La concurrence entre les médecins de l’administration coloniale et les praticiens libres
Commentant une circulaire du ministère des Colonies de 1935, visant à « résoudre le problème de l’exercice de la clientèle par les médecins fonctionnaires civils et militaires », le docteur Sasportas assène que cette circulaire aura certainement le même effet que les autres (sans les nommer) sur le même sujet, c’est-à-dire « aucun résultat ». La circulaire précise que les « médecins libres » sont les seuls à avoir droit « à la clientèle payante ». Cependant, « dans les agglomérations où il n’existe pas de médecin libre spécialiste, une dérogation à cette règle pourra être admise en faveur des médecins fonctionnaires de la spécialité en cause ». Sasportas poursuit en expliquant que cette dichotomie n’existe pas dans les faits et que la médecine libre est « pratiquement impossible » : « les fonctionnaires ne sont pas fondés à prendre patente pour faire du commerce, mais cette règle n’est pas applicable aux médecins, même appartenant à un cadre », évoquant les civils fonctionnaires. Il justifie ensuite le besoin de cette pratique libérale pour « compenser l’insuffisance des soldes qui leur sont allouées ».
Ainsi, les médecins civils (libres ou pas) avaient bien droit à une pratique privée que l’administration tente maintenant de contrôler. Sasportas rapporte notamment les craintes du docteur Vital-Robert de Kaolack[1] qui relate l’augmentation de la concurrence avec l’arrivée de médecins étrangers ou de français coloniaux démissionnaires ou retraités. Il explique que si les médecins de la marine ou des Colonies étaient les seuls à « assurer la clientèle » (p. 2595), confirmant donc cette pratique ancienne, il évoque l’arrivée de médecins depuis la Guadeloupe ou la Syrie, un médecin syrien s’étant même installé à Kaolack. Ainsi, « c’est contre cette intrusion que je tiens à attirer votre attention », écrit Sasportas. Les médecins craignent donc déjà la concurrence : « S’il est donc urgent de se défendre en France contre l’intrusion des étrangers, il ne l’est pas moins pour les Colonies » (Sasportas, 1935). Nous sommes dans l’entre-deux-guerres. En 1938, le journal d’extrême-droite L’Action française (8 août 1938) reprochera cette politique du recours aux médecins étrangers, en l’imputant au gouverneur Carde. Claude Queveney, auteur de l’article, s’emporte : « il est hélas trop tard pour examiner des mesures de défense, car le mal est fait. À l’heure actuelle, des centaines de médecins juifs allemands et austro-hongrois, bannis par Hitler, servent en Afrique noire française au titre de l’Assistance médicale indigène. Et l’on s’apprête à en accueillir beaucoup d’autres » (p. 3). On est évidemment en pleine exagération de nombre et de situation, car nous n’avons trouvé aucune trace de ces médecins juifs dans les Archives, sauf si les quelques médecins « russes », chassés lors de la révolution d’octobre 1917, exerçant comme hygiénistes en AOF, sont les personnes évoquées par Queveney. Quoiqu’il en soit, l’antisémitisme de l’époque, ainsi que les dérives totalitaires de certains pays, semblent donc aussi concerner les questions de santé dans les colonies.
En 1946, une circulaire (411/1SP/C) est envoyée le 7 octobre par le médecin général inspecteur Peltier, directeur général de la santé publique, aux médecins-chefs de l’Hôpital principal et de l’Hôpital central indigène de Dakar. En effet, le haut-commissaire a été saisi d’une plainte de plusieurs médecins libres concernant « les abus de clientèle de certains médecins des hôpitaux de Dakar ». On comprend qu’un certain nombre de médecins libres ont été absents de la ville et que les médecins des hôpitaux sont venus les remplacer. Ainsi, il salue ces médecins qui se sont mis à « la disposition de la population civile de Dakar au moment où les médecins libres étaient dans l’impossibilité de répondre aux exigences de la clientèle ». Le médecin général profite quand même de cette circulaire pour rappeler trois éléments fondamentaux. D’abord, les médecins des hôpitaux ne peuvent recevoir de la clientèle payante que lorsqu’il s’agit d’une consultation de spécialité qui n’est pas présente en ville. De plus, le·la consultant·e doit venir avec un billet de son médecin traitant et « dans la mesure du possible se présenter en dehors des heures de consultation réservées aux fonctionnaires ». Ensuite, les médecins hospitaliers ne peuvent se rendre auprès des malades que lorsqu’un praticien libre leur demande ou en cas d’urgence. Enfin, il rappelle que les médecins ne peuvent en « aucun cas utiliser en clientèle le personnel et le matériel des hôpitaux ». Il ajoute que cette dernière recommandation doit aussi s’appliquer aux sage-femmes des hôpitaux et maternités. Doit-on comprendre à ce rappel à l’ordre que ces pratiques étaient courantes à l’époque? En l’absence de sources archivistiques donnant la parole aux patient·e·s, difficile d’aller plus loin dans l’interprétation.
