11 Quelles sont les interventions nécessaires pour réduire les accidents de la route en Afrique? Une revue de la littérature

E. Bonnet, L. Lechat, V. Ridde

Introduction

Les accidents de la route sont la huitième cause de décès dans le monde, avec une augmentation de 46% depuis les années 1990 (Collaborateurs 2015). Des analyses récentes de l’OMS estiment que les accidents de la route pourraient devenir la cinquième cause de décès dans le monde d’ici 2030, avec des niveaux élevés d’inégalité dans les situations, entre et au sein des pays à faible et moyen revenu (LMIC) (OMS 2015). À ce fardeau s’ajoutent les millions de personnes qui souffrent à long terme de leurs blessures ou de leurs handicaps (Remacle et al. 2016).

Le plus grand nombre de décès se produit sur le continent africain, soit un taux de 26,6 décès pour 100 000 habitant·e·s (OMS 2015). Une étude récente a révélé que ce taux pourrait être plus proche de 65 décès pour 100 000 habitant·e·s (Adeloye et al. 2016). De plus, les jeunes Africain·e·s sont les victimes les plus probables, les accidents de la route étant la première cause de mortalité chez les 15-29 ans (OMS 2015). Sur le plan économique, le coût socio-économique annuel moyen des accidents de la route représente 1% du produit national brut (PNB) des pays à faible revenu (Jacobs et al. 2000). Avec l’augmentation rapide de la motorisation en Afrique, des mesures doivent être prises pour réduire les accidents et protéger les populations.

La Décennie d’action pour la sécurité routière 2011-2020, élaborée par l’OMS et la Banque mondiale, fournit un cadre général pour les activités de sécurité routière (OMS 2011) reposant sur cinq piliers, à savoir : une meilleure gestion de la sécurité routière (notamment la législation), une meilleure sécurité routière (par exemple, l’amélioration des normes de sécurité), une meilleure sécurité des véhicules, une meilleure sécurité pour les usagèr·e·s de la route (par exemple, le port du casque) et l’amélioration de la gestion des traumatismes et du rétablissement (formation du personnel aux pratiques appropriées). Si bon nombre d’entre elles sont encore en cours, des interventions récentes ont démontré leur efficacité potentielle dans certains pays à faibles et moyens revenus. Au Cambodge, par exemple, l’encouragement au port du casque a permis de réduire le nombre de décès et de blessures graves à la tête (Roelher et al. 2013). Les mêmes activités n’ont pas été mises en place dans tous les pays et, à notre connaissance, peu d’interventions ont été développées sur le continent africain pour réduire ce fardeau (Bhalla et al. 2014).

Bien que la Décennie d’action pour la sécurité routière soit en cours depuis 8 ans, le nombre de décès est resté élevé et aucune amélioration significative n’a été constatée. À mi-chemin de la décennie, les taux de mortalité ont stagné dans le monde entier. Le nombre de décès reste élevé dans les pays à faibles et moyens revenus et augmente chaque année (OMS 2015). Afin de poursuivre les activités de la Décennie d’action pour la sécurité routière, les objectifs de développement durable ont inclus une puissante ambition dans leur cible 3.6 : réduire de 50% le nombre de décès et de blessures dus aux accidents de la route d’ici 2020 (Griggs et al. 2013). En outre, les objectifs de développement durable (ODD) 3.6 (nombre de décès et de blessures dus aux accidents de la route dans le monde) et 11.2 (améliorer la sécurité routière) ont l’une des interactions les plus « indivisibles » de tous les ODD, selon un récent rapport d’experts (Nilsson et al. 2017).

Pour atteindre cet objectif de 3.6, et au-delà des interventions sur les infrastructures, dont on connaît l’efficacité, il faut intervenir dans les domaines de la sensibilisation, de la fourniture de services de secours, mais aussi des politiques publiques et des réglementations qui contribuent à la réduction des accidents et de leur impact sur la santé. L’objectif de cet article est donc de produire un état des connaissances sur les interventions qui ont été mises en œuvre sur le continent africain.

Cet article décrit les interventions, leurs résultats et les méthodes d’évaluation. Notre synthèse vient compléter deux revues systématiques récemment publiées sur le thème des accidents de la route en Afrique. La revue de Staton (2016) se concentre sur les articles qui présentent des interventions liées à la prévention, avec une évaluation de l’impact sur le nombre d’accidents, d’accidents avec blessures et de décès. La revue systématique cible tous les PRFM. Les résultats montrent que sur les 18 articles sélectionnés, seuls quatre étaient basés en Afrique subsaharienne. Les interventions concernaient l’amélioration des routes, le contrôle de la vitesse, la législation et l’augmentation des contrôles policiers. La revue systématique de Vissoci (2017) a analysé la proportion de blessés par accident de la route admis dans les hôpitaux des pays d’Afrique subsaharienne. Elle a recensé 13 pays africains. Les résultats ont révélé que près de 30% des patient·e·s admis·e·s avec des blessures avaient des traumatismes routiers. L’article mentionnait également que le nombre d’études sur le sujet restait faible, bien que l’OMS et la Décennie d’action pour la sécurité routière aient alerté sur la nécessité de produire de nouvelles connaissances. Notre revue exploratoire dresse une liste de toutes les interventions réalisées sur le continent avec des critères de sélection ouverts afin d’avoir de larges informations sur les interventions. En effet, ces deux revues systématiques ne présentaient pas les détails des interventions, leur contenu, leur mise en œuvre et leur contexte. Notre approche vise à entrer dans les détails d’interventions complexes comme le recommande la recherche interventionnelle (Vissoci et al. 2017) afin d’identifier les méthodes et les actions qui ont été efficaces. Cependant, ces deux publications récentes illustrent non seulement l’urgence de la question des accidents de la route et des traumatismes en Afrique mais soulignent également les actions réalisées et les efforts à poursuivre.

