7 Otmane Benzekri

Marie Catherine Martel

 Otmane est un jeune homme de 37 ans d’origine marocaine, natif de la ville de Sidi Kacem, située en plein cœur du pays. Il a fait le grand saut en juillet 2009 pour venir s’installer dans la région de Lanaudière au Québec, où il est resté pendant six ans. Cette grande aventure, qui a connu plus de hauts que de bas, est un bel exemple de courage et une belle démonstration de vivre-ensemble.

Diplômé en linguistique d’une université marocaine, Otmane travaillait dans ce domaine depuis quelques années. C’est grâce à ses amis, immigrants au Canada, qu’il découvrit le Québec. En effet, pendant l’été, ses amis revenaient au pays pendant leurs vacances et vantaient le Québec comme étant un endroit où il fait bon vivre. Ayant soif d’aventure et recherchant une meilleure qualité de vie, c’est à ce moment qu’Otmane commença à s’intéresser au Canada.

Le début d’une grande aventure

Peu à peu, l’idée de quitter son pays d’origine et d’immigrer au Canada s’est imposée. Il a donc commencé par remplir le questionnaire de demande d’immigration. Ce questionnaire était assez spécifique et demandait, entre autres, le niveau d’études, l’état matrimonial, la profession, le salaire, etc. Selon Otmane, le programme d’immigration Canada est exigeant dans la sélection des immigrants. En effet, des études de niveau universitaire étaient requises. « Le Canada choisit la crème des immigrants! », affirme-t-il. Quelques jours plus tard, il recevait une réponse positive. Toutefois, la procédure jusqu’à son terme prit deux ans.

Otmane continuait sa vie au Maroc lorsqu’un jour Immigration Canada lui téléphona et lui annonça la grande nouvelle. Il dut alors se rendre à l’Ambassade du Canada au Maroc récupérer son visa. À son arrivée, une séance d’information de quelques heures était prévue. Elle a débuté par une courte vidéo sur le Canada : son histoire, sa géographie, les habitudes et les coutumes de ses habitants, etc. Ensuite, il reçut un petit livre sur le Québec, qu’il possède toujours à ce jour. Il avait un an pour quitter le Maroc et déménager au Québec.

Les pieds dans le vide

Otmane s’est retrouvé face à son futur. En même temps, il est déchiré à l’idée de quitter sa famille, ses amis. Il a donc décidé d’utiliser l’année devant lui pour prendre son temps, ramasser son argent et, surtout, dire au revoir à sa famille et à ses amis.

Otmane a contacté un ami marocain, installé au Canada depuis quelques années déjà, qui lui a offert de s’installer chez lui à Lanaudière. Le 7 juillet 2009, Otmane mit les pieds dans sa nouvelle province, dans son nouveau pays. Il avait prévu le coup, pas question pour lui d’arriver pendant l’hiver. En arrivant pendant l’été, il pouvait ainsi se sentir un peu chez lui en portant un t-shirt, un short et des sandales! À la sortie de l’aéroport, son ami marocain l’attendait. Heureusement pour Otmane, cet ami avait pris quelques jours de vacances. Il a donc été accompagné les premières semaines, notamment pour visiter la ville, connaître quelques habitudes québécoises et apprendre à faire l’épicerie. Quinze jours plus tard, Otmane avait son propre appartement et avait gagné son autonomie dans sa nouvelle région.

 Le travail au Québec

À son arrivée, il a travaillé dans un kiosque de vente de fruits et de légumes à Lanaudière. C’est par ce travail qu’il s’est habitué à la langue française et qu’il a commencé à se familiariser avec quelques expressions : « M. Roger parlait tellement vite, on dirait Louis-José Houde! Au début, je restais figé, je ne comprenais rien! Sa femme devait lui dire de ralentir et c’est elle qui m’expliquait les expressions québécoises ». En octobre 2009, il obtint un emploi comme opérateur spécialiste dans une usine de montage qui fabriquait des cuisinières. Selon Otmane, c’était un très bon emploi, bien rémunéré et avec plusieurs avantages sociaux. Son patron lui avait même gardé un local pour qu’il puisse prier pendant ses pauses. Ce travail lui a permis de se faire beaucoup d’amis québécois. Il a voyagé avec eux, il est allé à la pêche et à la chasse et il jouait même au hockey de rue! À cette époque, tous ses amis étaient des Québécois. Otmane se sentait choyé.

Je n’ai jamais eu de difficulté à m’intégrer. Je n’ai jamais senti de racisme. Je suis peut-être chanceux ou bien c’est dû à ma personnalité. J’ai eu la chance de rencontrer des personnes ouvertes, de bonnes personnes.

Il a gardé cet emploi jusqu’au déménagement de l’usine aux États-Unis, en 2014.

L’arrivée dans la ville de Québec

Après la fermeture de l’usine, Otmane a décidé de déménager dans la ville de Québec qu’il préférait grandement à celle de Montréal. Il a alors commencé la recherche d’emploi et s’est fait offrir de retourner aux études dans un domaine différent de celui de la linguistique arabe et de l’industrie : la comptabilité. Dès sa dernière semaine d’étude, il trouva un emploi comme commis comptable chez PCN Physiothérapie et Médecine du Sport où il travaille encore à ce jour.

La plus grande différence

La différence entre le Maroc et le Québec qui a le plus marqué Otmane, ce sont les liens relationnels. Au Québec, l’individualisme est très présent. Les liens familiaux et amicaux sont moins importants qu’au Maroc. Par exemple, au Maroc, ses frères et sœurs ont tous une maison située très proche de celle de leurs parents. De plus, la famille entière se retrouve sous le toit familial au moins deux ou trois fois par semaine. Au Québec, ce lien de proximité des membres d’une même famille est moins fort. Tous les enfants ont leur propre vie et leur propre famille. Encore aujourd’hui, Otmane contacte les membres de sa famille tous les jours : « C’était plus difficile au début, il n’y avait pas toute cette technologie, il fallait prendre rendez-vous. Aujourd’hui, avec les cellulaires et Internet, c’est facile de se parler tous les jours ».

Quant aux liens amicaux, ils sont beaucoup moins forts entre les Québécois qu’entre les Marocains. Otmane a gardé de bonnes relations amicales avec ses amis du Maroc. Même s’il ne les voit pas depuis quelques années, il leur parle encore plusieurs fois par semaine au téléphone et sur Internet.

Ce qu’il aime du Québec

Otmane aime tout du Québec et du Canada, mis à part les grands froids : « À moins 30 degrés Celsius, ce n’est pas le froid, c’est le feu! Ça brûle! ». Il est bien au Canada. Il se sent libre et bien protégé. Il aime les valeurs québécoises : l’honnêteté, le travail et le respect. Depuis son arrivée, il a toujours gardé la même impression du Québec, et ce, même après l’attentat à la Grande Mosquée de Québec en janvier 2017. Il considère cet événement comme un acte individuel isolé et il sait que la population québécoise dénonce cette atrocité.

Tu n’avais qu’à regarder la réaction des Québécois. Ils ont pris la peine d’apporter des bougies et des fleurs et de faire la vigie avec nous, même à -35 degrés Celsius.

Otmane est aujourd’hui marié à une Marocaine qui œuvre dans le secteur de la finance à Québec. Ils attendent leur tout premier enfant.

Crédit : Otmane Benzekri

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