L’arrêté 1926 du 23 avril 1948 est le premier qui permet de créer « des règles qui n’existaient pas précédemment en vue de sauvegarder les intérêts des praticiens libres », écrit Le Rouzic au président du Conseil de l’ordre, le 26 septembre 1949. L’arrêté précise, dès son article premier, que « l’exercice rémunéré de toute clientèle est interdit à tout médecin, pharmacien ou chimiste, chirurgien-dentiste, militaire ou civil, appartenant à des cadres régis par décret ou par arrêté général ou contractuels à temps complet dans les centres où sont installés (je souligne) des médecins, pharmaciens, sage-femmes chirurgien-dentiste libres, payant patente et ne recevant pas du budget colonial, ou du budget local, une indemnité annuelle susceptible d’être considérée comme une rémunération vitale ». Autrement dit, les professionnel·les de santé payé·es par l’État ne peuvent faire concurrence à ceux et celles qui payent une autorisation et qui en tirent leurs ressources.
Mais dans les villes où les praticiens libres exercent, il est possible que les « praticiens fonctionnaires » réalisent des consultations à domicile seulement si les premiers le demandent. En outre, l’article 2 indique que « le tarif de ces consultations à domicile est au moins le double de celui pratiqué par les praticiens libres de la même localité ». De plus, les PALF ont droit de consulter des médecins spécialistes de l’hôpital, sur demande écrite de leur médecin traitant, lorsqu’il n’existe pas dans la ville où ils et elles se trouvent, de spécialistes libres qualifiés et installés. Encore une fois, le tarif de ces consultations, comprises comme des cessions à l’hôpital, est le double du prix des consultations ordinaires pratiquées par les médecins libres de la localité. L’article 3 de l’arrêté précise également que « le médecin consultant reçoit à titre d’honoraires 50% du montant des consultations ». Si la réalisation d’un examen radiologique sera, lui aussi, facturé au seul profit de l’administration, son interprétation par un médecin spécialiste, donnera droit à un honoraire pour une consultation dont le médecin aura le droit de percevoir 50% du montant. Le principe reste le même, le prix de la consultation pour cet examen est le double de celui pratiqué en ville. Et si l’interprétation est complexe, le médecin a le droit de demander le paiement de deux consultations. Le principe des 50% de ristournes et du double du prix de la « consultation ordinaire en cabinet » est le même pour les autres types de médecine, que ce soit la médecine générale, la chirurgie générale, la gynécologie, ou par exemple l’ophtalmologie. Le fonctionnement est organisé de telle sorte que ce sont aux médecins de verser chaque fin de mois à l’administration « la moitié des sommes ainsi perçues au moyen d’un état récapitulatif ». Ensuite, un article régule la pratique de la médecine privée dans les localités où n’exerce aucun médecin libre. Ainsi, les médecins de l’administration peuvent organiser un service de consultation payante, mais ce dernier doit être distinct des heures de consultation gratuite. Dans ce contexte, « le tarif des consultations et des visites à domicile faites par le médecin de l’administration aux particuliers à leurs frais (autres que les fonctionnaires, les militaires et les bénéficiaires de l’assistance médicale gratuite) sera le tarif minimum pratiqué officiellement par les médecins libres de Dakar ». Il est également stipulé que les consultations et interventions obstétricales réalisées à domicile restent entre les mains du médecin consultant. Elles ne donnent lieu à « aucun versement au profit de l’administration ».
Dans un document non daté où le terme « projet » est écrit à la main, concernant un arrêté sur l’exercice rémunéré de la clientèle par les médecins fonctionnaires, on retrouve la proposition d’interdire l’exercice de la clientèle par les praticiens fonctionnaires, lorsqu’il y a plus d’un médecin pour 15 000 habitants et au moins deux médecins dans la localité. Les ratios par habitant·e sont différents pour les médecins spécialistes qualifiés (1 pour 100 000), chirurgien-dentiste (1 pour 50 000), sage-femmes (1 pour 50 000) et pharmaciens chimistes (1 pour 25 000)[2]. Cette répartition selon les professions donne également une idée de leur présence dans les territoires à cette époque. La question du libre choix de la part du·de la malade est de nouveau évoquée dans ce projet. L’article 2 de l’arrêté 1926 du 23 avril 1948 précise que lorsqu’il y a moins de médecins que ces ratios, les « praticiens au service de l’administration » peuvent « pratiquer directement et concurremment avec leurs confrères libres l’exercice rémunéré de la clientèle ». L’argument central, évoqué à l’alinéa B de l’article 2, est de « permettre aux malades le libre choix dans les localités où le nombre de praticiens libres de chaque catégorie est inférieur aux limites » évoquées précédemment.
Le même 26 septembre 1949, mais dans une lettre postérieure, le médecin général Le Rouzic, Directeur général de la santé publique, répond (lettre 476/SP-CP) au président du Conseil de l’ordre de la « section d’Afrique noire ». Nous n’avons pas trouvé la lettre de ce dernier, mais nous comprenons que Le Rouzic défend le libre choix des médecins (libres ou fonctionnaires) de la part des patient·e·s et qu’il réfute l’alignement sur les normes de la métropole, « tant que nos territoires d’Afrique Noire n’auront pas atteint le niveau social de la Métropole ». Il réfute le fait que les médecins fonctionnaires cherchent à créer de la « gêne à l’exercice de leur profession par les médecins libres ». Le vocable de « client » est déjà utilisé par Le Rouzic et il explique que le :
choix du client s’oriente vers le praticien libre ou administratif, les règles qui le guident ne peuvent être codifiées. Elles sont la résultante de la confiance que le malade accorde à l’un ou l’autre; mais il faut reconnaître que jusqu’à ce jour si les médecins du corps de santé colonial ont bénéficié de cette préférence, c’est qu’elle a paru justifiée à ses yeux, particulièrement en face de certains confrères libres à qui des soucis matériels ou la précarité de leur installation ne permettent pas, en toute indépendance d’esprit, de suivre minutieusement leurs malades, ou de pouvoir, entre autres, effectuer la totalité des actes ressortissants à leurs spécialité.
