Préface 2

Tidjane Amadou Kamagaté *

La problématique de la prévention routière qui se pose en termes d’actions sur l’infrastructure, le véhicule et l’humain, nécessite, en amont, des initiatives fortes en termes de gouvernance pour offrir un cadre de cohérence à l’ensemble des contributions des différentes parties prenantes au système de sécurité routière.

Si dans la quasi-totalité des pays africains, le facteur humain est évoqué pour expliquer la plupart des accidents, il n’en demeure pas moins que des facteurs structurels liés à la gouvernance du secteur sont à la base de nombreux accidents aux conséquences dramatiques pour les individus, les familles et l’ensemble des communautés nationales.

En sécurité routière, le principe de prévention implique des interventions en amont pour éviter les conséquences liées à l’exposition des individus aux véhicules et à la probabilité de subir un accident.

Or, pour intervenir, il faut connaître, savoir la nature et l’ampleur de l’accidentalité. Pour connaître, il faut des données fiables et complètes sur la réalité, ce qui est rarement le cas dans la plupart des pays africains.

Selon l’OMS, la région Afrique a non seulement les taux de mortalité sur les routes les plus élevés pour 100 000 habitant·e·s (soit 26,6 sur 100 000 contre 9 pour les pays développés), mais aussi abrite les pays où les divergences les plus importantes existent entre ce qui est officiellement rapporté par les gouvernements et les estimations générées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Par exemple, le nombre total de décès déclaré dans les pays africains était de 55 000 en 2016, alors que l’OMS estime que le nombre réel de décès est plus proche de 284 000. Ce qui signifie que seulement un décès sur cinq est enregistré. Cette situation est liée au système de collecte et de gestion des données sur les accidents qui comporte beaucoup d’insuffisances, favorisant des sous-déclarations, des omissions, des erreurs.

En effet, dans la plupart des pays francophones, les statistiques d’accidents résultent de la compilation des procès-verbaux d’accidents établis par la Police et la Gendarmerie. Les données des milieux sanitaires sont ignorées ou négligées. La conséquence est que de nombreux blessés d’accidents qui décèdent pendant leur transfert ou après leur admission à l’hôpital, échappent aux statistiques établies. De plus, la prise en charge de ces victimes par des services d’urgence parfois sous-équipés ou débordés demeure une préoccupation à laquelle s’ajoute l’indigence des patients.

En outre, l’on dénombre une proportion importante de blessé·e·s transporté·e·s dans les centres hospitaliers par les services de secours sans avoir été pris en compte par les services de constat de la Police et de la Gendarmerie. En Côte d’Ivoire, la compilation des constats de la Police et de la Gendarmerie pour l’année 2021 donne 14 234 accidents et 21 201 blessé·e·s alors que les Pompiers Militaires et Civils totalisent 27 000 accidents couverts et 33 000 blessé·e·s transporté·e·s vers les hôpitaux.

Ce sont ces dysfonctionnements que les aut·eur·rice·s du présent ouvrage essaient de relever à partir d’éléments factuels issus des études et recherches de terrain.

À travers des articles bien documentés, ils et elles font un tour d’horizon des problématiques liées à la sécurité routière en Afrique autour de trois axes qui constituent les trois grandes articulations de l’ouvrage :

  • la nécessité de production de données fiables et exhaustives pour agir efficacement sur la courbe de l’insécurité routière;

  • l’exigence d’un système robuste de riposte post-accident pour réduire les traumatismes liés aux accidents de la circulation;

  • la diffusion des connaissances pour changer les politiques et les comportements des usagers.

Ces préoccupations relèvent de la gouvernance de la sécurité routière qui doit s’atteler à mettre en place une politique et une stratégie de sécurité routière s’appuyant sur (i) un cadre institutionnel de gestion de la sécurité routière (ii) une coordination des interventions des parties prenantes (iii) une réglementation efficace (iiii) un financement et une allocation des ressources financières suffisantes (iiiii) un système d’information efficace sur les accidents de la circulation  (iiiiii) la recherche, la diffusion de l’information et le partage d’expériences (iiiiiii) l’évaluation des actions avec des indicateurs précis.

Véritable anthologie sur les problématiques abordées, cet ouvrage offre le choix d’une lecture chronologique ou thématique au lecteur qui peut aller directement au thème de son choix. Mieux, il pourra opter pour une lecture par chapitre ou par article.

L’autre intérêt de l’ouvrage vient de la qualité de ses aut·eur·rice·s, tous deux géographes de la santé et act·eur·rice·s de terrain depuis plusieurs années.

En effet, Emmanuel Bonnet, Directeur de Recherches à l’IRD est connu pour ses travaux dans le domaine de la géographie de la santé en Afrique de l’Ouest notamment, où il entreprend depuis une dizaine d’années, des recherches avec sa collègue Aude Nikiema. Leurs nombreux travaux et publications font de ces deux aut·eur·rice·s des références dans le domaine.

* Tidjane Amadou Kamagaté est Conseiller spécial du directeur général de l’Agence de Mobilité Urbaine du Grand Abidjan (AMUGA) – Côte d’Ivoire, Ancien directeur des études de l’Office de Sécurité Routière (OSER) de Côte d’Ivoire.

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Les traumatismes routiers en Afrique de l’Ouest Droit d'auteur © par Emmanuel Bonnet et Aude Nikiema est sous licence License Creative Commons Attribution - Partage dans les mêmes conditions 4.0 International, sauf indication contraire.

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