3 La Conférence de Nairobi sur « L’éducation scientifique et technique dans ses rapports avec le développement en Afrique » (1969)

Abdou Moumouni Dioffo

Du 16 au 27 juillet 1968 s’est tenue à Nairobi, sur l’initiative de l’O.U.A. et de l’UNESCO, une importante Conférence des ministres de l’Éducation des pays de l’Afrique, sur le thème de « l’éducation et la formation scientifique et technique dans ses rapports avec le développement en Afrique ». La totalité des États africains étaient représentés (à l’exclusion du Dahomey), ainsi que de nombreux pays non africains (France, Grande-Bretagne, États-Unis, Israël, Russie, Saint-Siège) et des organisations internationales de la « famille des Nations Unies », ou non gouvernementales (Commission Économique pour l’Afrique, B.I.T., FAO, diverses Fondations, Société Africaine de Culture, etc.). L’ordre du jour de cette Conférence comprenait l’examen de la situation actuelle de l’enseignement et de l’éducation – enseignement primaire, secondaire, technique et supérieur -, du bilan des réalisations depuis les Conférences d’Addis-Abeba (1961), de Madagascar et de Lagos, des tendances actuelles de l’éducation dans les États africains, des problèmes posés par le développement de l’enseignement et des moyens pouvant permettre de les résoudre, enfin des problèmes posés par la recherche scientifique et technique en Afrique. L’organisation et le déroulement de la Conférence ont comporté des travaux en commission (du 16 au 20 juillet) suivis, à partir du 22 juillet, de séances plénières pour examiner les rapports des deux Commissions, ainsi que certains points précis de l’ordre du jour spécialement identifiés.

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L’enseignement primaire dans ses différents aspects (progression des effectifs et du taux de scolarisation, déperdition des effectifs et rendement de l’école primaire, qualité de l’enseignement et son éventuelle adaptation sous la forme souvent avancée d’une « ruralisation », etc.) a fait l’objet d’un examen très détaillé et de discussions très longues et riches. Huit ans après la Conférence d’Addis-Abeba et les objectifs qui y avaient été proposés à l’échelle continentale des États africains, l’unanimité a dû se faire, chiffres en mains, pour reconnaître l’échec de l’enseignement primaire dans les pays de l’Afrique moyenne et mettre en évidence le danger pressant que constitue le rythme notoirement insuffisant, vis-à-vis de la poussée démographique, de l’évolution du taux de scolarisation dans les pays africains. Cette situation est d’ailleurs considérablement aggravée par le rendement dérisoire de l’enseignement primaire en raison de l’importance des déperditions scolaires. Les chiffres ci-dessous, relatifs à 12 pays « francophones » de l’Afrique moyenne, en montrent l’ampleur à travers l’évolution des effectifs au fur et à mesure du déroulement de la scolarité :

Année

1re

2e

3e

4e

5e

6e

%

100

66

57

46

37

32

D’après les données présentées par la délégation du Congo (Kinshasa), 17 % seulement d’élèves du primaire poursuivent leurs études jusqu’en 6année dans ce pays. Ainsi, plus des deux tiers des élèves recrutés en 1re année de l’école primaire sont « perdus » en six ans, le premier tiers dès la 2e année. Pour les pays « anglophones », à en juger par l’exemple du Kenya et du Nigéria, les déperditions, très sensiblement moins grandes, demeurent encore importantes :

