6 Le Sénégal, une histoire solaire. Recherche, innovation et sensibilisation dans les énergies vertes de 1960 à aujourd’hui

Frédéric Caille

« Alerte sous les tropiques! »

Jamais cri, aux résonances de roman d’espionnage à grand tirage, n’a pris autant d’actualité qu’aujourd’hui.

« Alerte sous les tropiques! » : chaque jour un nouveau chiffre, chaque jour un nouvel indice, chaque jour un demi-degré de plus, chaque jour une espèce animale de moins…

Alerte à la science!

Alerte à la non-science!

Alerte à la conscience et à l’inconscience…

Dans un autre contexte, il y a plus de trois quarts de siècle, le chercheur et scientifique non conformiste sénégalais Cheikh Anta Diop commençait lui aussi sa croisade, tirait lui aussi sa sonnette d’alarme, en parlant de l’énergie et en intitulant l’un de ses plus fameux textes Alerte sous les tropiques!

L’énergie était un domaine auquel il s’était ouvert par ses études scientifiques, en tant que professeur de physique au secondaire en France et en tant que diplômé de chimie avec Pierre Curie à Paris, notamment. Mais également un domaine sur lequel on a beaucoup moins discuté ou relevé l’importance de sa pensée que dans les travaux d’histoire culturelle et de linguistique comparée.

C’est donc sous cet imposant patronage et dans les pas de Cheikh Anta Diop qu’on s’engagera ici dans un premier temps. En nous lançant à sa suite, il sera possible de découvrir les résonances de sa pensée anticipatrice dans le domaine énergétique avec d’autres chercheurs et expérimentateurs au Sénégal, plus spécifiquement en matière d’énergie solaire du début des années 1960 jusqu’à la période la plus contemporaine. Chemin faisant, et en plusieurs temps, il sera peut-être ainsi possible de comprendre pourquoi, ainsi qu’il avait si souvent lui-même voulu le montrer, « qui dit le passé pense le futur ».

En matière de science, d’énergie et de technologie aussi.

Cheikh Anta Diop, premier visionnaire solaire

Alerte sous les tropiques! est un texte paru dans la revue Présence Africaine en décembre 1955, il y a environ 60 ans (Diop, 1990). Soixante ans, c’est à peu près une vie humaine sur cette planète, ce qui veut dire qu’un bébé né avec cette publication, y compris le temps nécessaire à sa formation et à son acquisition de connaissances, aurait largement pu réaliser les transformations qu’entrevoyait Cheikh Anta Diop à cette époque. Et en bénéficier pleinement aujourd’hui.

La comparaison n’est peut-être pas si incongrue si on accepte de considérer combien Alerte sous les tropiques! est un texte qui se veut séminal, un texte d’interpellation qui annonce Les fondements économiques et culturels d’un État fédéral d’Afrique noire, autre ouvrage considérable et important paru en 1960 (puis dans une nouvelle version en 1974) (Diop, 1974).

Ce sont les grandes idées directrices d’une action générale qui nous manquent le plus. On a réussi à nous en dégouter, et pour masquer cette carence nous nous faisons passer volontiers pour des réalistes. Toute attitude qui tend à transcender la situation quotidienne pour avoir une vue d’ensemble de problèmes réels, objectifs, qui existeraient même en dehors de celui qui les examine, est jugée spéculative (Diop, 1990).

On croirait presque entendre Cheikh Anta Diop parler pour notre époque. Parler pour toutes les époques.

Énergie, pollution, surexploitation des ressources de la planète : comme il le souligne dans cette réflexion sur les possibilités d’un avenir autonome pour l’Afrique, nous sommes aujourd’hui comme hier, mais à l’échelle mondiale désormais, à l’échelle globale, dans une espèce de brouillard du « réalisme », dans la carence des perspectives d’une « action générale ».

Cheikh Anta Diop insiste dans son texte, de même d’ailleurs qu’une petite décennie plus tard son confère nigérien Abdou Moumouni Dioffo (voir « L’énergie solaire dans les pays africains » reproduit dans le présent ouvrage) : les tentatives visant à l’émergence de nouvelles « lignes directrices », et notamment de lignes directrices dans le domaine de l’énergie (on dirait aujourd’hui « des visions stratégiques »), ne sont pas pure spéculation ni abstraction. Elles relèvent au contraire d’un effort consistant à partir du réel pour y aboutir autrement.

Ou si on préfère, elles se fondent sur un effort pour tenter d’accroître le pouvoir de l’homme sur le réel, en acceptant que l’imagination, « l’utopie positive » pourrait-on dire, puisse avoir un rôle important à y jouer[1].

Pour sa part, Cheikh Anta Diop identifie dans son texte plusieurs de ce qu’il pense être « les facteurs clefs du développement à venir », des facteurs parmi lesquels il retient « le potentiel énergétique qui est à la base de la vie », puis le « potentiel humain », et enfin « la situation de l’Afrique par rapport au monde extérieur ». La conférence qui sert de base au texte est datée de 1951, mais on ne peut que constater combien la vision et le vocabulaire utilisé ne se sont guère démodés. On pourrait certes traduire en des termes plus actuels les priorités qu’avance Cheikh Anta Diop : « capacités énergétiques », « capital humain », « gouvernance et stabilité géopolitique ». Mais on n’y ajouterait pas grand-chose sur le fond.

