11 La réception des objectifs de développement des installations solaires en droit de l’urbanisme. Réglementation, application : une approche comparée France-Sénégal

Jean-François Joye, en collaboration avec Baba Aliou Thiam

Le Sénégal et la France ont pour ambition commune le développement des énergies renouvelables depuis les années 2000. Atteindre cet objectif n’est cependant pas une simple question de discours. C’est aussi une question de réglementation, notamment de droit de l’urbanisme (Hégo Devéza-Barrau, 2011; Le Baut-Ferrarèse et Michallet, 2012). Celle-ci doit permettre le développement des installations solaires, c’est-à-dire des projets à établir sur des terrains (fermes solaires de production électrique qui utilisent la technologie photovoltaïque ou thermodynamique) ou sur des bâtiments (panneaux thermiques ou photovoltaïques). Si les intentions des législateurs en matière de production d’énergies renouvelables sont peu ou prou les mêmes, en revanche, la nature des enjeux juridiques diffère entre ces pays. C’est notamment le reflet d’une approche distincte des conflits d’usage pour l’utilisation du sol. Tout d’abord, nous relaterons comment ces pays ont adapté leur législation et ensuite comment la règle d’urbanisme y est écrite en lien avec le développement des installations solaires.

Les rythmes d’adaptation du droit de l’urbanisme aux objectifs de développement des installations solaires

Si l’expression des objectifs énergétiques nationaux est assez proche entre la France et le Sénégal (A), en revanche la nature des enjeux juridiques diffère (B).

A. Expression des objectifs et enjeux juridiques en France

La promotion de l’utilisation de l’énergie solaire pour produire de l’électricité (1) a nécessité en parallèle de surmonter plusieurs défis juridiques pour se traduire en actes (2).

a) Les objectifs de promotion et de développement de l’énergie solaire

Le droit français ne manque pas d’objectifs destinés à engager la société sur la voie de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. En corrélation avec le droit international et le droit européen, le Code de l’énergie détermine la plupart des objectifs généraux ou spécifiques. Dans sa version modifiée par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 sur la transition énergétique, l’article L. 100-4 de ce code dispose en son I que la politique énergétique nationale a (notamment) pour objectifs :

1° De réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030 et de diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050 (…), 2° De réduire la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 par rapport à la référence 2012, en visant un objectif intermédiaire de 20 % en 2030 (…), 4° De porter la part des énergies renouvelables à 23 % de la consommation finale brute d’énergie en 2020 et à 32 % de cette consommation en 2030; à cette date, pour parvenir à cet objectif, les énergies renouvelables doivent représenter 40 % de la production d’électricité, 38 % de la consommation finale de chaleur, 15 % de la consommation finale de carburant et 10 % de la consommation de gaz, 5° De réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2025 (…) 7° De disposer d’un parc immobilier dont l’ensemble des bâtiments sont rénovés en fonction des normes « bâtiment basse consommation » ou assimilées, à l’horizon 2050, en menant une politique de rénovation thermique des logements concernant majoritairement les ménages aux revenus modestes (…).

Des objectifs chiffrés déclinent ensuite les objectifs généraux. Ils sont fixés par le ministre chargé de l’énergie en matière de répartition des capacités de production électrique par source d’énergie primaire et, le cas échéant, par technique de production et par zone géographique. Jusqu’en août 2015, la programmation pluriannuelle des investissements (PPI) fixait un objectif de puissance totale raccordée de 5 400 MW en 2020. Cette puissance a été atteinte fin septembre 2014.

La PPI française de production d’électricité prévoit actuellement un objectif de 10 200 MW de puissance installée pour fin 2018 et 20 200 (option haute, soit l’équivalent de 21 % de la production électrique française en 2016) (RTE-France, 2017) et 18 200 MW (option basse) pour fin 2023 (Arrêté du 24 avril 2016 « relatif aux objectifs de développement des énergies renouvelables).

Toutefois, tandis que les textes législatifs ou règlementaires sont établis par l’État central celui-ci n’est pas l’acteur unique de leur mise en œuvre. De nombreuses agences nationales et locales prennent le relai et incitent aux bonnes pratiques, diffusent l’information ou rendent des expertises pour développer les énergies renouvelables et sensibiliser les populations aux enjeux de la transition énergétique. C’est le cas de l’Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (ADEME) et des agences locales de l’énergie et du climat. Les collectivités territoriales sont également appelées à devenir des acteurs majeurs non seulement montrant l’exemple par l’apposition de panneaux sur leurs bâtiments mais aussi en prenant des participations dans le capital de sociétés développant les énergies renouvelables.

Par exemple, depuis la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 sur la transition énergétique, les communes et leurs groupements peuvent participer au capital d’une société anonyme ou d’une société par actions simplifiée dont l’objet social est la production d’énergies renouvelables par des installations situées sur leur territoire ou sur des territoires situés à proximité et participant à l’approvisionnement énergétique de leur territoire (Code Général des Collectivités Territoriales, art. L. 2253-1, L. 4211-1, L. 3231-6) (Fontaine, 2016).

Les personnes physiques sont aussi appelées à s’engager dans la transition énergétique. Cependant, une ambiguïté a longtemps subsisté en France s’agissant de l’autoconsommation de l’électricité produite. À part quelques dispositions allusives et éparpillées dans la règlementation, elle n’était pas explicitement reconnue (ni interdite non plus). Cela nuisait au développement des systèmes solaires sans objectif mercantile. Il fallut attendre 2016 pour que la France pose enfin un cadre juridique plus abouti pour clarifier le recours à l’autoconsommation d’électricité. L’ordonnance n° 2016-1019 du 27 juillet 2016, prise en application de l’article 119 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance, définit le régime de « l’autoproduction » et de « l’autoconsommation » et introduit aussi la notion « d’autoconsommation collective » lorsque plusieurs producteurs ou consommateurs finals participent à cette opération et sont regroupés au sein d’une personne morale (association, coopérative…) pour l’approvisionnement de logements collectifs ou de centres commerciaux :

Une opération d’autoconsommation est le fait pour un producteur, dit autoproducteur, de consommer lui-même tout ou partie de l’électricité produite par son installation (C. énergie, Art. L. 315-1); L’opération d’autoconsommation est collective lorsque la fourniture d’électricité est effectuée entre un ou plusieurs producteurs et un ou plusieurs consommateurs finals liés entre eux au sein d’une personne morale et dont les points de soutirage et d’injection sont situés sur une même antenne basse tension du réseau public de distribution (C. énergie, Art. L. 315-2).

C’est ainsi que se développent des « centrales Villageoises » dont la personnalité morale permet de développer les énergies renouvelables sur un territoire en associant citoyens, collectivités et entreprises locales (Centrales villageoises, 2016).

b) Enjeux juridiques

En France, le droit de l’urbanisme, droit « clé » dans l’affaire en tant que police administrative spéciale de contrôle de l’utilisation des sols, a été tardivement adapté pour accélérer le développement de l’installation des ouvrages de production de l’énergie à partir du rayonnement solaire (Galan, 2010).

Depuis 2009, les textes en la matière sont cependant nombreux, preuve d’une prise de conscience effective et d’une approche désormais globale de la réalisation des projets (Loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, décret n° 2009-1414 du 19 novembre 2009 relatif aux procédures administratives applicables à certains ouvrages de production d’électricité, loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte).

En réalité, au moment du véritable démarrage comme mouvement d’envergure dans les années 2000 des projets d’installations solaires, le droit de l’urbanisme français ne permettait pas aussi facilement qu’espéré le développement de ces projets. Sans vouloir exclure la problématique de développement des énergies renouvelables dans l’espace urbain, le système français de contrôle de l’utilisation des sols n’avait cependant pas été édicté spécialement pour sa promotion.

La règle d’urbanisme poursuit en effet une multitude d’objectifs d’intérêt général (développement économique, protection du patrimoine, protection des terres agricoles ou de la nature etc.) qui peuvent conduire paradoxalement à neutraliser les projets d’implantation d’installations solaires (a). Le droit français a ainsi eu des difficultés à appréhender les formes nouvelles et parfois atypiques de « construction » que représentent les installations solaires (b).

Traiter les nouveaux conflits d’usage

À la fin des années 2000, suite à ce que l’on a appelé en France le « Grenelle de l’environnement », les projets d’ouvrages de production d’énergie solaire ont été encouragés (Bailleul, 2010; Joye et Guigue, 2010). Ils ont été motivés par l’État, lequel a subventionné le rachat de l’électricité par l’opérateur Électricité de France (EDF) et proposé des crédits d’impôts pour inciter les français à s’équiper de panneaux solaires photovoltaïques.

Mais l’euphorie a été de courte durée, car le gouvernement a rapidement calmé la surchauffe provoquée par l’emballement du marché. Dans un contexte de dégradation des déficits publics, il a diminué les tarifs de rachat et les crédits d’impôt (Décret n° 2016-691 du 28 mai 2016 fixant les catégories d’installations éligibles à l’obligation d’achat, dont les installations utilisant l’énergie solaire photovoltaïque implantées sur bâtiment d’une puissance crête installée inférieure ou égale à 100 kilowatts) (Association Hespul – Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie, s. d.).