Année

1re

2e

3e

4e

5e

6e

%

100

94

94

80

77

77

Les sources et les causes de cette déperdition ont été longuement et amplement discutées : insuffisance des locaux (classes pléthoriques), qualification insuffisante des maîtres, inadaptation totale des programmes, conduite de l’enseignement en langue étrangère au milieu familial, social et culturel de l’enfant africain. On mesurera l’incidence du phénomène de déperdition si on sait que les effectifs actuels de la population scolarisable et effectivement scolarisée montrent que même chez les enfants et les adolescents, pour ne pas parler des adultes, la bataille de l’alphabétisation est virtuellement perdue en Afrique, si du moins les tendances actuelles – orientation, conception, structure du système d’enseignement, programmes, méthodes et méthodologies, organisation – devaient persister dans les prochaines années. Par ailleurs, les aspects sociologiques du phénomène de déperdition des effectifs et de l’interruption des études par la très grande majorité des enfants à la fin de l’enseignement secondaire sont de plus en plus perçus par les gouvernements, sinon en tant que problèmes surgissant d’un échec du système d’éducation, du moins sous la forme peut-être plus accessible aux autorités politiques de « chômage » et de « détribalisation » des enfants et adolescents, phénomène conduisant à un mouvement important des populations des zones rurales vers les centres urbains, et à la formation d’une population flottante de plus en plus importante de « chômeurs intellectuels », qui n’est pas sans causer des soucis politiques aux hommes du pouvoir. D’autant plus que les quelques tentatives faites çà et là en vue de remédier à cet état de choses (Haute-Volta notamment) ont dégénéré en fiasco : la « ruralisation » de l’enseignement primaire, considérée ces dernières années comme une panacée, n’a pas tenu ses promesses. De plus, l’orientation fondamentalement antidémocratique d’une « école pour fils de paysans destinés à devenir seulement des paysans » a été très justement soulignée au cours des débats de la Conférence. Autant dire que si tout le monde s’accorde pour reconnaître le sérieux (frisant la catastrophe) de la situation actuelle de l’enseignement en Afrique – singulièrement de l’enseignement primaire -, les remèdes et solutions continuent encore à être recherchés dans les mêmes voies faciles et routinières qui semblent si « logiques » vues dans l’optique propre aux dirigeants politiques. Enfin, l’essoufflement de tous les États dans le domaine du financement des efforts de scolarisation a été affirmé avec insistance, sans cependant que des solutions sortant des sentiers battus – aide bilatérale, multilatérale, intercontinentale- aient été esquissées. On aurait pu pourtant s’attendre à ce que, venant après la Conférence de New Delhi, celle de Nairobi soit beaucoup plus réaliste et lucide quant aux perspectives de l’aide des pays développés aux pays en voie de développement. Si l’échec de l’enseignement primaire de la politique de scolarisation dans de nombreux États africains, dans leur forme actuelle et par rapport aux objectifs qui leur sont assignés, notamment sur le plan de la lutte contre le sous-développement, notamment par l’incidence attendue et espérée de la scolarisation et de l’élévation du niveau culturel sur la vie sociale et la production, a été reconnu et dûment enregistré, un examen en profondeur des sources et causes les plus fondamentales de cette situation et des remèdes éventuels n’a pu se faire : peut-être l’organisation même de la Conférence et des débats, sa composition ou la durée des travaux ne la désignaient-ils pas spécialement pour cette dernière entreprise. Un pas important a pourtant été fait, le premier sans doute depuis l’accession des États africains à l’indépendance et qui en appellera d’autres dans la mesure où une réflexion lucide et indépendante s’instaurera sur le bilan des années 1960-1968.

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L’enseignement secondaire général et technique a longuement retenu l’attention des participants, tant en Commission que lors des séances plénières. Là encore, malgré un accroissement important des effectifs, les objectifs d’Addis-Abeba n’ont pu être atteints et, par ailleurs, l’incohérence de la politique des divers États dans ce domaine a été mise en évidence. Alors que les besoins en techniciens supérieurs et en cadres moyens demeurent importants et ne sont couverts qu’en faisant appel aux étrangers, les diplômés des premier et second cycles de l’enseignement secondaire, par leur nombre croissant et l’inadaptation de leur formation aux postes disponibles sur le marché du travail, posent déjà des problèmes sociaux dont l’ampleur ne peut aller qu’en s’aggravant. Simultanément, la formation des maîtres de l’enseignement primaire et secondaire (qui devait être dans la phase actuelle une des fonctions du secondaire) n’a pas fait les progrès escomptés ou nécessaires. La situation matérielle et sociale nettement défavorable du personnel enseignant en général – et plus particulièrement des professeurs de sciences vis-à-vis du statut des scientifiques travaillant dans d’autres secteurs – est apparue comme un facteur important de cette évolution, et l’urgence de prendre des mesures correctives a été soulignée. Cependant, la conception même de l’enseignement secondaire, sa structure, ses programmes – notoirement déficients sur le plan de la formation générale scientifique, technologique et dans les sciences sociales – ont été vivement critiqués et remis en cause. Le besoin d’une réforme profonde permettant en particulier une liaison plus souple entre le secondaire général et technique et faisant une place importante à la formation scientifique et technique a été exprimé. Encore plus que dans le cas du primaire, les problèmes budgétaires et financiers posés par le développement de l’enseignement secondaire, particulièrement de l’enseignement scientifique, ont été longuement examinés tant en Commission qu’au cours des séances plénières. L’importante question de l’équipement scientifique – notoirement insuffisant, sinon inexistant à l’heure actuelle -, de la méthodologie et du contenu de l’enseignement scientifique, de la pénurie de professeurs du second degré, plus particulièrement les professeurs de sciences, a fait l’objet de longs débats au cours desquels une refonte complète de l’enseignement secondaire, en liaison étroite avec celle préconisée pour le primaire et le supérieur (dont nous parlerons plus loin) a été reconnue comme indispensable.