Et sans tout lire ici, dans le contenu précis du propos, dans le détail de ce que Cheikh Anta Diop englobe sous le vocable de « potentiel énergétique », on se retrouverait également assez vite très proche de lui. Ainsi, pour ne prendre qu’un seul exemple, lorsqu’il évoque les diverses sources énergétiques et qu’il établit un inventaire soigneux de toutes les sources d’énergies renouvelables disponibles en Afrique (énergie solaire, énergie éolienne, énergie thermique des mers, énergie marémotrice, énergie géothermique qu’il appelle la « houille rouge »), Cheikh Anta Diop insiste de manière très étonnante et avant-gardiste pour l’époque sur les « puces de silicium » des laboratoires Bell, les toutes premières « mini-cellules solaires » photovoltaïques qui viennent alors juste d’être mises au point.

On pense que, dans quelques décennies, l’énergie électrique domestique sera fournie directement par le soleil au moyen de toits en silicium. Ce n’est pas de la science-fiction, mais de la science tout court (Diop, 1990: 85).

Et de conclure :

Telles sont les ressources énergétiques de l’Afrique. Leur utilisation par les Africains eux-mêmes pour transformer les matières premières que recèle le continent permettrait de faire de l’Afrique Noire un Paradis terrestre (Diop, 1990: 89).

Il ne mâche pas ses mots, Cheikh Anta Diop, il voit loin. Mais qui oserait en rire, qui oserait s’en moquer, 70 ans plus tard?

Car, vers la même période, en effet, le professeur Henry Masson, doyen de la Faculté des Sciences et Techniques de Dakar, arrivé au Sénégal une dizaine d’années plus tôt, envisage et développe de son côté, en physicien lui aussi, des visions convergentes avec celles de Cheikh Anta Diop.

Henry Masson et Jean-Pierre Girardier : d’autres chercheurs dakarois

Le compte rendu des publications et recherches que mène Henry Masson en Afrique de l’Ouest dans les années 1950, et qui paraît dans la très sérieuse revue française des Annales des mines (rattachée à l’École Polytechnique), est très significatif à cet égard. Il mériterait à son tour d’être cité longuement (Masson, 1960). Le ton est certes plus mesuré que chez Cheikh Anta Diop, et la démarche beaucoup plus exhaustive, avec une synthèse de résultats et une approche théorique des radiations solaires, de leurs rendements, de l’intensité du rayonnement globalement disponible dans l’Ouest africain, puis de divers appareillages de captage et de conversion de cette énergie.

Mais les conclusions restent, à peu de choses près, les mêmes :

Avec un peu d’optimisme, il n’est pas interdit d’apercevoir dans un futur plus ou moins lointain, des années durant lesquelles les régions désertiques seront rendues moins hostiles grâce à l’énergie solaire. La science, la nécessité aidant, pourrait transformer en réalité ce qui semble encore appartenir au domaine de la chimère. (…) Où en serions-nous si on avait consacré à la conversion de l’énergie solaire les moyens fournis aux recherches atomiques? (…) Certains entrevoient d’une manière précise l’application de l’énergie solaire à la vie courante. Où en est sur ce point l’Afrique de l’Ouest si riche en énergie solaire? (Masson, 1960 : 1 et 49).

Une fois encore, on croirait ces phrases écrites d’hier.

Henri Masson fera tout pour contribuer à l’avènement de ces « possibles », de ces potentialités énergétiques qu’il évoque. La création de l’Institut de physique météorologique de Dakar (IPM), la mesure des radiations solaires sur diverses zones du Sénégal, la mise en route et la direction de la thèse de Jean-Pierre Girardier sur le pompage solaire thermodynamique, achevée en 1963 (Girardier, 1963) (voir le texte de ce dernier dans le présent ouvrage), après ses premiers travaux sur le recueil de la rosée, la cuisson et le séchage solaires, en sont quelques exemples.

Un utopiste, le professeur Henri Masson? On peine à le croire. Et pourtant, lui aussi, l’universitaire physicien, dès 1960, après d’autres tels que le Français Augustin Mouchot dès la fin du 19e siècle, ou l’Américain Frank Schuman en Égypte en 1915, se risque à un pronostic[2].

Un pronostic qu’Henry Masson appuie sur les performances de la toute première pompe solaire dite « Somor », du nom de la pompe elle-même, fabriquée en Italie, mais testée déjà alors à Dakar dans la continuité de la thèse de Jean-Pierre Girardier[3] :

Dans sa conception actuelle la pompe solaire semble amenée à rendre de grands services, spécialement pour l’irrigation. Il semble que la fabrication doive commencer incessamment dans l’Ouest africain dont certaines régions riches reçoivent en abondance les calories nécessaires, mais restent jusqu’à présent pauvres en énergie classique. On peut conclure que la production de force motrice à partir du soleil est possible. L’énergie ainsi produite, à cause de la faiblesse du rendement et de son caractère intermittent, ne semble pas pouvoir rivaliser avec l’énergie produite de manière classique. Les moteurs solaires semblent réservés aux petites installations des régions arides et éloignées où leurs inconvénients sont compensés par le prix exorbitant des combustibles normaux. (Masson, 1960 : 33).

Tout est déjà là, ou presque, on le voit.

Tout est déjà analysé, déjà expérimenté de manière systématique, même si les moyens et la démarche demeurent avant tout empiriques, tandis que bientôt, à la suite de sa thèse, Jean-Pierre Girardier pourra se lancer dans des expérimentations de plus grandes ampleurs (voir à nouveau son témoignage dans le présent ouvrage).

