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1 Approche sociohistorique de la question de l’éducation en milieu nomade au Tchad : de 1940 à nos jours

ZAKINET DANGBET; GONDEU LADIBA; et Mahamat MEY MAHAMAT

Résumé

Depuis l’époque coloniale jusqu’à nos jours, la question de l’accès des éleveurs mobiles (nomades, transhumants) aux services de base, l’éducation notamment, se pose. Pour apporter des réponses à ce problème, des études et des projets à vocation pastorale ont été menés, des écoles mobiles pilotes ont été testées, depuis l’époque coloniale jusqu’à nos jours, par les Organisations non gouvernementales et les associations des éleveurs, etc. Les résultats de ces tests sont mitigés : succès relatif, échec et abandon de l’initiative. Cet article a pour objet de faire une analyse historique de la question de l’accès des éleveurs mobiles à l’éducation au Tchad.

Mots-clés : école, éleveur, transhumance, nomade, colonisation, Tchad.

Abstract

From colonial times to the present day, the question of access by mobile herders (nomads, transhumant) to basic services, in particular education, has arisen. To find a definitive answer to this problem, studies have been carried out, pilot mobile schools have been tested (by Non-Governmental Organizations, Pastoral Projects, Breeders’ Associations, etc.) through the ages (colonial and postcolonial). The results of these tests are mixed: relative success, failure and abandonment of the initiative. The purpose of this article is to make a historical analysis of the question of the access of mobile herders to education in Chad.

Keywords: school, herders, transhumance, nomad, colonization, Chad.

Introduction

En zone sahélo-saharienne en général et au Tchad en particulier, la mobilité est la principale caractéristique des éleveurs de camelins, de bovins et autres caprins. Chaque année, des milliers de familles, accompagnées de leurs troupeaux, descendent, depuis les zones pastorales du nord, vers les zones agricoles au sud en saison sèche. Il s’agit des nomades qui viennent pour séjourner durant l’hivernage. Ce mouvement pendulaire est différemment perçu par les populations, les acteurs et les actrices politiques et intellectuel·le·s. Il est donc au cœur des débats contradictoires et polémiques entre usagers et usagères des ressources.

Pour certain·e·s, la mobilité s’impose à l’éleveur tchadien comme un mode d’exploitation adapté à des écosystèmes contraignants, caractérisés par de fortes variations pluviométriques avec des ressources pastorales aléatoires et dispersées. Ils expliquent leur descente dans les zones agricoles par le manque des ressources dans les zones pastorales. D’autres, en revanche, pensent que c’est un système archaïque d’accès aux ressources pastorales qui crée de nos jours de nombreux conflits d’usage et qu’il faudrait, par conséquent, sédentariser les éleveurs. Pour les tenant·e·s de ce courant qui regroupe la majorité des agriculteurs et agricultrices, l’élevage nomade favorise de nombreux conflits meurtriers ces dernières années dans les zones fortement agricoles.

Au-delà de ces avis contradictoires, voire antagonistes sur la mobilité des éleveurs, il y a, néanmoins au niveau de l’État, deux préoccupations fondamentales qui restent sans réponse : l’accès des éleveurs aux ressources naturelles sans que cela ne génère des conflits avec les agriculteurs et agricultrices, d’une part, et l’accès des éleveurs mobiles aux services de base comme la citoyenneté, la santé et l’éducation, d’autre part. C’est pourquoi il nous semble intéressant de contribuer à la réflexion sur ces enjeux dans un contexte globalement marqué par un fort ressenti du changement climatique. Cet article aborde le dernier point et nous nous interrogeons sur comment adapter le système éducatif tchadien actuel à la mobilité des éleveurs? Pour y répondre, nous nous sommes basés sur une méthodologie simple : la consultation des documents (archives et rapports d’étude) et nos propres expériences de terrain dans les campements des transhumant·e·s dans le cadre des études similaires.

Au niveau de la méthodologie, au-delà de la consultation des documents anciens et nouveaux, nous avons actualisé notre compréhension du sujet grâce à notre participation à une étude très récente sur la question (Zakinet et al, D., 2021). Il s’agit de notre participation à la mise en place des écoles mobiles dans les campements arabes dans les régions du Salamat, du Sila, du Guéra et du Wadi Fira. Nous avons participé à la capitalisation de ces écoles tests en nous rendant sur le terrain auprès des bénéficiaires pour recueillir leur point de vue après trois années d’école pilote dans leur campement. Cet article a donc pour objet principal de faire l’historique et l’évaluation de nombreux tests des systèmes d’école adaptable au milieu nomade et d’en analyser les résultats.

La problématique de l’encadrement des mobilités pastorales en faveur de la scolarisation des enfants nomades

Il est difficile d’avoir une position désintéressée sur la question de la mobilité des éleveurs tant elle suscite des débats et des définitions contradictoires, selon qu’on est pour ou contre ce mode de vie. Pour bien comprendre la position des un·e·s et des autres sur ce sujet, nous avons voulu clarifier dès le début les définitions classiques sur cette question. Il s’agit d’expliciter certaines notions (transhumance, nomadisme, pastoralisme) avant de montrer, dans une perspective longitudinale, les défis spécifiques de l’éducation en milieu nomade.

Notions essentielles pour comprendre les mobilités pastorales

Le mot transhumance est défini comme une forme de mobilité qui consiste en un déplacement saisonnier des éleveurs et leurs troupeaux d’une région à une autre (Barraud et al., 2001). C’est aussi une forme plus systématique de la mobilité étant donné que les déplacements sont calqués sur les saisons en direction des pâturages connus. De nos jours, cette mobilité s’accompagne de plus en plus d’une tendance à la sédentarisation partielle des familles et de certaines bêtes. Pour Djibrine Mahamat (1995), le terme transhumance se confond parfois avec un nomadisme vécu, c’est-à-dire un mouvement annuel des éleveurs dans le sens nord-sud et sud-nord. La transhumance est donc un mouvement saisonnier accompagnant le déplacement du front pluvieux et amenant les groupes d’éleveurs du nord vers le sud. Pabamé (2010) estime qu’elle est la forme la plus finalisée et la plus organisée du pastoralisme nomade. C’est un élément de production pastorale consistant à aller chercher le pâturage là où il se trouve. La transhumance est donc induite par un mouvement dont la structure repose sur des cycles annuels dictés par les conditions de variation climatique et de ressources pastorales.