Malgré tout, la production croît d’années en années, la France jouissant d’une bonne exposition aux rayonnements solaires, même si le Sud du pays concentre 70 % du parc total de la France métropolitaine grâce à un niveau d’ensoleillement jusqu’à 35 % supérieure aux régions du Nord. La puissance installée du parc solaire photovoltaïque français s’élevait à 6,911 MW fin juin 2016 (soit l’équivalent de 7,8 % du jour de plus haute consommation électrique de 2016 et 22,5 % du jour de moindre consommation), avec 375 205 installations.

La question des tarifs d’achat de l’électricité produite par les installations solaires (et des gains que les producteurs peuvent espérer) a en réalité occulté rapidement d’autres enjeux.

Il a fallu réaffirmer que l’enjeu de la performance énergétique ne peut pas être une question économique pure et qu’il devait nécessairement être corrélé à la performance écologique. Au risque de rappeler une évidence, le développement de la production d’énergie solaire n’est pas sans conséquence sur le cadre de vie. L’avènement d’une société utilisant massivement le soleil pour produire de l’énergie va modifier le paysage des villes et des campagnes. Ainsi, la liberté de créer une installation solaire est confrontée au besoin de maîtrise intelligente des sols, au besoin de préserver une certaine qualité des paysages, de la nature et des terres agricoles.

La performance technique des appareils de production de l’électricité dépend également pour partie du droit de l’urbanisme. Apposer des panneaux solaires sur des constructions dont les toits ne sont pas bien orientés ou sur des terrains ou des toitures que d’autres bâtiments ou des écrans végétaux masquent du soleil, ne permet pas une production optimale d’électricité. Certaines agglomérations (Brest), villes (Annecy) ou parcs (Haut-Jura) ont aussi rédigé en 2016 un « cadastre solaire » (sans valeur normative) afin d’identifier sur leur territoire les endroits propices à la production d’énergie renouvelable et mettre en valeur au plan cartographique le potentiel d’ensoleillement des toitures (http://geoportail.annecy.fr; http://www.parc-haut-jura.fr/fr/climatenergie/energies-renouvelables/cadastre-solaire.263-282-738__2046.php).

Ainsi, en France, il ne s’est pas simplement agi de promouvoir fiscalement ou financièrement les énergies renouvelables mais aussi d’adapter le droit de l’urbanisme.

L’objectif du législateur français a été, sauf exception, de mettre à l’écart des règles d’urbanisme « hostiles » aux installations solaires (volontairement ou « malgré elles » car conçues pour poursuivre d’autres motifs d’intérêt général). Ainsi, un corps de règles cohérent a pris naissance pour faciliter les projets dans l’espoir de ne pas saccager par effet collatéral les paysages ou les terres agricoles (v. infra p. 2).

Appréhender en droit de nouvelles formes de « constructions »

Les ouvrages ou installations de production de l’énergie à partir du rayonnement solaire ont posé des difficultés de qualification juridique. Par exemple, derrière le vocable de « ferme solaire », quel type de construction a-t-on en réalité? Quel type d’autorisation d’urbanisme est-il alors nécessaire de demander?

La notion d’OPEESIS

Jusqu’en 2009, aucune disposition du Code de l’urbanisme français n’encadrait spécifiquement les ouvrages, fermes, centrales ou parcs photovoltaïques au sol tandis qu’ils ont un impact sur le paysage et l’environnement (impact visuel des couleurs des panneaux, surface occupée, érosion des sols sous les modules, perturbation du passage de la faune ou des élevages etc.). Pour leur implantation, il était possible de leur appliquer le régime des châssis ou des serres mais ce n’était pas très cohérent.

Depuis le décret n° 2009-1414 du 19 novembre 2009, les systèmes photovoltaïques sont explicitement qualifiés dans le Code de l’urbanisme et dans le Code de l’environnement. Ils sont désormais dénommés « ouvrages de production d’électricité à partir de l’énergie solaire installés sur le sol » (OPEESIS).

La notion de puissance watt-crête pour déterminer les autorisations d’urbanisme

Afin de déterminer les catégories d’autorisations d’urbanisme nécessaires pour implanter des OPEESIS, le gouvernement a retenu en 2009 la notion de puissance-watt-crête (pWc)[1]. Les critères habituels de hauteur ou de surface occupée au sol par les projets de construction se sont révélés malaisés à manier s’agissant d’installation au format peu classique, du moins ne ressemblant pas à un « bâtiment » classique. Cela étant, la notion de pWc est discutable également car adosser la typologie des autorisations à un seuil de puissance énergétique fait passer au second plan l’impact physique et matériel du projet. L’étalement au sol des projets de fermes solaires est en effet important. Il résulte de la pose successive des panneaux et des espaces à laisser entre eux afin d’éviter qu’ils se fassent de l’ombre. Cet étalement reste une difficulté en l’état des techniques de production sachant qu’en France la production journalière moyenne de 20 m2 de panneaux photovoltaïques se situe entre 5 et 8 kWh. Sauf exception, ces installations sont soumises à permis de construire (V. infra P.II).

La corrélation entre l’intégration des systèmes au bâti et le tarif d’achat de l’électricité produite

Lorsque les systèmes photovoltaïques sont installés sur des bâtiments (maisons individuelles, logements collectifs, bâtiments tertiaires ou équipements publics) ou arrimés à une structure (parkings, murs antibruit, passages piétonnier), ils n’ont pas d’impact important sur l’environnement autre que la modification visuelle d’une partie de l’enveloppe du bâtiment support et, par conséquent, du paysage plus ou moins urbanisé dans lequel ce bâtiment se situe. Les panneaux ou modules photovoltaïques étant appelés à devenir un composant banalisé de l’environnement bâti, le gouvernement français a choisi d’inciter tout porteur de projet à avoir recours aux techniques d’installation des panneaux les moins visibles. Il a prévu des tarifs avantageux au profit des installations intégrées au bâti pour compenser le surcoût de l’investissement initial et une maintenance plus onéreuse. L’arrêté du 4 mars 2011 fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie radiative du soleil distingue ainsi les tarifs d’achat de l’électricité en fonction de critères d’intégration au bâti (IAB) et d’intégration simplifiée au bâti (ISB). Les tarifs sont ajustés tous les trimestres.

B. Expression des objectifs et enjeux juridiques au Sénégal

Le Sénégal est un pays qui s’ouvre sur l’océan Atlantique, à l’Ouest du continent africain. Il appartient à la zone tropicale, fortement ensoleillée. Le « potentiel solaire » du Sénégal est important : environ 5,4 kW/m2 de rayonnement pour 3 000 heures d’ensoleillement par an. Il y a plus de vingt ans, déjà, il était estimé que le retour sur investissement pouvait être atteint en moins de deux ans pour le solaire thermique et en moins de sept ans pour le solaire photovoltaïque (Ministère de l’énergie, des mines et de l’industrie, 1994). Aujourd’hui, le Sénégal connaît une forte urbanisation, le taux d’urbanisation étant étroitement lié à l’augmentation de la population. Il compte près de 15 millions d’habitants dont plus de 60 % vit en zone urbaine. Le taux d’électrification est de 54 % au niveau national, dont 90 % en zone urbaine et seulement 24 % en zone rurale. La maîtrise de la consommation d’énergie pose donc un défi majeur pour atteindre les Objectifs du Développement Durable (ODD) du Sénégal d’ici 2030 (Thiam, 2016).

C’est pourquoi la production et la consommation de l’énergie solaire sont encouragées. Au regard de ces considérations, il importe de mettre l’accent sur les objectifs de promotion et de développement de l’énergie solaire (1) avant de voir comment la règlementation technique a évolué (2).

a) Les objectifs de promotion et de développement de l’énergie solaire

Au Sénégal, la forte dépendance énergétique vis-à-vis des énergies non renouvelables, comme le gaz ou le pétrole, a pour conséquence de rendre vulnérable le système de production économique. Fort de ce constat, le gouvernement du Sénégal a mis en place une politique visant à rechercher des solutions alternatives à ses problèmes d’approvisionnement en énergies, en favorisant le développement des énergies renouvelables par l’affirmation de la liberté de production (a) et la mise en œuvre de mesures incitatives (b).

L’affirmation de la liberté de production de l’énergie solaire

Autrefois réservées aux sites isolés ou éloignés du réseau de la Senelec (Société Nationale d’Électricité du Sénégal), les installations solaires ont désormais vocation à être créées sur l’ensemble du territoire. Il faut souligner que des installations solaires pour la consommation domestique ou industrielle existent depuis longtemps au Sénégal (en témoignent les travaux de Jean-Pierre Girardier dans les années 1960) même si aucune réglementation spécifique n’était prévue à leur égard (voir les autres textes du présent ouvrage) (Diop, 1960) (Caille, 2016). Bien qu’il y ait eu quelques tentatives après la crise pétrolière des années 1970 pour développer les énergies renouvelables en allégeant la fiscalité et les droits de douanes pour les équipements photovoltaïques et thermiques (circulaire n° 10226/ PM/SGG/EC5 du 21 décembre 1978 relative à la prise en compte de la variante solaire dans les marchés publics de fourniture d’énergie, loi n° 81-22 du 25 juin 1981 instituant des avantages fiscaux dans le domaine de l’utilisation de l’énergie solaire et éolienne, note de décision n°0706/DGD/DERD/BE de 1992 portant exonération du droit fiscal et de la TVA pour le matériel solaire) (Niang 2012), c’est surtout dans les années 2000, avec l’alternance politique, que le gouvernement sénégalais a affiché des intentions plus ambitieuses en vue d’atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD).