Le propos sera d’ailleurs plus clair que jamais en janvier 1967, lorsque les deux chercheurs, cette fois de concert et au terme des tests effectués sur deux modèles de pompes solaires à Dakar, et d’une troisième en cours de montage, cosignent dans la même revue le très explicite « Le moteur solaire face au moteur diesel » (Girardier et Masson, 1967). Douze pages précises, presque sèches, qui dressent les comparatifs prévisionnels sur 20 ans du fonctionnement des pompes à moteur diesel et à moteur solaire au Sénégal, amortissement annuel, entretien, fonctionnement (dont salaires et logements des gardiens) compris, mais sans pouvoir tenir compte bien entendu des évolutions du prix du pétrole…

En dessous de 8 chevaux-vapeurs, concluent les auteurs, soit pour de très petites stations locales, qui ne nécessitent en dessous de 5 chevaux-vapeurs même pas de gardien (sachant que les moteurs diesel ne sont efficients qu’à partir de 12/15 chevaux-vapeurs), « on peut déduire que les stations utilisant l’énergie solaire sont plus rentables que les stations classiques ». Sachant que « les stations solaires offrent, en plus, une surface couverte isolée importante, sous laquelle il peut être prévu des locaux d’habitation, soit pour le personnel, soit pour le bétail » (surface climatisée naturellement par le fonctionnement des capteurs, en outre); et que par ailleurs, bien entendu, « la station de pompage solaire est autonome », « elle ne demande pas de carburant, souvent importé », « elle représente donc, pour le pays, une source d’énergie propre » (Girardier et Masson, 1967 : 281-282).

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Photographie du Professeur Masson, domicile de Jean-Pierre Girardier, juillet 2015/ Tableau de Cheikh Anta Diop, exposé à la bibliothèque de l’UCAD de Dakar durant la Biennale Dak’Art en mai 2016.

En 1967, relisons bien, c’est une fois encore plus d’un demi-siècle solaire africain tué dans l’œuf, avorté, inaccompli, sans que nous ne puissions jamais savoir si, pour ces pompes solaires, « leur multiplication et leur exploitation intensive sur le plan industriel », comme se le demandaient les auteurs, aurait ou non amené « sans doute, d’importantes améliorations techniques d’installations ».

Il suffit, cependant, de se souvenir des véhicules automobiles du moment et de les comparer aux actuels, pour n’entrevoir ne serait-ce qu’une infime partie de la réponse[4].

Et pour comprendre pourquoi, si souvent et si intensément, les témoins de cette époque ont eu le sentiment d’une « occasion manquée », une formule souvent reprise par les différents personnels de la SOFRETES que nous avons rencontrés (Caille, 2018).

L’histoire à écrire du CERER et de la recherche solaire sénégalaise

L’histoire des espoirs et des avancées de l’énergie solaire au Sénégal reste encore à compléter, une histoire d’innovation technoscientifique dans le domaine énergétique, mais aussi une histoire d’interactions avec la société civile et politique sénégalaise tout entière. Il s’agit d’une histoire scientifique et universitaire, mais également d’une histoire humaine, d’une histoire de techniques et de formation qui passe par l’Institut de physique météorologique de Dakar (IPM), comme par celle de sa transformation en « CERER » (Centre d’Études et de Recherche sur les Énergies renouvelables) ou par les activités des années 1977-1985 de ce dernier, lesquelles constituent sans aucun doute des travaux précurseurs.

Le directeur de cet institut en octobre 1977, Djibril Fall, donnera dès cette époque un tableau complet et optimiste des possibilités en la matière : « L’IPM est devenu le centre de mise au point et de fabrication de pré-séries d’équipement utilisant l’énergie solaire, adaptés à nos besoins et susceptibles de nous ouvrir un marché vers les pays voisins et même au-delà ».

Le tableau est-il, une nouvelle fois, trop optimiste, plus de 15 ans déjà après les premiers pronostics de l’équipe Masson-Girardier? Il n’est, quoi qu’il en soit, pas isolé, car succédant à une année près à un autre bilan, en forme lui aussi de promesse, et qui décrivait les réalisations en cours et celles conduites en collaboration avec la SOFRETES et Jean-Pierre Girardier :

De nombreux pays ayant des zones arides et semi-arides se sont intéressés au développement de cette technique (Malt, Haute-Volta, Niger, Mauritanie, Iran, Mexique, etc.). Ainsi, une hydropompe solaire de la première génération est expérimentée par l’Onersol au Niger, tandis qu’une autre de la seconde génération est en service à Chinguetti (Mauritanie) depuis 1973. Si le Sénégal a été à la base de cette réalisation technique, il faut reconnaître que la diffusion de celle-ci dans le monde rural n’a démarré que depuis deux ans seulement, sous l’impulsion de la Délégation générale à la recherche scientifique et technique dans le cadre de l’opération baptisée Dieurignou Diant. Avec l’aide de l’ONUDI et du Fonds français d’Aide et de Coopération (FAC), cette délégation a entrepris depuis juillet dernier l’installation de cinq pompes, respectivement à : Hann (lnstitut de Physique météorologique) (ONUDI), Mérina-Dakhar (région de Thiès) (FAC), Niakhène (région de Thiès) (FAC), Méouane (région de Thiès) (FAC), et Diagle (région du Fleuve) (FAC) (Sène, 1976).