En outre, le vocable nomadisme fait référence aux mouvements, à ce qui n’est pas fixe, peu importe l’amplitude. C’est un terme qui implique également une organisation sociale, spatiale et des rapports sociaux dans le temps et dans l’espace (les alliances entre les communautés). Le nomadisme implique également une forme particulière d’habitat bref, un mode de vie contraire à la sédentarité. Au-delà d’un mode de vie, le nomadisme est aussi, pour les éleveurs, une stratégie d’adaptation à des milieux où les ressources sont en général aléatoires et dispersées. Cette définition peut se confondre avec d’autres systèmes d’adaptation à la raréfaction des ressources. D’un ouvrage à un autre, les mêmes campements d’éleveurs peuvent être qualifiés de nomades, de transhumant·e·s et de pasteurs purs (Blot, 2000). Le terme nomadisme est donc confondu à la transhumance. En réalité, le nomadisme désigne les mouvements imprévisibles qu’effectuent les pasteurs accompagnés de leurs troupeaux alors que les mobilités liées à la transhumance sont cycliques et prévisibles (Barraud et al., ibid.).

Pour ce qui est du pastoralisme, en fonction des disciplines, il y a une diversité de définitions. Cette diversité de définitions est liée au fait que le mot pastoralisme désigne en même temps un mode de vie et une activité. Le pastoralisme résulte également d’une imbrication de plusieurs facteurs : historique, anthropologique, sociologique, économique, environnemental, zootechnique, etc. Les géographes mettent l’accent sur les mobilités des pasteurs, l’habitat, la cartographie des mouvements des éleveurs, l’évolution des phénomènes environnementaux, etc. Les économistes, eux, priorisent dans leur analyse les questions de productivité : la commercialisation, la consommation, etc.).

Les zootechnicien·ne·s s’intéressent au comportement de l’animal dans un espace donné, au bilan fourrager des formations pastorales, etc. Le parcours pastoral est donc perçu comme un espace de prélèvement de ressources par l’animal et l’élevage est vu comme une activité en parfaite liaison avec les autres activités, notamment l’agriculture. Les sciences humaines mettent l’accent sur les questions de lien entre les pratiques et l’organisation sociale. Il n’est donc pas question de se baser sur l’identification d’un type de mobilité pour déterminer l’organisation sociale des pasteurs. Le pastoralisme est donc une forme de production dans laquelle l’existence matérielle et la reproduction sociale d’un groupe s’organisent autour de l’appropriation, de l’exploitation et de la circulation du troupeau (Dangbet, 2015).

Les administrations coloniales militaires contre le mode de vie nomade

Le territoire militaire du Tchad a vu naître la première école française en 1911 à Mao dans la région du Kanem (Lanne, 1994 et 1998). Contrairement aux régions du Sud qui ont accepté cette école qui enseigne une langue et une culture étrangères, les régions du Centre et du Nord, majoritairement musulmanes, se sont beaucoup méfiées de l’école française. Et les populations n’étaient pas du reste (Khayar, 1976). Pour les nomades, la présence de l’administration coloniale française dans leur campement inspirait méfiance (rapport du colonel Duccaire/ANOM/AEF/AFFPOL/922/1918). En effet, arrivée pour la première fois sur le territoire tchadien, l’administration militaire regardait les éleveurs nomades avec un œil occidental. Pour elle, les populations nomades constituaient un problème par leur mobilité et il fallait, de ce fait, envisager de régler la sédentarisation (Dangbet, 2008). C’est donc dans ce sens que de nombreuses mesures dissuasives ont été prises à l’encontre des éleveurs transhumants (rapport du colonel Pegourier/ANOM/AEF/3D17/1912). On peut citer entre autres la réduction de la taxe sur les animaux pour les éleveurs qui acceptent de renoncer à la mobilité, la transformation des chefferies nomades (sédentarisation des chefs de tribu) (Barraud et al., 2001).

Des schémas pour diminuer l’amplitude de la transhumance ont été élaborés, notamment l’usage du passeport obligatoire pour les éleveurs qui veulent passer d’une région à une autre. L’administrateur colonial, le Colonel Largeau, a même proposé des sanctions sous forme d’impôt collectif pour les éleveurs qui ne respectent pas les consignes de l’administration. Ces derniers pouvaient même être expulsés du territoire du Tchad (Barraud et al., 2001). Pour ceux des éleveurs ne possédant pas d’habitation permanente, les taxes qu’ils payaient sur leurs animaux étaient délibérément augmentées (ibid.).

Clairement, pour les administrations coloniales de l’époque, il ne s’agissait pas de parler de développement du secteur de l’élevage ni des écoles en milieu nomade, mais davantage d’assurer l’autorité administrative envers des populations mobiles, insaisissables, qu’on ne peut pas facilement recenser, qui ne payent pas l’impôt, etc. Bref, une population qui, à leurs yeux, ne participe ni à l’économie ni à l’œuvre coloniale (rapport du colonel Largeau/ ANOM/GG/AEF/5D/21/1912).

Les nomades étaient considérés par l’administration coloniale militaire comme des sociétés hostiles à toute autorité dépassant celle de leur propre chef (Barraud et al., ibid.). C’est pour cette raison que le colonel Largeau dans ses rapports de 1912 met l’accent sur le contrôle administratif très labile des populations nomades. Pour lui, les nomades étaient dans un état de « vagabondage permanent » et qu’il fallait « absolument arrêter ce mouvement de va-et-vient qui rend toute administration impossible et favorise la fraude sous toutes ses formes » (Largeau, V.E., ANOM/GG/AEF/SD/21, 1912).

Le schéma politique de la sédentarisation des nomades a été abandonné par l’administration coloniale civile après les années 1950. Compte tenu de la rareté des ressources pastorales dans un Sahel qui subit régulièrement de grandes sécheresses, la nouvelle politique consistait plutôt à considérer le nomadisme comme un mode de vie dans un écosystème ou les ressources étaient rares. C’est dans ce contexte qu’est née l’idée de concilier les mobilités des pasteurs avec le déploiement des services de base pour accompagner la transhumance, notamment l’éducation.

Le processus de création des écoles pour enfants nomades au Tchad

Depuis la création de la première école en territoire du Tchad à Mao 1911 (Lanne, 1994 et 1998), quelques actions très limitées, mais organisées par les administrations coloniales en faveur des écoles-internats ont été essayées. Il s’agit des écoles essentiellement masculines visant les enfants des chefs des tribus nomades. La méfiance des éleveurs vis-à-vis de l’ensemble du système colonial a constitué un obstacle pour la diffusion de ces initiatives.

La première école pour enfant nomade dans la région du Batha : un test à l’échelle régionale

La création des écoles pour enfants nomades dans la région du Batha est une œuvre des administrateurs coloniaux comme Alex Loyzance et Christian Graeff (Loyzance, 2006). En effet, après la conquête armée (qui a commencé à partir de 1897), l’administration coloniale a progressivement déroulé ses services administratifs dans la colonie du Tchad. Durant les premières années de sa mise en place (du sud au nord à partir de 1900), elle avait quelques impératifs à régler. On peut citer, entre autres, la sécurité, l’administration effective du territoire et le contrôle des populations soumises ou à soumettre.