3

L’enseignement technique et professionnel, dans ses relations avec les impératifs du développement économique, scientifique et technique des pays africains, a donné lieu à de très amples échanges de vues. La carence de cet enseignement vis-à-vis de la satisfaction des besoins en cadres techniques à différents niveaux et aussi vis-à-vis du rôle qui pouvait raisonnablement lui être dévolu dans le processus de la diffusion et de l’implantation de la technique moderne au sein de la société africaine a notamment été soulignée. Parallèlement, l’inadaptation totale de l’enseignement technique et son rendement dérisoire (le passage constant des techniciens formés dans les secteurs commercial et administratif étant la règle) se sont imposés à tous comme autant de traits caractéristiques de l’enseignement technique et professionnel dans les pays africains au cours de la dernière décennie. Enfin, l’impuissance évidente de l’enseignement technique et professionnel dans le domaine si capital de l’agriculture a fait l’objet de critiques et de lamentations assez touchantes. C’est dire que la nécessité et l’urgence d’une révision de la conception, de la structure, ainsi que de l’organisation de l’enseignement technique et professionnel en liaison étroite avec les divers secteurs de l’économie (agriculture, industrie, commerce) ont été unanimement défendues. Les difficultés liées aux dépenses particulièrement importantes dans le domaine de l’équipement des établissements d’enseignement technique et professionnel, leur solution par une participation plus active des unités industrielles dans la formation des techniciens et des ouvriers spécialisés ont longuement retenu l’attention de tous. Les méthodes pédagogiques appliquées dans l’enseignement technique et professionnel ont été l’objet de critiques sévères, notamment sous l’angle du caractère souvent superficiel et non adapté aux conditions concrètes d’emploi de la formation donnée aux techniciens et ouvriers. Enfin, la pénurie du personnel enseignant autochtone, liée à la situation générale vécue par les enseignants dans les pays africains et à la disparité des salaires et traitements dans la fonction publique et le secteur privé, la nécessité impérieuse d’un changement rapide dans ce domaine, changement dont dépend largement le progrès technique et technologique en Afrique, base fondamentale du développement économique, sont autant de questions qui ont été largement débattues.