De ces premières installations, nous l’avons vérifié, il ne reste aujourd’hui que quelques traces.

Mais leur mémoire au sein des communautés, les conditions de leurs usages comme de leurs abandons, l’évolution des programmes de travail du CERER et leurs liens plus ou moins directs avec les priorités internationales de recherche, demeurent des objets de recherche importants à investiguer.

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La pompe de la SOFRETES de Bondie Samb (1980), à l’est du Sénégal, en mai 2016 (voir aussi le récit-photo d’Alexandre Mouthon dans le présent ouvrage).

Pour n’en donner que cette illustration, un premier dépouillement réalisé en mai 2015 à la bibliothèque de l’IUT de Dakar, qui, avec le laboratoire de la Faculté des Sciences et l’École Polytechnique de Thiès est l’un des autres lieux cités par Djibril Fall, a ainsi fourni pas moins d’une dizaine de mémoires de fin d’études consacrés à l’énergie solaire : Étude et réalisation d’une pompe solaire à photopile (1976), Étude d’une station de pompage : alimentation directe par cellules photovoltaïques sans accumulateurs (1977), Suiveur de soleil à axe équatorial : conception et réalisation (1978), Réfrigérateur alimenté par photopiles solaires : conception, installation, expérimentation (1978), Suiveur de soleil (1979), Étude du gisement solaire à Dakar : acquisition et traitement de données météorologiques et commande d’un suiveur solaire à axe équatorial (1980), Étude théorique et expérimentale d’une pompe à chaleur (1980), Centrale d’acquisition de données météorologiques et suiveur solaire commandés par microordinateur (1982), Campagne de mesures météorologiques et évaluation d’un dispositif solaire (1983), etc.

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Dessin extrait de Billo Soumana et Dramé Abdoulaye, Suiveur de soleil, Mémoire de fin d’études de l’IUT de Dakar, soutenu le 27 juin 1979 à 16 heures.

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Matériel d’expérimentation solaire et expérience de mesure en cours à l’IUT de Dakar, mai 2015.

Innovation et « innov’action » : pour une autre épistémologie des sciences et techniques

Que sont devenus les auteurs de ces travaux?

Quels liens entre ces perspectives de technologies solaires simples, mais adaptées aux conditions sahéliennes, puis leur délaissement, et celles qui seront retenues par les pays développés?

Qu’en est-il aujourd’hui de cette technologie des « réfrigérateurs solaires » ou simplement de réfrigérateurs plus adaptés aux températures africaines (sachant qu’ils représentent souvent l’essentiel de la facture énergétique des ménages)?

Qu’en est-il, plus largement, de la climatisation par le solaire thermodynamique, si performante dans les pays sahéliens (c’est-à-dire sans passer par l’électricité), le « cooling with eat » que les Américains redécouvrent aujourd’hui et qui devrait sans doute connaître un essor important dans les années à venir (Lim, 2017)?

Ces questions, on le voit, sont loin de n’être qu’« historiographiques » ou relatives à un « passé dépassé ». Elles poussent au contraire leurs racines jusqu’à notre présent. Et c’est pourquoi, en parallèle et en complément des recherches plus directement juridiques et institutionnelles qui se trouvent rassemblées dans le présent ouvrage, le retour vers les technologies solaires émergentes au Sénégal dès le début des années 1960 invite sans doute à deux grands types de « décentrements », à deux modes d’ouverture des manières de penser et de faire, à deux directions pour, comme le dit joliment l’expression anglaise, thinking outside the box.

Le premier « décentrement » est celui du rapport au temps et à la durée.

En matière climatique ou de biodiversité notamment, « l’ampleur anthropologique des changements en cours », comme mentionné dans un nombre croissant de travaux, conduit en effet depuis peu à questionner en de nombreux domaines les catégories du « neuf » et du « vieux », du « lent » et du « rapide ». Un ensemble de démarches reliées à une « critique écologique du temps linéaire » visent ainsi à la remise en question de la durée « mécanique », uniforme et unilatéralement orientée du progressisme matériel, de la « science » et de la vitesse. Elles la remettent en cause par le retour à des conceptions plus qualitatives « des temporalités », les temporalités du vivant, des éléments, de l’air et des eaux, mais également, chez les êtres humains, les temporalités de « la multiplicité hétérogène des temps propres en tant que rapports d’intensité à un art de vivre et à la vie bonne » (Pouteau, 2016 : 3).

En termes simples, le temps des chronomètres et des calendriers, la science expérimentale la plus avancée le constate aujourd’hui, n’est pas la seule horloge de la vie.

Et dans le domaine technologique et énergétique également, on commence tout juste à le remarquer, « les pratiques low tech » ou les technologies dites « basses », par rapport aux « technosciences » plus « high » et capitalistiques, telles par exemple que le solaire thermodynamique de basse température dont nous parlons ici, par rapport aux énergies pétrogazières ou nucléaire, ainsi que l’écrivent deux spécialistes des technologies, « possèdent un rapport au temps singulier, déjouent les progressismes linéaires pour mieux interroger nos conceptions de l’évolution des techniques » (Dittmar et Tastevin, 2017).

Il est de la sorte frappant de constater que le solaire thermodynamique a été travaillé prioritairement avant l’amélioration des premières cellules photovoltaïques, puis s’est trouvé rejeté et disqualifié aux heures de leur première commercialisation (début des années 1980), avant de redevenir aujourd’hui (sous la forme de la très haute température) le fondement des plus grandes centrales solaires au monde.