En effet, pendant les premières heures de la colonisation, les populations nomades étaient méfiantes vis-à-vis des nouveaux patrons des territoires du Tchad. Ces nomades étaient partagés en plusieurs royaumes centraux et autres groupements des villages. C’est ainsi qu’il y a eu la proposition d’une politique de sédentarisation des éleveurs à la suite d’une réflexion qui visait à comprendre pourquoi les éleveurs étaient mobiles et hostiles à l’administration coloniale. L’administration coloniale voulait que les éleveurs qui sont riches participent à l’œuvre de la colonisation en payant les impôts sur les personnes, sur les animaux, en se faisant recenser, etc. (Zakinet, 2008). Cette tendance à vouloir contrôler les éleveurs les a plutôt poussés à se méfier ou à rejeter l’administration coloniale.

La création des écoles pour enfants nomades dans la région du Batha participait à la volonté de vouloir faire inverser cette tendance à travers l’accès aux services de base. Selon Alex Loyzance (2006, p. 25), la première idée était de « créer les écoles nomades complètement intégrées au férick nomade et le suivant au gré de la transhumance et des points d’eau sur plusieurs centaines de kilomètres ». Cependant, cette proposition s’est révélée pour plusieurs raisons impossibles à tenir. Les deux administrateurs Alex Loyzance et Christian Graeff se sont repliés sur la création « des écoles pour enfants nomades ». C’est pour cette raison qu’Alex Loyzance déclarait :

Primitivement, nous avions espéré pouvoir créer des écoles nomades complètement intégrées au férick nomade et le suivant au gré de la transhumance et des points d’eau sur plusieurs centaines de kilomètres. Très rapidement, il est apparu que ce projet « ne tiendrait pas la piste » et nous nous sommes donc repliés, tant moi-même sur le Ditrict d’Oumhadjer Nomade de l’Ouadi Rimé que GRAEFF sur le Ditrict d’Oumhadjer Hadjer sur des écoles « pour enfants nomades » regroupant en un lieu dit les jeunes enfants de groupes appartenant à une même ethnie et empruntant les mêmes itinéraires de transhumance (Loyzance, 2006, p. 25).

Le principe retenu était, dès lors, de regrouper en un même endroit les enfants des éleveurs qui transhument ensemble et qui appartiennent un même kachimbeyt (lignage). Par exemple, les enfants des Arabes étaient regroupé·e·s à Karkour ou la majorité du kachimbeyt y passe durant les montées et les descentes (les mouvements nord et sud des éleveurs durant les deux saisons (sèches et pluvieuses).

Autour du campement qui abritait l’école, d’autres campements se sont installés, notamment des personnes âgées qui ne pouvaient pas continuer la transhumance dans le Grand Nord et surtout les mères des écolier·e·s qui se sont installé·e·s pour accompagner les enfants durant la saison scolaire. Les enfants n’étaient donc pas totalement coupé·e·s de leurs parents; contrairement à la pratique qui consistait à prendre les enfants des nomades dans les campements pour les inscrire dans un grand centre comme Ati, chez des parents et connaissances, à défaut d’avoir une école dans le campement. Les maîtres étaient également issus du Grand Nord et parlaient parfaitement l’arabe (Loysance, 2006).

Les écoles en milieu nomade après l’indépendance du Tchad en 1960

Au point de vue historique, il faut souligner que les écoles mobiles opérant dans les campements ont été initiées au Tchad en 1945 à l’époque coloniale dans le Batha. Ces écoles ont été ensuite étendues à d’autres régions comme le Kanem et le Salamat après l’indépendance du Tchad en 1960. Globalement, les écoles mobiles dans les campements ont fonctionné au début avec un succès relatif (Courcier et al., 2020).

À partir des années 1970, la guerre entre les forces gouvernementales du président Ngarta Tombalbaye et les insurgés du Front de libération nationale (FROLINAT) a créé l’insécurité dans le centre et le nord du pays, notamment dans les zones où les écoles nomades étaient implantées. Fuyant les rebelles et l’insécurité, les éleveurs se déplaçaient régulièrement de façon inhabituelle. Il ne s’agissait plus de la recherche saisonnière des ressources des ressources pastorales, mais il fallait se déplacer pour éviter les forces gouvernementales et les rebelles (Zakinet, 2015).

Dans les campements, les éleveurs étaient accusés par les forces gouvernementales d’abriter les rebelles et, en même temps, si c’est les rebelles qui prenaient les localités, ils accusaient les éleveurs d’avoir dévoilé leur position à la partie « ennemie ». Les éleveurs étaient donc pris entre les deux feux (Zakinet, ibid.). La présence d’un enseignement issu du sud dans les campements ne pouvait qu’être qualifiée comme un acte de collaboration avec le gouvernement ou l’ennemi.

Selon nos informateurs (Zakinet, ibid.), il était régulièrement arrivé que les éleveurs disparaissent pendant plusieurs mois dans la nature avec les enseignants affectés dans les campements, surtout pour ceux qui avaient décidé de remonter la région du Batha pour aller plus loin vers le septentrion. Depuis cette interruption liée à la guerre, les écoles dites nomades ou mobiles ont été abandonnées à cause de l’insécurité, au profit d’un système d’écoles sédentaires installées dans les villages et grandes agglomérations et pourvues d’internats, puis d’écoles fixes en milieu nomade sans succès. La scolarisation en milieu pastoral demeure un défi pour l’État tchadien. Il s’agit, dans la philosophie, de garder les enfants des pasteurs dans leur milieu social et économique.

Les évolutions observées ces dernières années en faveur des écoles nomades

Au Tchad, l’enseignement fondamental est déclaré obligatoire et cela a été consacré par la loi constitutionnelle de 1996. Il s’agit d’une réponse à une injonction extérieure, notamment aux exigences de la communauté des bailleurs de fonds qui soutiennent l’éducation. Toutefois, plus qu’une injonction du dehors, les gouvernements successifs avaient pris le soin d’inscrire le secteur de l’éducation nationale parmi les secteurs prioritaires de l’État.

