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La pratique privée des médecins coloniaux et ses défis

L’analyse des archives m’a permis de comprendre que l’enjeu du paiement des primes aux médecins coloniaux s’est posé dès le 19ème siècle avec les médecins de la marine, notamment. Dans les prochaines pages, je vais décrire la réalité des faits de cette pratique, mais aussi montrer tous les défis de l’administration coloniale pour la réguler, processus dans lequel elle va attendre longtemps avant de s’engager. L’ordre des médecins ne sera mis en place que dans les années 1950. On constate finalement que la théorie (d’une interdiction à une régulation) et la pratique (de l’exercice privé de la médecine par les médecins coloniaux) différent grandement selon les sources.

À Saint-Louis, un échange de correspondances a lieu entre la mairie et le Gouverneur de 1876 à 1877, pour que la mairie puisse payer des consultations réalisées par M. de Rochebrune, « officier de santé chargé des mort-nés », alors qu’il est en partance pour la France : « Il ne serait pas juste de le priver d’un salaire correspond à un service fait ». Les familles des enfants ne semblent pas avoir payé, et le médecin réclame ses honoraires (vacations) pour les constats de 38 mort-nés[1] (procédure réclamée par l’administration, selon un décret de 1872) entre le 26 juin et le 22 octobre 1876. Dans une lettre de 1876, nous trouvons même l’évocation de M. de Rochebrune en « sa qualité de médecin subventionné par la Commune ».

Une correspondance de 1874, concernant un autre médecin, M. Roux, qui réclame lui aussi le paiement de ses honoraires sur le budget municipal (pour la visite de 22 enfants mort-nés entre le 25 février et le 12 juillet 1874[2]) montre que cette question est récurrente. On comprend que le prix est de 100 francs pour dix réquisitions. En 1874, la mairie affirme que ce n’est pas à elle de payer, mais à la police locale ou judiciaire. Dans cette même correspondance, on comprend que M. Roux, médecin de première classe de la Marine, est aussi appelé par la justice pour constater des décès et facture ses services à cette dernière. Par exemple, pour le procès criminel de Mme Sophie Leautier, qui concerne un enfant, le médecin réclame 10 francs pour la première visite du constat de décès, puis 20 francs pour l’autopsie du cadavre et 10 francs pour la visite de la mère. C’est à cette époque (1876) que l’on voit apparaitre des débats pour que la mairie de Saint-Louis puisse disposer dans son budget d’un salaire pour un médecin civil[3], laissant donc croire qu’il n’y avait que des médecins militaires à Saint-Louis à cette époque. En effet, selon la retranscription du débat du Conseil municipal d’août 1876 autour de cette affaire, le recrutement d’un médecin civil permettrait de « réduire les honoraires payés aux médecins de la Marine », ce qui confirme le principe d’une rémunération supplémentaire à ces personnes. Il est même proposé de réduire le prix payé pour la visite du médecin civil à 3 francs. On comprend aussi que le Gouverneur aurait demandé à la mairie de prendre en charge les deux tiers du salaire du médecin civil. Mais le plus utile pour notre propos se trouve dans un passage de la lettre du Gouverneur au maire de Saint-Louis, datée du 18 juillet 1876, selon lequel un membre du conseil aurait demandé « si en présence de cette augmentation [de 4 000 à 6 000 francs] le médecin civil aurait été astreint à un tarif pour ses visites ».

Les enjeux du paiement direct et du paiement à l’acte (voir précédemment) sont donc déjà présents à la fin du 19ème siècle au Sénégal. Finalement, la mairie aurait prévu 2 000 francs et la Colonie 4 000 francs pour offrir un salaire de 6 000 francs à un médecin civil « dont l’envoi était demandé depuis plusieurs années à la métropole ». Lors de la séance du 28 août 1873, donc trois ans auparavant, le Conseil municipal avait aussi débattu du besoin de faire venir un médecin et voté à l’unanimité une indemnité de 3 000 francs. C’est donc peut-être le défi de recrutement qui a fait monter le salaire en 1876.

Six ans plus tard, la loi du 30 novembre 1892 sur l’exercice de la médecine cherchera, notamment, à interdire les activités curatives des marabouts et autres féticheurs et donc à réduire la concurrence à la médecine dite « moderne » dont on voit qu’elle avait peine à vraiment s’imposer, notamment faute de moyens (Ngalamulumé, 1997).