Le directeur général de la santé publique insiste donc sur la qualité des soins et du suivi des malades par les praticien·ne·s privé·e·s, ce qui permet de comprendre les discussions postérieures (encadré 14) sur les « maisons de santé ou des cliniques ». Il compare ensuite avec l’Indochine et cela permet de comprendre que le débat avec l’Ordre concerne la pratique des PALF dans les hôpitaux que semble donc remettre en cause ce dernier « les autres territoires d’Outre-mer plus évolués, l’Indochine notamment, où les hôpitaux administratifs des villes ne reçoivent pratiquement plus de malades payants ». Dans cette correspondance, Le Rouzic explique aussi au président qu’il a mis un peu de temps à lui répondre car il voulait attendre de « mettre au point » la refonte des articles concernant la tarification. Ainsi, il en profite pour lui demander son avis sur le contenu de quelques articles en cours de finalisation autour des enjeux de la pratique privée, ce qui montre une collaboration entre la santé publique et l’Ordre des médecins qui soutient surtout la pratique privée[3]. Le directeur répond cependant à quelques points abordés par l’Ordre. Il rappelle tout d’abord que l’article 3 de l’arrêté 1926/SP précise bien que les PALF sont bien admis·es aux consultations « de l’hôpital » (il souligne) sur demande écrite de leur médecin traitant (précisé dans l’arrêté). Ainsi, les actes médicaux ne peuvent donc avoir lieu ailleurs qu’à l’hôpital. L’article 3 précise également que le tarif des consultations « en cession » est fixé au double du prix des consultations ordinaires pratiqué par les médecins libres de la localité et le médecin consultant va percevoir à titre d’honoraires la moitié du montant des consultations. Mais dans les cas où aucun spécialiste ne serait présent dans la ville du malade, le docteur Le Rouzic propose à l’Ordre que, en attendant un nouveau texte, « les médecins libres [ne demandent pas] de rémunération aux clients sollicitant un bulletin d’admission auprès du spécialiste fonctionnaire lorsqu’il n’en existe pas exerçant librement ». Il précise que cette demande « n’est dictée que par le souci de l’intérêt du malade lui-même ».
Le 18 mars 1950, Chauvet, secrétaire général du Gouverneur, rédige une directive (221 SP-CP) pour les gouverneurs des territoires, afin de préciser les dispositions liées à l’exercice libre des professions médicales. Cela doit passer par l’enregistrement au chef-lieu du territoire ainsi que l’inscription et l’affichage au Tableau de l’Ordre. Il insiste sur le fait que contrairement à la pratique précédente, le gouverneur du territoire ne peut donner l’autorisation de pratique sans l’aval du Conseil de l’ordre. Mais en 1950, les chirurgiens-dentistes, les sage-femmes et les auxiliaires médicaux n’ont pas d’ordre professionnel en AOF. Ainsi, c’est le seul chef-lieu du territoire qui va examiner leur dossier dont les pièces devront être de même nature que si l’ordre existait. Toute infraction devra être communiquée au Conseil de l’ordre de Dakar et les « délinquants poursuivis immédiatement par les voies de droit ».
Entre 1951 et 1952, une série de correspondances entre le syndicat et le directeur général de la santé publique de l’AOF montre ce qui semble être les premiers débats sur l’autorisation de création d’une clinique privée à Dakar (encadré 14). En effet, « il n’existe pas de clinique à Dakar », écrit le docteur Le Rouzic le 2 août 1951 (3062) en réponse à une demande (manuscrite) d’information du docteur Jean Roux, médecin à la Clinique Saint-Pierre de Perpignan car « une équipe de chirurgiens et spécialistes ayant des titres universitaires solides, serait désireuse de s’installer à Dakar ».