Matériaux et méthodes

L’objectif principal de cette revue est de faire le point sur les connaissances des interventions visant à réduire le nombre d’accidents et de blessures. Par intervention, nous entendons « un ensemble cohérent, organisé et structuré d’objectifs, d’activités, de moyens et de personnes qui les mènent, mis en œuvre afin de transformer une situation en problématique. » (Ridde et Dagenais 2012). La recherche de références s’est terminée en décembre 2017.

La méthodologie de recherche employée est basée sur celle développée par Arskey et O’Malley (2005). Elle comprend cinq étapes principales.

Définition de la question de recherche et des critères d’éligibilité

La question de recherche vise à identifier, recenser, décrire et analyser l’ensemble des interventions visant à réduire les accidents et les traumatismes liés à la circulation routière en Afrique. Nous avons choisi d’inclure toutes les publications connues depuis les années 1950 afin d’identifier tous les types d’interventions qui ont été menées en Afrique, de les énumérer et de mettre en évidence les expériences réussies. Pour répondre à cette question, les deux principaux critères d’éligibilité pour la sélection des articles de cette revue exploratoire concernent i) la zone géographique (pays du continent africain), ii) les domaines d’interventions (prévention, soutien, régulation). Implicitement, les interventions sélectionnées ne ciblent pas des âges, des méthodes ou des environnements géographiques spécifiques. Les interventions sélectionnées doivent être suffisamment détaillées pour remplir la grille de Tidier (Hoffmann 2014). Tous les articles de recherche primaire ont été inclus en considérant la période 1950-2018.

Sources de données bibliographiques consultées

Plusieurs bases de données ont été utilisées (Zaugg et al. 2014) : Sciencedirect et Pubmed, EMBASE, CINAHL, MEDNAR, CENTRALE PsycINFO et la Banque de données en santé ́publique (public health database).

Les requêtes ont été adaptées à chaque base de données, en fonction du vocabulaire de requête approprié. Pour certaines bases, la performance des critères d’interrogation (booléens) est plus importante. C’est le cas, par exemple, pour les termes MeSH dans les bases de données MEDLINE et CENTRAL.

En outre, une recherche dans la littérature grise a été effectuée ainsi qu’une recherche manuelle à partir des références des articles. Les bases de données OpenGrey, National Institute for Health and Clinical Excellence (NICE), National Guideline Clearinghouse, Social Care Online et The Grey Literature Report ont donc été utilisées pour identifier la littérature. Enfin, une dernière analyse a été réalisée dans Google Scholar pour identifier les articles non répertoriés dans les bases de données susmentionnées.

Stratégie de recherche

La stratégie de recherche s’est concentrée sur les références en français et en anglais telles que décrites ci-dessous: (« accident traffic » OR « road traffic injury » OR « Road safety » OR « Road crash » OR « road accident »)

ET

(« prévention des accidents » OU « accessibilité des services de santé » OU « accès aux soins de santé » OU « accessibilité, services de santé » OU « intervention en matière de santé » OU « développement, politique » OU « efficience, programme » OU « recherche sur l’efficacité, comparative » OU « efficacité » OU « efficience »)

ET

(« afrique » OU « afrique de l’ouest » OU « Burundi » OU « république du Burundi » OU « Angola » OU « Algeria » OU « Benin » OU « republic of Benin » OU « Comoros » OU « iles Comores » OU « Cameroon » OU « republic of Cameron » OU « united republic of Cameroon » OU « Egypt » OU « arab republic of Egypt » OU « Burkina Faso » OU « burkina faso » OU « Djibouti » OU « republic of Djibouti » OU « République centrafricaine » OU « Libye » OU « Cap-Vert » OU « République du Cap-Vert » OU « Eri- trea » OU « Tchad » OU « Maroc » OU « Côte d’Ivoire » OU « Côte d’ivoire » OU « Ethiopie » OU « République démocratique fédérale d’Ethiopie » OU « Congo » OU « congo Brazzaville » OU « congo Kinshasa » OU « Soudan » OU « République du Soudan » OU « Gambie » OU « République de Gambie OU « Kenya » OU « république du Kenya » OU « République démocratique du Congo » OU « Tunisie » OU « Ghana » OU « république du Ghana » OU « Madagascar » OU « Guinée » OU « Malawi » OU « république du Malawi » OU « Guinée équatoriale » OU « république de Guinée équatoriale » OU « Guinée-Bissau » OU « république de Guinée » OU « république de Guinée ». OU « royaume du Lesotho OU « Niger » OU « république du Niger » OU « Seychelles » OU « Namibie » OU « république de Namibie » OU « Nigeria » OU « république fédérale du Nigeria » OU « Soma- lia » OU « St Helena » OU « saint Helena » OU « Uganda » OU « republic of Uganda » OU « Swaziland » OU « Senegal » OU « republic of Senegal » OU « United Republic of Tanzania » OU « South Afrique » OU « Sierra Leone » OU « république de sierra leone » OU « Zambie » OU « république de Zambie » OU « Togo » OU « Zimbabwe » OU « république du Zimbabwe » OU « zimbabwe rhodesia »)

Pour optimiser la requête, les noms de tous les pays africains et leurs noms régionaux ont été ajoutés à la stratégie de recherche ainsi que le terme « Africa » afin de maximiser les sélections provenant des titres et des mots-clés. La stratégie de recherche a également été réalisée en français. Nous avons fait appel à l’expertise d’un bibliothécaire pour la définition de la stratégie de recherche.

