5 La politique de libre accès des trois organismes

Ce mémoire a été co-signé par l’Association science et bien commun, le Laboratoire de communication médiatisée par ordinateur (UQAM et ULaval) et le Groupe de recherche et d’intervention en science ouverte (UQAM) et présenté aux trois organismes le 13 décembre 2013 dans le cadre de leur consultation.

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Ce mémoire est une initiative conjointe du Laboratoire de communication médiatisée par ordinateur (LabCMO, http://cmo.uqam.ca), laboratoire de recherche universitaire en sciences sociales affilié au Centre interuniversitaire de recherche sur la science et la technologie (CIRST), de l’Association science et bien commun, qui regroupe des professeurs, des étudiants et des citoyens soucieux de mettre la science publique au service du bien commun (http://scienceetbiencommun.org), ainsi que du Groupe de recherche et d’intervention en science ouverte (GRISOU, http://grisou.uqam.ca), qui s’intéresse aux questions de la reconnaissance de la contribution à des plateformes collaboratives ouvertes en sciences dures et en sciences sociales.

Soulignons d’emblée que nous appuyons vigoureusement la démarche des trois organismes visant à mettre en place une politique de libre accès. Une telle politique contribuera certainement à une meilleure diffusion et à un meilleur partage des connaissances, et prend en compte les transformations des pratiques scientifiques dans le contexte de l’usage grandissant des technologies numériques. Nous recommandons toutefois cinq changements à la politique telle que proposée :

Premier changement

Le principal problème que pose, à notre avis, la politique proposée, est qu’elle autorise, voire encourage, les chercheurs subventionnés à réserver certaines sommes pour financer la publication de leurs travaux en libre accès. Ce faisant, la politique adhère implicitement au modèle dit de la « voie dorée » de l’accès libre (voir Harnad et al., 2004). Or, ce modèle a reçu dernièrement d’importantes critiques en raison de la manière dont il encourage la création de journaux scientifiques tablant sur un modèle d’affaires lucratif consistant à faire payer les chercheurs pour leur publication (Huet, 2013). Un tel modèle de « publieur-payeur » contribue à notre avis à aggraver les inégalités entre les chercheurs subventionnés et les autres chercheurs (étudiants, chercheurs non affiliés, chercheurs étrangers, en particulier ceux résidant dans les pays moins favorisés économiquement). La politique des trois organismes devrait s’assurer qu’elle ne contribuera pas à aggraver ces inégalités sociales déjà problématiques.

Nous recommandons donc que la politique de libre accès adhère plus explicitement à la « voie verte » et la recommande en premier lieu pour mettre en libre accès les travaux scientifiques financés par les subventions des trois conseils. Bien sûr, un tel engagement en faveur de la voie verte implique que les universités canadiennes soient toutes capables d’accueillir les copies numériques de la production scientifique de leurs chercheurs dans des dépôts institutionnels. C’est pourquoi nous recommandons également d’inclure dans la politique un appui financier spécifique aux bibliothèques et aux initiatives institutionnelles (et non commerciales). Cet appui les aiderait à consolider leurs dépôts institutionnels et même, à moyen terme, à offrir aux revues savantes en libre accès une infrastructure éditoriale (site web, dispositif de gestion des articles, etc.) qui réduirait leurs dépenses.

Deuxième changement

La politique proposée ne vise que les chercheurs subventionnés. Nous recommandons qu’elle soit étendue aux chercheurs boursiers (maîtrise, doctorat, postdoctorat) dont les travaux et publications sont également financés par des fonds publics.

Troisième changement

La portée de la politique se limite pour l’instant aux articles scientifiques. Or, en sciences sociales notamment, un grand nombre de publications prennent la forme de chapitres de livres, de monographies ou d’ouvrages collectifs. Nous proposons d’élargir l’application de la politique (point 5) en y soumettant ces types de production scientifique, mais également les oeuvres de  création et documents web (billets de blog, jeux, pages web, vidéos). Cet élargissement reconnaitrait la transformation actuelle des modes de diffusion et de mobilisation des connaissances, ainsi que les travaux réalisés dans des programmes comme « Connexion » du CRSH. C’est ce que fait le dépôt institutionnel Spectrum de l’Université Concordia.

Quatrième changement

La politique devrait recommander aux universités de permettre aux étudiants et étudiantes chercheurs de déposer leurs textes dans leur dépôt institutionnel. Pour l’instant, dans certaines universités (comme à l’UQAM), le dépôt d’articles scientifiques n’est autorisé que pour les professeurs, alors qu’il arrive de plus en plus fréquemment que des étudiants-chercheurs publient durant leurs études. Il faudrait donc que les dépôts institutionnels s’ouvrent à ce type de productions étudiantes, et pas seulement aux mémoires et aux thèses.

Cinquième changement

La politique devrait encourager les chercheurs à ajouter à leurs contrats de publication l’Addenda de l’auteur canadien SPARC tel que préparé par l’Association des bibliothèques de recherche du Canada (ABRC). En effet, il permet aux auteurs de conclure une « entente plus juste du fait qu’ils conservent certains droits, comme les droits de reproduction, de réutilisation et de présentation publique des articles qu’ils publient à des fins autres que commerciales » (ABRC, non daté).

Références

ABRC. (non daté). L’addenda de l’auteur canadien SPARC. En ligne : http://www.carl-abrc.ca/fr/communication-savante/ressources-pour-les-chercheurs.html

CRSNG. (2013), Version préliminaire de la Politique de libre accès des trois organismes, en ligne : http://www.nserc-crsng.gc.ca/NSERC-CRSNG/policies-politiques/Tri-OA-Policy-Politique-LA-Trois_fra.asp

Harnad, S., Brody, T., Vallieres, F., Carr, L., Hitchcock, S., Gingras, Y., Oppenheim, C., Stamerjohanns, H., & Hilf, E. (2004). « The green and the gold roads to Open Access », Nature, en ligne : http://www.nature.com/nature/focus/accessdebate/21.html

Huet, S. (2013). « Open access: du rêve au cauchemar », Libération, 4 octobre 2013, en ligne:http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2013/10/open-access-du-rêve-au-cauchemar-.html

Contact : scienceetbiencommun@gmail.com

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