9 Irena Sendler, Pologne (1910-2008)

Emmy Ruel

Irena_Sendlerowa_1942

Née le 15 février 1910 à Otwock en Pologne, Irena Sendlerowa, plus connue sous le nom d’Irena Sendler, a contribué à libérer 2 500 enfants juifs des ghettos pour les mettre en sécurité dans différents familles et monastères. Sa participation au groupe clandestin Zegota lui permit d’être nommée « Justes parmi les Nations » en 1965.

 Une période sombre de l’histoire

Bien que les mots « plus jamais » aient été prononcés à la fin de la Première Guerre mondiale, la paix qui découla de cet accord n’eut qu’une brève durée (20 ans). En effet, la France et l’Angleterre déclarèrent la guerre à l’Allemagne après que celle-ci eut envahi la Pologne le 1er septembre 1939. À peine quatre jours après le début de l’invasion de la Pologne, le gouvernement polonais avait quitté la Capitale. En moins d’un mois, le pays fut divisé; l’ouest de la Pologne était occupé par les Allemands et les Russes se trouvaient à l’est.

Par la suite, de 1941 à 1945, la Pologne hébergea plusieurs camps de concentration, ainsi que la majorité des camps d’extermination nazis. Il s’agit des lieux où plus de 3 000 000 d’individus (majoritairement des Juifs, mais aussi des personnes atteintes d’un handicap mental, des homosexuels, des vieillards, etc.) ont vécu leurs derniers moments.

« Si un homme se noie, il faut l’aider »

Le père d’Irena, Stanisław Krzyżanowski, était médecin à Otwock, un village près de Varsovie; il était membre du Parti socialiste Polonais. Avant de mourir du typhus en 1917, il avait enseigné à sa fille les principes de l’égalité selon lesquels les origines ethniques et les croyances religieuses n’avaient aucune importance. Ainsi, lorsque les Juifs furent placés dans le ghetto de Varsovie et que la malnutrition ainsi que la maladie causèrent la mort de 5 000 individus en un mois, Irena leur vint en aide grâce à son emploi d’infirmière au sein du Département de la protection sociale de Varsovie. Elle avait obtenu l’autorisation de se rendre au ghetto quotidiennement, habillée en nourrice et arborant une étoile de David en signe de solidarité. Ces visites lui permirent d’apporter clandestinement de la nourriture, des vêtements et des médicaments. Aussi, de 1939 à 1942, Irena contribua à la confection des quelque 3 000 faux papiers d’identité qui permirent de sauver des familles juives.

À partir de 1942, Sendler s’engagea dans le groupe Zegota. Il s’agit d’un nom de code pour le « Conseil d’aide aux Juifs », un mouvement polonais de résistance clandestin financé par le gouvernement polonais. Irena fut l’une de ses premières recrues et dirigea ses efforts vers les enfants juifs du ghetto. Adoptant l’identité de Jolanta et accompagnée de près de 25 autres travailleurs sociaux, elle utilisa le prétexte de vouloir arrêter la propagation des maladies dont souffraient les Juifs pour pouvoir entrer et sortir du ghetto, à la recherche d’enfants qu’elle pourrait sauver.

Au début, elle porta secours à des orphelins qui se trouvaient dans les rues, puis elle alla voir les parents pour leur offrir son aide. Lorsque les parents lui demandaient si la survie de leurs enfants était garantie, elle ne put répondre qu’ils mourraient assurément s’ils restaient au ghetto. Lors d’une entrevue, Irena affirma :

Dans mes rêves, j’entends encore les cris des enfants quand ils quittèrent leurs parents.

Elle raconta ces scènes :

Nous avons assisté à des scènes terribles. Le père était d’accord, mais la mère non. Quelques fois, nous devions quitter ces familles malchanceuses sans prendre leurs enfants. Je revenais le lendemain et, souvent, je m’apercevais que tout le monde avait pris le train à Umschlagsplatz qui les avait acheminés aux camps d’extermination.

Pour parvenir à sortir du ghetto, Jolanta/Sendler dut faire preuve d’ingéniosité. Les gardes nazis qui se trouvaient à l’entrée devaient effectuer le contrôle de tous les véhicules. Afin de faire sortir les enfants, elle utilisa divers objets anodins. Elle parvint à cacher les plus petits dans des coffres à outils ou des sacs. Pour les enfants plus âgés, elle utilisa des sacs plus grands, ainsi que des sacs mortuaires. Certains enfants sortirent dans des sacs de pommes de terre, d’autres dans des cercueils. Dans l’enceinte du ghetto se trouvait un tunnel qui menait de l’autre côté des murs et qui permit également à plusieurs enfants de fuir. Un de ses grands problèmes était de trouver une façon de camoufler tous les sons que les enfants faisaient.