Sélection des études

La sélection des études s’est faite en quatre étapes représentant quatre phases de tri des références sélectionnées : identification générale, filtrage, éligibilité et enfin sélection des articles inclus.

Les deux premièr·e·s auteur·rice·s ont effectué la sélection des publications. Ils et elles ont évalué les titres et les résumés de manière indépendante. La sélection a ensuite été comparée pour retenir la liste des publications incluses. Les rares cas de désaccord (n = 8) ont été traités par consensus. Les raisons de l’exclusion des articles étaient principalement liées à une zone géographique d’intervention située en dehors de l’Afrique, à la description de législations ou de politiques publiques non appliquées sur le terrain et à des descriptions théoriques d’interventions qui pourraient être menées pour réduire les traumatismes mais qui n’ont pas été appliquées. La plupart des articles exclus incluaient dans leur titre ou leur résumé une référence à des interventions, mais celles-ci n’ont pas été réalisées. Les détails de la sélection se trouvent dans la présentation du diagramme PRISMA (Figure 1) et de la liste de contrôle PRISMA.

Stratégie d’analyse

La grille d’analyse utilisée est tirée de la liste de contrôle du modèle de description et de réplication des interventions (TIDieR) (Staton et al. 2016). Elle est basée sur douze éléments utilisés pour décrire une intervention : Nom, Pourquoi, Quoi (matériel), Quoi (processus), Qui a délivré, Comment, Où, Quand, Adaptation (tailoring), Modifications, Évaluation-planifiée et réelle. Cependant, nous avons complété la TIDieR avec des éléments contextuels afin de mieux comprendre une intervention (Craig 2018). Ainsi, sept aspects contextuels ont été ajoutés à la grille d’analyse : la population, les milieux, l’environnement politique, économique, socioculturel, historique et la santé.

Résultats

La recherche a permis d’identifier 241 articles. Ils ont été compilés dans l’outil logiciel bibliographique Zotero qui a permis de trier les références et de supprimer les doublons. Une fois les quatre phases de triage terminées, 23 articles ont été retenus. (n = 55) n’ont pas été inclus dans la sélection finale car ils ne traitaient pas exclusivement d’interventions détaillées, mais d’actions ponctuelles incluses dans une approche globale de la sécurité routière. La figure 1 résume la sélection finale.

Le tableau 1 présente tous les articles sélectionnés, leurs types d’intervention ainsi que les critères de cette revue de cadrage.

Figure 1. Organigramme « PRISMA ».
Source : https://doi.org/10.1371/journal.pone.0208195.g001

Distribution géographique

La plupart des publications portaient sur les 20 dernières années, avec une augmentation depuis 2014 (Figure 2). Le Nigéria (n = 5), la Tanzanie (n = 3), le Kenya (n = 3) et l’Afrique du Sud (n = 3) étaient les zones les plus étudiées, représentant près de 61% de l’ensemble des articles. Ces pays sont étudiés depuis longtemps mais une augmentation du nombre d’articles a été constatée, depuis 2010, au Kenya, en Tanzanie et au Nigéria. En ce qui concerne les zones géographiques, l’Afrique australe et l’Afrique de l’Est sont les pays les plus fréquemment étudiés (60%). L’Afrique centrale et l’Afrique du Nord ne sont représentées dans aucun article proposant une intervention. Enfin, l’Afrique de l’Ouest a fait l’objet d’un traitement inégal, l’accent étant mis sur le Ghana et le Nigéria.

Figure 2. Répartition des documents par année et par pays

La cartographie de la distribution (Figure 3) des publications a révélé deux zones principales couvertes par les interventions publiées. Une zone se situe dans le Golfe de Guinée, correspondant à l’un des plus importants corridors de transport routier (N’Guessan 2003) en Afrique de l’Ouest : le corridor Abidjan-Lagos. La zone la plus fréquemment couverte correspond aux pays d’Afrique centrale et orientale jusqu’à l’Afrique du Sud, pays où le développement économique est plus important et où les niveaux de motorisation sont les plus élevés du continent (Kopits et Cropper 2005).

Figure 3. Localisation des zones où les interventions ont été mises en œuvre.

Description des interventions

Nous avons analysé les interventions en utilisant une grille d’analyse comportant 17 critères selon la grille de Tidier. La figure 4 montre comment les interventions étaient décrites dans chaque article sélectionné par rapport à la taille de notre grille d’analyse. Si la description générale de l’intervention était largement incluse dans les publications, il a été constaté que certaines informations importantes pour une éventuelle réplication étaient manquantes. En effet, un seul article présentait l’adaptation et les modifications de l’intervention mise en place.

Figure 4. Liste de contrôle du Tidier. Source : Analyse bibliographique, 2018.

L’analyse des publications a permis d’identifier quatre principaux domaines d’intervention (Figure 5). Le plus fréquemment abordé était l’éducation à la santé (n = 8) mais n’a été mis en œuvre que récemment (depuis 2005). Le deuxième domaine était les équipements de sécurité (n = 7), le plus ancien et le plus fréquemment appliqué au cours des 15 dernières années. Le troisième domaine est celui des politiques publiques entreprises (n = 6). Enfin, la collecte de données (n = 2), très récente (2014), associée à des techniques innovantes, représente le dernier champ, abordé uniquement au Kenya. La collecte de données est considérée comme une intervention car elle permet d’intégrer les nouvelles technologies dans le suivi et l’évaluation des accidents et traumatismes de la route et donc de cibler les actions à entreprendre. Il n’y a donc pas eu de publications traitant des interventions sur l’ensemble des piliers (OMS 2011) des accidents de la route et de leurs conséquences.