La constitution de 1996 et la loi d’orientation du système éducatif de 2006

Concernant le secteur éducatif, il faut souligner que la première constitution du Tchad de l’ère démocratique (1996) s’inscrivait dans le processus des réformes de la scolarisation primaire universelle. Les articles 35, 36 et 38 de cette constitution précisaient que l’enseignement public est laïc et gratuit, l’enseignement fondamental obligatoire, l’enseignement privé s’exerce dans les conditions définies par la loi. Aussi le droit à l’éducation et à la formation a-t-il été reconnu à tou·te·s sans distinction d’âge, de sexe, d’origine régionale, sociale, ethnique ou confessionnelle. L’éducation constitue donc une priorité nationale absolue. L’État doit donc garantir l’éducation fondamentale à tous les jeunes de six à seize ans. Concernant les populations rurales avec les conditions et modes de vie spécifiques, la loi 16 portant orientation du système éducatif précise dans son article 21 que l’État tchadien doit créer des structures adaptées aux enfants profondément handicapé·e·s, ainsi qu’à ceux et celles des en milieux ruraux, notamment les nomades nécessitant des mesures particulières (loi 16 portant orientation du système éducation, 2006).

À partir des années 2000, il y a eu au Tchad une tendance à la prise de conscience au sujet de la non-scolarisation des enfants des éleveurs mobiles par les éleveurs eux-mêmes d’abord qui souhaitaient la création des écoles par l’État dans leur milieu, par les associations des éleveurs et des plateformes pastorales, dans un contexte international nourrit par le développement du terrorisme dans toute l’Afrique, sur fond de revendications identitaires et d’accès aux services de base par ceux et celles qui se sentent en marge du développement ( Courcier et al., 2020).

Au niveau du ministère de l’Éducation nationale, d’une manière générale, l’introduction à grande échelle du modèle des « écoles communautaires » a déclenché une transformation fondamentale du système scolaire au Tchad. Selon les statistiques, on estime aujourd’hui que l’école communautaire représenterait plus de 75 % du système national d’enseignement primaire, soit environ 30 % de l’effectif scolarisé (PASEC, 2016). Cette transformation a permis de limiter les dommages causés par le sous-financement dans lequel le système est plongé.

En effet, moins de 40 % du coût de l’enseignement primaire obligatoire est effectivement pris en charge par l’État. Cependant, en raison de l’absence d’un mécanisme d’évaluation de la performance réelle du système, il est difficile d’apprécier son efficacité. Même dans sa forme actuelle, le système scolaire maintient d’importantes disparités, tant en termes de disponibilité que de qualité du service. La rétention scolaire est particulièrement faible dans les zones rurales où 88 % des enfants de moins de 15 ans ont au mieux quitté l’école au niveau du CE2. En milieu nomade, la question de l’éducation est toujours caractérisée par l’absence d’un système adapté à la mobilité des éleveurs (rapport d’État sur le système éducatif tchadien, 2016).

La dynamique des dernières décennies dans les associations des éleveurs

Depuis l’exploitation des ressources pétrolières au Tchad en 2003, l’éducation a été classée secteur prioritaire par le gouvernement et bénéficie d’une attention soutenue de l’État et ses partenaires. Des investissements conséquents ont été déployés (infrastructures, réformes des programmes, etc.). Plusieurs réformes ont été engagées dans le cadre du développement des structures formelles de l’éducation nationale. Ces dernières années, une dynamique de plaidoyer en faveur de la promotion de l’éducation en milieu pastoral a été lancée par les Organisations pastorales (OP). En 2011, dans le cadre de la préparation du Colloque national « Politique Sectorielle du Pastoralisme au Tchad, quelles orientations? », un état des lieux de l’éducation en milieu nomade au Tchad a été réalisé avec le soutien de la Direction générale du développement de l’élevage et de la Direction de l’organisation pastorale et de la sécurité des systèmes pastoraux.

Le Comité de suivi des recommandations du colloque a donc été à l’origine de la mise en place de la Plate-forme pastorale du Tchad qui devait œuvrer pour les actions en faveur de l’accès des pasteurs aux services de base, notamment à l’éducation. C’est donc cette plateforme qui a été à l’origine de la création de la Direction de la promotion des écoles nomades, insulaires et des enseignements spécialisés (DPENIES) au ministère de l’Éducation nationale et de la Promotion civique (MENPC).

Rappelons que le colloque de N’Djamena de 2011 a été précédé par une réunion de haut niveau à Nouaktchott la même année au cours de laquelle une déclaration commune à tous les pays du Sahel a été adoptée. En effet, tous les pays du Sahel et leurs partenaires ont rappelé l’importance du développement de l’éducation en milieu nomade dans cet immense espace actuellement en crise.

Le colloque national de 2013 sur le thème « Élevage pastoral : une contribution durable au développement et à la sécurité des espaces saharo-sahéliens » est venu renforcer les initiatives lancées en faveur du développement de l’élevage pastoral au Sahel de manière générale et au Tchad en particulier. Dans l’un des points contenus dans la déclaration de N’Djamena sur l’apport de l’élevage pastorale à l’économie des pays de la zone saharo-sahélienne, il est mentionné ceci : « les hommes et les femmes engagés dans l’activité d’élevage mobile doivent bénéficier d’un accès équitable aux services de base (éducation, santé, eau, nutrition), au droit, et à la représentation aux différents échelons de la vie publique »; « intensifier la recherche d’innovation dans les politiques publiques d’éducation de base et de formation professionnelle des jeunes des espaces saharo-sahéliens ».

La création de la DPENIES était censée apporter une correction aux difficultés éprouvées par le système éducatif centré sur la sédentarité qui ne prend pas en compte la spécificité des éleveurs mobiles à se projeter sur la recherche d’un système mieux adapté à la mobilité. Malheureusement, cette direction ne pouvait effectuer sa mission sans un financement adéquat. Finalement, la question de l’éducation en milieu nomade reste posée.

En plus des dispositifs expérimentaux que nous venons de citer, il faut souligner qu’il existe d’autres dimensions importantes de l’éducation de l’enfant qui se situent en dehors du système scolaire. Des dispositifs liés à l’apprentissage par l’expérience ou au sein de la famille, entre pairs, dans des contextes sociaux plus larges.

Quant à l’éducation formelle, le système scolaire ne constitue qu’un système parmi d’autres, lui-même est en pleine adaptation par rapport au modèle traditionnel de l’enseignant·e devant sa classe. La scolarisation « à la maison » (home schooling), organisée par certain·e·s parents en dehors du système scolaire, est désormais légale dans 40 pays, dont le Kenya et l’Afrique du Sud, l’Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et les États-Unis. De plus en plus, là où les infrastructures le permettent, l’apprentissage ouvert et à distance, en ligne, sur tablettes (e-learning) ou avec les téléphones mobiles (mlearning), s’intègre progressivement aux activités scolaires (Saverio et Zakinet, 2018). Depuis 1951, l’Australie offre l’ensemble du programme d’enseignement primaire et secondaire par des moyens d’apprentissage à distance, à commencer par la « School of the Air » (l’école « de l’air », par la radio), pour le Territoire du Nord peu peuplé. Aujourd’hui, le service est en ligne et couvre tout le pays sauf la Tasmanie (ibid.)