Dans ce contexte, différents textes ont été adoptés ou actualisés. En particulier, la loi n° 2010-21 du 20 décembre 2010 portant loi d’orientation sur les énergies renouvelables apparaît comme la plus volontariste (voir notamment les art. 1, 3, 6, 7 de cette loi, JORS n° 6581 du 9 avril 2011). Avant même que la France en fasse de même, elle présente la singularité d’avoir encouragé clairement la production pour l’autoconsommation des énergies renouvelables.

Ainsi, son article 10 dispose que « toute personne physique ou morale peut, pour sa propre consommation, sur toute l’étendue du territoire national, produire de l’électricité à partir d’énergies renouvelables conformément aux dispositions de la loi n° 98-29 du 14 avril 1998 relative au secteur de l’électricité ».

Toutefois, une exception relative aux entreprises est apportée à cette liberté de production d’énergies renouvelables. En effet, « sauf dans le cas prévu à l’art. 10 ci-dessus, les activités de production, de distribution et de vente d’électricité à partir d’énergies renouvelables réalisées par une entreprise, sont subordonnées à l’obtention de titres (concession ou licence), conformément à la loi 98-29 du 14 avril 1998 portant loi d’orientation relative au secteur de l’électricité » (art. 11).

L’État du Sénégal a aussi créé un environnement institutionnel propice au développement des énergies renouvelables.

Tout d’abord, le ministère en charge des énergies renouvelables et une Agence Nationale de l’Énergie Solaire (ANDES) ont été créés en 2010 (Décret n° 2010-425 du 31 mars 2010, JORS n° 6539 du 7 août 2010). En 2013, c’est l’Agence nationale pour les Énergies Renouvelables (ANER) qui a vu le jour à son tour (Décret n° 2013-684 du 17 mai 2013, JORS n° 6731 du 1er juin 2013), cette création a engendré la dissolution de l’ANDES (Décret n° 2016-393 du 31 mars 2016, JORS n° 6936 du 28 mai 2016).

Le Sénégal a en outre décidé d’adopter en novembre 2012 une nouvelle stratégie de développement. L’ambition est de favoriser une croissance économique à fort impact sur le développement humain. La réalisation de cette ambition repose notamment sur la mise en œuvre d’un important programme d’investissements. À ce titre, le Plan Sénégal Émergent (PSE) a été constitué comme le référentiel de la politique économique et sociale sur le moyen et le long terme, avec un objectif d’émergence économique à l’horizon 2035[2]. Son « Plan d’Actions Prioritaires – 2014-2018 » constitue le document de référence des interventions de l’État, des partenaires techniques et financiers, du partenariat public-privé et de la participation citoyenne en matière d’énergies renouvelables.

Dans le PSE, la résolution de la question énergétique est un objectif considéré comme vital. Il s’agit de permettre un accès large et fiable à une énergie bon marché. En application de ce programme volontariste, l’État sénégalais a lancé avec le soutien d’investisseurs privés la réalisation de grands projets industriels (voir par exemple Arrêté ministériel n° 4140 du 6 mai 2010 portant création d’un comité de Pilotage du Projet de construction de la centrale solaire de 300 MW, JORS, n° 6568 du 27 nov. 2010), tels que la centrale solaire de Bokhol d’une puissance de 20 mégawatts, inaugurée le 22 octobre 2016 et qui est censée fournir de l’électricité à 160 000 personnes. Elle s’étend sur 40 hectares avec près de 77 000 panneaux solaires.

Fin 2016 et début 2017, trois autres centrales solaires devaient démarrer leur activité (une de 20 MW à Malikounda et deux de 29 MW) (Maillard, 2016). Ces projets concourent à la réalisation de l’objectif d’atteindre 10 % d’énergies renouvelables en 2017, tel qu’affiché dans le Plan Sénégal Emergent (p. 93). De 573 MW en 2011-2012, la puissance totale du parc énergétique solaire aurait déjà atteint une puissance de 821 MW en 2016. L’objectif est d’atteindre 1264 MW en 2019 selon le SNDES[3], ce qui malgré la progression ne correspondrait qu’à moins de 20 % de la puissance solaire (6772 MW) installée en 2015 sur le territoire français (RTE-France, 2017), pourtant beaucoup moins favorisé du point de vue de l’ensoleillement.

Par ailleurs, des mesures incitatives sont prévues afin d’encourager le secteur.

Les mesures incitatives pour encourager la production

Les producteurs d’énergies renouvelables sont susceptibles de bénéficier de certains avantages accordés par la loi d’orientation du 20 décembre 2010.

L’article 8 de cette loi prévoit que les acquisitions de matériels et d’équipements destinés à la production, à l’exploitation et à l’autoconsommation des énergies renouvelables bénéficient de mesures fiscales incitatives. Dans le même ordre d’idées, les acquisitions de matériels et d’équipements destinés à la recherche-développement dans ce domaine bénéficient aussi de mesures fiscales incitatives. Mieux, les acquisitions de matériels et d’équipements destinés à la production d’énergie renouvelable pour l’autoconsommation domestique bénéficient d’une exonération totale de fiscalité. Des réductions d’impôts sur les bénéfices ou le revenu sont également prévues au code général des impôts sénégalais en contrepartie d’investissements réalisés dans le domaine de l’utilisation de l’énergie solaire (articles 241 à 248 du Code Général des Impôts).

On peut toutefois difficilement connaître l’intensité de ces aides et leur effectivité réelle.

De surcroît, toujours en application de la loi d’orientation de 2010, les conditions d’achat de l’électricité ont été fixées par deux décrets du 21 décembre 2011 (Décret n° 2011-2013 portant application de la loi d’orientation sur les énergies renouvelables et relatif aux conditions d’achat et de rémunération de l’électricité produite par des centrales à partir de sources d’énergie renouvelables ainsi que de leur raccordement au réseau  et décret n° 2011-2014 portant application de la loi d’orientation sur les énergies renouvelables et relatif aux conditions d’achat et de rémunération du surplus d’énergie électrique d’origine renouvelable et résultant d’une production pour consommation propre, qui ne semblent pas faire l’objet d’une publication officielle). Ils sont de nature à favoriser l’utilisation des installations solaires en zone résidentielle connectée à un réseau domestique, en appoint, en secours ou en utilisation principale.

Par exemple, s’agissant d’une production pour consommation propre, les conditions de rachat sont fixées par les articles 5 et 6 du décret n° 2011-2013 du 21 décembre 2011, selon des principes qui rejoignent ceux établis en France et envisagés ci-dessus. Selon l’art. 5 al. 1 :

Le prix d’achat garanti du surplus d’énergie produite par les auto-producteurs est déterminé par la Commission de Régulation du Secteur de l’Électricité en fonction des différentes gammes de puissance et de la technologie utilisée. Le Ministère chargé des énergies renouvelables « fournit à la Commission de Régulation du Secteur de l’Électricité les éléments de référence nécessaires à la détermination des prix d’achat garantis » (al. 2). L’Exploitant de réseau achète et transporte le surplus d’électricité d’origine renouvelable produite par l’installation d’un auto-producteur conformément à l’article 24 de la loi 98-29 du 14 avril 1998 et dans la limite de la puissance maximale indiquée sous réserve de la nécessité de préserver le bon fonctionnement du réseau. L’énergie électrique d’origine renouvelable livrée à l’Exploitant de réseau par l’auto-producteur doit répondre aux critères techniques du réseau (art. 6 al. 1 et 2).

Les obligations de rémunération de l’électricité d’origine renouvelable sont également fixées par l’article 8 du même décret :

L’Exploitant de réseau est tenu de rémunérer l’électricité issue des surplus des auto-producteurs qu’il a achetée et prélevée sur la base des conditions techniques et financières définies dans le contrat d’achat d’électricité conformément aux tarifs arrêtés par la Commission de Régulation du Secteur de l’Électricité (al. 1). L’énergie livrée par l’auto-producteur est rémunérée par l’Exploitant de réseau sur la base des tarifs applicables à chaque filière d’énergie renouvelable et à chaque gamme de puissance (al. 2). La puissance et l’énergie électrique fournies par l’auto-producteur au point de livraison sont mesurées par un dispositif de comptage installé au point de livraison fixé d’accord partie (al. 3).

Également, les entreprises privées commencent à se structurer pour proposer des installations solaires. Certaines publient des guides méthodologiques expliquant les principes et la composition du système photovoltaïque ainsi que les démarches à suivre pour réaliser les projets (Rayon Vert, 2017). On notera enfin la création en 2009 au Sénégal d’une société à capitaux entièrement africains (Sustainable Power Électric Company – SPEC) dont l’activité principale est la production de modules photovoltaïques (monocristallins et polycristallins) (Sow 2013).

b) Les évolutions inégales de la réglementation technique

Si la volonté de l’État du Sénégal de promouvoir le développement des énergies renouvelables est manifeste, en revanche la règlementation technique qui va encadrer les projets paraît incomplète.