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La situation de l’enseignement supérieur et technique supérieur a été examinée en détail. D’un point de vue global, ce domaine constitue le seul où les objectifs fixés par le plan d’Addis-Abeba ont été atteints quantitativement (accroissement relatif et absolu du nombre d’étudiants) sans d’ailleurs que les prévisions relatives au pourcentage des scientifiques aient pu être réalisées. Le développement anarchique et peu rationnel des établissements d’enseignement supérieur dans différents pays d’Afrique, le gaspillage des moyens financiers et des ressources humaines auquel cette politique donne lieu, l’isolement des universités et autres établissements d’enseignement supérieur et technique supérieur par rapport à la société africaine et à ses préoccupations, leur participation notoirement insuffisante à la vie économique, sociale et culturelle des pays africains (trait qui tient du caractère généralement transplanté des pays européens de leurs conception, structure, programmes et de leur personnel enseignant) ont été largement reconnus et déplorés. La nécessité d’une utilisation plus rationnelle et économique des ressources des différents États, notamment par une mise en commun de leurs efforts dans le domaine de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, est apparue comme la seule voie susceptible de favoriser des progrès ultérieurs. Les problèmes politiques, économiques et juridiques (statut des universités régionalisées ou inter-étatisées, des centres de recherche, du personnel enseignant, des chercheurs et des étudiants, organisation de la participation des différents États au financement et à la gestion de ces institutions) n’en sont pas pour autant méconnus. La décision prise à la session de septembre 1967, tenue à Kinshasa, de la Conférence des chefs d’État de l’O.U.A. relativement à la création de « Centres d’études avancées » destinés à assurer la formation du personnel enseignant des universités et des établissements d’enseignement technique supérieur, des chercheurs et des personnes chargées parallèlement de conduire des travaux de recherche dans différents domaines scientifiques et techniques (recherche fondamentale et appliquée), a fait l’objet d’un examen et d’une discussion très détaillés. La préparation insuffisante de cette décision (notamment sous l’angle d’une consultation des scientifiques africains sur le domaine de recherche à envisager et l’organisation à mettre sur pied, les mesures préalables à mettre en œuvre quant à l’organisation de l’enseignement supérieur et technique supérieur) a été unanimement déplorée, sans d’ailleurs que certains aspects positifs de cette initiative aient été mis en cause, d’où les réserves exprimées par de nombreuses délégations et diverses personnalités scientifiques africaines présentes à la Conférence. Plus généralement, l’importance du rôle des universités, des établissements d’enseignement technique supérieur et de recherche dans le processus de développement économique, social et culturel – singulièrement scientifique et technique – des pays africains, mais aussi l’indigence actuelle de leur contribution dans ces différents domaines ont été constatées et soulignées. La nécessité d’une révision complète de la conception des programmes et de l’organisation de l’enseignement supérieur en Afrique s’est imposée à tous.

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Après l’examen du bilan de l’évolution de l’enseignement et de l’éducation en Afrique depuis 1960, la Conférence a eu à se prononcer sur la question de la révision éventuelle des objectifs fixés par le Plan d’Addis-Abeba (tant sur le plan qualitatif que quantitatif) et sur les priorités à fixer dans l’action des États africains au cours des années à venir sur le plan de l’éducation. Après une très large discussion, l’objectif d’une scolarisation primaire complète en 1980 a été retenu comme une « perspective » à maintenir, sur la base d’une reconnaissance du droit imprescriptible à l’instruction primaire généralisée. Dans le même ordre d’idées, les autres objectifs fixés à Addis-Abeba ont également été maintenus, l’accent devant cependant être mis sur le développement de l’enseignement primaire, sans pour autant que les enseignements secondaire, technique, professionnel et supérieur soient négligés. La grande ambition que constituent ces objectifs, eu égard particulièrement à la situation constatée, aux échecs nombreux dans différents secteurs de l’enseignement et de l’éducation, aux difficultés financières et de tous ordres rencontrées dans le développement de l’éducation n’a pas échappé aux participants de la Conférence, même si, par ailleurs, les solutions concrètes à mettre en œuvre demeurent imprécises, sinon inexistantes dans le cadre étriqué des politiques actuelles des différents États en matière d’éducation.