Encore une fois, Jolanta trouva une solution; elle dressa un chien pour qu’il jappe sans arrêt dès qu’ils se trouvaient en présence d’un garde, de sorte que les sanglots, les mouvements ou les respirations des enfants passaient inaperçus. Les gardes ne pouvaient rien faire contre le chien et ne remarquèrent pas qu’il s’agissait d’une diversion. Dès que les enfants arrivaient de l’autre côté du mur, ils recevaient des papiers indiquant leur nouvelle identité et furent accueillis dans des couvents, des orphelinats ou dans des familles d’adoption.

Un silence qui en dit long

Le stratagème d’Irena prit fin brutalement lorsqu’un informateur révéla l’identité secrète de Jolanta, ainsi que son adresse, à la police secrète, la Gestapo. Le 20 octobre 1943, la Gestapo emmena Irena à la prison de Pawiak où elle fut torturée. Toutefois, elle garda le silence sur ses complices, les cachettes des enfants et leurs nouvelles identités. Pour sa trahison, la Gestapo la condamna à mort. Lorsque le groupe Zegota apprit sa situation, il parvint à corrompre l’un des gardes de la prison qui permit son évasion le jour de son exécution. Peu de temps après, Irena put lire un article dans les journaux annonçant qu’elle avait été exécutée. La police secrète continua quand même à la rechercher après avoir annoncé son décès, si bien qu’elle continua à se cacher jusqu’à la fin de la guerre. Toutefois, sa situation ne l’empêcha pas de participer à la coordination des autres missions de sauvetage que mena Zegota.

2 500 vies dans un bocal

Pendant toute cette période, Irena prit soin d’enterrer dans son jardin deux bocaux au contenu identique. À l’intérieur se trouvaient les noms de tous les enfants qu’elle avait réussi à faire sortir du ghetto, ainsi que la nouvelle identité que Zegota leur attribua. Irena avait instauré ce système afin de retrouver ces enfants après la Guerre et de leur permettre de reprendre leur vraie identité. Les informations indiquées sur chaque morceau de papier avaient également pour objectif de réunir les familles survivantes.

À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, lorsque vint le moment d’ouvrir ces bocaux, Irena y trouva les noms de 2 500 enfants. Elle commença alors les recherches afin de retrouver ces enfants. Elle prit également soin de copier la liste puis l’envoya à l’organisation Zegota pour que les dirigeants puissent l’aider à repérer tous ces gens. Ils ne parvinrent qu’à réunir que très peu de familles.

Hommages

Même si son histoire resta longtemps inconnue, Irena Sendler a reçu plusieurs hommages depuis la fin de la Guerre. En 1965, elle obtint le titre de « Juste parmi les Nations » de l’organisation Yad Vashem. Un arbre fut planté dans l’Allée des Justes à Jérusalem en 1983. Aussi, elle fut nommée « Citoyenne d’Honneur » de l’État d’Israël en 1991.

Par la suite, elle remporta deux prix en 2003. Le gouvernement polonais lui attribua l’Ordre de l’Aigle blanc et elle gagna le prix Jan Karski pour sa bravoure et son courage dont elle a fait preuve au cours de ces années.

En 2007, elle obtint la distinction de l’Ordre du Sourire. Il s’agit d’un prix attribué chaque année à des personnalités qui œuvrent pour « Le bonheur et le sourire des enfants ». Cette même année, le gouvernement polonais envoya sa candidature en vue de lui attribuer le Prix Nobel de la Paix dont Al Gore fut le vainqueur.

Malgré son décès en 2008, Irena reçut le prix humanitaire Audrey-Hepburn en 2009. Ce prix est remis à ceux qui ont aidé des enfants de manière exceptionnelle.

Références

Jewish Virtual Library (2008), Irena Sendler. Récupéré en ligne sur Jewish Virtual Library.
http://www.jewishvirtuallibrary.org/jsource/biography/irenasendler.html

Kroll, C. (s.d.), Irena Sendler : Rescuer of the Children of Warsaw. The Jewish Woman.
http://www.chabad.org/theJewishWoman/article_cdo/aid/939081/jewish/Irena-Sendler.htm

Anonyme (2008), « Portrait d’Irena Sendler » Le Nouvel Observateur.
http://tempsreel.nouvelobs.com/culture/20080512.OBS3470/portrait-d-irena-sendler.html

Rakotoarison, S. (2008), « La grande résistante polonaise Irena Sendlerowa n’aura pas le prix Nobel de la paix ». Agoravox.
http://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/la-grande-resistante-polonaise-40648

Strzelczyk, S., Bieniek, J., & Zieliński, P. (2011), Biographie d’Irena Sendler.
http://agapol.ayz.pl/joomla25/images/pdf/patron/BiografiaFrancuska.pdf

The Jewish Foundation for the Righteous. (s.d.), Poland // Irena Sendler.
http://www.jfr.org/pages/rescuer-support/stories/poland-/-irena-sendler

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