On ne trouve concrètement des dispositions relatives aux installations solaires qu’à travers la loi d’orientation du 20 décembre 2010. On en trouve aussi, mais indirectement, dans le Code de la construction réformé en 2009-2010 avec des articles sur les caractéristiques énergétiques des bâtiments (Le code résulte de la loi n° 2009-23 du 8 juillet 2009 et du décret n° 2010-99 du 27 janvier 2010). Le Code de l’environnement, refondu par la loi n° 2001-01 du 12 avril 2001 pour tenir compte de l’évolution de la politique nationale de protection des ressources ainsi que des engagements internationaux du Sénégal (création de nouveaux instruments de planification stratégique tels que Plan National d’Actions pour l’Environnement (PNAE), Stratégie nationale de mise en œuvre de la Convention Cadre sur les Changements Climatiques, Programme d’action sur la diversité biologique, etc.), n’en fait pas état directement non plus, sauf à travers les études d’impact, dont il consacre d’ailleurs l’importance comme éléments du processus des décisions environnementales.

Quant au Code de l’urbanisme, bien qu’ancien (loi n° 64-60 du 25 juillet 1964, loi n° 66-49 du 27 mai 1966, loi n° 79-78 du 28 décembre 1979 abrogeant et remplaçant l’art. 12,  loi n° 88-05 du 20 juin 1988), et ultimement réformé en 2008-2009 (loi n° 2008-43 du 20 août 2008, complétée par le décret n° 2009-1450 du 30 décembre 2009 portant partie réglementaire du Code de l’urbanisme)[4], il n’aborde pas la question des installations solaires, à la différence du droit français de l’urbanisme (v. infra P2).

Ce silence limite certes en apparence l’émergence de politiques de planification volontaristes au niveau local. Mais, il n’est pas pour autant de nature à entraver le développement des installations solaires. Le code comporte ainsi moins de d’entraves réglementaires qu’en France, de quoi favoriser la réalisation des projets même si ce constat n’est pas forcément de nature à assurer la maîtrise urbaine que recherche aussi par ailleurs le législateur sénégalais.

Écriture de la règle d’urbanisme et développement des installations solaires

Tant en France qu’au Sénégal, il s’agit d’analyser comment la règle d’urbanisme est écrite en cohérence avec l’objectif de développement des installations solaires. S’agissant du cas français, on indiquera aussi comment le juge administratif interprète la règlementation afin d’opérer une conciliation des enjeux en concurrence.

A. L’incitation à la production d’énergie solaire par le droit de l’urbanisme français

Le législateur français a cherché à mettre à l’écart des règles d’urbanisme gênant le développement des installations solaires tout en invitant les planificateurs locaux à créer des servitudes d’urbanisme favorables au développement des projets.

a) La mise à l’écart des servitudes d’urbanisme gênantes

On ne peut manquer de citer l’article L. 111-16 du Code de l’urbanisme. Il a été établi par l’article 12 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 après le constat des difficultés de la réglementation d’urbanisme à favoriser la production des énergies renouvelables. Il fait partie du règlement national d’urbanisme. Sa vocation est d’écarter les règles d’urbanisme freinant le développement des énergies renouvelables :

(…) le permis de construire ou d’aménager (…) ne peut s’opposer à l’utilisation (…) de matériaux ou procédés de construction permettant d’éviter l’émission de gaz à effet de serre (…) ou la production d’énergie renouvelable correspondant aux besoins de la consommation domestique des occupants de l’immeuble ou de la partie d’immeuble concernés. Le permis de construire (…) peut néanmoins comporter des prescriptions destinées à assurer la bonne intégration architecturale du projet dans le bâti existant et dans le milieu environnant.

Cet article est d’application générale sauf en certains secteurs dont le patrimoine doit être absolument protégé (C. urb. art. L. 111-17, R111-24). Néanmoins, dans ces secteurs protégés toute règle nouvelle qui interdit ou limite l’installation des dispositifs produisant de l’énergie « propre » doit faire l’objet d’une motivation particulière (C. urb. art. L. 111-18).

b) Rôle nouveau de la planification d’urbanisme

Longtemps sous-estimé, le rôle des planifications d’urbanisme commence à émerger comme cadre de la transition énergétique et comme facilitateur des projets. Les planifications d’urbanisme sont contraignantes en droit du fait qu’elles génèrent des servitudes administratives. En cela, elles sont plus opérationnelles que d’autres planifications stratégiques destinées à développer les énergies renouvelables et que l’on trouve dans le Code de l’environnement ou le Code de l’énergie[5].

Les dispositions que prévoit le Code de l’urbanisme restent toutefois à l’état théorique et sans effet si les collectivités compétentes (communes, intercommunalités) ne font pas le choix de les édicter. L’article L.101-2 précise ainsi que l’action des collectivités publiques vise notamment à «  la lutte contre le changement climatique et l’adaptation à ce changement, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, l’économie des ressources fossiles, la maîtrise de l’énergie et la production énergétique à partir de sources renouvelables ».

On ne s’attardera pas sur les Schémas de Cohérence Territoriale (SCOT), dont le rôle moteur est relatif s’agissant de stimuler les installations solaires. On mentionnera simplement que l’article L. 141-22 du Code de l’urbanisme dispose que le Document d’Orientation et d’Objectifs (DOO) du SCOT, pièce opposable aux PLU par le truchement du rapport de compatibilité, peut définir des secteurs dans lesquels l’ouverture de nouvelles zones à l’urbanisation est subordonnée à l’obligation pour les constructions, travaux, installations et aménagements de respecter des performances environnementales et énergétiques renforcées.

Le rôle volontariste de la planification urbaine apparaît en revanche nettement plus affirmé à la lecture des dispositions du Code de l’urbanisme relatives à l’écriture du plan local d’urbanisme (PLU). Son règlement, qui est contraignant en droit (les autorisations d’urbanisme devant être délivrée en conformité avec celui-ci), peut être écrit de manière à favoriser le développement des énergies renouvelables et des bâtiments sobres au plan énergétique. Par exemple, l’article L. 151-21 dispose que règlement du PLU peut définir des secteurs dans lesquels il impose aux constructions, travaux, installations et aménagements de respecter des performances énergétiques et environnementales renforcées qu’il définit. À ce titre, il peut imposer une production minimale d’énergie renouvelable.

Si à ce jour de nombreux PLU ne favorisent pas encore les installations solaires, c’est surtout parce que leur rédaction est ancienne ou maladroite et qu’elle n’a pas intégré cet enjeu. Par exemple, une étude a montré que certains règlements incohérents imposent, sans pour autant interdire les panneaux solaires, que les toits des immeubles soient couverts de tuiles ou que les installations solaires soient cachées par des végétaux pour limiter les effets sur le paysage… (Joye 2010, 177).

En revanche, les PLU de nouvelle génération développent une approche globale du développement des énergies renouvelables (Sablière, 2010). C’est ainsi que dans le PLUI de Brest, l’article 15 du règlement des zones urbaines et à urbaniser fait obligation d’intégrer les énergies renouvelables pour tout projet de construction neuve nécessitant une demande de permis de construire supérieur à 2000 mètres carrés de surface de plancher.

S’agissant des centrales ou fermes solaires en zones non urbanisées (agricoles ou naturelles), les PLU ont aussi pour objet de prévoir les lieux d’implantation des projets. Il a été jugé que la création par le PLU d’un sous-secteur solaire est régulière en zone agricole seulement si le sous-secteur concerné porte une atteinte limitée à l’objectif de protection des terres agricoles. En proportion de la surface agricole utile totale de la commune, la superficie de ce sous-secteur doit demeurer faible (Cour d’Appel Administrative de Bordeaux, 04-04-2013, Association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais, n° 12BX00153 Environnement, 2013, n° 7, p. 31, comm. M. Sousse).

c) Bonus de constructibilité

 Dans les zones urbaines (U) et à urbaniser (AU) du PLU, il est possible de dépasser les règles relatives au gabarit (de 30 % maximum hors secteurs protégés) pour les constructions faisant preuve d’exemplarité énergétique ou environnementale ou qui sont à énergie positive.

Cette majoration accordée à titre dérogatoire ne s’applique pas de plein droit. Il revient aux collectivités compétentes de décider de la rendre applicable et de l’encadrer dans le règlement de leur PLU (C. urb. L. 151-28, 3°, ce dépassement ne pouvant selon l’article L. 151-29 excéder 20 % dans un site patrimonial remarquable, sur un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques ou protégé au titre des abords des monuments historiques, dans un site inscrit ou classé, à l’intérieur du cœur d’un parc national).

Le législateur a prévu que dans le cas des majorations des droits à construire, le PLU peut être modifié par une procédure simplifiée sans passer par la procédure plus lourde de révision que prévoit par principe le Code de l’urbanisme (C. urb. art. L. 153-45 et L. 153-46).