L’appui des partenaires du Tchad pour tester des écoles pilotes en milieu nomade

Dans le cadre des recherches alternatives à la question de l’éducation en milieu nomade, certains partenaires techniques et financiers se sont intéressés à ce sujet. Ils ont financé des volets à l’intérieur des projets et programmes, des actions en faveur de l’éducation en milieu nomade. Il s’agit des partenaires comme la Coopération suisse, le Fonds d’urgence des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), l’Agence française de développement (AFD), etc. Pour cet article, nous avons choisi d’analyser l’appui de l’AFD au financement des écoles pilotes en milieu nomade à travers le Programme PASTOR (Programme d’appui structurant de développement pastoral).

Un dispositif expérimental des écoles pilotes en milieu nomade financé par l’Agence française de développement

En effet, le projet PASTOR est un programme structurant pour le développement de l’élevage pastoral au Tchad logé au ministère de l’Élevage et des Productions animales (MEPA). Ce programme a pour objectif de « contribuer à l’utilisation rationnelle et durable des ressources pastorales en prenant en compte les besoins des populations locales et réduisant ainsi leur pauvreté et leur vulnérabilité en zone pastorale et agro-pastorale »[1]. Au-delà de la création des infrastructures pastorales, l’une des composantes du programme s’occupe de l’amélioration des politiques publiques (éducation, santé mixte en milieu pastoral, foncier pastoral, etc.).

Dans la mise en œuvre de cette composante, il a été décidé de soutenir des actions pilotes pour tester l’efficacité de plusieurs systèmes d’éducatifs en milieu pastoral. En collaboration étroite avec le ministère de l’Éducation nationale, le programme PASTOR a appuyé des actions d’éducation en milieu nomade. C’est ainsi que dix écoles « pilotes », dont huit écoles « mobiles » ont été créées en 2019 dans cinq provinces avec l’appui des fédérations provinciales d’éleveurs. Le choix des provinces était basé sur la diversité des zones agro-écologiques, du système d’élevage, ainsi que des sociétés. Ces écoles « pilotes » sont des écoles « communautaires pastorales » qui sont insérées dans l’éducation nationale en suivant ses principes (formation des enseignant·e·s, inspections, manuels et orientation pédagogique) et en favorisant la participation des fédérations provinciales des éleveurs comme partenaires locaux, avec des essais à faire dans plusieurs zones pastorales proposées comme suit :

  • Salamat (avec des pasteurs qui se déplacent entre le Salamat et le Sila ou le Guéra);
  • Dar Sila (avec des pasteurs qui se déplacent dans le Sila et aussi au Salamat);
  • Guéra (avec des pasteurs qui se déplacent entre le Guéra et le sud Batha);
  • Wadi Fira (pour les pasteurs qui se déplacent à l’intérieur d’Arada).
  • Mandoul (pour les pasteurs qui se déplacent vers Goundi dans la plaine du Mandoul)

Une convention a été signée entre le Programme d’appui structurant du développement pastoral (PASTOR) du ministère de l’Élevage et des productions animales (MEPA) et la Direction de la promotion des écoles nomades, insulaires et enseignements spécialisés et de la promotion civique (DPENIES) du ministère de l’Éducation nationale et de la promotion civique (MENPC). Couvrant une période de trois ans (2018-2021), cette convention définit et fixe les conditions de partenariat entre les deux parties pour la mise en place des actions « pilotes » dénommée « écoles communautaires en milieu pastoral ». Une année après le démarrage effectif des écoles pilotes en milieu nomades, une mission d’évaluation est partie sur le terrain pour constater comment fonctionnent ces écoles. Cette évaluation concerne l’ensemble des écoles pilotes. L’analyse du rapport de mission fait ressortir un certain nombre d’éléments positifs et des inquiétudes : l’instabilité des nomades et les difficultés d’adaptation des enseignant·e·s et leur surcharge (Courcier et al., 2020; Zakinet Dangbet et al., 2021).

Analyse des conclusions de l’évaluation externe

Durant la deuxième année, après l’évaluation interne par les services du projet PASTOR et les services du ministère de l’Éducation nationale à travers la Direction des écoles nomades, une deuxième évaluation a été menée par une équipe externe pilotée par deux enseignants-chercheurs. Deux écoles pilotes ont été choisies pour cette évaluation : il s’agit de l’école pilote du Bahr Azoum dans la province du Sila et de l’école pilote d’Aboundouroua dans la province du Guéra.

A priori, pour une école pilote test, on peut dire que l’école du Bahr-Azoum fonctionne selon les dispositions d’une école en milieu nomade. Une tente en bâche sert de salle de classe. L’école est tenue par un enseignant qui gère deux niveaux : le CP1 et le CP2. Les élèves sont assis dans la même salle comme cela se passe dans de nombreuses écoles rurales du Tchad. L’espace est bien nettoyé comme la cour d’une école et en face de la tente flotte le drapeau de la République du Tchad.

Concernant les conditions de travail, l’enseignant est doté d’une chaise, d’une table, d’un tableau et exerce son travail dans des conditions acceptables malgré la situation exceptionnelle dans laquelle se trouvent les écoles nomades. Malgré les conditions dans laquelle fonctionne l’école nomade du Bahr-Azoum, qu’on peut qualifier d’acceptable, de nombreuses difficultés sont à relever. Il s’agit entre autres du problème de distance. En effet, les cours commencent dans cette école à 8h00. Pour les élèves qui habitent dans le campement qui abrite l’école, il n’y a pas de problème. En brousse, les enfants se lèvent généralement très tôt pour assurer leurs nombreuses tâches. En revanche, il est difficile pour les élèves qui habitent dans les campements un peu éloignés d’arriver à l’heure.

Les élèves habitant les campements éloignés (plus d’une heure de marche) arrivent à l’école autour de 9h après avoir accompli préalablement certaines tâches quotidiennes comme s’occuper des vaches, traire le lait, aller chercher de l’eau pour la famille dans des puits ou rivières éloignés. À une certaine heure de la journée (10h-11h), quand il commence par faire chaud, la tente en bâche chauffe également, le maître fait sortir les élèves pour continuer les cours sous un arbre. Pour les élèves qui sont éloignés du campement qui abrite l’école, il ne se pose pas seulement le problème de retard, mais aussi des absences délibérées à cause de la fatigue. Un·e élève du CP1 qui, après avoir fait 4 heures de marche pour aller à l’école en aller et retour, ne revient plus le lendemain à cause non seulement de la fatigue, mais également des autres tâches qu’il ou elle est appelé·e à assumer malgré son jeune âge. Il arrive régulièrement que les parents soustraient momentanément leurs enfants de l’école pour des tâches prioritaires, notamment la surveillance des animaux.

