23 Erin Brockovich, États-Unis (1960-)
Marie-Pier Malouin-Ducharme
Erin Brockovich a mené un combat qu’on compare à celui de David contre Goliath. Cette mère de trois enfants, monoparentale, qui n’a jamais eu de formation en droit, a trouvé le courage d’affronter la compagnie Pacific Gas and Electricity qui effectuait des déversements illégaux de chrome à Hinkley en Californie et qui polluait la nappe phréatique. Ce sont des millions de dollars qui ont été versés en indemnité aux familles des victimes.
De l’enfance à l’âge adulte
Erin Brockovich est née et a grandi à Lawrence au Kansas dans une famille très unie où elle affirme avoir forgé son caractère, car elle était la cadette. Son père était ingénieur industriel et sa mère journaliste. Erin aurait souhaité devenir médecin, mais sa dyslexie l’a découragée très tôt de poursuivre son rêve. Ses parents ont toujours cru qu’elle pourrait accomplir de grandes choses, mais que, pour y arriver, elle devrait apprendre à se concentrer et à canaliser son énergie débordante.
Après avoir fréquenté quelques universités sans y trouver un programme vraiment à son goût, elle décida d’aller vivre en Californie. Elle y a d’abord obtenu un poste de stagiaire en gestion chez le détaillant K-Mart. Après quelque temps, elle décida de retourner étudier en génie électrique, mais, là encore, elle n’y trouva pas son compte. Sur un coup de tête, elle décida de participer au concours de beauté Miss Pacific Coast, qu’elle remporta sans grande surprise.
Malgré cette victoire au concours de beauté, elle ne se sentait pas heureuse dans ce milieu et elle comprit rapidement que les concours de beauté n’étaient pas faits pour elle. Elle a donc déménagé à Reno, au Nevada, avec son mari et ses enfants. Après un divorce difficile, elle a trouvé un emploi comme secrétaire dans une firme de courtage où elle rencontra ensuite son second mari. Ce fut un court mariage; Erin, qui était maintenant mère de trois enfants, se retrouva seule à nouveau, essayant tant bien que mal de faire vivre sa famille en cumulant les emplois précaires.
Sa vie changea le jour où elle croisa le chemin de l’avocat Edward L. Masry.
Une rencontre qui changea sa vie
Après avoir été sérieusement blessée dans un accident d’auto à Reno, Erin retourna vivre dans la vallée de San Fernando en Californie. Elle y engagea les avocats Masry et Vititoe pour la représenter dans sa cause. Malheureusement, ils ne gagnèrent qu’une petite compensation, si bien qu’Erin ne reçut aucune compensation financière. Elle se retrouva donc une fois de plus dans la même situation précaire : mère monoparentale sans emploi stable. L’avocat Edward L. Masry décida alors de lui offrir un poste d’assistante juridique à son bureau. C’est dans le cadre de ce travail, en organisant des dossiers immobiliers, qu’elle tomba par hasard sur des dossiers médicaux qui allaient mener à un des plus grands procès en recours collectif de l’histoire américaine.
Déversement de chrome à Hinkley : les preuves
En effet, en analysant certains de ces dossiers alors qu’elle n’avait jamais eu de formation en droit, Erin Brockovich leva le voile sur un déversement illégal de chrome hexavalent par la compagnie Pacific Gas and Electricity (PG&E) à Hinkley, en Californie. Elle participa ensuite au procès en recours collectif intenté contre la compagnie qui se solda par une indemnité de 333 millions à verser aux 600 familles victimes. Du jamais vu!
Le recours contre PG&E fut un combat difficile, car très peu de gens s’intéressaient au dossier. Beaucoup de questions restaient sans réponse. Erin Brockovich, Edward L. Masry et les habitants de Hinkley ont dû trouver les réponses par eux-mêmes, car plusieurs données compromettantes pour PG&E étaient gardées secrètes. Or, si la Pacific Gas and Electricity avait fait ce qu’elle avait à faire au lieu de cacher des informations, il n’y aurait pas eu de cancers ni de poursuite. Erin Brockovich avoue maintenant n’avoir aucune confiance envers les gens de l’industrie.
En 2000, un film relatant l’histoire d’Erin Brockovich a été produit : Erin Brockovich, seule contre tous. Cette dernière était interprétée par l’actrice Julia Roberts qui a été oscarisée pour ce rôle. C’est d’ailleurs ce long métrage qui a fait connaître au monde entier les exploits d’Erin Brockovich, ce qui l’a élevée au rang d’héroïne nationale aux yeux des Américains.
L’après Hinkley
Erin Brockovich n’a plus jamais laissé de côté cette première cause environnementale, c’est-à-dire la contamination de l’eau. Elle s’implique maintenant dans d’autres causes environnementales, comme l’exposition à l’amiante. Comme elle l’avait fait pour les familles de Hinkley, elle continue de constituer des dossiers, d’accumuler des preuves et de motiver les familles qui sont au cœur de la tourmente afin de leur donner la force de se battre pour leur collectivité. Elle a fondé une firme de défense de l’environnement, Brockovich Research & Consulting, qui est actuellement impliquée dans de nombreux projets environnementaux à travers le monde. C’est avec détermination qu’elle continue de prêter sa voix à ceux qui n’en ont pas, afin de dénoncer des injustices.
En 2001, Erin Brockovich a dominé le monde de l’édition avec son livre, consacré Best Seller par le New York Times, qui s’intitule Take It from Me: Life’s a Struggle But You Can Win. Dans cet ouvrage, Erin raconte son histoire et propose des conseils pour affronter les obstacles de la vie. Aujourd’hui, elle fait également beaucoup de conférences à travers le monde.
Malheureusement, le combat qu’Erin a mené à Hinkley est tombé dans l’oubli avec les années. Le film a laissé une marque positive dans la mémoire collective. Par contre, malgré le gain de cause devant les tribunaux et les 333 millions de dollars versé par la compagnie Pacific Gas and Electricity aux habitants de la ville en 1996, les lieux n’ont jamais été dépollués. La petite ville de Hinkley devient tranquillement une ville fantôme où les maisons disparaissent, comme si elles n’avaient jamais existé auparavant. Le combat de la beauté du Kansas contre les industries polluantes est donc loin d’être terminé.
Références
Bérubé, Nicolas (2013), « L’héritage gâché d’Erin Brockovich ». La Presse. En ligne. 5 mai.
http://www.lapresse.ca/international/etats-unis/201305/05/01-4647741-lheritage-gache-derin-brockovich.php.
Bérubé, Nicolas (2013), « Qui est Erin Brockovich? ». La Presse. 4 mai, p. A27.
Brockovich, Erin (s.d.), Erin Brockovich, My story. En ligne.
http://www.brockovich.com/my-story/.
Lesnes, Corine (2012), « Erin Brockovich, toujours en lutte contre les pollueurs ». Le Monde. 14 mai, p. PEH8.
Soderbergh, Steven (2000), Erin Brockovich, seule contre tous : Suppléments [Entrevue]. États-Unis : Jersey Films.