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Demande d’ouverture d’une clinique privée à Dakar (1950-1952)
Une note manuscrite relative à une audience du Syndicat auprès du Ministre, lors de son passage à Dakar le 3 mars 1950, montre (ils ont aussi beaucoup parlé du droit de pratique privée pour les médecins fonctionnaires) qu’il souhaitait disposer de l’Hôpital principal, « considéré comme hôpital mixte », pour leurs malades. Il demande également le droit d’utiliser les salles d’opération pour les interventions de leur spécialité. Puis, le 13 août 1951, le syndicat des médecins de Dakar demande au directeur général de la santé publique en AOF si les médecins praticiens civils ont le « droit d’héberger chez eux des malades nécessitant une surveillance médicale rigoureuse ». En effet, puisque les formations sanitaires ne sont pas « mixtes », ces praticiens ne peuvent y soigner leurs malades. Il semble que le Ministère du Travail ait admis que pour les maternités, il ne fallait pas dépasser 10 lits à domicile, car sinon cela devient une clinique privée et non une « extension de l’activité professionnelle ». Mais cette norme ne semble pas disponible pour les autres soins nécessitant un hébergement dans le « local professionnel » du médecin. Dans sa réponse du 4 septembre 1951, le docteur Le Rouzic affirme qu’il « n’existe pas actuellement de réglementation des cliniques privées en AOF » et qu’il est « évident que pour les personnes mal logées, plutôt que d’être soignées à domicile, il y a intérêt à ce qu’elles le soient dans un local approprié ». Ainsi, à la demande « d’un de nos confrères », le syndicat sollicite le 29 novembre 1951 « l’intérêt général que présenterait une clinique privée ouverte à tous les praticiens ». Le directeur général de la santé publique en AOF répond le 23 février 1952 (75 SP CP) au syndicat que la présence de formations hospitalières ne saurait faire obstacle à l’intérêt de « l’ouverture d’une clinique privée à Dakar permettant aux médecins praticiens civils installés de suivre leurs malades ».
À la même époque, dans l’annexe VI du rapport soumis par la France aux Nations Unis en 1951 (article 73 de la Charte), la France présente le nombre de praticien·ne·s selon qu’ils et elles soient du gouvernement, des missions ou du secteur privé. Ces données permettent de relativiser la place du secteur privé, sans pour autant oublier que les professions du secteur gouvernemental ont également une pratique privée, comme nous l’avons vu. Pour un total de 4 074 personnes, seulement 68 d’entre elles sont uniquement dans le secteur privé, soit 1,7%. La proportion la plus importante dans le secteur privé se retrouve chez les pharmaciens (55%), suivie des médecins agréés (19%), des sage-femmes pleinement qualifiées (14%) et des médecins diplômés (13%). Cependant, dans le même rapport, mais pour 1953, en plus des médecins du secteur privé, le tableau du personnel technique en service propose une nouvelle colonne concernant les « praticiens libres ». Ainsi, on trouve 199 médecins diplômés d’État dans le secteur public, trois dans le secteur privé, deux dans les missions et 47 praticiens libres. Au total, 159 praticiens libres sont recensés en 1953, soit 7,7% des 2 045 professionnels qui se répartissent de manière différente selon les métiers. Les pharmaciens et les dentistes restent les plus présents[4].
La clientèle payante peut être autorisée par le gouverneur dans les formations sanitaires, lorsqu’un seul médecin libre patenté est présent dans la localité et ne répond pas aux besoins. Le médecin aurait, là aussi, droit à 50% des honoraires dont le tarif est au moins égal à celui pratiqué par le médecin libre. La loi de l’offre et de la demande est donc suivie mais en respectant la concurrence. Les médecins fonctionnaires sont aussi autorisés à réaliser des visites à domicile ou à réaliser des accouchements dans les mêmes conditions financières. Mais, dans ce cas, ils touchent la totalité des sommes perçues « selon les règles déontologiques habituelles » puisque cela se passe « en dehors des formations sanitaires ».
Le 27 janvier 1953, le haut-commissaire de la République demande aux différents gouverneurs de territoire s’ils disposent de médecins libres pratiquant dans la région. Il s’agit de disposer de renseignements pour l’application de l’article 12 du décret 52.964 du 9 août 1952 (qui affirme que tout praticien qui exerce en clientèle privée doit être inscrit au Tableau de l’Ordre, que ce soit pour des médecins ou des chirurgiens-dentistes). En l’absence du gouverneur du Sénégal, Lucien Geay, le secrétaire général Goujon répond le 5 février 1953 (239/S) et dresse une liste de seulement trois « médecins libre français et étrangers », soit le docteur Train à Saint-Louis et les docteurs Aoun J. et Madi Maroune à Kaolack. Aucun médecin appartenant à une œuvre missionnaire ou entreprise privée, pas plus que des autres territoires d’outre-mer, ne semble présent au Sénégal à cette période. Le gouverneur de la Haute-Volta répond le 11 mars 1953 (102/CP) qu’il n’existe aucun médecin libre français, ni étranger en Haute-Volta, aucun médecin appartenant à une œuvre missionnaire confessionnelle ou à une entreprise privée et que la seule personne qui pratique la clientèle privée libre est à Bobo-Dioulasso. Il s’agit de Madame Petit, chirurgien-dentiste[5]. En Guinée, la réponse du 17 février (246/C) explique qu’il n’y a aucun médecin libre français ou étranger, aucun originaire des TOM, du Cameroun ou du Togo et un seul médecin de la société des Bauxites du Midi à Kassa (Îles de Loos). En Côte d’Ivoire, le gouverneur adresse le 5 février 1953 une liste de 10 médecins libres français et étrangers. Il est indiqué un « libanais » (Émile Chaib) et un « italien » (Charles La Bella). Le nom de Gabriel Kouadio Tiacoh n’est pas suivi de sa nationalité, on pourrait donc estimer qu’il n’est pas l’un de ces médecins africains, mais un médecin français. Pour les médecins appartenant à une œuvre missionnaire ou une entreprise privée, deux personnes sont listées, le docteur Ivanof au bureau de la minière de Hiré et le docteur Beal à la mission protestante de Korhogo. Au Soudan, un seul « médecin français et étranger » est indiqué dans la liste envoyée depuis Koulouba le 7 février 1953. Il s’agit du docteur Jean Labataille qui a soutenu sa thèse le 12 juillet 1950 à Bordeaux et s’est installé, le 1er juillet 1952, à Bamako. Les autres fiches consultées pour les autres pays ne donnent pas ces précisions temporelles. Il n’y a pas d’autre médecin indiqué par le secrétaire général du gouvernement du Soudan français.