Figure 5. Répartition des domaines d’intervention. Source : Analyse bibliographique, 2018.

Objectifs et types d’intervention

Cinq types d’intervention ont été distingués et ont été répartis de manière inégale en fonction de leurs domaines. Les médias, par exemple, ont couvert cinq des huit interventions dans le domaine de l’éducation à la santé.

D’autres interventions, dont l’objectif global était la réduction des accidents, étaient en fait une combinaison de plusieurs types d’intervention. En Côte d’Ivoire, une politique publique a proposé 10 types d’intervention (Terje 1998) en même temps, par exemple en fournissant des équipements pour limiter la vitesse des bus, en soutenant des campagnes nationales de prévention et en créant de nouvelles lois pour les permis de conduire. Ces types d’intervention ont fourni des informations sur la mise en œuvre et le panel exploré dans le but de réduire le poids des accidents de la route.

Médias. Sur les 23 articles, huit portent sur l’évaluation des activités des médias en matière de sécurité routière. Trois articles font état de campagnes mises en œuvre dans le cadre du développement de vastes programmes de sécurité routière au Kenya dès 1980 (Terje 1998), en Namibie (Iipinge et Owusu-Afriyie 2014) et plus généralement dans les PRFM (Anderson et al. 2009). Cependant, ces trois références ne donnaient pas de détails sur le type de canal de communication, le contenu des messages et leur fréquence.

L’objectif des campagnes de communication est d’alerter et de sensibiliser à un problème donné. Certaines campagnes ont fourni des informations sur la conduite dangereuse (Anderson et al. 2009; Habyarimana et Jack 2011) ou ont mis en avant une catégorie de victimes d’accidents de la route, comme les enfants (Bili 2015) par exemple.

Au Ghana (Blantari et al. 2005), des spots télévisés ont été diffusés en anglais et en akan une fois par mois pendant neuf mois entre 2002 et 2003. La cible était les conducteurs et conductrices commerciaux et commerciales, considéré·e·s comme des conducteurs et conductrices dangereux et dangereuses (excès de vitesse et alcoolémie). L’évaluation de cette intervention a mis en évidence la nécessité de se tourner vers d’autres canaux de diffusion (radio, dépliants, etc.) pour toucher davantage de personnes, qui n’avaient pas toutes accès à la télévision. Bien que les messages aient été bien reçus et semblent simples, l’utilisation d’autres langues a été jugée nécessaire. Il a également été mentionné que des activités parallèles devraient être mises en œuvre (une plus grande présence policière et des réglementations sur l’alcool) pour sensibiliser plus efficacement.

Entre 2011 et 2013, les chercheurs (Habyarimana et Jack 2011), ont testé l’introduction d’autocollants dans les transports publics au Kenya (Matutu), soutenus par des campagnes radio pour encourager les passagèr·e·s à surveiller la conduite des conduct·eur·rice·s. Quatre types d’autocollants ont été collés à l’intérieur des véhicules. Les messages étaient très clairs : « Ne laissez pas un conducteur imprudent s’échapper », deux en anglais et deux en kiswahili (la langue locale). Deux stations de radio locales ont diffusé des messages de sensibilisation cinq fois par semaine au cours des six premiers mois de 2012. Les aut·eur·rice·s ont estimé que le nombre d’accidents de la route et de victimes a diminué sans qu’une mesure précise vienne étayer leur estimation. Ils ont démontré une amélioration de la sécurité routière par la diffusion régulière d’un message qui pouvait être mémorisé et mis en oeuvre.

En Zambie (Bili 2015), un programme de prévention a ciblé les enfants piétons de Lusaka, en les sensibilisant à l’environnement routier et aux comportements à adopter pour éviter les accidents de la route. Contrairement aux interventions au Ghana et au Kenya, la prévention était basée sur plusieurs canaux de communication différents : à savoir des programmes ou de la publicité sur la sécurité routière à la radio et à la télévision. Les programmes proposaient également des concerts et des sketches de théâtre suivis de débats avec la population.

Formation. Trois références concernent des sessions de formation. Deux d’entre elles décrivent une seule intervention menée auprès de motocyclistes au Nigéria, à Uyo (Johnson et al. 2011; Johnson et al. 2014). Le but de cette intervention était de conduire des sessions de formation pour apprendre la signalisation de sécurité routière. Il s’agissait de sessions de groupe données en langue locale. L’intervention consistait en des lectures et des échanges sur l’identification de la signalisation de sécurité routière, ainsi que sur le comportement à adopter sur les routes. Une seule session a été organisée en septembre 2008, deux groupes ont été suivis, l’un (n = 100) a participé à la formation et l’autre non (n = 100). Après l’intervention, les aut·eur·rice·s ont constaté que le degré de connaissance de la sécurité routière est passé de 21% à 82% dans le groupe qui avait participé à la formation alors que le score est passé de 19% à 21% dans le groupe témoin.

En ce qui concerne la question des comportements, l’étude rapporte que le nombre de personnes qui conduisent en état de fatigue est passé de 69% à 42% dans le groupe d’intervention alors qu’il est passé de 74 à 79% dans le groupe de contrôle. En ce qui concerne le respect des limitations de vitesse, la proportion de personnes déclarant les respecter est passée de 37,5% à 56,6% dans le groupe d’intervention, mais n’a pas changé dans le groupe de contrôle (37,5%).

