14 Mohammed Oudghiri

Alexandra Lapointe

Un esprit libre

Marocain d’origine, monsieur Oudghiri est un homme authentique et passionné. Fils de parents entrepreneurs, Mohammed a baigné dans le domaine des affaires dès son jeune âge. C’est toutefois lorsqu’il décida d’amorcer des études supérieures qu’il décida de se consacrer à l’hôtellerie et au tourisme. Il effectua des études à l’Institut d’hôtellerie et de Tourisme du Maroc entre 1967 et 1970. Amoureux de son pays et de sa culture, mais curieux de nature, il désira parcourir le monde grâce à son métier. Voyageur et ouvert d’esprit, il s’envola pour la Guadeloupe quelques mois après la fin de ses études et décrocha un poste de maître d’hôtel. Après son arrivée, il se lia d’amitié avec deux cadres professionnels du même établissement hôtelier : un Français et un Autrichien. Par la suite, l’Autrichien invita monsieur Oudghiri à venir le rejoindre dans la Capitale-Nationale pour y travailler dans le domaine qui le passionnait. Drôle de coïncidence, Mohammed avait rencontré quelques semaines auparavant une jeune fille originaire de Québec, en vacances à Pointe-à-Pitre en Guadeloupe. Au même moment, Mohammed reçut une offre d’emploi très intéressante dans son pays natal, ce qui le plongea dans un dilemme. Il fallait choisir entre deux possibilités qui s’offraient à lui, l’amitié du Québec ou la nostalgie du Maroc.

À la poursuite de ses rêves

Mohammed Oudghiri devait travailler pour le ministère du Tourisme au Maroc, car il avait signé un contrat d’une durée de dix ans. Cet engagement était préalable pour pouvoir compléter ses études à l’Institut du Tourisme de Tanger. Par contre, puisqu’il était finaliste parmi les trois premiers de l’Institut, la direction l’avait désigné pour un stage de management en Allemagne. Il réussit à brouiller les pistes des autorités marocaines et à prendre la direction de Londres au Royaume-Uni, afin de débuter une carrière internationale. De Londres à Biarritz, en France, et de Rotterdam, en Hollande, à Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe, il était avide de connaissances. Il voulait développer ses connaissances et ses compétences à l’aide de formations données à l’étranger. C’est ainsi qu’il repensa à l’invitation qu’on lui avait lancée de venir visiter le Québec et l’accepta.

Les couleurs de l’automne

La Capitale-Nationale avait revêtu ses plus belles couleurs pour la saison automnale. C’était la toute première fois que Mohammed pouvait apprécier l’automne, avec toutes les couleurs et les pommes délicieuses à croquer. Pendant la durée de son séjour, il résidait chez son ami au Lac Delage, où il apprit à découvrir la ville de Québec. Une fois son séjour terminé, il retourna travailler en Guadeloupe où il a été promu à titre de directeur de restauration.

À la fin du mois d’octobre, il fit la rencontre d’une sympathique famille québécoise qui séjournait à l’hôtel où il travaillait. Il se lia d’amitié avec les membres de cette famille. À la fin de leurs vacances, Mohammed leur souhaita un bon retour en espérant les revoir à l’hiver prochain, lors de leur prochain séjour. La dame lui répondit alors : « Qui sait, peut-être est-ce toi qui viendras nous voir à Québec ». Deux semaines plus tard, il était de nouveau au Québec. Déambulant sur la rue du Trésor et admirant les tableaux et les portraits artistiques, il sentit une main se poser sur son épaule et une voix de femme qui s’exclamait « Monsieur Maho, vous êtes le bienvenu chez nous! ». Quel ne fut pas son étonnement! C’était la femme qui avait logé dans l’hôtel où il travaillait en Guadeloupe. Comme on dit, le hasard fait bien les choses.

Une fois bien installé à Québec, il trouva du travail au Château Frontenac pour la saison estivale. Par contre, une fois l’été terminé, il se retrouva sans emploi et cette situation dura toute une année. Il voyait ses économies s’amenuiser et il comprit qu’au Québec, l’emploi est d’abord réservé aux Québécois d’origine française et que les immigrants viennent après, peu importe leurs compétences. Il retourna donc malgré lui au Maroc pendant environ un an et demi  pour préparer l’ouverture d’un nouvel hôtel.

Une fois cette année écoulée, il retourna au Québec pour vivre avec la jeune fille rencontrée quelques années auparavant en Guadeloupe. Ils vécurent ensemble une dizaine d’années. Pendant un bon moment, il vécut sa vie pleinement, en toute quiétude. Puis leurs convictions et valeurs changèrent et la vie à deux devint impossible.

Mohammed Oudghiri était le septième marocain à s’enraciner dans la Capitale-Nationale. Il sut se démarquer par son esprit entrepreneurial et son désir de réussir. Près des gens, sa volonté d’aider son prochain le poussa à repenser le concept de ses diverses entreprises pour venir en aide aux plus démunis. Aujourd’hui, monsieur Oudghiri est installé à Québec depuis plus de 45 ans. Marié à une Marocaine, ils ont quatre enfants élevés dans les deux cultures.

Quand la nationalité prime sur la capacité

Comme c’est encore le cas aujourd’hui, les compétences des immigrants sont difficilement reconnues par le gouvernement québécois.

Quand on arrive avec des différences, culturelles ou linguistiques, il ne faut pas s’étonner que la majorité le remarque, s’en amuse affectueusement et soit curieuse, inquiète ou étonnée. Le Canada est le pays de différentes communautés alors que le Québec est aux Québécois. Pas question de multiculturalisme ici. Les immigrants, ou bien ils s’assimilent, ou bien ils vont voir ailleurs.

Toutefois, Mohammed reconnaît que le Québec encourage l’échange entre les cultures et le rapprochement entre les communautés.

C’est ce qui constitue la diversité. Comme immigrant et citoyen du Québec, mon devoir était d’intégrer la société québécoise et d’être prêt à respecter ces valeurs communes.

Par contre, « certains Québécois sont trop fermés au moindre contact pour n’importe quelle raison. On te demande immédiatement d’où tu viens, ça fait combien d’années que tu es ici, etc. », ajoute-t-il.

Trop souvent, on voit l’amalgame Arabe = musulman. Les amalgames sont souvent le prétexte à de nombreux conflits. Un Arabe n’est pas forcément un musulman. Oui, il y a du racisme caché et ça affecte nécessairement l’embauche, que ce soit par le nom de famille ou la couleur de la peau. Il faut pourtant savoir que la plupart des immigrants détiennent un diplôme, un bac, un DEC, une maîtrise ou un doctorat.

Il ressent ainsi une profonde injustice face à ces différents constats. Et pourtant, le Québec se diversifie. Une grande majorité des francophones, des anglophones et des autochtones cohabitent avec des gens d’origines et de cultures diverses, venus de partout dans le monde.

Ce qui a joué un rôle déterminant à son retour au Québec fut l’amour. Il voulait faire comprendre aux Québécois qu’il est un étranger qui est arrivé ici avec une mentalité différente de la leur et avec un mode de vie différent. Ce qui compte réellement pour lui, c’est le droit individuel et culturel. Il croit important de lutter contre les inégalités et la ségrégation. Son identité d’immigrant est tellement présente en lui qu’il se pose comme une condition à son intégration. Il résume le sens de cette lutte contre les inégalités par le travail, la diversité, l’inclusion, la compassion, l’égalité des chances et la justice sociale.

Crédit : Mohammed Oudghiri

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