Dans les campements, les tâches prioritaires pour les parents et les enfants restent la charge des animaux, la recherche de l’eau ou du pâturage. Les autres tâches comme aller à l’école sont très secondaires. Au niveau de l’école, avant de démarrer les cours, le maître doit s’assurer de la disponibilité de l’eau dans les jarres. Durant la première recréation, il soustrait deux jeunes des cours pour aller ramener de l’eau et remplir la les jarres (30 à 45 minutes de marche). Du coût, ceux et celles qui sont parti·e·s chercher de l’eau manquent les enseignements et il n’y a pas de rattrapage.

Au cours de la deuxième recréation, le maître choisit encore parmi les élèves deux autres pour aller chercher de l’eau. À la fin de la journée scolaire, sur l’effectif présent à l’école, 4 élèves manquent chaque jour les enseignements durant une recréation. Au-delà de la distance et du problème d’eau, un autre problème de taille se pose : il s’agit de la restauration des enfants, car il n’y a pas à manger à l’école. Certain·e·s élèves viennent à l’école avec des gourdes chargées de mil pénicillaire mélangé avec un peu d’eau qu’ils déposent au soleil et le mangent pendant la recréation.

Tableau 1. Nombre d’enfants inscrit·e·s officiellement à l’École nomade du Bahr Azoum

Niveau CP1 % CP2 %
Garçons 32 42,67 16 69,57
Filles 43 57,33 7 30,43
TOTAL 75 100 23 100

Source : enquête de terrain, mai-juin 2021

Le premier tableau nous montre que l’effectif des élèves inscrits dans le registre à l’école nomade de Bahr Azoum est de 75 au CP1, dont 43 filles, et 23 au CP2, dont 16 garçons. L’effectif total est de 98 élèves. Le second tableau présente la copie réelle au moment où les enquêteurs étaient sur le terrain. Sur un effectif total de 75 élèves inscrit·e·s au CP1 au titre de l’année scolaire 2020-2021, 62 enfants, soit 82,66 % étaient régulier·e·s en classe pendant le séjour des enquêteurs dans le campement pour évaluer le fonctionnement de cette école. Les treize (13) autres sont en moyenne absent·e·s pendant toute cette période, soit un taux de déperdition de 17,33 %. Par contre, au CP2, les 23 élèves inscrit·e·s étaient régulier·e·s en salle pendant la période de l’étude.

Tableau 2. Effectif moyen des enfants présent·e·s à l’école de Bahr Azoum durant les séjours de l’enquête

Niveau CP1 % CP2 %
Garçons 28 37,33% 16 69,57%
Filles 34 45,33% 7 30,43%
TOTAL 62 82,67% 23 100%

Source : enquête de terrain, mai-juin 2021

Si l’on fait une analyse globale, on peut dire qu’il y a une volonté officielle générale observée ces dernières années chez les éleveurs et les parents d’élèves de l’école pilote du Bahr Azoum qui aimeraient saisir l’opportunité que leur offre le projet en créant une école dans leur campement. À l’échelle de ce campement, le nombre des inscrit·e·s est plutôt encourageant. Cependant, il ne faut pas négliger la déperdition. L’effectif des élèves qui abandonnent au cours d’une année est également considérable.

Globalement, on peut donc légitimement s’interroger sur la réalité et l’effectivité du fonctionnement de ces écoles pilotes, surtout la possibilité de maintenir tou·te·s ces inscrit·e·s à l’école durant toute la l’année et durant tout un cycle. Les obstacles sont nombreux : les tâches obligatoires pour tou·te·s les enfants (garçons comme filles), la distance à parcourir pour certain·e·s enfants éloigné·e·s pour venir tous les jours à l’école, etc. On peut aussi questionner la volonté des parents d’élèves à financer les charges des écoles (payer le salaire du maître, payer les équipements, etc.) sur fonds propres comme le font les autres parents des écoles communautaires sédentaires.

Ayant été nous-mêmes sur le terrain pour constater le fonctionnement de ces écoles, nous avons eu dans notre esprit de doutes sur la sincérité des informations que nous donnent ceux et celles qui gèrent au quotidien ces écoles en absence des responsables du projet et des responsables du ministère de l’Éducation. Ce doute est aussi partagé par certains inspecteurs départementaux qui suivent ces écoles pilotes dans leurs zones. On a assisté à une sorte d’opération de communication pour démontrer sous nos yeux que l’école fonctionne, alors qu’en posant quelques questions, on constate tout de suite qu’il n’en est rien. On peut même dire sans se tromper que ces écoles communautaires pilotes en milieu nomade s’arrêteront après la fin du projet. Lors d’une réunion avec les parents d’élèves sincères, ils et elles nous ont affirmé qu’ils et elles ne pourraient pas financer les écoles sans l’aide des projets ou de l’État.

Analyse des écoles nomades d’Aboundouroua dans le Guéra

Nous présentons ci-dessous l’exemple de l’école nomade d’Aboundouroua dans le Guéra. Après analyse des données d’enquête de terrain, on peut affirmer que la situation de l’école pilote d’Aboundouroua (province du Guéra) est semblable, à quelques exceptions près, à celle de l’école pilote du Bahr Azoum, en ce qui concerne les difficultés notamment. Les cours se déroulent sous une tente en bâche. Le maître tient les deux classes dans la même tente (CP1 et CP2). Ces difficultés sont liées à la distance à parcourir par certain·e·s élèves pour arriver à l’école et d’autres contraintes comme aller chercher de l’eau pour la famille, emmener les animaux aux pâturages et à l’abreuvement, la difficulté des parents à s’engager pour la prise en charge de cette école après la fin du projet, les difficultés quotidiennes du maître qui se trouve dans une condition de vie exceptionnelle (vivre dans un campement d’éleveurs qui est coupé de tout) et est éloigné de sa famille.

Tableau 3. Nombre des élèves officiellement inscrit·e·s à l’école pilote d’Aboundouroua

Niveau CP1 % CP2 %
Garçons 31 58,49 25 55,55
Filles 22 41,51 20 44,45
TOTAL 53 100 45 100

Source : données présentées par l’enseignant, juin 2021

L’école nomade d’Aboundouroua au Guéra

Contrairement aux campements de l’école du Bahr-Azoum, quand les enquêteurs sont arrivés, la plupart des campements qui avaient inscrit leurs enfants à l’école d’Aboundouroua étaient partis vers d’autres zones puisque le pâturage et l’eau commençaient par manquer sur ce site. Ce qui nous amène toujours à poser la question suivante : comment maintenir les enfants à l’école durant toute l’année scolaire alors que la priorité absolue des parents c’est d’abord l’eau et le pâturage pour les animaux? Les élèves peuvent être inscrit·e·s, mais il n’est pas exclu que les parents les retirent de l’école pour d’autres tâches prioritaires à leurs yeux. Si le besoin de partir pour aller chercher du pâturage se fait sentir, plusieurs chefs de famille peuvent quitter le site en pleine année scolaire spontanément pour aller très loin vers d’autres endroits. Les enfants seront donc retiré·e·s de l’école et le maître n’y pourra rien faire.