La procédure de modification simplifiée ne peut toutefois pas être utilisée s’il s’agit d’autoriser des centrales solaires en zone naturelle dans laquelle s’appliquent des protections spéciales prévues par d’autres législations (c’est alors la procédure de révision de l’article L. 153-31 avec enquête publique qui s’impose, voir Tribunal Administratif Toulon, 02-07-2010, Préfet du Var, n°0900421, AJDA, 2010, p. 1954, concl. Michael Revert).

d) Développer les études d’impact et les études de potentiel énergétique

Il est fait obligation pour tout Ouvrage de Production d’Électricité à partir de l’Énergie Solaire Installé sur le Sol (OPEESIS) d’une puissance égale ou supérieure à 250 kWc (soit environ 1 000 m2 de capteurs dans le nord de la France), peu importe le montant de l’investissement, d’établir une étude d’impact et de procéder à une enquête publique au sens du Code de l’environnement, les installations sur serres et ombrières d’une puissance égale ou supérieure à 250 kWc pouvant aussi faire l’objet d’une étude d’impact après examen au cas par cas (C. env. L. 122-2, R. 122-2 et son annexe pt. 30°).

L’étude d’impact est de nature à améliorer la qualité et donc la légalité du projet (voir par exemple Cour Administrative d’Appel de Bordeaux, 13-10-2015, SASU PV Le Gour, n° 14BX01130).

Par ailleurs, selon l’article L. 300-1 du Code de l’urbanisme, toute action ou opération d’aménagement faisant l’objet d’une étude d’impact doit faire l’objet d’une étude de faisabilité sur le potentiel de développement en énergies renouvelables de la zone, en particulier sur l’opportunité de la création ou du raccordement à un réseau de chaleur ou de froid ayant recours aux énergies renouvelables et de récupération.

e) Encadrer la délivrance des autorisations

Pour l’installation de panneaux sur des bâtiments existants, le principe est simple puisque les travaux ayant pour effet de modifier l’aspect extérieur d’un bâtiment existant doivent être précédés d’une déclaration préalable (C. urb. art. R. 421-17).

Pour les OPEESIS, aucune formalité n’est exigée au titre du code de l’urbanisme si la puissance crête est inférieure à trois kilowatts et la hauteur maximum au-dessus du sol ne dépasse pas 1,80 mètres (sachant toujours que 20 m2 de capteurs correspondent environ à 5,8-8 kWc suivant si l’on est au nord ou au sud de la France) (C. urb. art. R. 421-2, c.)[6].

La déclaration préalable est nécessaire pour les OPEESIS dont la puissance crête est inférieure à trois kilowatts et dont la hauteur maximum au-dessus du sol peut dépasser 1,80 mètres ainsi que ceux dont la puissance crête est supérieure ou égale à trois kilowatts et inférieure ou égale à 250 kilowatts quelle que soit leur hauteur (C. urb. art. R. 421-9, h.).

Au-delà de ces seuils, c’est le permis de construire qui s’impose.

Plus épineuse est la question de la pertinence de l’implantation des centrales solaires sur les terres agricoles ou naturelles. Le foncier y est certes disponible mais les projets portent atteintes à des terres dont le rôle est par ailleurs très important pour la collectivité (alimentation, biodiversité etc.).

D’un côté, un complément de revenu apporté par la production et la vente d’électricité peut asseoir ou aider la rentabilité d’une exploitation et donc sa pérennité. D’un autre, comme tout projet de construction, l’implantation accroît l’artificialisation des sols.

Dans un premier temps, le ministère français du développement durable avait proposé un principe d’incompatibilité tout en ouvrant la porte aux exceptions raisonnées (Rep. Min. à QE n°02906, JO Sénat, 25 mars 2010, p. 751 et égal. Rep. Min. à QE n° 107779, JOAN, 5 juill. 2011, p. 7151).. Leur implantation était plutôt recommandée sur des terrains inutilisables pour l’habitat ou pour des usages économiques classiques (friches industrielles, abords d’infrastructures de transport…).

Mais, au fil des décisions pragmatiques et plus tolérantes du juge administratif, on s’aperçoit que c’est un principe inverse qui s’applique désormais, à savoir un principe de compatibilité relatif d’autant que le juge a admis le caractère « réversible » (car démontable) des projets (Par ex., Cour Administrative d’Appel Bordeaux, 13 oct. 2015, précit.). Cette tolérance n’est pas sans poser question et l’argument de la réversibilité est aussi louable que théorique : il pose problème si aucune obligation forte de démontage ne pèse sur le propriétaire ou le gestionnaire des biens.

L’instruction des demandes d’autorisation dépend étroitement de la manière dont l’écriture des PLU locaux encourage ou non les installations solaires. Elle dépend aussi de l’importance et de la nature des projets. En la matière, le contrôle du juge administratif est poussé et les refus d’autorisation doivent être soigneusement motivés (Tribunal Administratif Saint Denis de la Réunion, Sté Aerowatt, n°0901171, AJDA, 2011, p. 696, concl. Isabelle Legrand).

Le juge vérifie que les autorisations d’urbanisme sont données pour des constructions conformes aux exceptions que prévoit le Code de l’urbanisme pour les zones agricoles(Verdier Maillot, 2015). L’une des exceptions légales à l’inconstructibilité en zone agricole ou en zone naturelle ou forestière concerne les constructions et installations « nécessaires à l’exploitation agricole » (C. urb. art. R. 151-23 et R. 151-25). L’appréciation du caractère « nécessaire » du projet à l’exploitation agricole, au cœur des interprétations, est en partie subjective. Le juge s’attache à vérifier que toute nouvelle construction a bien pour objet de contribuer d’abord à l’activité agricole, avant la production d’électricité. Une construction qui a pour objet unique ou principal de produire de l’électricité ne rentre donc pas dans ce cadre. Sur les terres agricoles sont donc proscrits les « fausses » serres ou les « faux » hangars de stockage ou les hangars démesurés ou sans lien avec l’agriculture.

Il s’agit de rejeter les projets dont la vocation réelle, masquée par un apparent but agricole, serait l’accueil de panneaux solaires (Cour Administrative d’Appel Bordeaux, 02-04-2015, n° 13BX03485). Mais, on peut admettre les projets qui font « coup double » en assurant l’activité agricole tout en produisant de l’énergie renouvelable (Cour Administrative d’Appel Marseille, 03-04-2015, n° 13MA02539).

Le juge a admis que les panneaux solaires puissent être utiles à l’activité agricole (en abritant des cultures) tout en contribuant à la rentabilité de l’exploitation agricole (Cour Administrative d’Appel Bordeaux, 04-10-2012, Ministre de l’écologie, n° 11BX01853). Le fait que les panneaux solaires couplés à un projet agricole produisent une électricité qui n’assure pas uniquement l’autoconsommation de l’exploitation agricole (revendue à EDF et versée dans le réseau de distribution publique) n’est pas en soi un motif d’illégalité du projet. Le juge administratif a même accepté de manière surprenante que certaines installations puissent contribuer à la protection des milieux agricoles, de la biodiversité et de la ressource en eau.

Il a par exemple été jugé qu’un projet de ferme solaire qui prévoyait par ailleurs l’installation de trois cents ruches (apiculture) était ainsi de nature à permettre la continuation d’une activité agricole «  douce ». Le projet a été jugé compatible avec la vocation agricole des parcelles en cause, l’espace nécessaire au projet étant considéré comme limité  et l’activité agricole mentionnée au Code de l’urbanisme ne signifiant pas, en l’absence de précisions contraires dans le document d’urbanisme, le maintien des activités agricoles préexistantes au projet ou l’obligation de transformer les parcelles concernées en zone d’élevage (Cour Administrative d’Appel Nantes, 23-10-2015, Sté Photosol, n° 14NT00587).

Dans une autre affaire, il a été jugé qu’un projet de ferme solaire situé dans le périmètre de protection rapproché de captages d’eau potable concourrait même à la protection de ces captages : le terrain d’assiette du projet faisait déjà partie d’un secteur laissé en jachère par la collectivité publique propriétaire afin de protéger la zone. Il était donc indisponible pour d’autres activités agricoles. L’étude d’impact versée au dossier prévoyait également d’importantes plantations de haies afin d’améliorer le niveau de biodiversité et ainsi la protection des abeilles et autres pollinisateurs. Il a été prévu l’enherbement du site et son entretien courant par pâturage ovin. Dans ces conditions, et compte tenu en particulier du caractère démontable des panneaux photovoltaïques et des mesures prises pour réduire les impacts de ce projet, l’implantation de panneaux photovoltaïques n’a pas été jugée de nature à porter atteinte à l’environnement naturel ni à affecter durablement la valeur agronomique du terrain du projet (Cour Administrative d’Appel Bordeaux, 13 oct. 2015, précit.).

Une autre exception à l’inconstructibilité en zone agricole ou naturelle ou forestière des PLU concerne les constructions et installations nécessaires à un équipement collectif dès lors qu’elles ne sont pas incompatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière et qu’elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages (C. urb. art. L. 151-11, ancien art. L. 123-1). Or, le juge administratif a qualifié « d’équipement collectif » les centrales solaires eu égard à leur importance et à leur destination, contribuant ainsi à la satisfaction d’un intérêt public (Cour Administrative d’Appel Nantes, 23-10-2015, Sté Photosol, n° 14NT00587)[7]. Le même raisonnement peut être peu ou prou tenu en présence d’un document de planification minimaliste comme la Carte Communale (C. urb. art. L. 161-4)[8].

