4 Albert-Michel Wright, un présent empêché ou les quatre décennies de l’héliotechnique ouest-africaine

Frédéric Caille

Les deux chapitres qui suivent complètent et prolongent l’article d’Abdou Moumouni Dioffo sur l’énergie solaire repris dans ce livre. Ils sont de la plume d’Albert-Michel Wright, qui avait accepté et prévu de venir participer aux rencontres internationales Roger Decottignies de Dakar au mois de mai 2016, mais qui en fut empêché au dernier moment. Ils ont été publiés, il y a quelques années déjà, sur le site Internet de « Cri de Cigogne » (CDC), groupe de réflexion et de proposition indépendant sur le Niger[1].

  • Le premier texte (Wright, 2010b), rédigé en avril 2009, est une évocation directe du parcours, des travaux et de la personne d’Abdou Moumouni Dioffo. Il met en perspective les éléments biographiques et le contexte sociohistorique des relations techno-scientifiques internationales au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
  • Le second texte (Wright, 2010a), préparé pour un séminaire tenu à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis du Sénégal du 28 au 30 mai 2009, est une réflexion plus large sur les énergies renouvelables en Afrique de l’Ouest et sur les éléments qui empêchèrent la venue à maturité des projets élaborés dans les décennies 1960-1980.

Wright a été l’élève puis le collaborateur et le successeur d’Abdou Moumouni Dioffo à la tête de l’Office Nigérien de l’Énergie solaire (ou ONERSOL).

En termes clairs, parfois vifs et directs, il donne à voir certains des fils qui lient hier à demain, c’est-à-dire, notamment, les connexions entre les projets énergétiques durables des années 1970, les conditions d’une démocratisation de l’enseignement scientifique et technologique au Niger et en Afrique de l’Ouest et, plus largement, l’émancipation intellectuelle et économique des jeunes nations indépendantes.

Le témoignage d’Albert-Michel Wright est celui de la génération qui suit immédiatement celle des pionniers du solaire africain, celle des élèves directs et enthousiastes des premiers conquérants de la liberté scientifique et d’accès aux études supérieures, comme il l’évoque de manière touchante. À plus d’une reprise, on percevra le tison encore brûlant de cet engagement de jeunesse, après près de quatre décennies de recherche, d’enseignement et de pilotage scientifiques, prioritairement orientés vers les potentialités des énergies vertes africaines.

Mais le propos d’Albert-Michel Wright est aussi le témoignage, plus sombre, notamment dans le second texte, du « constat amer que nous tournons en rond ». Dans cette communication, on trouvera en effet un historique précis et réflexif de la structuration institutionnelle et scientifique des politiques pionnières de recherche du solaire africain jusqu’aux années 1980, un historique très complémentaire des analyses présentées dans le livre Du soleil pour tous (Caille et Badji 2018), orienté vers le bilan et la mesure des fausses-pistes et des chausse-trappes de l’histoire énergétique de la fin du XXe siècle.

La question de l’autonomie énergétique n’est ni strictement « technologique », ni étroitement « économique », comme cela est dit à plusieurs endroits du présent ouvrage, comme l’a bien démontré Timothy Mitchell (2017). C’est aussi ce que pense Albert-Michel Wright qui l’illustre depuis son expérience de terrain de manière précise.

Albert-Michel Wright n’est pas de ceux qui abandonnent leurs convictions et leurs analyses parce que des rapports de force socioéconomiques les ont empêchées d’aboutir. Les lectrices et lecteurs, au-delà des deux chapitres qui suivent, pourront d’ailleurs le vérifier en visionnant le documentaire de Malam Saguirou consacré à Abdou Moumouni Dioffo dans lequel Wright apparaît à plusieurs reprises (Saguirou, 2017). Ils apprécieront la manière dont il s’efforce de transmettre son souffle solaire aux jeunes générations et « remet à sa place » un prospère entrepreneur nigérien au sujet de l’avenir de l’énergie nucléaire au Niger.

Car on n’a pas tort parce qu’on a été, pour un temps ou une époque au moins, vaincu, empêché, marginalisé, surtout en matière de développement énergétique, humain et civilisationnel.

Références

Caille, Frédéric et Mamadou Badji. 2018. Du soleil pour tous. L’énergie solaire au Sénégal. Québec : Éditions science et bien commun.

Mitchell, Timothy. 2017. Carbon democracy. Le pouvoir politique à l’ère du pétrole. Paris : La Découverte Poche.

Saguirou, Malam. 2017. Solaire made in Africa. L’œuvre du Pr Abdou Moumouni Dioffo. Documentaire. Dangarama.

Wright, Albert-Michel. 2010a. « Les Énergies renouvelables dans l’espace ouest-africain | Cri de Cigogne ». Cri de Cigogne. 10 septembre 2010. http://www.cridecigogne.org/content/les-energies-renouvelables-dans-l-espace-ouest-africain

———. 2010b. « Pr Albert Wright rend hommage au Pr Abdou Moumouni Dioffo | Cri de Cigogne ». 10 septembre 2010. http://www.cridecigogne.org/content/pr-albert-wright-rend-hommage-au-pr-abdou-moumouni-dioffo


  1. Nous remercions Albert-Michel Wright d’avoir permis et soutenu cette réédition.

Licence

Symbole de Licence Creative Commons Attribution 4.0 International

Abdou Moumouni Dioffo (1929-1991) Droit d'auteur © 2018 par Frédéric Caille est sous licence Licence Creative Commons Attribution 4.0 International, sauf indication contraire.

Partagez ce livre