En 1953, selon le bilan sur l’organisation de la santé publique en AOF, après les pharmacien·ne·s (77%), les médecins diplômé·e·s constituent le personnel médical le plus présent dans le secteur privé (19%), alors que la totalité des infirmières travaillent dans le secteur dit gouvernemental (AOF Magazine, 1957). Les archives de l’IMTSSA à Toulon détiennent une série de correspondances entre le ministre de la France d’Outre-Mer en 1949 et le professeur Favre Reymond, responsable d’une société d’exportation de fournitures générales pour « l’art dentaire ». À la demande du professeur Reymond, le ministre lui a envoyé la liste des cabinets dentaires privés de l’Union française, car le commerçant veut vendre sa « voiture stomatologique ». Au-delà de l’aspect commercial, la liste nous permet de découvrir que le Sénégal dispose de six cabinets privés dentaires à cette époque, quatre à Dakar, un à Saint-Louis et un à Thiès. Ailleurs en AOF, on note un seul à Bamako et un à Abidjan. Aucun des noms des personnes responsables de ces cabinets n’est de consonnance ouest-africaine (contrairement à Madagascar où la majorité dispose de nom malgaches) et trois pourraient être d’origine libanaise (Kayat, Bachir, Nasr). Trois femmes semblent tenir ces cabinets. Aucun cabinet, connu de l’administration coloniale française, ne serait disponible dans l’ensemble de l’AEF mais 10 à Madagascar. Ce constat confirme l’importance du Sénégal dans la colonie pour le secteur de la santé et la présence du secteur privé même si l’on n’en connaît pas les modes de paiement et l’ampleur de la clientèle.
Dans une lettre du gouverneur général de l’AOF à tous les gouverneurs des territoires datée du 23 avril 1953 (250-SP-AD), nous comprenons la procédure et les formalités à remplir pour exercer en pratique privée. Cette pratique nécessite une autorisation individuelle donner par le chef du territoire. Mais, elle doit avoir été préalablement soumis pour avis, d’abord, au directeur local de la santé publique, puis à la sous-section locale du Conseil de l’ordre des médecins, ou si cette dernière n’existe pas, à la sous-section de Dakar. L’administration et le secteur privé de la médecine collaborent pour donner les autorisations de pratique privée aux médecins de l’administration, « sous les ordres » des Gouverneurs. Cette sous-section de Dakar dispose d’une compétence « à toute l’Afrique Noire » écrit Sanner dans une lettre du 4 avril 1953 (1093-AD). Le 24 juillet 1953, le directeur général de la santé publique, le médecin général Sanner, transmet au président de la section locale d’Afrique noire du Conseil de l’ordre des médecins la liste des demandes d’autorisation d’exercer en clientèle privée. On y constate la demande de 15 médecins des troupes coloniales (deux lieutenants-colonels, cinq commandants, cinq capitaines, trois lieutenants), d’un médecin contractuel (M. Popoff Serge), deux assistants médicaux contractuels (De Portafax, Chouroff) et cinq médecins africains (Thierno Seydou, Kouyaté Racine, Diawara Daouda, Campbell Edouard, Mahal Moudou Sidi). J’évoque les défis pour ces derniers dans la prochaine section.
En l’absence de cette autorisation d’exercer à titre privé (décret 52-964 du 28 juillet 1952), la pratique de la clientèle privée est illégale[6]. Dès 1954, le secrétaire d’État à la France d’outre-mer écrit au Haut-commissaire de la République en AOF, et notamment à la Direction générale de la santé publique, pour lui expliquer que plusieurs personnes auraient attirées son attention sur le fait que des médecins civils se plaignent de « la concurrence anormale qui leur s’est faite par les médecins fonctionnaires civils ou militaires en service dans ces territoires et autoriser à faire de la clientèle payante ». Dans sa lettre (09745 DSS/2), le secrétaire d’État rappelle l’importance de veiller à l’application des dispositions du décret du 28 juillet 1952.