En revanche, le cadre juridique est plus corseté sur le littoral ou dans les zones de montagne. S’y appliquent des règlementations spécifiques.

Sur le littoral, les projets d’installations de fermes solaires sont considérés comme des extensions de l’urbanisation au sens de l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme. Ainsi, le projet étendant l’urbanisation doit être positionné par principe dans l’urbanisation existante ou en continuité de celle-ci (Tribunal Administratif Montpellier 24-02- 2011, Préfet de l’Hérault, n° 1002299, (Sousse, 2011), Cour Administrative d’Appel Bordeaux, 04-04-2013, Association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais, n° 12BX00153) (Sousse, 2013).

Sur les espaces proches du rivage, l’extension de l’urbanisation devra être limitée et motivée ce qui ne facilite pas l’émergence des centrales (C. urb. art. L. 121-13). Enfin, il est impossible d’implanter une centrale sur les espaces remarquables du littoral ou encore dans la bande de cent mètres protégeant le rivage (C. urb. art. L. 121-16). Toutefois, la loi n° 2105-992 du 17 août 2015 a permis d’autoriser sur ces lieux naturels l’atterrage des canalisations et leur jonction lorsqu’elles sont nécessaires à l’exercice des missions du service public de l’énergie (C. urb. art. L. 121-25) (Sousse, 2016).

En zone de montagne, un parc solaire photovoltaïque sera également constitutif d’une opération d’urbanisation au sens de l’article L. 122-5 du Code de l’urbanisme. Par principe, il ne peut être installé en discontinuité de l’urbanisation existante.

Bien que le parc photovoltaïque soit assimilé à un équipement public au sens du Code de l’urbanisme et exploité par une société privée, son implantation n’est pas pour autant jugée incompatible avec le voisinage des zones habitées[9]. Elle ne peut donc faire l’objet de cette exception au principe de construction en continuité de l’urbanisation existante (exception de l’article L. 122-5 C. urb.)[10].

En l’absence de toute planification et en dehors du littoral et des zones de montagne, tout projet de centrale solaire sera apprécié en application des dispositions du règlement national d’urbanisme (RNU).

Par principe, les constructions ne peuvent être autorisées que dans les parties urbanisées de la commune. La centrale solaire peut être autorisée sur les terres agricoles uniquement si l’on peut appliquer les exceptions à ce principe de constructibilité limitée. Parmi les exceptions qu’énonce l’article L. 111-4 du Code de l’urbanisme, on retrouve les constructions et installations nécessaires à l’exploitation agricole ou à des équipements collectifs. De plus, en dehors des parties urbanisées des communes, un projet peut être refusé s’il est de nature à favoriser une urbanisation dispersée incompatible avec la vocation des espaces naturels environnants ou à compromettre les activités agricoles ou forestières (C. urb. art. R. 111-14).

L’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme permettra en outre de refuser un projet s’il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publiques. Il peut être utilisé en cas de risque d’incendie surtout si l’installation solaire est installée à proximité ou sur des bâtiments agricoles.

Il en va aussi de l’article R. 111-27 qui permet de refuser des constructions qui sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu’à la conservation des perspectives monumentales (ces deux derniers articles du RNU sont également applicables en présence d’un PLU)[11].

Pour la délivrance des autorisations, une distinction est opérée pour connaître l’autorité compétente.

Le préfet (c’est-à-dire l’État) est compétent pour délivrer les autorisations pour les ouvrages de production, de transport, de distribution et de stockage d’énergie lorsque cette énergie n’est pas destinée principalement à une utilisation directe par le demandeur (C. urb., art. L. 422-2, R. 422-2). C’est le cas des centrales solaires en tant que systèmes industriels de production d’électricité.

En revanche, le législateur français a disposé que les installations solaires « accessoires » à des constructions, notamment les panneaux photovoltaïques sur toit ou façade, ne constituent pas des ouvrages de production d’énergie relevant de la compétence du préfet (C. urb. art. R. 422-2-1 et Cour Administrative d’Appel de Bordeaux 25-04-2013, Min. égalité des territoires n° 11BX03399, AJDA, 2013, comm. n° 84 par Xavier Couton). Il a été jugé que le permis de construire une maison comprenant une toiture-terrasse équipée de panneaux photovoltaïques peut être délivré par le maire (si la commune est couverte par un document d’urbanisme) même si l’électricité produite est destinée à être vendue, car la destination de l’immeuble reste celle d’une construction à usage d’habitation individuelle et non à usage industriel (Cour Administrative d’Appel Marseille, 12-06-2015 n° 13MA03118).

f) Régime de faveur pour la prorogation des délais de validité des autorisations

Le droit commun des autorisations permet de proroger le délai de validité d’une autorisation d’urbanisme deux fois pour une durée d’un an si les prescriptions d’urbanisme et les servitudes administratives de tous ordres auxquelles est soumis le projet n’ont pas évolué de façon défavorable à son égard. Mais, pour les ouvrages de production d’énergie renouvelables, la demande de prorogation peut être présentée tous les ans dans la limite de dix ans à compter de la délivrance de l’autorisation (C. urb. art. R. 424-21).

g) Les sanctions

Le défaut d’autorisation d’urbanisme est sanctionné par des peines d’amende comprises entre 1 200 euros et un montant qui ne peut excéder, soit, dans le cas de construction d’une surface de plancher, une somme égale à 6 000 euros par mètre carré de surface construite, démolie ou rendue inutilisable, soit, dans les autres cas, un montant de 300 000 euros (C. urb. art. L. 480-1 et s.). En cas de récidive, outre la peine d’amende, un emprisonnement de six mois pourra être prononcé. L’absence d’étude d’impact est également sanctionnée par le juge administratif. Outre la suspension systématique d’une autorisation de travaux de construction, d’installations ou d’ouvrages en l’absence d’étude d’impact par le juge des référés, l’absence d’étude d’impact constitue un vice de légalité externe conduisant à l’annulation de la décision administrative (C. env. art. L. 122-2).

En revanche, les inexactitudes, omissions ou insuffisances d’une étude d’impact ne sont susceptibles de vicier la procédure, et donc d’entraîner l’illégalité de la décision prise au vu de cette étude, que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative (Conseil État, 14-10-2011, Sté OCREAL, n° 323257).

B. L’encadrement juridique de la production d’énergie solaire au Sénégal

Il faut rappeler que la loi d’orientation du 20 décembre 2010 vise de façon générale à promouvoir toutes les énergies renouvelables. Du point de vue technique ou procédural, le droit de l’urbanisme ou le droit de l’environnement sénégalais ne contiennent pas de dispositions spécifiques à l’énergie solaire (1). Néanmoins, la liberté de produire de l’énergie renouvelable est encadrée par l’exigence d’un contrôle technique (2). Des sanctions sont également prévues en cas de non-respect des dispositions prévues en matière d’utilisation d’énergies renouvelables (3).

a) Les outils du droit de l’urbanisme et du droit de l’environnement sénégalais

La réglementation d’urbanisme du Sénégal est basée comme en France sur l’édiction de servitudes administratives et le contrôle préalable des travaux. Les outils de planification du Code de l’urbanisme sénégalais sont cependant, à ce jour, plutôt théoriques du fait d’un manque de moyens pour les mettre en œuvre. Par ailleurs, la jurisprudence n’est pas abondante comme en France.

Toutefois, un processus progressif d’affirmation des collectivités locales a été amorcé par la dévolution de certaines compétences de l’État en matière de planification d’urbanisme et de délivrance des autorisations[12]. Actuellement la loi n° 2008-43 du 20 août 2008 portant sur le Code de l’urbanisme prévoit l’approbation des schémas directeurs d’aménagement et d’urbanisme (SDAU) par la région, l’élaboration des plans directeurs d’urbanisme (PDU) ou les plans d’urbanisme de détail (PUD) par la commune ou la communauté rurale. Mais, le Code de l’urbanisme sénégalais, à la différence du Code de l’urbanisme français, ne comporte guère de dispositions dédiées au développement des énergies renouvelables.

Comme en France jusqu’à un période récente, les planifications poursuivent en réalité d’autres buts d’intérêt général (sécurité, salubrité, circulation etc.). Toutefois, si aucune disposition ne promeut expressément le développement des installations solaires, aucune ne les dissuade non plus. C’est du contenu des schémas et plans que dépendra l’incitation à l’implantation des installations solaires, les collectivités compétentes disposant en la matière d’une grande latitude pour écrire le droit applicable.

L’incitation à développer les installations solaires peut donc résulter de nombreuses dispositions des schémas et plans directeurs à vocation d’orientation ou des plans d’urbanisme de détail plus précis. Tous ces plans sont élaborés pour une période de vingt ans ce qui en fait des documents assez figés même s’ils peuvent faire l’objet d’une procédure de révision (art. 6 à 9, R. 37 à R. 57, R. 75 du Code de l’urbanisme). De manière générale, les documents graphiques des planifications font apparaître la répartition et l’organisation du sol en zones suivant leur affectation, le tracé des voies, les zones préférentielles d’extension, les principaux sites urbains ou naturels à protéger, les zones de protection spéciales visées par le Code de l’environnement, les schémas directeurs des réseaux divers, etc. Le règlement des plans ou schémas fixe quant à lui les règles et servitudes relatives à l’utilisation du sol.

