentation des tarifs. Les grosses réparations ponctuelles auraient pu être réalisées avec des apports financiers spéciaux[19]. Le niveau élevé de participation et d’implication des villageois-es dans les débats et enjeux technico-économiques auraient pu être utilisé et approfondi pour améliorer les performances du système et surmonter ses difficultés. Quand bien même les nouvelles matières premières localement disponibles sont une alternative intéressante au diesel « importé » au village pour le fonctionnement en bicarburation, la première étape logique aurait été de procéder à des essais en laboratoire des mélanges biogaz-huile végétale pour les moteurs, avant de remplacer entièrement le biogaz.

5. La réplicabilité du modèle de Pura 

Toutefois, même les solutions aux problèmes immédiats énumérés ci-dessus ne permettent pas de lever trois obstacles majeurs à la réplicabilité à grande échelle de systèmes énergétiques ruraux basés sur le type de biogaz expérimenté à Pura.

5.1. Les relations avec le gouvernement

Afin de se distinguer de l’approche conventionnelle des projets ruraux gérés par le gouvernement, l’équipe technique de l’Institut Indien des Sciences de Bangalore, responsable du projet de Pura, a fonctionné de manière très différente. Dès le début, ses membres ont travaillé en tant que scientifiques membres d’une institution d’éducation, de science et de technologie désireuse d’aider les villageois-es à s’aider eux-mêmes, au travers d’une opération « d’amorçage » devant leur permettre d’atteindre l’autonomie. À cette fin, elles/ils sont délibérément resté-e-s à distance du gouvernement et de ses services. Cette approche a été éminemment efficace pour gagner la crédibilité et le respect des villageois-es. Cependant, le succès à long terme d’une telle démarche dépendait de sa capacité à éviter les projets gouvernementaux susceptibles d’interférer avec l’expérience de Pura et de saper son approche.

La situation a radicalement changé, lorsque le gouvernement a commencé à mettre en œuvre des projets d’approvisionnement en eau « gratuits » financés par la Banque mondiale, lesquels remettent en cause l’approvisionnement en eau à prix raisonnable depuis les mini-centrales à biogaz. C’est trop attendre que d’espérer que les avantages à long terme de la durabilité et de l’autonomie l’emportent sur l’attrait immédiat de la fourniture gratuite d’une eau de qualité aux villageois-es. De ce point de vue, les projets non durables subventionnés par le gouvernement et offrant des services « gratuits » sont contraires à l’établissement et à la continuité de projets durables dont les services seraient payants.

5.2. Les systèmes de distribution d’eau et d’électricité

L’économie du système énergétique de Pura était telle que les revenus étaient suffisants pour payer les coûts d’exploitation du système, même avec une utilisation de quatre heures par jour (16,66 %). Une plus grande utilisation du système permettrait également de rembourser le principal et les intérêts (aux taux conventionnels) du coût d’investissement ou en capital du digesteur de biogaz et du moteur-générateur. En revanche, l’investissement dans les systèmes de distribution d’eau potable et d’électricité nécessite soit une subvention, soit un prêt « bonifié » (c’est-à-dire ce qui est appelé en général un « financement concessionnel »), avec la justification qu’il s’agit d’investissements infrastructurels orientés vers le développement. Ainsi, un financement concessionnel pour l’investissement dans les systèmes de distribution d’eau et d’électricité est une condition nécessaire à la reproduction du modèle élaboré à Pura. Ce type de financement (éventuellement assisté par le gouvernement) peut être justifié par le fait que les projets durables d’énergie propre permettent d’obtenir des avantages publics auxquels on renoncerait autrement.