Au Rwanda, en 2011, une formation a été mise en place dans le but d’améliorer la couverture des premiers secours (Petroze et al. 2014). Ces cours ont été conçus pour démontrer la méthode ATLS (Advanced Trauma Life Support). La formation a été dispensée à 24 chirurgien·ne·s traumatologues et 15 infirmièr·e·s traumatologues. Il y a eu deux sessions de formation de trois jours sur deux périodes (octobre et novembre 2015). Selon le registre de l’hôpital, les principaux résultats ont montré une baisse du nombre de décès parmi les cas les plus graves après les sessions de formation.

D’autres interventions décrites dans la partie consacrée à la sécurité des politiques et des programmes ont utilisé des sessions de formation en plus d’une autre intervention (Zimmerman et al. 2015; Asogwa et Obionu 1985).

Technologies et bases de données. Deux publications traitent des interventions utilisant les nouvelles technologies pour analyser les accidents de la route et améliorer la sécurité routière. Ces deux études concernaient le Nigéria.

La première (Williams et al. 2015) proposait le développement d’une application web pour le suivi des accidents de la route afin de remplacer la copie papier. Les objectifs de cette intervention étaient de fournir aux agent·e·s de la sécurité routière un système de surveillance qui leur permettrait d’agir plus rapidement en cas d’accident (pour améliorer les réponses des premiers secours) avec un système d’investigation et d’enregistrement des événements. Ce système permettrait également à l’ensemble des acteurs de consulter les données routières et de prendre des décisions permettant de réduire les accidents. Les variables nécessaires au suivi ont été identifiées et discutées avec la commission fédérale de sécurité routière. Les données concernant la date de l’accident, les informations sur la route et les véhicules impliqués, l’environnement, le type de collision, la nature des dommages matériels et corporels, l’hôpital de référence, ainsi que des informations sur l’état de santé de la ou des victimes ont été recueillies par les policiers sur téléphone mobile. Le système développé a montré que les responsables de la sécurité routière, ainsi que tous les autres acteur·rice·s, pouvaient s’enregistrer, se connecter, soumettre des rapports et effectuer des recherches sur les informations déjà saisies dans le système. De même, les décid·eur·euse·s pouvaient faire des demandes pour réaliser des aménagements et réduire les accidents. Cependant, l’article ne donne pas de détails précis sur l’étendue de l’implantation du système ni sur son déploiement géographique.

La deuxième étude (Kolawole 2015) a mis en place une intervention qui a utilisé les systèmes d’information géographique (SIG) pour mieux comprendre l’ampleur des accidents de la route au Nigéria et les variations entre les États. L’objectif était de fournir des éléments d’aide à la décision. Cette analyse s’est concentrée sur les données relatives aux accidents de la route entre 1990 et 2012, en établissant un classement entre les États du Nigéria. L’analyse a montré qu’une meilleure connaissance des lieux d’accidents avait un impact sur le nombre total d’accidents, ce qui pouvait s’expliquer par une amélioration des conditions de circulation, et le succès de l’éducation et des campagnes ciblant la sécurité routière. Les aut·eur·rice·s notent cependant que les blessures sont de plus en plus graves. Les SIG ont permis d’améliorer la connaissance des accidents, qui a été utilisée pour cibler les lieux ainsi que les campagnes de sensibilisation. Les aut·eur·rice·s ont précisé qu’ils ne savaient pas si ces analyses étaient utilisées dans la prise de décision.

Un seul article présentait une intervention en situation réelle avec la mise en place d’un système de collecte de données par smartphone au Nigéria (Williams et al. 2015). Le second article (Kolawole 2015), et l’une des actions décrites dans l’article de Terje (1998), présentant des interventions croisées complexes, fournissent des méthodes d’évaluation des situations accidentelles et recommandent leur intégration dans les politiques publiques de sécurité routière. Ils et elles en démontrent la pertinence dans leur analyse des accidents et leur intérêt à identifier les cibles d’une action préventive. L’article d’Idowu et Williams (2015), présente une intervention dont l’objectif est de créer un système de surveillance électronique afin que la saisie des données relatives aux accidents puisse remplacer la copie papier. Un autre avantage était de permettre la construction de bases de données consultables pour aider à créer des actions à entreprendre pour réduire les accidents. Le système développé était basé sur l’utilisation de smartphones par les policiers qui disposaient d’une application pour saisir les informations relatives à l’accident. Les variables sur la date, l’heure, la description des véhicules impliqués (Kolawole 2015), la cause de l’accident, l’environnement, le type de collision, la nature de la blessure et enfin l’hôpital recevant le ou la patient·e ont été collectés. Le tout était ensuite envoyé sur un serveur consultable via une interface web autorisant l’accès à la base de données. Le système a permis de comptabiliser le nombre d’accidents et de victimes ainsi que la gravité des blessures. Il a démontré l’importance des systèmes de suivi dans la réduction des accidents de la route.