De la même manière « la technologie du biogaz », comme l’ont noté récemment un historien et un philosophe des sciences indiens à propos de cette autre source d’énergie renouvelable aujourd’hui redécouverte en Europe, et qui fut elle aussi étudiée et développée au Sénégal et au CERER à partir des années 1980, invite aujourd’hui à réexaminer « la relation très complexe qu’entretiennent l’évolution technologique et le changement social ». Ce réexamen, relèvent les deux auteurs, passe par la remise en cause des « représentations linéaires de l’évolution technologique et du développement », c’est-à-dire « une déstabilisation des représentations et des cadres conceptuels traditionnels (…) rendue possible par l’historicisation de la relation entre la science, la technologie et les études et cadres du développement » (Raina et Chanakya, 2017 : 155-156).

En effet, dans le cas de l’énergie solaire comme dans le cas du biogaz ou des autres domaines technologiques, tels que les transports qu’a pu étudier de son côté l’historien des sciences David Edgerton (Edgerton, 2013), le « nouveau » et « l’important » en matière technique ne sont pas là où le positionnent le plus souvent les récits téléologiques de la progression scientifique, lesquels ne font que se centrer sur « l’innovation » et reproduire ses discours normatifs de valorisation et de légitimation (Edgerton, 2017).

Le séchage solaire, par exemple, est-il une technique archaïque et sans intérêt parce qu’inscrit dans les pratiques les plus lointaines de l’humanité, qu’il s’agisse du linge ou des aliments? Quelle autre méthode de séchage pourrait-elle donc rivaliser, notamment en termes de conservation des qualités nutritionnelles des aliments, sinon par pur souci de rentabilité.

Pour saisir toute l’importance de revenir sur des expérimentations comme celles dont les travaux menés au Sénégal et les activités de la SOFRETES furent l’exemple, il faut donc pleinement concevoir que la production énergétique est plus que jamais de nos jours un « fait technologique ». Et, en ce sens, on ne peut comprendre les questions énergétiques qu’en mettant à jour les liens qui portent la technologie à existence, et qui la constituent, c’est-à-dire un entrelacs de dispositifs indissociablement sociaux et techniques, ou « sociotechniques », c’est-à-dire matériels, scientifiques, économiques et politiques (Labussière et Nadaï, 2015 : 20).

Comprenons bien : la technologie, les techniques, ce n’est pas que de la « science ». La technologie et les techniques sont inventées, à la fois pour partie par le savoir dit « scientifique » (« des savoirs », « des connaissances »), mais tout autant par les acteurs qui en ont le besoin et qui les réclament, par les individus qui les pratiquent et qui, souvent, les mettent au point « en pratique », ce qui veut dire aussi, bien évidemment, par les règles de droit qui en autorisent ou en interdisent l’usage. Ce que nous enseignent donc les travaux récents d’histoire sociale et culturelle des sciences, et notamment l’ouvrage-bilan de référence récent en français au titre significatif d’Histoire des sciences et des savoirs (Pestre et Damme, 2015), c’est d’abord que les inventeurs technologiques européens, le plus souvent, ont « fait » avant de « comprendre ». Et c’est pourquoi la créativité, l’inventivité, l’innovation, en matière énergétique comme ailleurs, se sont trouvées être non pas du côté des théoriciens, mais, comme le dit pour sa part l’historien des technologies américain Clifford D. Conner, du côté des gens ordinaires, du côté des simples artisans ou des techniciens, du côté des collaborations d’ingénieurs et de scientifiques pratiques comme le duo Masson-Girardier : « L’impulsion initiale se trouve du côté des techniques » et « au commencement n’était pas le Verbe, mais l’Action » (Conner, 2014 : 37 et 518).

La visée de cette nouvelle épistémologie scientifique en plein essor ne consiste donc pas à prôner un irrationalisme revisité ni à nier les avancées qu’ont pu conduire les modes d’expérimentation et de véridiction propre à la science moderne. Plus simplement, et sans doute plus fondamentalement, il s’agit de concevoir que les savoirs scientifiques sont souvent venus a posteriori, en vérification plutôt qu’en impulsion, en se réappropriant des connaissances d’un type plus pratique et moins formalisé, et non pas en les faisant directement surgir du néant. Le domaine des plantes médicinales et des médicaments, comme il a été montré récemment dans un très beau livre, en est un autre exemple des plus frappants (Boumediene, 2016). La conséquence de ce changement de perspective n’est pas mince, car c’est le dogme, le « mythe technoscientifique » de la « neutralité » et de la pure « objectivité » des sciences par rapport au monde social qui se trouve bousculé. Les sciences ont évolué sous l’impulsion des techniques, des expériences qui ont été « réussies » avant d’être « expliquées » ou « comprises », les cas de la vaccine (Fressoz, 2012) ou de l’Internet (Flichy, 2001) en sont d’autres illustrations, et il est sans doute temps, pour écrire le véritable récit énergétique contemporain, de rompre avec la mythologie d’une science occidentale moderne tirant sa puissance d’action et ses effets de la seule force de sa logique rationaliste et ne visant que le bien-être de l’humanité. Le secteur de l’énergie commence tout juste à connaître des appels à ce que l’historien Jean-Baptiste Fressoz nomme une « histoire désorientée de l’énergie » (Fressoz, 2014), c’est-à-dire une histoire délivrée des mythes de la stricte « cumulativité » des savoirs ou techniques, et de ce « temps linéaire » de l’imaginaire progressiste évoqué ci-dessus.