Mais la question de la régulation des tarifs reste centrale puisqu’en 1893, on fixe le prix des visites des deux médecins présents à Saint-Louis (Dr Carpot et Dr Duval) aux fonctionnaires et employés du service local qui auraient été signalés malades par leurs chefs de service. Si la première visite est gratuite, car elle permet de connaître le domicile du fonctionnaire, chacune des visites suivantes pour le soigner donne droit à des honoraires ajustés selon la solde annuelle des fonctionnaires malades. L’équité du financement était donc déjà abordée bien que de manière rudimentaire. La consultation était facturée cinq francs pour une solde annuelle de 3 000 francs ou plus, et de trois francs pour celles et ceux gagnant moins (JOS, 1983.375). À noter que les honoraires étaient les mêmes pour les soins à domicile des familles des fonctionnaires.

Le Gouverneur évoque, lui aussi, le prix de la visite, fixé à 3 francs, en affirmant que le Conseil aurait débattu en 1896 pour que ce montant soit un prix plafond que « le médecin ne devrait pas dépasser ». Cependant, il rappelle que le médecin doit fournir gratuitement des consultations à l’hospice et aux indigent·e·s avec certificat, puisque ce document est indispensable pour pouvoir être pris en charge gratuitement sur le budget de la commune. C’est donc pour les autres consultations que le débat du tarif se pose.

En 1906, un arrêté (JOS, 84.445) spécifie les tarifs auxquels le laboratoire de chimie du service de santé installé à Gorée, est autorisé à réaliser des cessions. Par exemple, les analyses de matière grasse sont au tarif de 8 francs et les analyses d’eau à 4 francs. Ces tarifs concernent les services demandés par les structures de santé du Gouvernement général et des services publics du Sénégal. Cependant, s’il est prouvé qu’il n’existe pas d’autres laboratoires où ces analyses peuvent être réalisées, il est possible également de facturer ces services à des particulier·e·s. La somme à payer sera majorée de 25% et versée à la caisse de l’officier d’administration qui est gestionnaire. On note cependant, à l’alinéa d de l’article 4 de cet arrêté de 1906, que « le demandeur aura à s’acquitter directement des vacations demandées par le chimiste. L’unité du prix de ces vacations sera de 5 francs et le nombre maximum des vacations possibles à demander pour une analyse restera limité à 5 ». Ainsi, non seulement les services publics augmentent de 25% leurs tarifs pour des particulier·e·s, mais les personnes qui réalisent les analyses, en l’occurrence un chimiste, obtiennent des vacations rémunérées en sus de leur solde.

Dans une note de 1919 du service des affaires civiles du Gouverneur général de l’AOF adressée à l’Inspecteur général des services sanitaires et médicaux de Dakar, il est question de la direction du service d’hygiène (qui doit être assurée par un militaire) et de l’interdiction réglementaire qu’il pratique auprès d’une clientèle privée. Le chef du service précise, dans cette note (H022) datée du 10 avril 1919, que cette disposition pourrait être supprimée. Le projet d’arrêté présenté dans cette note précise que le médecin hygiéniste devra renoncer à toute clientèle et recevra une indemnité de fonction de 4 000 francs par an. On cherche donc déjà à réguler les pratiques.

Dans une note remise au ministre des Colonies le 30 juin 1925, l’auteur constate la présence de « médecins […] en service dans des postes où ils peuvent faire de la clientèle », confirmant donc l’écart entre la théorie (interdiction et gratuité) et la pratique. Dans sa lettre au ministre des Pensions, M. Léon Demay, mutilé de guerre, se plaint qu’il n’arrive pas à faire valoir ses droits de soins gratuits auprès des médecins civils à Saint-Louis (puisqu’il n’y a que des médecins militaires ou « militarisés », écrit-il). On apprend au détour d’une phrase que ces derniers peuvent « faire de la clientèle – soins à donner aux commerçants, aux indigènes aisés, accouchements ». Il affirme par ailleurs que « les médecins militaires font ici de la clientèle, par conséquent on peut les tenir à ce titre pour médecins civils ».

Pourtant, un projet de décret datant de 1926 comporte une mention explicite pour interdire au personnel de recevoir d’autres « traitements, soldes et indemnités que ceux qui lui sont alloués par les textes en vigueur », témoignant donc d’un besoin de régulation. Si ce projet d’arrêté confirme la possibilité de facturer les analyses aux particulier·e·s, les sommes doivent être versées « au profit du budget gestionnaire », et donc pas aux professionnel·le·s de santé.