Politique et programme de sécurité. Les articles relatifs à la mise en œuvre d’interventions dans le domaine législatif n’ont pas fait partie de notre revue de cadrage. La sélection portait principalement sur des politiques publiques dans lesquelles des lois étaient votées et leur impact analysé. Il s’agissait uniquement d’analyses générales sur plusieurs pays, en Afrique, et rarement sur des cas précis. L’article d’Anderson et al. (2009), par exemple, portait sur l’efficacité des politiques publiques dans la réduction des dommages liés à l’alcool. Outre les mesures d’éducation et de sensibilisation, une des actions législatives majeures a été la mise en place d’une limite légale d’alcool dans le sang, assortie de sanctions en cas de dépassement de cette limite. L’efficacité de cette mesure semble avoir été prouvée, mais en termes généraux, à l’échelle mondiale, sans analyse des résultats à l’échelle d’un pays spécifique ou du continent africain. La littérature grise (Terje 1998) fait état de réglementations mises en œuvre dans plusieurs pays africains, telles que le taux d’alcoolémie légal au volant, les limitations de vitesse ou le port de la ceinture de sécurité. Il ne s’agissait pas vraiment d’interventions en tant que telles, mais plutôt d’une analyse de l’efficacité de ces réglementations en 1998. Les aut·eur·rice·s ont conclu qu’au Kenya, au Bénin, en Tanzanie, en Côte d’Ivoire et au Zimbabwe, ces lois n’étaient que rarement appliquées. Dans un article de Rose-Innes (1974), une analyse épidémiologique a été menée en Afrique du Sud sur l’incidence et la gravité des traumatismes crâniens dans le cadre des restrictions de vitesse et de consommation d’essence imposées dans le contexte du choc pétrolier des années 70. L’intervention consistait à réduire la consommation de carburant en interdisant l’accès aux stations-service entre 18h00 et 6h00, en limitant les réserves de carburant à 10 litres par propriétaire de véhicule et en réduisant la vitesse de 80km/h à 50 km/h dans les zones urbaines et de 112 km/h à 80 km/h dans les autres zones. L’efficacité était visible sur les décès, les blessures multiples à la tête et sur le comportement des conduct·eur·rice·s.

L’article d’Abegaz et al. (2014) a évalué s’il y avait une réduction effective des accidents de la route, de la morbidité et de la mortalité suite à la nouvelle réglementation sur la sécurité routière introduite en septembre 2007 en Ethiopie. Cette réglementation comprenait notamment l’interdiction d’utiliser un téléphone portable, l’obligation de porter un casque, de boucler sa ceinture de sécurité et le renforcement de la répression des excès de vitesse, de la conduite en état d’ivresse et du transport de charges dangereuses. L’étude a montré une réduction statistiquement significative des accidents et des décès après la mise en œuvre de la réglementation. Toutefois, cette réduction s’est montrée souvent insuffisante et la mise en œuvre de la réglementation devrait s’accompagner, selon les auteurs, de campagnes de sensibilisation du public et d’une collaboration entre les différents secteurs.

L’article de Bishai et al. (2008) présente une intervention sur le contrôle de la circulation à Kampala, en Ouganda. L’intervention consistait en un renforcement du contrôle de la circulation par la police dans quatre zones principales de la capitale. Le contrôle du trafic visait la vitesse, en utilisant des mesures telles que les radars, le contrôle de la conduite dangereuse, des véhicules surchargés et de la possession d’un permis de conduire. L’évaluation a montré que les mesures étaient efficaces sur la mortalité avec une baisse de l’incidence estimée à 17%. Les aut·eur·rice·s ont également fait référence au rapport coût-efficacité de l’intervention et ont affirmé qu’elle était la moins coûteuse et la plus efficace par rapport aux autres interventions de sécurité routière dans les PRFM.

Équipement et amélioration des routes. Trois articles traitent de la distribution d’équipements de sécurité en Tanzanie et dans le monde (Zimmerman et al. 2015; Sumner et al. 2014; Liu et al. 2008). Trois autres ont porté sur l’installation d’équipements routiers dans le but de réduire la vitesse de circulation ou de protéger les piétons en Ouganda, en Afrique du Sud et au Nigéria (Nadesan-Reddy et Knight 2013; Mutto et al. 2002; Asogwa et Obionu 1985; Mutto et al. 2002).

En 2008, Liu et al. (2008) ont réalisé un examen des interventions concernant le port du casque par les motocyclistes afin de réduire la mortalité et les blessures à la tête. Ils ont identifié 61 études, dont la plupart étaient basées dans des pays développés. L’article de Sumner et al. (2014) décrit l’avantage pour les conduct·eur·rice·s d’utiliser des équipements qui leur permettent d’être plus facilement vu·e·s par les autres et les autres véhicules. Une autre intervention consistait à introduire des mesures de protection pour améliorer la visibilité : distribution de vestes haute visibilité ou fluorescentes, de casques blancs ou utilisation de feux de croisement tout au long de la journée. Les autres usagèr·e·s ont également reçu une courte formation de cinq minutes sur la sécurité routière.

Une autre intervention en Tanzanie rurale a organisé la distribution d’équipements de sécurité routière à différentes catégories de la population (Zimmerman et al. 2015). Avant et après l’intervention, les enquêt·eur·rice·s ont enquêté dans des foyers situés à 200 mètres d’une route principale dans le nord de la Tanzanie, dans le district de Bagamoyo. 100 motocyclistes ont été sélectionnés pour recevoir des gilets de haute visibilité, deux casques de moto et une semaine de formation à la sécurité routière. 26 ont reçu un « soutien dorsal » pour leur moto. 2 150 écolièr·e·s ont reçu des sacs réfléchissants et 56 enseignant·e·s ont reçu une formation à la sécurité routière. Les résultats ont montré qu’en cas d’accident, la proportion de motocyclistes portant un casque n’avait pas changé après l’intervention (66% avant et 63% après) dans la zone où il s’était produit, alors qu’elle avait augmenté dans la zone témoin (50% avant et 63% après). Les auteurs concluent leur article en affirmant que, malgré l’absence de littérature attestant de l’efficacité de l’éducation à la sécurité routière sur la réduction du nombre de blessures, celle-ci devrait être incluse dans tout programme général de sécurité routière.