Ce premier décentrement temporel auquel invite l’histoire du solaire au Sénégal en appelle un second, plus explicitement politique.

Le message que nous envoie à distance le parcours des pionniers du solaire africain est en effet que l’histoire de la technique, des techniques, des technologies de l’énergie, est aujourd’hui une composante qu’il est nécessaire de réintégrer au cœur de toutes les réflexions juridiques et politiques. Le philosophe Pascal Chabot l’a relevé récemment, au risque d’une homologie qui pourra déranger, dans L’âge des transitions :

Il est plus habituel de réfléchir, en traversant la campagne en voiture, au rendez-vous prochain, plutôt que de considérer les aspects politiques et scientifiques du travail qui fut nécessaire à la combustion du pétrole. Ce travail reste mal connu du consommateur : il est difficile de savoir si le réservoir d’une voiture est rempli d’un fluide qui provient d’Irak et aurait motivé des bombardements, s’il est sibérien et pouvait avoir suscité l’emprisonnement de démocrates, ou s’il est norvégien nigérian ou bien vénézuélien. Naguère, les esclaves n’avaient pas de nom. Aujourd’hui, nos carburants n’ont pas d’origine connue. (…) L’esclave est celui qu’on ne remarque pas et qui dérange tout un système lorsqu’il fait parler de lui. C’est condescendre à s’occuper de détails secondaires que de se pencher sur lui, même s’il est à l’origine du mouvement et de la puissance (Chabot, 2015 : 85 et 82).

La mise en homologie des questions énergétiques actuelles et de l’esclavage ancien, en particulier dans un pays comme le Sénégal, est-elle inappropriée ou excessive? Pour un nombre croissant d’observateurs à la fois scientifiques et militants contemporains, la mesure des intérêts en jeu et des conséquences socioculturelles, géopolitiques et environnementales de l’extractivisme énergétique contemporain n’est pas sans rappeler les parts les plus sombres de l’histoire humaine (Mouhot, 2011).

Malgré les nombreuses réserves qu’il est possible d’apporter à cette perspective (voir la critique très argumentée de Fabien Locher de l’ouvrage précédent [Locher, 2011]), peut-être convient-il donc d’accepter au moins la part d’éveil et de mise en garde qu’elle comporte. Car, en la matière, il convient malheureusement de l’admettre, un travail important de prise de conscience et de sensibilisation, à la fois dans la sphère civile au sens large et dans la sphère académique, reste à conduire, sachant que l’un des aspects fondamentaux qu’on peut associer à la perspective de la SOFRETES, et qui fait encore toute son actualité, c’est de s’être concentrée sur le problème de la « pauvreté énergétique », ou de l’énergie pour les plus pauvres, ce qui est un peu la même chose.

La pauvreté énergétique, c’est-à-dire la question de l’insuffisance d’accès à l’énergie pour les personnes, est une question qui n’intéresse pas ou guère, comme l’a montré l’un des rares travaux universitaires qui y ait été consacré en détail. Un chiffre : le nombre d’articles parus sur la « pauvreté énergétique » et les liens entre « énergie et développement » dans les principales revues sur l’énergie anglo-saxonnes de 1999 à 2009 est de 8 %, soit moins d’un sur dix (Sovacool & Drupady, 2012 : 2). Et sur 40 années, jusqu’en 2013, le nombre de publications en anglais dans le domaine des « sciences de l’énergie » et des « politiques de l’énergie » ayant retenu dans leur titre les termes « énergie » et « justice » est de 24, avec les ouvrages et les rapports, dont cinq articles seulement (Sovacool & Dworkin, 2014 : 24). Sur les 5 318 auteurs ayant publié sur l’énergie dans les dix dernières années du précédent échantillon, un seul a utilisé le terme « justice » dans son titre ou dans son résumé.

Ce désintérêt, ce faible intérêt universitaire pour l’énergie et surtout l’énergie des plus modestes est un point important, surtout que lorsque qu’elles existent, ces publications se concentrent sur de « petites technologies », comme le solaire individuel ou villageois, le biogaz, la mini hydro-électricité. En d’autres termes : les grands spécialistes de l’énergie sont ceux des énergies fossiles, nucléaires, des grands réseaux et des approvisionnements à l’échelle d’un pays ou d’une métropole, mais pas de l’énergie qu’attendent les villages du Sénégal.

L’auteur de ce texte, comme beaucoup de ceux du présent ouvrage, ne prétend pas au qualificatif « d’experts de l’énergie ». Mais il s’agit bien de leur devoir de juristes, d’historiens ou de politistes que de s’emparer, sans complexes mal placés, des questions que délaissent ceux qui s’arrogent des titres ou la légitimité principale sur ce champ de recherche. Les ¾ de la population mondiale consomment moins de 10 % de l’énergie globale. Et pourtant ces ¾ de l’humanité demeure à l’écart des études, si ce n’est dans la perspective, totalement mirifique et écologiquement insoutenable on le sait, de les fondre dans le standard des pays les plus développés.