Il ressort de ce tableau qu’il y a 98 élèves inscrit·e·s à l’école d’Aboundouroua dont 53 au CP1 et 45 au CP2. Sur cet effectif, on dénombre 42 filles (soit 42,86 % de l’effectif total de l’école), 22 au CP1 (41,51 % de l’effectif de la classe) et 20 au CP2 (soit 44,45 % de l’effectif de la classe). Comme observé à l’école pilote du Bahr-Azoum, l’effectif d’élèves sur la liste officielle à l’école d’Aboundouroua diffère de l’effectif des élèves présent·e·s lors de l’enquête. Le tableau suivant le confirme.

Tableau 4. Effectif moyen d’élèves présent·e·s à l’école d’Aboundouroua durant le séjour des enquêteurs

Niveau CP1 % CP2 %
Garçons 08 15,13 05 11,11
Filles 10 18,87 02 04,44
TOTAL 18 34 07 15,55

Source : enquête de terrain, juin 2021

Il ressort de ce tableau que 25 élèves (soit 25,51 %) sont en moyenne présent·e·s en classe, 18 au CP1 (34% de l’effectif total des inscrit·e·s) et 07 au CP2 (15,55%). On note en moyenne plus de la moitié des élèves sont absents durant la période où les enquêteurs étaient sur le terrain (soit environ 55%). Sur l’effectif présent au moment de l’enquête, il y a 12 filles dont 10 au CP1 et 02 au CP2.

Cette décroissance de l’effectif des élèves s’explique en grande partie par le départ de certain·e·s de leurs campements vers d’autres à la recherche de l’eau et du pâturage. Ce qui nous amène à préciser que pour les éleveurs, la scolarisation des enfants ne constitue pas encore une véritable priorité; contrairement aux vaches qui représentent leur richesse. Pour l’école d’Aboundouroua, il y a un autre facteur particulier qui peut aussi expliquer la décroissance du nombre des élèves : l’école a été déplacée du premier site plus central et proche de tous les campements pour un autre site plus excentré, mais proche du campement du chef de ferik et du campement des l’Association des parents d’élèves (APE).

À cause de l’éloignement de l’école, certain·e·s parents ont décidé de retirer leurs enfants. Un autre aspect du dysfonctionnement de l’école d’Aboundouroua qu’il faut signaler est le fait les éleveurs de cette unité de transhumance n’appartiennent pas à la même communauté, mais plutôt à de différents lignage (kachimbets). Par conséquent, il n’y a pas de cordialité entre ces kachimbeyt comme on l’a constaté dans le Bahr Azoum où les éleveurs sont issus d’un même lignage.

Un autre phénomène de l’environnement immédiat qui a découragé les parents d’élèves de l’école d’Aboundouroua, c’est qu’à deux kilomètres de leur école, il y a une autre école soutenue par le Programme alimentaire mondial (PAM). Dans cette école, on distribue de la nourriture aux élèves alors qu’il n’y a pas de distribution de repas dans leur école; ce qui apparaissait à leurs yeux comme une injustice. Lors de notre mission d’évaluation, plusieurs parent·e·s ont soulevé cette question. À cause de cette école du PAM, certain·e·s parents de l’école d’Aboundouroua ont décidé de retirer leurs enfants. Ils et elles ont estimé qu’il y avait deux poids deux mesures dans cette « affaire des Blancs ». Nous avons échangé avec le responsable de l’APE et le Secrétaire général de la fédération des éleveurs à ce sujet et ils ont promis de sensibiliser les parent·e·s et ramener l’école à son ancien site pour ramener l’engouement de départ.

Les leçons qu’on peut tirer de la mise en place des écoles pilotes

Après avoir visité une partie des écoles pilotes lancées dans les campements mobiles dans le cadre de la recherche d’un système éducatif adapté à la mobilité des éleveurs, nous pouvons tirer quelques leçons de notre analyse croisée. Globalement, on peut affirmer que les éleveurs de 2022 ne sont plus les éleveurs de 1900 en ce qui concerne l’appréciation de l’école moderne. Les éleveurs d’aujourd’hui comprennent parfaitement le bien-fondé de l’école moderne pour leurs progénitures.

Cependant, cela ne veut pas forcément dire que les nombreux doutes sur la question de la capacité de l’État tchadien à financer un dispositif des écoles adaptées à la mobilité des éleveurs sont levés (déploiement des enseignant·e·s, matériel didactique, capacité des éleveurs à s’adapter de manière durable à ce dispositif). En effet, toutes les statistiques du ministère de l’Éducation nationale indiquent que, à défaut d’une prise en charge complète de l’école tchadienne par l’État, le système éducatif tchadien est pris en charge à 80 % par les parent·e·s d’élèves et les 20 % sont pour l’État. Ce sont les communautés qui payent l’éducation de leurs enfants.

À ce niveau, d’après notre analyse du fonctionnement des écoles pilotes installées dans les campements mobiles, les éleveurs mobiles ne sont pas encore prêts à financer eux-mêmes l’éducation de leurs progénitures. Malgré les gages qu’ils donnent allant dans le sens de la prise en charge du système d’éducation installé dans leurs campements après la fin du projet pilote, en réalité, de nombreux chefs de campement nous disent qu’ils ne sont pas tout à fait prêts à se substituer à l’État compte tenu de leur condition de vie mobile. Ils estiment les écoles devraient être prises en charge par l’État ou les projets qui financent le dispositif d’éducation en milieu nomade.

Il faut par ailleurs signaler que les parent·e·s ne laissent pas leurs enfants suivre les cours d’un cycle complet sans interruption dans les écoles nomades. Quoi qu’on dise, pour l’instant, la priorité des priorités pour les éleveurs reste les troupeaux. Ils acceptent l’éducation des enfants, mais pas à n’importe quel prix, surtout pas au détriment du quotidien qui est de s’occuper des vaches. La preuve c’est que plusieurs enfants inscrit·e·s à l’école ont été retirés, dès la première année de la mise en place du dispositif, pour s’occuper d’autres tâches jugées indispensables par les parents (garde des animaux, recherche de l’eau, tâches ménagères, etc.). Dans d’autres cas, les enfants inscrit·e·s quittent avec leurs parents du campement où est implantée l’école vers d’autres zones plus riches en pâturage.