Conclusion

À travers les contradictions, inconséquences et incohérences certaines, assez fidèlement traduites dans les rapports des deux Commissions, le rapport général, les résolutions et recommandations adoptés à la Conférence de Nairobi marquent une étape importante dans l’évolution de la politique de l’éducation des pays africains. Tout d’abord, et peut-être pour la première fois, après des années consacrées à un développement plutôt anarchique de l’éducation visant visiblement plus des « réalisations » spectaculaires ou grandioses et de prestige, notamment à travers « l’amélioration » des statistiques officielles, une tentative (même si elle apparaît nettement conditionnée par les difficultés) de réflexion lucide sur les résultats obtenus a enfin été esquissée, de façon d’ailleurs très fragmentaire. Le fait est que la pression des événements et les menaces de plus en plus précises qui se dessinent dans les différents États ont contribué à une prise de conscience de la gravité des problèmes chez les hommes politiques africains. L’ampleur et la gravité des problèmes posés ne semblent cependant pas avoir été encore assez nettement ni clairement perçues. Sans doute les Africains semblent commencer à dépasser le stade de la croyance « au père Noël », comme le remarquait le directeur général de l’UNESCO. Il n’en demeure pas moins qu’à travers les débats et les interventions de cette Conférence, le poids de l’héritage du régime colonial demeure extrêmement sensible. On ne doit pas se cacher la somme d’efforts qui restent à faire pour aboutir à une réflexion et une approche authentiquement africaines des problèmes de l’éducation dans nos pays. On n’en voudra pour preuve que la façon très confuse dont un problème aussi fondamental que celui des langues africaines et de la place qui leur est due et du rôle qu’elles doivent jouer dans l’enseignement et l’éducation a été abordé et discuté. La seule résolution sur cette question, présentée par la délégation du Congo-Brazzaville, a été repoussée en séance plénière, paradoxalement sur l’intervention des délégations du Mali, des pays « anglophones » et dans l’indifférence générale des pays « francophones » qui sont pourtant ceux qui ont à faire face aux problèmes les plus graves et les plus sérieux dans ce domaine. L’échec, sur un plan d’ensemble, de la politique de l’éducation pratiquée par les différents pays africains depuis leur accession à l’indépendance a certes été constaté et amplement commenté. En particulier, le caractère catastrophique et les perspectives assez sombres dans le domaine de l’enseignement primaire et de la scolarisation ont été très fortement ressentis : il a été prouvé et reconnu que la « bataille de l’alphabétisation » était pratiquement perdue dans les États africains. Cependant, si la conception, l’orientation, les programmes, le contenu de l’enseignement à tous les niveaux ont été mis en cause, il n’en demeure pas moins que les causes de cette situation n’ont pas été clairement perçues ni analysées. Malgré une prise de conscience, certains des problèmes qui se posent – dans leurs aspects les plus concrets et parlants, plus perceptibles aux dirigeants politiques et administratifs – notons la persistance de la tendance à se reposer sur les « experts » étrangers, dans tout ce qui a trait à une réflexion effective sur les problèmes certes complexes de l’éducation en Afrique. La crise, pour le moment encore latente, des systèmes d’éducation appliqués en Afrique – ou plus exactement induite par les conséquences sociales et culturelles de leur application – commence à être ressentie chez les dirigeants politiques africains, bien qu’à une échelle encore très insuffisante. Au vu des événements dont l’Europe, l’Asie, l’Amérique du Nord et du Sud et certains États africains ont été le théâtre, on peut, sans jouer au prophète, augurer des lendemains préoccupants pour l’Afrique si l’orientation actuelle de la politique d’éducation persiste dans ses grandes lignes et si un effort important n’est pas entrepris d’abord dans le domaine d’une réflexion sérieuse, courageuse et lucide sur les différents aspects des problèmes d’enseignement et d’éducation : révision peut-être « déchirante » de la politique menée jusqu’à ce jour, refonte complète de la base au sommet de la conception, la structure, l’organisation, les programmes, la méthodologie de l’éducation en Afrique. Il serait certes illusoire d’attendre une telle démarche des ministres africains de l’Éducation et de leurs hauts fonctionnaires. Mais si, comme j’ai eu l’occasion de le souligner au cours des débats de la Conférence, des intellectuels africains ont déjà sur ce plan apporté une contribution importante à travers des articles, des ouvrages, dont il semble malheureusement que les responsables africains soient complètement ignorants alors que, par contre, de nombreux « experts » étrangers en utilisent et exploitent sans référence les différentes propositions et suggestions, ce travail doit absolument être poursuivi avec esprit de suite. Quoi qu’il en soit, on peut affirmer que l’Afrique aborde une période capitale de son évolution culturelle dans les années à venir. Malgré les déceptions qu’a pu susciter la Conférence de Nairobi chez ceux qui y ont assisté ou participé, il demeure qu’un processus de remise en question a été engagé, dont il est souhaitable et indispensable que l’intelligentsia africaine prenne conscience, et surtout vis-à-vis duquel il est capital qu’elle assume ses responsabilités.

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Abdou Moumouni Dioffo (1929-1991) Droit d'auteur © 2018 par Frédéric Caille est sous licence Licence Creative Commons Attribution 4.0 International, sauf indication contraire.

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