Les articles 68 et 195 du Code de l’urbanisme disposent que :

Nul ne peut entreprendre, sans autorisation administrative, une construction de quelque nature que ce soit ou apporter des modifications à des constructions existantes sur le territoire des communes, ainsi que dans les agglomérations désignées par arrêté du Ministre chargé de l’urbanisme.

Les installations solaires entrent donc a priori dans le champ ordinaire des autorisations de construire si on les assimile à des « constructions de quelque nature que ce soit », puisqu’elles ne semblent pas entrer dans la liste des exemptions que fixe l’article R. 215 du Code de l’urbanisme.

Il conviendrait peut-être, comme en France, de qualifier davantage la nature des installations solaires pour lever toute ambiguïté. Selon l’article 71 du Code de l’urbanisme, l’instruction de l’autorisation de construire est faite sur la base des règles et servitudes fixées par les plans d’urbanisme applicables (prospect, coefficient d’occupation du sol, hauteur, localisation, nature, volume, aspect architectural et intégration dans l’environnement). Les travaux doivent être compatibles avec le plan d’urbanisme (C. urb. art. R. 68)[13].

L’instruction se fait aussi au regard des normes en vigueur en matière d’espaces verts, de parkings, d’équipements collectifs privés ou publics, mais aussi en appliquant les dispositions législatives et réglementaires en matière de sécurité, de santé, d’hygiène et d’environnement. Ces dernières dispositions sont les plus efficientes en pratique pour pallier le manque de planifications, d’autant que les autorisations ne peuvent être accordées que si les constructions sont conformes à ces dispositions (C. urb. art. R. 209).

Par exemple, l’article 212 du Code de l’urbanisme sénégalais, à la manière du Règlement National d’Urbanisme français, dispose qu’une autorisation doit être refusée si la construction est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique ou au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu’à la conservation des perspectives monumentales ou à caractère historique d’un quartier.

L’autorisation de construire est délivrée par le maire ou le président du Conseil rural dans le cadre de leur ressort territorial, après instruction par les services du ministère chargé de l’urbanisme. L’autorisation devient exécutoire après approbation par approbation du représentant de l’État ( C. urb., art. 70 et art. R. 197)[14]. Mais, pour les services publics et les concessionnaires de services publics de l’État, l’autorisation est accordée par le ministre chargé de l’urbanisme, les maires concernés étant informés (C. urb., art. R. 195). Il en va de même pour la délivrance des autorisations de lotir (C. urb., art. R. 148).

Le Code de l’environnement sénégalais adopté en 2001 impose de son côté des études d’impact (C. env. art. L. 48 à L. 54). Est concerné tout projet de développement ou activité susceptible de porter atteinte à l’environnement.

L’étude d’impact sur l’environnement comporte au minimum une analyse de l’état initial du site et de son environnement, une description du projet, l’étude des modifications que le projet est susceptible d’engendrer, et les mesures envisagées pour supprimer, réduire ou compenser les impacts négatifs de l’activité ainsi que le coût de celles-ci avant, pendant et après la réalisation du projet. Les différentes catégories d’activités et les ouvrages dont la réalisation ou l’exploitation nécessite une étude d’impact ont été définis par le décret n° 2001-282 du 12 avril 2001 portant partie règlementaire du Code de l’environnement.

Sont notamment concernées les installations classées pour la protection de l’environnement de première classe (art. R. 9) et  les projets selon leur impact potentiel, leur nature, leur ampleur et leur localisation (art. R. 40). L’annexe 1 de l’article R. 40 liste les projets et programmes pour lesquels une étude d’impact sur l’environnement « approfondie » est obligatoire dont « les projets et programmes susceptibles de provoquer des modifications importantes dans l’exploitation des ressources renouvelables », « les ouvrages d’infrastructures », « les activités industrielles », « les projets entrepris dans des zones écologiquement très fragiles et les zones protégées » etc.

L’annexe 2 liste les projets et programmes qui nécessitent une analyse environnementale seulement « initiale » et concernent les travaux de « réhabilitation ou modification d’installations industrielles existantes de petite échelle » « lignes de transmission électrique », « énergies renouvelables (autres que les barrages hydroélectriques) », « électrification rurale », « efficacité énergétique et conservation d’énergie ».

Les installations solaires sont donc concernées à divers titres.

b) Le contrôle technique

En vertu du Code de la construction, les installations produisant de l’énergie renouvelable de manière industrielle sont en principe soumises à un contrôle technique qui se cumule avec les vérifications meneées au titre du Code de l’urbanisme (C. urb. art. R. 369 et s.).

Le contrôle technique est en effet obligatoire pour les constructions qui, en raison de leur nature ou de leur importance, présentent des risques particuliers pour la sécurité́ des personnes (C. constr. art. L. 27, R. 53). Lorsque le contrôle technique porte sur la faisabilité, la conception, l’exécution, la maintenance et l’état des ouvrages et fournitures dans le domaine de l’énergie, il ne peut être effectué que par des personnes physiques ou morales préalablement agréées pour l’exercice de cette activité (C. constr. art. L. 24, R. 46 et s.).

L’article R. 54 al. 1 du Code de la construction dispose que « le contrôle technique obligatoire porte sur la solidité des ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos et de couvert et des éléments d’équipement qui font indissociablement corps avec ces ouvrages, ainsi que sur les conditions de sécurité des personnes évoluant dans les constructions ».

Par ailleurs l’édification des bâtiments collectifs ou à usage collectif peut devoir répondre à des caractéristiques énergétiques prévues par des arrêtés pouvant inciter à la pose d’installations solaires (C. constr. art. L. 10.), dès lors que les caractéristiques énergétiques « peuvent être rendues applicables aux locaux existants qui font l’objet de travaux donnant lieu à autorisation ou déclaration préalable ou réalisés avec l’aide financière de l’État, d’une collectivité locale ou d’un organisme assurant une mission de service public » (C. constr. art. L. 9 et L. 10.).

c) Les sanctions prévues

Au Sénégal, les sanctions prévues à l’encontre des installations irrégulières en matière d’utilisation d’énergies renouvelables sont des peines d’emprisonnement et d’amende.

C’est dans la loi d’orientation sur les énergies renouvelables qu’on trouve les principales sanctions. Ainsi, son article 18 indique que « sera puni d’un emprisonnement d’un à trois ans et d’une amende de 5 à 20 millions de francs CFA sans préjudice des autres sanctions légales en vigueur, tout dirigeant de droit ou de fait d’une entreprise qui, sans avoir obtenu au préalable la licence ou toute autre autorisation requise, aura exercé une activité de production et de commercialisation d’énergie renouvelable ».

Dans la même logique, il est établi que « sera puni des mêmes peines tout dirigeant de droit ou de fait d’une entreprise qui aura violé des dispositions de la licence, s’imposant à elle en vertu de la présente loi et des dispositions législatives et réglementaires en vigueur ».

Par ailleurs, et à la différence du droit français, l’article L. 94 du Code de l’environnement puni d’une amende de 2 à 5 millions de francs CFA (3 à 7 500 euros) et d’une peine de six mois à deux ans de prison ou de l’une de ces deux peines, toute personne ayant réalisé un projet sans recourir à une étude d’impact préalable lorsqu’elle est exigée des textes, ou réalisé un projet non conforme aux critères, normes et mesures énoncés dans l’étude d’impact.

Le non respect des règles d’urbanisme est aussi sanctionné. Les infractions sont prévues par les articles 80 à 87 du Code de l’urbanisme. Notamment, le fait d’entreprendre, réaliser ou modifier des constructions ou installations sans autorisation administrative ou en violation des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur, est punie d’une amende de 100 000 francs CFA à 10 millions de francs CFA.

Enfin, dans tous les cas où le contrôle technique est obligatoire, tout manquement entraîne une sanction. Selon l’article L. 148 al. 1 du Code de la construction, l’exécution de travaux ou l’utilisation du sol en méconnaissance des obligations imposées notamment par l’article L 9, par les règlements pris pour leur application ou par les autorisations délivrées en conformité avec leurs dispositions, est punie d’une amende de 1 à 2 millions de francs CFA[15].

L’art. R. 199 al. 1 du même code précise que « sera puni d’une amende de 500 000 francs CFA à 1 million de francs CFA et d’une peine de un à deux mois d’emprisonnement le maître de l’ouvrage ou son mandataire qui aura entrepris ou poursuivi des travaux sans avoir fait procéder au contrôle technique dans le cas où celui-ci est obligatoire ».

En cas de récidive, la peine d’amende sera portée à deux millions de francs CFA et l’emprisonnement à deux mois (al. 2). Le contrôle technique peut aboutir à des sanctions en cas de non-respect des exigences prévues par la réglementation en vigueur. Précisément, l’article L. 144 du Code de la construction prévoit que les infractions aux dispositions de certains articles énumérés (dont l’art. L. 9 portant sur les caractéristiques énergétiques du bâtiment) sont constatées par tous officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l’État et des collectivités locales assermentés et commissionnés à cet effet par le Ministre chargé de la Construction. Les procès-verbaux dressés par ces agents sont transmis sans délai au Ministère Public.