La troisième difficulté, pas des moindres, concerne la capacité des enseignant·e·s recruté·e·s d’enseigner dans les écoles pilotes et à s’adapter au mode de vie contraignant des éleveurs nomades. Dans les campements, tout peut manquer : eau potable, centre de santé, marché, réseau téléphonique, sécurité, etc. Durant la visite de l’école pilote, on a compris qu’au-delà de la mobilité de façade, les écoles pilotes mobiles ne fonctionnent réellement au quotidien que sur le modèle des écoles sédentaires. Pour de multiples raisons, l’enseignant·e peut quitter le campement pour régler ses problèmes personnels dans les grands centres (problèmes familiaux, cas de décès, santé, etc.). Il n’y a pas d’autorité pédagogique au-dessus de l’enseignant·e pour surveiller au quotidien la délivrance et le contenu du cours qu’il ou elle dispense.

Globalement, après plus de deux ans de fonctionnement, les écoles pilotes mobiles ne nous rassurent pas du tout par rapport aux nombreuses difficultés soulevées. La question principale demeure : quel système éducatif peut-on adapter à la mobilité des éleveurs? Au-delà du test du projet pilote de PASTOR, de nombreux projets abandonnés ou en cours ont été menés par d’autres ONG et associations communautaires tchadiennes. Pour les ONG, on peut par exemple citer l’initiave de la Coopération suisse dans la région du Batha, à partir des années 2000, qui a été malheureusement abandonnée faute de résultats et de financement; on peut également citer l’expérience de l’ONG Sud Africaine dénommée African Parks Network (APN). Cette ONG a en réalité la charge de la protection du parc national de Zakouma. Cependant, elle a eu l’ingénieuse idée de faire participer les éleveurs qui transhument à la gestion du parc. L’ONG a implanté des écoles mobiles dans les campements qui sont autorisés à transhumer autour du parc. En retour, les éleveurs leur fournissent toutes les informations concernant des mouvements suspects d’hommes armés qui attaquent les animaux du parc. Dans la même logique, certaines associations pastorales ont ouvert des écoles dites nomades dans certaines régions comme le Salamat, le Batha, etc. Cependant, ces écoles qui portent juste le nom d’« écoles nomades » sont en réalité sédentaires. Elles sont installées dans les grands centres (exemple de l’école nomade du Salamat installée dans le chef-lieu de la région) et fonctionnent exactement comme les écoles sédentaires traditionnelles. Les promoteurs sont juste issus de la communauté des éleveurs. Elles accueillent par moment les enfants des éleveurs mobiles qui traversent la zone lors des traditionnelles transhumances, mais les parents ne laissent pas les enfants inscrit·e·s terminer un cycle complet. Ils les remplacent par d’autres enfants qui avaient la charge de la garde des animaux. Ces écoles nomades-sédentaires ne sont pas adaptées à la mobilité des éleveurs. Les éleveurs ne sont pas également prêts à accepter de laisser leurs enfants dans une école éloignée dans campements, car ces enfants ont dès leur bas âge la charge de garder les vaches.

Conclusion

Les éleveurs nomades ont toujours fasciné l’administration coloniale par leur mode de vie exceptionnel caractérisé par la mobilité. Des tentatives de sédentarisation forcée ont été mises place pour obliger les nomades à participer à la vie publique et à la citoyenneté (paiement des impôts, recensement, scolarisation des enfants, etc.) et elles se sont soldées par un échec. Les relations entre l’administration coloniale et les nomades étaient dans un premier temps caractérisées par la méfiance des éleveurs. Elles vont évoluer positivement dans un deuxième temps avec la création des chefferies nomades. Cependant, concernant la délivrance des services de base, notamment l’éducation, au-delà de la méfiance des éleveurs vis-à-vis des éleveurs nomades qui va tout de même évoluer, c’est la stratégie et les moyens matériels et humains à mettre en place qui posent un problème de nos jours. Ce n’est pas tant le refus systématique des nomades d’aller à l’école moderne ou française qui est un problème comme on pourrait le penser.

Après l’indépendance du Tchad en 1960, l’essai de déploiement des écoles dans les campements nomades dans certaines régions a plutôt enregistré un succès (même si ce succès était relatif) dans un premier temps. Malheureusement, le dispositif mis en place par l’État pour délivrer l’enseignement aux populations nomades a été abandonné à partir des années 1970 à cause de l’insécurité puisque les régions sahéliennes et sahariennes du Tchad étaient sillonnées par de nombreuses rébellions. Il n’était plus possible de faire fonctionner un tel dispositif expérimental dans des zones où l’État central n’avait plus de contrôle.

À partir des années 2000, il y a eu une multiplication des initiatives communautaires en faveur de la création des écoles sur toute l’étendue du territoire national. Avec l’exploitation du pétrole en 2003, l’éducation nationale est devenue la priorité des priorités de l’État et le budget du ministère de l’Éducation nationale a été largement augmenté. Cependant, cette ferveur nationale autour du système éducatif n’a pas pour autant déclenché une action en faveur de l’éducation en milieu nomade. La loi d’orientation du système éducatif recommande que tou·te·s les jeunes puissent bénéficier de l’éducation sur l’ensemble du territoire.

Avec le déclenchement des crises dans le Sahel, des Organisations non gouvernementales, des plateformes pastorales ont plaidé en faveur des actions pour l’éducation en milieu nomade. Il y a eu de nombreux essais et de nombreuses études ont été réalisées sur cette question. Quelques ONG (Coopération Suisse, UNICEF) et projets (PASTOR) intervenant dans le milieu nomade ont financé des dispositifs tests d’école en milieu nomade. Cependant, la difficulté demeure la même : comment diffuser un dispositif d’école en milieu nomade aussi complexe pédagogiquement et financièrement lourd?

L’État ne semble pas avoir les moyens pour financer un tel dispositif étant donné que l’école tchadienne est prise en charge à 80 % par les communautés elles-mêmes. Plusieurs partenaires au développement ne sont pas prêts pour l’instant à financer un dispositif d’école en milieu nomade. Le véritable problème posé par les expériences d’écoles nomades, avec ou sans succès, c’est la capacité de l’État tchadien à supporter et à pérenniser durablement un tel dispositif budgétivore mis en place sur toute l’étendue du territoire.

***

ZAKINET Dangbet, Laboratoire des sciences historiques, archéologiques et du patrimoine (LASHAP), Université de N’Djamena – dangbet_zak@yahoo.fr

GONDEU LADIBA, Laboratoire des dynamiques politiques, sociales et des savoirs endogènes (LADYPSE), Université de N’Djamena – gondeu.ladiba@gmail.com

Mahamat MEY MAHAMAT, Laboratoire des sciences historiques, archéologiques et du patrimoine (LASHAP), Université de N’Djamena – mahamatm2008@yahoo.fr

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