C’est le cas du docteur Cysseau à Thiès. Ce médecin-commandant se livre « à l’exercice de la clientèle » et il pratique des « tarifs inférieurs à ceux du secteur privé ». Le médecin général inspecteur Talec demande donc au directeur local de la santé publique du Sénégal, dans une lettre du 16 juillet 1955 (185/CP), de bien vouloir prendre des sanctions à son égard, voir « de provoquer la mutation de l’intéressé à l’intérieur du territoire ». Être nommé en brousse était donc déjà une sanction! Cette personne n’est pas inscrite au Tableau de l’Ordre des médecins et le Président de la section locale des médecins de l’Afrique Noire écrit au médecin inspecteur pour l’avertir que sans sanction, il portera plainte. En effet, l’origine de cette plainte vient du docteur Bergouniou de Thiès (encadré 16). Ainsi, dans sa séance du 12 août 1955, le Conseil de l’ordre des médecins de la section d’Afrique noire émet un avis défavorable à l’encontre du médecin commandant Cysseau. Ce dernier, qui est donc le médecin-chef de la circonscription médicale de Thiès, a formulé une demande d’autorisation d’exercice en clientèle privée et l’ordre lui est refusé. Les raisons évoquées dans le procès-verbal sont : « à pratiquer des manœuvres anti-déontologiques à l’encontre contre du docteur Bergouniou médecin libre à Thiès (détournement de clientèle par tarif anormalement bas) ». C’est aussi le cas du médecin-capitaine Noel qui reçoit une lettre du Directeur de la santé publique du Sénégal (Dr Carrière) le 3 janvier 1955. En effet, le Président du Conseil de l’ordre des médecins de Dakar s’est plaint qu’il se livre à une clientèle privée sans autorisation relevant décret 52-964 du 28 juillet 1952. Il lui rappelle qu’il faut non seulement avoir une autorisation mais aussi, et c’est indispensable[7], être inscrit au Tableau de l’Ordre des médecins au risque « d’une poursuite judiciaire pour exercice illégal de la médecine sans préjudice des sanctions disciplinaires » (il souligne). Le cas du docteur Philippe Calavie venu s’installer pour les Bauxites du Midi en Guinée est intéressant (encadré 15).
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La concurrence exercée par les médecins coloniaux militaires
À Conakry en février 1955, un médecin est venu s’installer pour les Bauxites du Midi, mais il a ensuite ouvert un cabinet en ville « comptant sur les promesses qui m’étaient faites que lorsqu’il y aurait deux médecins civils à Conakry, les médecins militaires cesseraient automatiquement d’exercer parmi la clientèle particulière […] Or, depuis 4 mois que j’exerce, mes confrères militaires n’ont pas encore cessé leur activité auprès des civils ». Lorsque le docteur Philippe Calavie s’est plaint auprès du gouverneur Parisot, ce dernier lui a demandé de fournir des preuves de l’activité des médecins militaires. Le médecin lésé écrit dans sa lettre qui lui est difficile de se « livrer à des démarches de détective ». Il explique qu’il est surpris que les militaires continuent d’exercer une clientèle particulière alors même que l’arrêté 5073/ALA était diffusé dans « La Presse de Guinée » pour rappeler que seuls « les médecins civils avaient le droit d’exercer leur métier en ville ». Le médecin utilise des termes militaires intéressants pour justifier la concurrence déloyale qu’il subit : « nous luttons à armes inégales : j’ai des impôts et une patente à payer, mon loyer est une lourde charge et je me verrai dans l’obligation, si la possibilité d’exercer normalement ne m’est pas donnée, de quitter la colonie en perdant ce que j’ai investi jusqu’à ce jour ».
En septembre 1955, le médecin colonel Coleno, directeur de la santé publique pour le Sénégal et la Mauritanie a « donné l’ordre (94/S.conf) aux docteurs Delmon et Gauzi d’avoir à cesser tout exercice de la clientèle privée, sous peine de sanctions graves ou de poursuites éventuelles ». Le docteur Delmon, qui est médecin-chef du Laboratoire de Sor, aurait bénéficié d’une tolérance de la part de l’Ordre des médecins pour l’exercice privé de la médecine générale, mais il aurait dépassé « les bornes que plainte avait été formulée contre lui ». Coleno explique qu’il était difficile pour lui de comprendre jusqu’où la tolérance pouvait être déterminée, pour qu’ils puissent prendre des décisions et comprendre si le docteur Delmon « franchissait une frontière qui n’avait jamais été précisée entre le raisonnable et l’abus ». Le docteur Coleno annexe à sa lettre au directeur général de la santé publique de Dakar une copie de la lettre qu’il a envoyée au docteur Delmon. Il reproduit dans cette lettre confidentielle (95/S.Conf) les termes de l’ordre des médecins qui affirme que : « le docteur Delmon exerce à ma connaissance la médecine privée sans limitation ni retenue, fait des accouchements payants. Il est accusé par un de nos confrères qui peut en fournir les preuves, ‘de racolage de clients à domicile et de compérage avec un pharmacien local' ». Ainsi, Coleno demande à Delmon de renoncer à cette pratique de la médecine privée, sauf pour sa spécialité pour laquelle il dispose d’une autorisation d’exercer qu’il doit régulariser. En effet, il n’a jamais fourni les pièces nécessaires et n’a donc jamais été inscrit au Tableau de l’Ordre, écrit son président le 30 août 1955 (447/55). Il le menace, après enquête, d’une sanction grave dont je n’ai pas pu trouver l’issue. Ensuite, en ce qui concerne le docteur Gauzi, de Saint-Louis (qui n’est pas non plus inscrit au Tableau), il affirme « n’avoir fait de la clientèle privée que de façon très occasionnelle ». Coleno annexe aussi la lettre envoyée au docteur Gauzi qui permet de comprendre les griefs de l’Ordre des médecins précisant que ce « médecin contractuel affecté au service des écoles et des dispensaires n’a pas fait de demande d’autorisation pour exercer en clientèle privée, or, il pratique cette clientèle de façon très suivie ». L’Ordre des médecins est donc très pointilleux sur la pratique privée par les médecins praticiens fonctionnaires et de nombreuses plaintes ou dénonciations lui parviennent (encadré 16).