Lors du Conseil colonial de 1926, au cœur des débats sur le manque de moyens des services de santé explicité dans un chapitre précédent, des discussions s’engagent sur le besoin de « tarifer les visites » des médecins coloniaux (Conseil colonial, 1927). La reproduction du débat permet d’en comprendre les tenants et aboutissants, notamment la présence attestée de consultations payantes et la stratégie financière de la profession médicale :

LARRIEU. — Quant à moi, parodiant une phrase célèbre, je ne cesserai de vous dire : des médecins, encore des médecins et toujours des médecins! Si vous ne recrutez pas assez de médecins, c’est que vous n’offrez pas des situations de début suffisantes. En second lieu, je me dois de vous signaler que dans les dispensaires que vous construisez il n’y a pas de médicaments. Est-ce un oubli du docteur pour ses commandes? Cela vient-il du service de santé? Je crois plutôt qu’il s’agit d’une façon de faire intéressée des médecins, car si l’on ne trouve pas de remèdes dans les dispensaires, on en trouve chez ceux-ci. Je demande aussi à l’Administration d’examiner s’il ne serait pas possible de tarifier les visites. À Kaolack, on paye une visite 40 francs, à bord d’un bateau français, c’est 100 francs, et si le bateau est étranger, c’est une livre.

D’OXOBY. — Je suis entièrement de l’avis de mon collègue Larrieu. Je vais vous donner quelques prix pratiqués dans le cercle du Cayor : À Kébémer, 250 francs la visite. À Mékhé, 80 francs la visite. J’estime que 25 francs pour la visite de jour et 50 francs pour la nuit seraient des prix raisonnables.

LE REPRÉSENTANT DE L’ADMINISTRATION. — Il me serait difficile de vous répondre sur le champ et de vous dire d’une façon catégorique si l’Administration peut intervenir pour tarifer le prix des visites médicales. (Conseil colonial, 1927 : 223)

Puis, M. Larrieu donne l’exemple d’un médecin de Kaolack qui a refusé de se déplacer à Foundiougne pour l’accouchement compliqué d’une femme (signalée « bien à tort » comme « indigente »), préférant aller, durant la nuit, « soigner un riche commerçant de Sokhone ». Et M. Larrieu de préciser, avec la nuance du mot « uniquement » :

Mon but, en insistant, est de faire remarquer aux médecins de l’Assistance médicale indigène que leur rôle n’est pas de faire uniquement de la clientèle payante.

La gratuité des soins de l’AMI analysée précédemment est donc toute relative, d’autant plus que les médecins sont rémunérés par l’administration coloniale.

Puis, le président du Conseil nuance les propos de Larrieu, en affirmant que les médecins « qui s’empressent auprès des pauvres; nous les connaissons. Ceux-là ont du cœur ». Puis M. D’Oxoby poursuit : « L’Administration ne tarifiera jamais les visites, car si elle tarifie, elle sera obligée de payer plus cher ses médecins ». L’enjeu de la distribution des ressources est au cœur du débat (Conseil colonial, 1927).

Un rapport de 1930 mentionne aussi que le Gouverneur général a donné son accord pour une pratique privée au sein de l’Hôpital principal de Dakar, afin « qu’un certain nombre d’interventions [soient] payées par les malades ». Le rapporteur semble scandalisé par cette pratique, car « il apparaît donc que le médecin lèse les droits de l’hôpital qui le paie, et lui fait une concurrence inadmissible », notamment pour « la catégorie [d’interventions] qui, à l’hôpital, eussent été payantes pour l’administration », confirmant cette source de revenu. En effet, le personnel de l’hôpital ne serait payé que pour soigner les fonctionnaires et non les particulier·e·s qui, dès lors, doivent payer. Quand un médecin justifie sa pratique en disant que cela « se passait en Extrême-Orient », le rapporteur s’emporte :

Cette défense ne vaut rien, mais il est juste pourtant de reconnaître que la faiblesse humaine se laisse facilement entrainer à répéter un geste lucratif, même défendu, et à s’en trouver une excuse du fait que, dans le passé, elle en a vu la répétition quotidienne, sans que jamais quiconque n’ait songé à le trouver amoral. Le médecin en cause a déclaré d’ailleurs que l’accusation qui pesait sur lui avait été un rappel pour sa conscience et qu’à l’avenir aucune faute de cette nature ne serait à lui reprocher.

Ce point de vue est intéressant dans le débat contemporain de la pratique privée dans les structures publiques sénégalaises, qui est largement relaté par la presse, mais où rares sont les études rigoureuses sur le sujet. L’État semble par ailleurs faire face à des défis pour réguler cette pratique, ancestrale comme on vient de le voir, et quasiment mondiale.

Un autre rapport de 1930, sur les services de pharmacie de l’Hôpital principal à Dakar, montre que les défis de gestion concernent aussi les infirmier·e·s : « une autre cause de perte, plus minime, mais qui se renouvelle tous les jours est due à la disparition des flacons qui contiennent les prescriptions médicamenteuses, les infirmiers ne rapportant parfois que la moitié des fioles délivrées »[4]. Toujours dans ce rapport de 1930, le chef du service ORL confirme qu’il pratique des « consultations payantes pour son propre compte », mais « avec des instruments à lui ». Ce médecin précise même qu’il a ouvert un cabinet privé à domicile, trois fois par semaine, de « 5 heures à 7 heures ½ ».