5.3. Une nécessité de plus grande utilisation du système

Le projet de Pura a montré qu’une utilisation plus importante du système était essentielle pour assurer le remboursement du principal et des intérêts (aux taux conventionnels) sur le coût en capital du digesteur de biogaz et du moteur-générateur (qui représentent ensemble environ la moitié du coût total en capital du système). Il est important de noter que l’obstacle à cette utilisation plus importante n’était pas une insuffisance de l’approvisionnement en fumier, c’est-à-dire qu’il n’y avait pas de contrainte d’approvisionnement – le fonctionnement du système de Pura pendant environ 4,15 heures/jour correspond à un approvisionnement en fumier/bouse de 291 kg/jour par rapport à une disponibilité quotidienne d’environ 1 250 kg/jour (pour une population de 250 bovins produisant chacun 5 kg de bouse/jour). Ainsi, seulement 23 % environ des ressources en bouse ont été effectivement utilisées. Il est intéressant de noter que les villageois-es ont résisté à une augmentation de l’offre, peut-être parce qu’elles/ils ont compris qu’une augmentation de l’offre de bouse à la micro-centrale conduirait à des gaz non utilisés qui seraient libérés dans l’atmosphère en l’absence d’une plus grande demande. Ainsi, la faible utilisation de cette centrale était-elle due à une contrainte de la demande (de biogaz) découlant d’une restriction de l’utilisation du biogaz à l’éclairage et à l’eau à des fins domestiques. De ce point de vue, les initiatives en vue d’augmenter l’offre de fumier (par exemple, en corrélant le système aux programmes laitiers) sont mal orientées.

Rétrospectivement, il est regrettable que le projet de Pura n’ait pas intégré une plateforme polyvalente du type de celle qui a été diffusée au Mali par le PNUD au début des années 2000[20]. Là, un moteur diesel indien (du même type que celui utilisé dans la centrale communautaire de biogaz de Pura) a été à la base d’une plateforme qui pourrait alimenter différents types d’équipements tels que des moulins à céréales, décortiqueuses, chargeurs de batterie, postes à souder, machines à bois. Une telle prolifération d’usages et d’applications est nécessaire pour augmenter l’utilisation du système et donc améliorer sa rentabilité.

6. Conclusions

L’expérience de Pura montre qu’il existe plusieurs conditions pour que de tels systèmes énergétiques ruraux soient réplicables et durables[21]. Cette question est très importante dans le cadre du débat actuel sur les sources d’énergie rurales décentralisées pour l’électrification des villages, et de nombreux enseignements sont pertinents notamment pour les projets de cuisson propre.

– La mise en place et la poursuite de projets durables dont les services sont payants ne devraient pas entrer en concurrence avec des projets non durables subventionnés par le gouvernement et offrant des services dits « gratuits ».

– Un « financement concessionnel » est nécessaire pour l’investissement dans les systèmes de distribution d’eau et d’électricité (environ la moitié du coût total du capital dans le cas de Pura). Bien que cette caractéristique soit propre au cas de Pura, le fait qu’un financement concessionnel puisse être requis (et justifié par des raisons d’intérêt public!) est un prérequis général important.

– Les applications et usages énergétiques doivent être multiples (par exemple, par le biais d’une plateforme polyvalente de type Mali), afin d’accroître l’utilisation du système au-delà de l’eau potable et de l’éclairage domestique, et donc d’améliorer sa rentabilité économique – la fourniture de biogaz comme combustible de cuisson pouvant être l’une de ces applications étendues.

– L’équipe de projet doit s’engager en faveur de systèmes énergétiques décentralisés basés sur l’utilisation des ressources locales.

– Il doit y avoir un soutien technique solide.

– La gouvernance et la gestion participatives sont essentielles.

– Des institutions locales doivent être construites et l’autonomie doit être renforcée.

– Le système énergétique doit être en dehors du domaine des conflits internes des factions villageoises[22].