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La compagnie Pechiney et la pratique privée illégale des médecins militaires de Thiès
Le docteur Bergouniou explique dans une lettre du 25 mai 1955 que les six médecins militaires de sa ville, ainsi que tous les médecins africains, « font de la clientèle ouvertement » et, dans ce cas, il craint de devoir « fermer [sa] porte »[8]. Il demande, de plus, que si ces derniers ont l’autorisation d’exercer, qu’ils respectent les « tarifs obligatoires soit secteur privé + 25% au minimum ». Dr Bergouniou a découvert cette pratique, car la compagnie Pechiney de Thiès (produits chimiques et électrométallurgiques) s’est plainte auprès de lui que ses tarifs étaient plus élevés que ceux de ses confrères militaires au moment où il a présenté sa note d’honoraires. Or, répond-il à la compagnie le 21 mai 1995, d’une part, ces derniers n’ont pas l’autorisation d’exercer, et d’autre part, si cela était le cas, leur tarif devrait être au minimum 25% de plus que les siens. Par exemple, il explique à Pechiney, qui ne semble pas connaître les textes, que l’arrêté 7226 du 29/12/1951 fixe le tarif de la consultation au cabinet du médecin à 400 francs, alors que la compagnie avance 300 francs aux autres médecins. De même, pour une visite qu’il facture normalement à 500 francs à domicile à Thiès, les médecins militaires la facturent 400 francs. Ainsi « le fait pour un médecin de compter une consultation 300 fr. au lieu de 500, constitue un délit vis à vis du conseil de l’ordre et du syndicat des Médecins ». Le docteur Bergouniou explique aussi à la compagnie qu’il est au courant depuis longtemps de ces pratiques illégales et il évoque notamment celle du colonel Nicol et de « ses deux successeurs », montrant la permanence des pratiques. Ces médecins seraient pourtant payés pour réaliser des actes dans le cadre de l’AMI. Il insiste sur la concurrence déloyale de ce personnel fonctionnaire : « vous et le médecin dont vous parlez semblez considérer l’exercice de la médecine comme un petit négoce dans lequel, n’ayant aucun des frais généraux de ceux qui payent patente, on peut baisser ses prix et concurrencer le voisin ».
Mais ce cas ne semble pas isolé, car le président du conseil de l’ordre des médecins de l’Afrique noire basé à Dakar (Dr Long) s’est aussi plaint au médecin inspecteur, le 8 juin 1955 (EB/228/55), que des « médecins militaires continuent à pratiquer ouvertement la clientèle civile rémunérée » à Thiès mais aussi Conakry, Bouaké et ailleurs. En outre, leur concurrence ne serait pas seulement illégale mais en plus « ils ont abaisser (sic) anormalement leur tarif d’honoraire dans un but de concurrence déloyale ». Comme l’écrit le docteur Talec, il s’agit d’une « double faute » (lettre du 1er juin 1995, 2269-AD). On note aussi que dans sa séance du 12 août 1955, le Conseil de l’ordre émet des avis défavorables à la pratique de la clientèle privée à plusieurs autres médecins que le docteur Cysseau pour différents motifs : demande non justifiée (médecin africain Gnacadja), impossible à cause de son emploi de médecin itinérant du service de prophylaxie et d’hygiène (médecins capitaines Thollard et Valentin), médecin militaire servant dans les cadres et opérant dans un bâtiment militaire.
L’autorisation d’exercer à titre privé est donnée aux médecins (militaires) de l’administration par arrêté suivant le décret 52-964 du 28 juillet 1952. Les archives permettent de trouver des noms et des détails sur ces autorisations au milieu des années 1950.
Ainsi, le 6 juillet 1955, l’arrêté 5301 autorise le docteur Lascève Jean-Marie, capitaine du Service de santé des troupes coloniales, chef du service d’électro-radiologie de l’Hôpital principal de Dakar, à exercer en clientèle privée à Dakar. L’autorisation lui est donnée à titre « révocable » et uniquement en « dehors des heures normales de service ». En outre, il doit obligatoirement s’inscrire à l’ordre des médecins pour que l’autorisation soit valable. Le même jour, un autre arrêté (5302) donne la même autorisation au docteur Heckenroth, chef du service du Phtisiologie de l’Institut d’Hygiène sociale de Dakar et 18 juillet (arrêté 5567) au docteur Rainaut, commandant au Service de santé des troupes coloniales, médecin-chef de l’Annexe du Cap Manuel, spécialiste en neuropsychiatrie. C’est aussi le cas pour le docteur Burnod (médecin capitaine du corps de santé colonial et médecin-chef du cercle de Gao au Mali), car aucun praticien libre n’est présent dans cette ville (arrêté 465 du 7 février 1957).