L’article d’Asogwa et Obionu en 1985 traite des aménagements routiers et fait état de la construction de passerelles pour piétons afin de réduire le nombre d’accidents les impliquants. Un aménagement de ce type a été réalisé au Nigéria, dans le centre urbain d’Enugu, près d’une école de 2 500 élèves. Un cours d’une semaine sur la sécurité routière a complété le processus d’intervention. Mutto et al. (2002) ont également étudié l’impact d’une passerelle construite à Nakawa en 1999. Les aut·eur·rice·s ont identifié plusieurs problèmes liés à une pré-analyse insuffisante dans le développement d’un passage supérieur pour les piétons. Pourtant, les résultats ont montré une réduction significative du nombre de personnes n’utilisant pas le viaduc au-dessus de l’autoroute voisine.

Enfin, une dernière étude a analysé les mesures de modération installées depuis 2011 à Durban, en Afrique du Sud (Nadesan-Reddy et Knight 2013). Ces aménagements consistaient essentiellement en des ralentisseurs ainsi que des aménagements de l’autoroute. En parallèle, des cours de formation à la sécurité routière ont été introduits dans les programmes scolaires ainsi que l’emploi de personnes pour aider les piéton·ne·s à traverser la route. Après l’intervention, il semblerait que les ralentisseurs aient amélioré la sécurité dans les deux secteurs de la ville où l’intervention a eu lieu. Les collisions graves entre piéton·ne·s et véhicules ont diminué de 23% et 22%, tandis que les collisions mortelles ont diminué de 68% et 50% dans les quartiers de Chatsworth et KwaMashu. Le taux annuel médian d’accidents par kilomètre de route par an a diminué de 1,41 à 0,96 et de 2,35 à 1,40 à Chatsworth et à KwaMashu. Le nombre médian d’accidents mortels ou graves a diminué de 1,6% après la mise en œuvre du projet à Chatsworth, tandis qu’à KwaMashu, bien que le nombre de collisions ait diminué, le nombre médian a augmenté de 9%.

Discussion

Notre revue de cadrage sur la description des interventions visant à réduire les conséquences des accidents de la route en Afrique confirme le faible nombre d’interventions sur le continent. On constate également que la mise en œuvre des interventions est relativement récente puisque 13 des 23 articles ont été publiés depuis 2011. Ils correspondent en partie à l’impact de la Décennie d’action pour la sécurité routière (2011-2020) et se concentrent sur les cinq piliers. Cette revue de cadrage est un complément important à la revue systématique publiée en 2016 par Adeloye. Ce dernier n’a retenu que trois interventions en Afrique sur les 18 retenues pour leur publication dédiée aux PRFM. Il en est de même concernant le faible nombre d’interventions, malgré de nombreux appels à articles publiés dans des revues scientifiques (Sharma 2008; Lagarde 2007), et l’on constate que peu de recherches interventionnelles sont menées en Afrique, à l’exception de celles financées par la Fondation Bloomberg Philanthropies, qui ne concernent que quelques pays. En effet, depuis 2007, la Fondation a développé des interventions dans sept pays du monde, dont deux en Afrique (Ghana et Éthiopie). Les objectifs de Bloomberg Philanthropies sont de travailler avec des partenaires locaux pour mettre en œuvre des activités de sécurité routière qui respectent les mécanismes d’évaluations de haute qualité pour mesurer leur impact. Les programmes se concentrent sur cinq domaines d’intervention : les comportements (port du casque, port de la ceinture de sécurité, consommation d’alcool et vitesse), les infrastructures, le transport urbain durable, les normes des véhicules et le renforcement des politiques. C’est dans ce dernier domaine que des interventions ont été menées au Ghana et en Éthiopie par la réactivation de l’éclairage sur les routes principales d’Accra et par la mise en place d’un conseil inter-agences de sécurité routière présidé par le maire adjoint d’Addis-Abeba (ASIRT 2014).

L’analyse géographique des interventions identifiées dans cette revue de cadrage a révélé une concentration de la recherche interventionnelle en Afrique anglophone, soutenue en partie par la Fondation Bloomberg et le Programme de sécurité routière. L’Afrique francophone, à l’ouest ou au centre du continent, a présenté très peu d’interventions. A part le Bénin, l’Afrique francophone n’était pas représentée malgré des taux de mortalité parmi les plus élevés de la dernière évaluation de l’OMS (OMS 2015). Serait-ce que la distribution de l’aide et la mobilisation de la recherche interventionnelle sont injustes en ce qu’elles ne ciblent pas nécessairement les pays ayant les plus grands besoins (Bump 2018)? L’une des explications de cette inégalité de traitement pourrait s’expliquer par le fait que les pays de cette partie du continent ne sont pas éligibles aux appels à projets de la Fondation Bloomberg et du Programme de sécurité routière. Mais aussi parce que la plupart de ces pays, s’ils tentent d’appliquer les recommandations de l’OMS, ne disposent pas de bases de données fiables et régulières sur le nombre d’accidents, les caractéristiques des victimes ou le suivi de leur santé. Dans ce contexte, il est impossible d’évaluer l’efficacité d’une intervention sur le nombre de victimes d’accidents, sauf à intégrer un système de suivi avant l’intervention pour en évaluer l’impact. De même, l’évaluation du rapport coût-efficacité d’une intervention peut être erronée, comme le mentionnent Bishai et al. (2008) dans leur étude. Intégrer un système de surveillance à une intervention dans un domaine préventif est possible; plusieurs articles l’ont démontré dans cette revue de cadrage et dans d’autres articles (Bonnet et al. 2017) mais cela suppose un temps de mise en œuvre plus long, et serait donc plus coûteux, ainsi qu’un travail en étroite collaboration avec les autorités de police, de secours et de santé du pays. À cet égard, il serait légitime de recommander que les premières interventions à mener dans le cadre de la Décennie d’action pour la sécurité routière et des ODD soient de développer un système de collecte de données fiables, spécifiquement adapté au contexte de chaque pays ne possédant pas actuellement un système efficace. L’OMS et la Fédération internationale de l’automobile ont déclaré dans un récent rapport que

sans données précises, il est impossible de mettre au point des interventions efficaces en matière de sécurité routière, et il est impossible d’évaluer l’efficacité de celles qui sont en place ». Dans la plupart des pays d’Afrique subsaharienne, les chercheurs ne peuvent pas compter sur les données disponibles auprès des pouvoirs publics pour quantifier précisément le problème, mesurer l’impact des stratégies de prévention des blessures ou apprécier l’évolution des schémas de blessures dans le temps (Billingsley et al. 2016).