– Alors que les projets pilotes/démonstratifs nécessitent l’implication active d’une organisation non gouvernementale engagée pour semer les premiers succès, il est envisageable qu’une combinaison de dynamiques sociales – des villages voisins « apprenant » les uns des autres (voir, par exemple, l’expérience de l’organisation Watershed Organisation Trust – www.wotr.org) – puisse aider à atteindre le sommet d’une courbe de croissance en S relativement rapidement. La réplication à grande échelle, cependant, dépend de l’existence d’entrepreneurs et d’entrepreneuses ou d’une agence entrepreneuriale. Par exemple, un comité villageois pourrait « louer » le bâtiment, l’exploitation et la facturation des services à des entreprises ayant des obligations contractuelles de service. Les groupes féminins de microfinance ou d’entraide pourraient bien avoir un rôle majeur à jouer dans ce défi.

Remerciements

L’auteur tient à remercier Svati Bhogle, K.S. Jagadish, Eric Larson, Isaias Macedo, Sudhir Chella Rajan, M.V. Ramana, N.H. Ravindranath, Girish Sant, H.I. Somasekhar et R.H. Williams pour leurs commentaires encourageants et précieux qui ont conduit à une révision approfondie de la version préliminaire de cet article. Svati Bhogle a apporté un soutien crucial à la réalisation de cet article dans des conditions postopératoires difficiles. Nous remercions également nos collègues de l’ASTRA, la cellule pour l’application de la science et de la technologie aux zones rurales de l’Indian Institute of Science, et surtout les villageois-es de Pura et des villages voisins qui ont été les « professeurs » de l’auteur en matière d’énergie rurale.

Bibliographie

ASTRA, Cellule pour l’application de la science et de la technologie aux zones rurales, Institut Indien des Sciences, 1982. “Rural energy consumption patterns (a field study)” [« Modèles de consommation d’énergie rurale (une étude de terrain) »], Biomass, 2(4), p. 255-280.

Banque mondiale, 1996. Énergie et développement ruraux pour deux milliards de personnes : relever le défi de l’énergie et du développement ruraux [Rural Energy and Development for Two Billion People: Meeting the Challenge for Rural Energy and Development], Washington, DC.

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Rajabapaiah, P., Somashekar, H.I. et Reddy, A.K.N., 1995, « Les usines de biogaz communautaires fournissent de l’énergie et de l’eau en milieu rural : l’étude de cas du village de Pura » [“Community biogas plants supply rural energy and water: the Pura village case study”], in Energy as an Instrument for Socio-Economic Development, Programme des Nations Unies pour le développement, New York, p. 32-41.

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Reddy, A.K.N., Rajaraman, I., Subramanian, D.K. et Rajabapaiah, P., 1979. « Un système d’usine de biogaz communautaire pour le village de Pura – une étude de faisabilité et une proposition » [“A community biogas plant system for Pura village – a feasibility study and proposal”], Bangalore, Conseil d’État du Karnataka pour la science et la technologie, Bangalore.

Reddy, A.K.N., D’Sa, A. et Sumithra, G.D., 1994. « Le biogaz dans les services publics d’approvisionnement en énergie et en eau en milieu rural. Partie II : Viabilité économique d’un service public d’approvisionnement en énergie et eau en milieu rural de type Pura (REWSU) » [“Biogas in rural energy and water supply utilities. Part II : Economic viability of a Pura type rural energy and water supply utility (REWSU)”], présenté lors de l’atelier sur la technologie du biogaz pour la Chine, les 28 et 29 novembre 1994, organisé par le Bureau de l’énergie et de l’environnement du ministère de l’Agriculture, Pékin et le Groupe de travail pour les stratégies et technologies énergétiques du Conseil chinois pour la coopération internationale en matière d’environnement et de développement, Centre chinois de recherche et de formation en énergie rurale, Pékin, p. 15-31.

Waldheim, L. et Carpentieri, E., 2001. “Update on the Progress of the Brazilian Wood BIG-GT Demonstration Project” [« Mise à jour sur l’avancement du projet de démonstration du bois brésilien BIG-GT »], Journal of Engineering for Gas Turbines and Power, 123, p. 525-536.