Ce standard est d’autant plus lointain, il faut le relever, et notamment pour le Sénégal, que pour ces populations énergétiquement défavorisées, ce n’est pas seulement la quantité, mais aussi la qualité de l’énergie qui est défaillante, avec en outre la fréquence des coupures d’électricité (voir le texte de Jean-François Havard dans cet ouvrage), une intensité du courant insuffisante qui use prématurément les moteurs et les appareils et qui parfois les détruit lors de surtensions, ce qui arrive encore fréquemment à Dakar.

Pauvreté énergétique de la quantité, pauvreté énergétique de la qualité : il faut ajouter la pauvreté écologique de l’insuffisance énergétique, et rappeler qu’au Sénégal aujourd’hui encore, où la consommation énergétique par habitant reste l’une des plus faibles au monde, près de 90 % de l’électricité est d’origine fossile (centrales thermiques), et qu’en bilan énergétique final on est à 49 % de biomasse (bois charbon de bois, déchets végétaux et animaux), pour 44 % de produits pétroliers, et seulement 7 % d’électricité.

Ce constat du peu d’intérêt des grands experts et des grandes expertises mondiales pour les énergies vertes, les faibles ou moyennes puissances de production et les équipements « hors-réseau » (Tomei et Gent, 2015) avait déjà été fait en 1979 par Laura Nader et Norman Milleron, deux des anthropologues américains pionniers des « humanités énergétiques » contemporaines, qui écrivaient que « we need to include the expert as part of any problem we address » (Nader et Milleron, 1979). Il convient d’y ajouter le constat du désintérêt pour l’utilisation des énergies renouvelables dans les pays du Sud, et notamment pour ce tiers de l’humanité, « the Other Third », les 1,7 à 3 milliards de personnes touchées par la pauvreté énergétique dans l’une ou l’autre de ses dimensions (cuisine, éclairage, santé, eau, force mécanique, etc.) :

Several books have been written about sustainable energy for high-energy (hydrocarbon based) societies of developed countries, as well as the advanced (industrializing) developing countries such as India and China. However, there is a conspicuous absence of books dealing with energy for the low energy (non-carbon based) Other Third of the world, and how the unmet needs of the Energy Poor might be satisfied (Guruswamy & Neville, 2016 : 2 et 315).

Une pauvreté énergético-écologique frappante donc, qui chemine avec la pauvreté tout court, celle qu’engendre le coût de l’énergie, estimé à 13 euros par mois par ménage pour l’électricité au Sénégal (en Basse-Casamance), soit au minimum 20 000 FCFA, probablement bien plus souvent (30 ou 70 000 FCFA), et donc au moins 15 % du budget mensuel moyen. Chiffre énorme, excessif pour nombre de ménages, qui vient en regard du fait qu’à l’exception de l’Afrique du Sud et du Ghana, dans tous les autres pays de l’Afrique subsaharienne, plus de la moitié de la population au moins, et parfois près des deux tiers, vit actuellement sans accès à l’électricité (Brew-Hammond, Serwaa Mensah et Amponsah, 2014), et que plus de 95 % des « Energy Poor » de la planète résident dans ces mêmes régions ou en Inde, essentiellement dans les zones rurales (84 % selon les chiffres 2014 de l’Agence Internationale de l’Énergie[5]). Au final, la consommation énergétique des États de la zone sahélienne dans son ensemble représente aujourd’hui encore moins du dixième de celle d’une seule grande métropole occidentale[6].

L’énergie pour les plus pauvres requiert une « small » and « low » technologie, pour laquelle il faudrait un « small and low right », un « business-droit » à taille humaine, et pas seulement ces grands projets à multiples zéros qui font rêver les avocats d’affaires, mais qui laissent les paysans s’éclairer à la lampe à pétrole.

En guise d’épilogue

Le gisement solaire sénégalais auquel pensaient Cheikh Anta Diop autant qu’Abdou Moumouni Dioffo ou Jean-Pierre Girardier n’est pas demeuré inerte et inexploité faute de technologies adaptées et disponibles.

Et le récit rassurant de « l’impossibilité technique » doit d’abord être questionné par là où il se fonde, c’est-à-dire dans les lieux mêmes où se sont trouvées posées les questions de l’existence ou de l’inexistence des technologies, de leur efficience relative, et des obstacles sociaux, juridiques, économiques et politiques auxquels elles se sont affrontées.

Personne ne sait quand et comment se sont arrêtées les premières pompes de la SOFRETES, quand et comment elles furent pour tout ou partie démontées. Et, même à Dakar, au CERER, nous avons pu le vérifier, il nous fut difficile en 2016 de savoir par qui et pourquoi avait été enlevée la pompe expérimentale Segal, disparue en une nuit nous a-t-on dit, vers 2008 seulement, un vestige « archéotechnologique » dont la valeur aurait été pourtant potentiellement considérable pour une « cité des sciences durables et des énergies renouvelables » sénégalaises du futur[7].

Car l’histoire de l’énergie, plus qu’aucune autre, est écrite par les vainqueurs.

Et c’est pourquoi il est aujourd’hui nécessaire de retourner sur les lieux qui furent ceux identifiés comme ceux des « défaites » ou des « échecs » de certaines énergies vertes, et d’en vérifier la vraie réalité et l’exactitude.

Les populations locales, les chercheurs et anciens chercheurs des pays du sud, ont ainsi à participer à l’écriture d’un autre récit énergétique, un récit qui passera sans doute à l’avenir par l’invention de nouveaux lieux de sensibilisation aux enjeux des énergies vertes en Afrique, celles du passé et celles du futur. Les matériels encore existants, et une forme d’« archéotechnologie » de l’énergie solaire au Sénégal, pourraient de la sorte devenir, comme toute fabrique muséale, par l’intermédiaire des objets exposés et conservés, « des moyens d’appropriation du monde et des supports de subjectivation » (Bondaz, 2014).

