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Présentation. Regards pluriels sur la frontière à l’Extrême-Nord du Cameroun

Ce numéro spécial de la revue Rhumsiki rassemble une part importante des travaux réalisés dans le cadre des grands programmes de recherche de la Faculté des Arts, Lettres et Sciences Humaines de l’Université de Maroua. Entre 2019 et 2020, un groupe de chercheurs et chercheuses de différentes chapelles disciplinaires ont bénéficié d’un soutien financier de cette institution universitaire pour réfléchir collectivement et proposer leur entendement de la notion de frontière ancrée à la réalité sahélienne de la région de l’Extrême-Nord. Les quatorze études de ce dossier, réunies sous la thématique « Regards pluriels sur la frontière à l’Extrême-Nord du Cameroun, ambitionne dès lors de rendre compte des multiples facettes de la frontière dans cette région stratégique pour le Cameroun et le bassin du lac Tchad.

Le comité de rédaction de la revue s’est alors proposé d’organiser ce dossier spécial en deux grandes sections. La première, intitulée « Frontière disruptive : le défi sécuritaire », explore les tensions, les violences et les vulnérabilités contemporaines liées à la porosité des lignes frontalières et à la fragilité des dispositifs étatiques. Les contributions réunies dans cette partie analysent, chacune à leur manière, les formes de déstabilisation engendrées par l’insécurité transfrontalière et leur impact sur les populations.

Joseph Woudammiké examine comment les flux migratoires liés à Boko Haram ont favorisé la résurgence de maladies éradiquées comme la poliomyélite. Aimé Raoul Sumo Tayo et Gigla Garakcheme proposent une lecture géopolitique de l’extension de l’insurrection terroriste Boko Haram dans le bassin du lac Tchad et les monts Mandara, en lien avec les dynamiques frontalières. Joël Mbring, pour sa part, s’intéresse à la sécurisation du pipeline Tchad-Cameroun, révélatrice de la tension née des enjeux nationaux et logiques transnationales. Paul Basile Odilon Nyet et Ousmanou Abdou, quant à eux, interrogent la résilience des éleveurs face aux violences armées. Jeremie Diye met en lumière les formes endogènes de résolution des conflits fonciers, tandis que Gilbert Willy Tio Babena et Warayanssa Mawoune proposent un jeu de données inédit sur les stigmatisations dont sont victimes les déplacé·e·s et réfugié·e·s.

La seconde section, « Frontière ficelante : les opportunités économiques et sociales », donne à voir la frontière comme lieu de création, d’échanges, d’imagination et de résilience. Elle aborde les multiples formes de dépassement, de contournement ou d’appropriation des limites imposées.

Samuel Kamougnana ouvre cette séquence avec une réflexion sur les représentations locales de la frontière chez les peuples des monts Mandara. Ndjidda Ali propose une relecture historique des dynamiques urbaines et des coopérations entre Yagoua et Bongor. Jean-Marie Datouang Djoussou, en archéologue, montre comment les anciens culturescapes structurent l’occupation de l’espace au nord du pays. Hamadou analyse la manière dont les architectures vernaculaires traduisent symboliquement les notions de barrière, de limite et d’appartenance.

Mahamat Abba Ousman, en s’appuyant sur les pratiques culturelles des peuples de la vallée du Logone, propose une critique implicite des frontières coloniales. Jean Gormo met en évidence les fonctions symboliques et sociales des plantes comme marqueurs de territoire. Enfin, Crépin Wowé retrace l’histoire des revendications foncières entre les Toupouri du Tchad et du Cameroun, pour mieux comprendre les conflits transfrontaliers enracinés dans la période coloniale.

Le temps mis pour la publication de ce dossier spécial s’explique principalement par la qualité des études qui ont nécessité quelquefois un travail de terrain long et des allers-retours entre le labo et le terrain pour vérifier certaines hypothèses de recherche. À cela, il a fallu ajouter le temps nécessaire à l’évaluation des papiers par des experts et expertes des différents domaines représentés ici. Pour certains travaux, le comité de rédaction a parfois invité les praticiens à se prononcer pour confronter la théorie à la praxis. Consciente que cette démarche a pu peser sur son calendrier de publication et sur l’actualité de certaines références mobilisées par les auteurs et autrices, l’équipe éditoriale de la revue Rhumsiki tient toutefois à rassurer son lectorat de la qualité du produit finale. Il ne fait pas de doute que le sujet demeure d’actualité et présente un intérêt pour les académiciens et les organisations qui ont pour terrain d’expertise et d’action l’Extrême-Nord du Cameroun.

Le Comité de rédaction

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