  1. Dubois J., Kebir L., « Éditorial. Transition énergétique : le retour des lieux », Espaces et sociétés, 2021/1, n°182, 9-14.
  2. Imprimée à Bangalore de 1994 à 2008, la revue est désormais sur la plateforme ScienceDirect/Elsevier. Pour des détails voir : https://www.iei-asia.org
  3. Krishna Prasad K., "Editorial", Energy for Sustainable Development, vol. 1, Jul. 1994, 5.
  4. Amulya K. N. Reddy, “IEI - its mission”, ibid., 8.
  5. Voir Antoine Fontaine, De la source à la ressource : Territoires, héritages et coopération autour de la valorisation de l’énergie solaire en Rhône-Alpes, chapitre 3, section 2 : « La valorisation du bois-énergie en circuits-courts via des chaufferies collectives (1989 -1995) », thèse de géographie, Université Grenoble Alpes, 2018, 145-164 (disponible en ligne).
  6. Pour des illustrations de ces interactions, voir : Marie Forget, Vincent Bos, Silvina Cecila Carrizo, « De nouveaux territoires énergétiques dans les Andes et Alpes. Sur les sentiers des transitions », Espaces et sociétés, 2021/1, n°182, 15-32.
  7. Article publié dans la revue Energy for Sustainable Development (volume VIII, n°3, sept. 2004), revue publiée par l’International Energy Initiative lancée à Bangalore par Amulya K. N. Reddy en 1991. Imprimée à Bangalore de 1994 à 2008, la revue est désormais sur la plateforme ScienceDirect/Elsevier. Pour des détails voir : https://www.iei-asia.org
  8. NdT : Sur le fonctionnement physique et la mise en œuvre technique de la méthanisation ou « digestion anaérobie » qui produit le biogaz on pourra par exemple se reporter à la fiche technique de l’Agence de l’Environnement et de la Maitrise de l’Énergie (ADEME) en France : https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/fiche-technique-methanisation-201502.pdf.
  9. Lors de la conception du projet, le village de Pura (latitude 12°49’ 00’’, longitude 76° 7’ 49’’, altitude au-dessus du niveau de la mer 670.6 m, pluviométrie moyenne 50 cm/an) avait, en septembre 1977, 56 ménages, une population humaine de 357 habitants et 189 têtes de bétail.
  10. Sur le détail de cette technique de biodigesteurs facile à construire, mise au point en Inde dans les années 1950, voir par exemple : https://energypedia.info/wiki/Floating_Drum_Biogas_Plants
  11. La consommation de bois de chauffage à Pura est de 1,67 kg/personne/jour soit 2650 kJ/personne/jour pour une cuisson à 15 900 kJ/kg de bois de chauffage et 10 % d'efficacité du poêle traditionnel. Pour atteindre la même puissance calorifique à partir d'un poêle à biogaz efficace à 60 % avec un pouvoir calorifique du biogaz de 22 320 kJ/m3 produit dans une usine de biogaz produisant 0,034 m3/kg de fumier humide à partir d’un bétail fournissant 5 kg d'excréments humides/jour, le rapport bétail-humain doit être d'au moins 1,16. En fait, il n'est que de 0,53 – soit environ la moitié de la valeur requise.
  12. NdT : Pour l’explication de cette formule, qui prend le contre-pied de la notion célèbre de « la malédiction des communs », voir le texte du même nom dans le présent ouvrage.
  13. Des articles sur le projet Pura ont été publiés dans des ouvrages tels que Renewable Energy: Sources for Fuels and Electricity [Rajabapaiah et al., 1993] et Energy as an Instrument for Socio-Economic Development [Rajabapaiah et al., 1995] du PNUD. Des chapitres/sections/encadrés sur Pura sont apparus dans le livre de la Banque mondiale sur l'énergie rurale et le développement pour deux milliards de personnes [Banque Mondiale, 1996] et dans le livre du CNUEH intitulé Application of Biomass-energy Technologies [CNUEH, 1993]. Le projet a été mis en lumière dans la série télévisée de Boston WGBH Race to Save the Planet et dans la vidéo de l'IEI Empowerment of Pura. Des articles sur Pura ont servi de base à des ateliers tels que l'atelier des 28 et 29 novembre 1994, à Pékin, sur la technologie du biogaz pour la Chine [Rajabapaiah et al., 1994; Reddy et al., 1994], et l'atelier du 24 février 1995, à Bangalore, pour discuter de la reproduction des services publics ruraux d'énergie et d'approvisionnement en eau (REWSU) de type Pura au Karnataka.