Comme l’a rapporté Jean-Pierre Girardier, un agriculteur sahélien, lors de ses recherches, lui a demandé un jour :

« Mais est-ce que tu ne vas pas fatiguer le soleil? »

Sans seulement nous contenter de sourire, nous pouvons aujourd’hui lui répondre :

« Non, le soleil ne peut pas se fatiguer.

Ce sont les êtres humains qui se fatiguent, qui se peinent d’attendre un avenir.

Car le soleil est la seule source d’énergie qu’on puisse comparer à l’esprit humain :

une force qui peut tirer d’elle-même plus qu’elle ne contient, rendre plus qu’elle ne reçoit, donner plus qu’elle n’a ».[8]

Puisse nos esprits vérifier dans le futur et pour longtemps cette belle constatation!

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Ndoye Douts, fragment d’Encyclopédie (2011-2015, 600 x 600 cm), peinture acrylique et collage, exposé à la biennale Dak’Art, ancien Palais de Justice de Dakar, mai 2016.

Références

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Brew-Hammond, Abeeku, Gifty Serwaa Mensah, et Owusu Amponsah. 2014. « Energy Poverty in Sub-Saharan Africa. Poverty Amidst Abundance ». In Energy Poverty. Global Challenges and Local Solutions, Oxford University Press, 296‑315. New York: Antoine Halff, Benjamin K. Sovacool, and Jon Rozon.

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Ruyer, Raymond. 1988. L’Utopie et les utopies. Paris: Gérard Monfort.

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Tomei, Julia, et Danielle Gent. 2015. Equity and the Energy Trilemma: Delivering Sustainable Energy Access in Low Income Communities. London: IIED. http://pubs.iied.org/16046IIED


  1. Le philosophe et historien de la « pensée utopique » Raymond Ruyer, qui en a souligné les convergences avec la réflexion scientifique, définit la démarche dite « utopique » comme « un exercice mental sur les possibles latéraux » (Ruyer, 1988).
  2. Il est remarquable que Frank Shuman, très oublié à l’époque comme aujourd’hui, soit mentionné explicitement dans son texte de 1960 par Cheikh Anta Diop. En effet, le scientifique sénégalais évoque le « procédé Schumann, utilisé à Maadi, en Égypte » (avec une petite erreur sur le nom, écrit avec deux « n ») en précisant en note que « cette usine n’existe plus » (elle cessera ses activités durant la première guerre mondiale, peu avant le décès de son créateur en 1917). Cheikh Anta Diop l’utilise pour décrire le fonctionnement de capteurs thermiques cylindro-paraboliques où on concentre la chaleur sur un axe le long duquel est installée « une portion d’un circuit parcouru d’huile, lequel fait ensuite serpentin dans une chaudière remplie d’eau où il abandonne des calories » (Diop, 1960 : 60).
  3. Créé en 1935 sur le principe des moteurs thermodynamiques de basse température par l’artisan mécanicien-frigoriste italien Daniele Gasparini (1895-1960), renforcé par l’ingénieur Ferrucio Grassi (1897-1980), le moteur-pompe vendu à une soixantaine d’exemplaires par la société « SO. MO. R. » (« SOcietà MOtori Recupero del calore solare e del calore perduto ») à partir de 1948 et jusqu’à la disparition de la société en 1963, a fait l’objet d’une redécouverte, d’une réhabilitation-reconstitution, et même d’une muséification récente (Museo del Lavoro et dell’Industria de Rodengo-Saiano), dans l’esprit du travail de sensibilisation aux énergies renouvelables et à l’énergie solaire que nous proposons ici. Voir les diverses communications présentes sur le site des rencontres organisées à Brescia en 2014 (GSES, 2014).
  4. L’échec du partenariat avec Renault Véhicules Industriels a été de ce point de vue le principal regret de Jean-Pierre Girardier, bien que l’entreprise ait été partie prenante du capital de la SOFRETES durant les premières années. À son sens, c’est cet acteur, plus que tout autre, y compris le CEA, qui était le plus à même de fiabiliser et d’industrialiser les pompes solaires qui avaient été élaborées au Sénégal.
  5. Cités dans (Guruswamy & Neville, 2016 : 1).
  6. « La totalité de la consommation d’énergie des huit pays sahéliens continentaux membres du CILSS (Comité Inter-États de Lutte contre la Sécheresse au Sahel) (République du Cap-Vert, Guinée-Bissau, Gambie, Sénégal, Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad) ne représente que 1 % de celle de la seule agglomération new-yorkaise » (Minvielle, 1999 : 7).
  7. Entretiens réalisés avec plusieurs des techniciens présents. Ces derniers nous ont assuré que tout avait disparu en une nuit sans qu’ils aient été informés de ce démontage. Les capteurs de l’installation avaient semble-t-il été détruits quelques années auparavant (Entretien 05/2016 réalisé avec Alexandre Mouthon, voir son récit-photo dans le présent ouvrage).
  8. Selon la belle définition de l’esprit donnée par le philosophe français Henry Bergson dans L'énergie spirituelle (1959), cité dans (Chabot, 2015 : 108).

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