Conclusions : quelques perspectives croisées sur les énergies renouvelables 

Que ce soit en termes de capacité installée ou d’investissement, la croissance des différentes sources d’énergies renouvelables est désormais constante dans le monde. Plusieurs technologies de production sont devenues concurrentielles sur le plan des coûts, à l’instar du solaire. À l’avenir, l’offre mondiale d’énergie devrait s’appuyer en grande partie sur ces technologies.

Plus de la moitié des scénarios du GIEC prévoient que les énergies renouvelables devraient contribuer pour plus de 17 % de l’approvisionnement en énergie primaire en 2030 et pour plus de 27 % en 2050. Les scénarios les plus optimistes font état de 43 % en 2030 et de 77 % en 2050, le potentiel technique de l’énergie solaire étant le plus élevé parmi les sources d’énergies renouvelables (Edenhofer, Intergovernmental Panel on Climate Change et Working Group III, 2011).

Mais cette tendance doit être confortée par des politiques publiques adaptées, et en ce sens il apparaît « impératif de réorienter le système énergétique sur un modèle plus décentralisé (…). Il faudra adopter une conception des marchés de l’énergie axée sur la souplesse pour faire face aux changements attendus du système » (Lins et Chawla, 2013, 39-40).

Dans le cadre de la mise en oeuvre de sa politique, la France ne connaît pas les mêmes difficultés que le Sénégal. Pays riche, il est surprenant de constater que l’un des freins au développement rapide des énergies renouvelables est la longueur du temps d’attente des porteurs de projets pour pouvoir raccorder leur installation au réseau général (voir le décret n° 2016-399 du 1er avril 2016 qui tente de rationnaliser le délai de raccordement des installations de production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelable, JORF du 3 avril 2016). La puissance des projets en attente est stable, avec 2141 MW comptabilisés fin juin 2016 pour 21634 installations (Commissariat Général au Développement Durable, 2016).

Au Sénégal, le cadre juridique et institutionnel reste perfectible malgré les réformes. Les incitations financières ou fiscales, qui peuvent apparaître insuffisantes au regard du niveau de vie de la population, sont par ailleurs critiquées par le FMI en ce qu’elles dégraderaient les finances publiques (critiques que subit aussi la France avec la commission européenne).

Un autre problème est le transport de l’électricité issue des centrales solaires, dès lors que sont privilégiés des projets de grande dimension et non une décentralisation des petites unités de production.

En outre, les projets sont encore souvent tributaires d’actions humanitaires ou de l’implication d’investisseurs privés étrangers via les PPP (Partenariats Public Privé). Cette dépendance altère l’autonomie de la stratégie de promotion de l’ensemble des filières propres, même si en misant sur une amélioration du rendement du photovoltaïque les énergies renouvelables devraient à l’avenir occuper une place prépondérante en Afrique (Trawaré, 2009).

Comme la France, le Sénégal cherche la voie de passage vers un nouveau modèle énergétique plus durable et plus juste.

La disponibilité d’un potentiel naturel en énergies renouvelables prédispose la zone à s’inscrire dans une autre trajectoire énergétique basée sur un mix énergétique différent, sur la sobriété et l’efficacité en vue de contribuer à la restauration des différents équilibres sociaux, économiques et écologiques. Cependant, leur exploitation à large échelle ne pourra se faire sans une volonté politique réelle et sans un élan international de solidarité pour répondre aux préoccupations de développement adaptées au contexte spécifique de la lutte contre la pauvreté (Sarr, 2013, 45).

On le voit, s’affranchir de la dépendance aux énergies fossiles suppose de surmonter différents obstacles qui freinent le développement massif et rapide des installations solaires. La réglementation d’urbanisme est ainsi un facteur de réussite important parmi d’autres.

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  1. La pWc désigne la puissance électrique maximale pouvant être délivrée par l’installation. On l’exprime notamment en kilowatts-crête kWc.
  2. Il s’inscrit lui-même dans une Stratégie Nationale de Développement Économique et Social (SNDES), cadre principal de coordination des interventions publiques.
  3. Propos du Président Macky Sall, voir note ci-dessus.
  4. Il a été nécessaire d’harmoniser certaines dispositions de la loi n° 88-05 du 20 juin 1988 portant sur le Code de l’urbanisme avec celles de la loi n° 96-07 du 22 mars 1996 portant transfert de certaines compétences d’urbanisme de l’État aux régions, communes et communautés rurales. L’article 68 de la loi n° 2008-43 a été par la suite modifié par la loi n° 2009-26 du 8 juillet 2009.
  5. Par exemple, le Schéma Régional Climat Air Énergie (SRCAE), élaboré par le préfet de région et le président du conseil régional, définit des objectifs et des orientations aux horizons 2020 et 2050 en termes de développement des énergies renouvelables (v. C. env. art. L. 222-1). Les Schémas Régionaux de Raccordement au Réseau des Énergies Renouvelables (S3REnR) définissent les ouvrages à créer pour permettre le raccordement de la production d’énergie renouvelable fixée par le SRCAE. Ils sont établis par le gestionnaire du réseau public de transport (RTE) et soumis à l’approbation du préfet de région (v. C. énergie art. L. 321-7). Les Plans Climat Énergie Territoriaux (PCAET) définissent des actions à engager par les collectivités locales et les acteurs socio-économiques (moyens et projets pilotes, publics concernés, partenariats…; v. C. env. art. L. 229-26).
  6. Mais, les autorisations éventuelles au titre du Code forestier (défrichement) ou en application de la Loi sur l’eau restent applicables. Toutefois, dans les secteurs sauvegardés, les sites classés, les réserves naturelles, le cœur d'un parc national, les OPEESIS dont la puissance crête est inférieure à 3 kW doivent être précédés d'une déclaration préalable : C. urb. art. R. 421-11, b.
  7. Dans une autre affaire, le juge a considéré le projet comme présentant « un caractère d'utilité publique ou d'intérêt marqué pour la collectivité au sens de l'article NC1 du plan d’urbanisme de la commune » (Cour Administrative d’Appel Bordeaux, 13-10-2015, précit).
  8. Mais légalité du refus par le préfet d’un permis de construire un hangar agricole équipé de panneaux solaires en zone naturelle d'une carte communale. Ces panneaux n'ont pas la qualité d'équipements collectifs : Cour Administrative d’Appel Bordeaux, n° 13BX01623 du 22-06-2015.
  9. TA Toulon, 01-12-2011, Ass. Défense de l’env. et du patrimoine forestier d’Ampus, C/Commune d’Ampus, n° 0901233, AJDA, 2012, p. 1297, concl. Michael Revert; Conseil d’État 07-102015, SAS ECRCF, n° 380468. Egal, TA Marseille 02-04-2012 n°0900689, AJDA, 2012, p. 1538 et concl. Philippe Grimaud. La solution est, en général, différente pour les parcs éoliens en montagne, considérés comme des équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées (Conseil d’État 16-06-2010, Leloustre, n° 311840, AJDA, 2010, p. 1892, note Isabelle Michallet).
  10. Cependant, d’autres exceptions à l’urbanisation en continuité sont susceptibles d’être activées pour créer une ferme solaire en montagne mais elles sont strictement encadrées afin de préserver les terres agricoles ou la nature. Ex. C. urb. art. L. 122-11 (illustration : Conseil État 07-02-2013, Min. écologie, n° 354681) ou C. urb. art. L. 122-7 (étude préalable réalisée pour justifier dans le PLU la construction en discontinuité : Rep. Min. à QE n° 49222, JOAN, 05-07-2016, p. 6332).
  11. Un projet d’installation photovoltaïque sur maison peut être refusé s’il n’est pas en cohérence avec l’architecture et les paysages avoisinants. Mais le juge peut aussi estimer que la seule proximité de zones naturelles sensibles ou protégées ne justifie pas un refus de permis de construire des serres agricoles (Cour Administrative d’Appel Marseille, 03-042015, Sarl Art Solar, n° 13MA02539).
  12. L’Acte III de la décentralisation engagé depuis 2013 afin d’organiser le Sénégal en territoires viables, compétitifs et porteurs de développement durable à l’horizon 2022, propose une « communalisation intégrale ». Le Conseil rural n’existe plus même si certains textes en font mention. La région est appelée à disparaître aussi.
  13. Toutefois, les lotissements et les plans directeurs d’assainissement, d’adduction d’eau, d’électrification et des télécommunications doivent être conformes avec les dispositions des plans d’urbanisme : C. urb. art. R. 67, R. 72.
  14. D’autres autorisations sont parfois nécessaires au titre de législations parallèles : par ex. art. L. 4 C. constr. : « Nul ne peut élever une habitation, restaurer ou augmenter un bâtiment existant ou encore creuser un puits distant de moins de 100 mètres des nouveaux cimetières transférés hors des communes sans obtenir préalablement une autorisation délivrée par le Maire ou le Président du Conseil rural ».
  15. En cas de récidive, la peine d’amende sera portée à 3 millions de francs et un emprisonnement d’un an pourra en outre être prononcé (C. constr. art. L. 148 al. 2).

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