  14. Il est cependant important que les villageois-es ne soient pas obligé-e-s de payer dans le cadre d’expériences non encore véritablement validées; on peut leur demander de payer pour ce qu'ils et elles reçoivent après la conclusion réussie d'une expérimentation sur le terrain.
  15. La fin du projet Pura a également concerné le groupe de villages adjacents auxquels le système communautaire de biogaz avait été étendu avec succès, dans le but d’atteindre une échelle de maintenance et de pilotage qui soit plus rentable qu’un système bioénergétique unique ou dispersé.
  16. Appelé aussi Karanj, ou « arbre de Pongolote » en français, il s’agit d’un arbre à croissance rapide de la zone tropicale et subtropicale dont le noyau des fruits contient de l’huile et dont l’Inde a développé la culture depuis quelques décennies dans la perspective d’un approvisionnement en biocarburant.
  17. Un autre exemple illustrant ce problème est un projet d'énergie électrique à base de biomasse au nord-est du Brésil. Dans ce projet, les attentes de résidus de biomasse disponibles à partir d’un fournisseur unique à un coût raisonnable ont été contrariées par une utilisation concurrente (comme bois pour pâte à papier) qui a émergé pour les résidus. Pour éviter d'avoir à payer un coût élevé et inacceptable pour la biomasse, le projet a dû acheter un terrain sur lequel planter des arbres à croissance rapide afin d'assurer l'approvisionnement en biomasse. Et finalement le projet a été annulé en partie à cause des retards causés par ces difficultés imprévues à obtenir un approvisionnement durable en biocombustible (Waldheim, L et Carpentieri, E., ‘‘Update on the progress of the Brazilian wood BIG-GT demonstration project’’, Journal of Engineering for Gas Turbines and Power, 123, 2001, 525-536).
  18. Non seulement à Pura, mais dans les quatre autres villages concernés. Très vite, cependant, l'expérience de l'huile de Pongamia pinnata a pris fin. Ce qui est incompréhensible, c'est pourquoi cette expérience à base d'huile de Pongamia n'aurait pas pu être tentée dans un nouveau village, différent des villages disposant d’une centrale à biogaz communautaire tels que Pura. Car ainsi il aurait pu y avoir ensuite une mise en concurrence dans des conditions équitables des deux matières premières.
  19. Un comité nommé par la nouvelle direction du projet a visité la mini-centrale de Pura et a conclu qu'un apport unique et insignifiant d'environ 100 000 roupies (1 100 euros) suffirait à redémarrer l'installation après un arrêt prolongé. Ce type de réparation est généralement inutile pour les installations qui n'ont pas été arrêtées puis redémarrées.
  20. Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), 2001. « Mali: multifunctional platform for village power », in Generating Opportunities: Case Studies of Energy and Women.
  21. Par souci d'exhaustivité, plusieurs autres conditions sont ici incluses, même si elles ne découlent pas directement de la description proposée ci-dessus de l’expérience de Pura.
  22. Lorsque j'ai signalé à une réunion de village que le système communautaire d'installation de biogaz serait miné par des conflits intra-villageois, les habitants ont répondu que, tout comme ils laissent leurs chaussures (sales) à l'extérieur du temple de leur village lorsqu'ils y entrent, ils mettraient de côté leurs conflits de factions pour travailler ensemble afin d’utiliser une ressource commune; c'est ainsi qu’ils gèrent d'autres ressources, telles que leurs réservoirs (pour l'eau de pluie récoltée), et les espaces boisés communaux de leur village.

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