Pour l’Hôpital central africain de Dakar, j’ai retrouvé une lettre manuscrite du chef du service de réanimation (médecin fonctionnaire a priori non militaire) au directeur de la santé publique, datée du 20 janvier 1954. Il explique que lors de son départ de France en juillet 1953, il a demandé au Conseil national de l’ordre de Paris de transmettre son dossier au Conseil de l’AOF, mais cela ne semble pas avoir été fait. Or, il aimerait pouvoir réaliser de la clientèle privée et a besoin de s’inscrire pour obtenir l’autorisation. Il demande également le prix de la patente. En 1959 (arrêté 5567), le médecin-commandant Grosbois, médecin-chef de Thiès, est aussi autorisé à exercer en clientèle privée.
- L’Ordre national des chirurgiens-dentistes doit également régler en 1954 une affaire de concurrence déloyale soulevée par M. Martin à l'encontre de M. Golob, chirurgien-dentiste à Dakar (qui semble aussi au cœur d’une affaire de faux diplôme - il serait en fait mécanicien-dentiste - dénoncée par une lettre anonyme envoyée en 1951 depuis Casablanca, qui ne semble pas avoir eu d’effet), qui souhaite installer un cabinet dentaire secondaire à Kaolack. M. Martin fournit des chiffres pour montrer que l'ouverture de ce nouveau cabinet serait préjudiciable à sa pratique, expliquant que « 95% de la population africaine n'a pas recours au dentiste » et que la population européenne, française ou étrangère, est très réduite. Il cite, preuve à l’appui, le dernier recensement de 1952 pour les Français et celui de 1953 pour les étrangers : à Kaolack, il y a 561 étrangers et 726 Français. En outre, précise-t-il, beaucoup de ces personnes sont jeunes et n'ont donc pas besoin de soins dentaires. ↵
- Le projet d'arrêté fournit même des exemples en expliquant que dans les localités où exercent moins de deux médecins libres, les praticiens au service de l'administration sont autorisés à avoir de la clientèle, alors que s'ils sont dans une localité de 60 000 habitants avec quatre médecins libres, ils sont interdits, mais que s'il n'y en avait que trois, ils auraient l'autorisation dans cette même localité. En outre, il est expliqué que les limites démographiques sont réservées à un rayon de 20 km autour du lieu de résidence des praticiens libres. ↵
- Cette collaboration est de très haut niveau, puisque le 18 mai 1949, le haut-commissaire de la République en AOF écrit au ministre de la France d'outre-mer une lettre (3998) dans laquelle il explique qu'il a pris une décision « en accord avec le syndicat des médecins installés à Dakar dont le nombre s'accroît constamment ». ↵
- À titre de comparaison, le rapport annuel de la Caisse centrale permet de comprendre qu’en 1953 en AEF, treize médecins européens et deux médecins africains exercent dans le secteur privé contre 116 Européens et 48 Africains dans le secteur public. Comme en AOF, ce sont les pharmaciens et les chirurgiens-dentistes les plus présents dans le secteur privé, soit 22 sur 37 au total cette année. Au 31 décembre 1954, il existe 88 dispensaires privés sur 297, 13 infirmeries privées sur 69 et 17 maternités sur 144. ↵
- Le haut-commissaire de la République en AEF répond également le 13 mars 1953 en précisant qu'il n'existe pas dans la fédération de praticien libre français ou étranger ou originaire des territoires, possédant le diplôme des écoles de médecine de Dakar ou de Yaoundé. Il adresse en annexe une liste des médecins qui sont en service dans les territoires de l'AEF auprès d'œuvres missionnaires confessionnelles et d'entreprises privées. On y constate une liste de 11 médecins dont cinq dans des entreprises privées et six dans des œuvres confessionnelles dont trois à l'hôpital Schweitzer (Lambaréné, Gabon). Le docteur Schweitzer est dans cette liste. Au Togo, la réponse du 12 février (386 AP) est du même ordre, aucun médecin libre français ou étranger, aucun médecin dans une œuvre missionnaire ou dans une entreprise privée. ↵
- Plusieurs lettres montrent que l’Ordre national des médecins veille au respect de cette réglementation et se plaint auprès des Directeurs locaux de santé publique lorsqu’il apprend qu’une personne pratique la médecine sans être inscrit au Tableau (par ex : en 1951 pour un médecin italien en Guinée). ↵
- Le 27 janvier 1954 (390/TECH), le directeur du service général d’hygiène mobile et de prophylaxie écrit au directeur général de la santé publique à Dakar, pour s’étonner « d’être mis devant le fait accompli », en découvrant que certains de ses praticiens ont été inscrits au Tableau de l’Ordre pour exercer une clientèle privée. Ainsi, il est « absolument hostile à l’exercice de la clientèle privée par les médecins du SGHMP que cela pousse à la sédentarité » et il demande donc l’annulation de ces décisions pour trois médecins de Daloa, Macenta et Mamou. ↵
- Un courrier du Général Sanner au médecin colonel directeur local de la santé publique à Conakry du 30 septembre 1954 laisse penser que cette pratique sans autorisation des médecins de l’administration existe ailleurs aussi. Il rapporte notamment que les médecins n’ont pas le droit de garder les sommes payées par les patient·e·s, mais doivent les remettre au gestionnaire et que les ristournes remises ensuite peuvent être contrôlées par le fisc; elles devaient donc être déclarées. ↵