Cette revue révèle également que plusieurs interventions réalisent des activités combinées (Anderson et al. 2009; Teje 1998), illustrant que de nombreux leviers d’action complexes sont en jeu. Il est cependant plus difficile d’évaluer une combinaison d’interventions et, par conséquent, de les reproduire dans d’autres contextes. Nos analyses des articles révèlent que les interventions réalisées sont plutôt dépourvues de description détaillée et s’attachent à présenter les objectifs et le cadre dans lequel elles ont été réalisées. La fidélité de l’intervention est donc impossible à comprendre. À part l’article de Bishai et al. (2008), ou ceux de Habyarimana (Habyarimana et Jack 2015), peu d’articles mentionnent les détails de la mise en œuvre de l’intervention, sa possible reproductibilité et le rôle des aspects contextuels. Moins de cinq articles présentent un contexte détaillé tel que celui fourni par Ridde et Dagenais (2012). Les interventions ont donc été décrites de manière trop simple, minimale et sans détails relatifs au contexte, ce qui est essentiel pour la mise à l’échelle ou la réplication. Nous savons, en effet, qu’il existe de nombreux problèmes de transférabilité dans la recherche interventionnelle (Cambon et al. 2013).

En ce qui concerne les méthodes d’évaluation, la plus grande proportion fournit des méta-analyses dont il est difficile d’extraire les données initiales et donc de les reproduire dans un autre contexte. Au final, neuf articles ont porté sur l’efficacité. Les aut·eur·rice·s ont eu tendance à valider les résultats de leurs interventions sans nécessairement les étayer par des évaluations robustes, elles-mêmes difficiles à réaliser, compte tenu de l’absence de suivi du nombre d’accidents et de victimes, ou résultant d’une estimation. Nous avons fait le choix de les inclure dans cette revue, en précisant dans le tableau synthétique le type d’évaluation et de démonstration de leur efficacité ou non. L’existence de ces interventions et leur mise en œuvre restent pertinentes, utiles et rares en Afrique. Ces expériences serviront à construire d’autres projets d’intervention qui devront être adaptés aux contextes des pays.

Tous les domaines de la prévention et les types d’intervention ont un rapport avec la sensibilisation, en particulier via les médias ou la communication. Cependant, dans les exemples utilisés dans cette revue exploratoire, on peut noter que les médias ou les outils de communication impliqués étaient adaptés aux contextes des pays dans lesquels ils étaient appliqués, comme les autocollants au Kenya, ou la sensibilisation via les radios communautaires en Zambie. Si ces actions ont semblé efficaces, elles restent difficiles à évaluer et à généraliser. Le second domaine qui semble être le plus efficace est celui de la formation de base aux premiers secours pour les infirmières et les médecins urgentistes lors du traitement des blessés. Enfin, le troisième domaine est celui de la répression routière avec un effet dissuasif par la présence de forces de sécurité et de contrôles. Cette combinaison d’interventions n’est pas sans rappeler le cadre conceptuel de Haddon (1972) qui, bien que développé dans le cadre du secteur des transports, correspond à une approche de prévention de santé publique (Racioppi et al. 2004). La prévention se manifeste à la fois par le domaine visant à éviter les accidents (phase pré-collision), une prévention secondaire correspondant à l’atténuation de l’impact de l’accident en cas de collision et une prévention tertiaire correspondant à la capacité à sauver des vies.

Conclusion

Le succès des interventions sur l’application du code de la route doit être associé au contexte des pays, étant donné que des différences existent dans l’efficacité des systèmes administratifs et juridiques au sein des pays du continent africain. Le niveau de ressources des populations est également crucial dans l’utilisation des amendes. L’impact serait négligeable, voire aggraverait les conditions de vie, s’il était appliqué aux populations les plus défavorisées. Enfin, l’éducation routière ainsi que la sensibilisation à la protection du trafic semblent être les interventions les plus adaptées aux pays africains même s’il faut adopter une stratégie de changement des comportements, appropriée à chaque contexte socio-économique et culturel national. L’analyse globale de cette revue de cadrage révèle un manque d’interventions dans le domaine de la sécurité routière sur le continent, alors même que la Décennie mondiale de la sécurité routière et de nombreuses actions de sensibilisation des communautés scientifiques avaient souligné l’urgence de la situation. Les fonds disponibles spécifiquement consacrés à ce sujet sont certainement insuffisants pour produire de nouvelles connaissances issues de la recherche. Un dernier point à prendre en compte est que les quelques interventions réalisées pourraient être mieux évaluées afin d’obtenir des éléments de réplication permettant d’orienter les expériences vers d’autres lieux et à d’autres échelles.

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Ce chapitre est une traduction d’un article publié en anglais et remanié/réduit pour cet ouvrage : « What interventions are required to reduce road traffic injuries in Africa? A scoping review of the literature ». Plos One. DOI : https://doi.org/10.1371/journal.pone.0208195

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