Voté en 1936, l’arrêté 2002 statue sur les frais médicaux et d’hospitalisation, ainsi que les frais funéraires pour les personnes victimes d’accident du travail. Cet arrêté comprend 26 articles très détaillés sur les modalités de paiement, les facturations et les remboursements. Par exemple, l’article 2 indique que les visites réalisées au domicile de la personne blessée donnent lieu à des indemnités de déplacement. L’article suivant explique que le prix de la visite est augmenté de 50%, lorsque cette dernière doit avoir lieu à une heure fixe ou lorsqu’elle est réalisée en urgence ainsi que les dimanches et les jours fériés. L’article 4 note que le prix de cette visite est triplé lorsque, dans les cas graves et pressants, elle doit avoir lieu entre 21h00 et 06h00. En outre, si des actes opératoires doivent être réalisés dans cette situation d’urgence au cours de la nuit, leur prix est majoré de 25%, tant pour « les chirurgiens que pour les aides ou l’anesthésiste », stipule l’article 8. L’article 11 demande également de prévoir des « honoraires ou la rémunération des aides ou anesthésistes pour leur assistance aux interventions de grande chirurgie ». L’article 5 précise le prix de la consultation dans les cas d’extrême urgence :

lorsque dans les cas graves et pressants, un confrère doit être appelé en consultation, le prix de la consultation équivaudra au prix de trois visites ou consultations tant pour le médecin traitant que pour le médecin appelé en consultation. Le tarif de déplacement sera appliqué en plus s’il y a lieu.

Il est ensuite précisé que lorsqu’une surveillance du malade est nécessaire, chaque demi-heure est facturée comme une visite supplémentaire « dans la limite d’un maximum de cinq visites ». L’établissement d’un certificat médical donne droit à une rémunération de 10 francs, mais si la personne a des blessures graves et qu’il faut rédiger un certificat descriptif, alors l’indemnité est de 20 francs. Les tarifs des médicaments doivent suivre ceux de l’association générale des syndicats pharmaceutiques de France. Ils sont également augmentés aux mêmes conditions horaires que pour les visites médicales. Ainsi, l’État cherche à mieux réguler cette pratique privée et notamment les tarifs qu’il est possible de proposer. Les enjeux des ristournes pour le personnel, notamment la marge de 25%, restent une norme appliquée et officielle.

Dans les débats du Conseil colonial de 1936 concernant le chapitre des dépenses de santé, M. Adama Lo, membre du Conseil, témoigne devant l’assemblée au sujet de la maladie de sa mère. Un médecin de Rufisque à qui il avait fait appel lui aurait répondu qu’il n’avait pas le temps de s’en occuper : « débrouillez-vous avec la sage-femme pour lui donner un lavement ». M. Lo explique qu’il est allé « chercher un autre médecin mais il paraît, que les médecins fonctionnaires n’ont pas le droit de soigner les malades ni de faire de la clientèle payante. J’insistais auprès du médecin capitaine chargé de l’hygiène qui m’a dit : devrais-je y laisser mon grade, je vais vous accompagner » (p.140). Malheureusement, le médecin capitaine arrivera trop tard et M. Lo de faire un plaidoyer pour que l’administration puisse autoriser tous les médecins à prodiguer des soins à tous·tes les malades. Il poursuit en se plaignant :

Il n’est pas admissible que dans des communes comme celle de Rufisque, on laisse mourir les personnes sans soin, et cela uniquement pour servir les intérêts du médecin municipal. La ville de Rufisque a demandé un médecin auxiliaire dont elle a inscrit la solde sur son budget. Nous serions reconnaissants à l’administration si elle faisait le sacrifice nécessaire pour nous envoyer un médecin auxiliaire, de préférence celui qui a fait une demande dans ce sens, qui se trouve en Casamance et connaît merveilleusement bien son métier qu’il pratique d’ailleurs très consciencieusement, à la satisfaction de l’administration et des habitants de la Casamance, j’ai nommé monsieur Carvalho.

On comprend donc combien les enjeux budgétaires et les pratiques privées avec une clientèle payante s’entremêlent, les questions de concurrence, que l’on évoque dans une prochaine section, entre les médecins, selon qu’ils ont droit (ou pas) de disposer d’une clientèle privée, s’ajoutant au débat.

Une lettre de M. de Coppet datée du 15 mai 1937 à Dakar stipule que « chaque visite ou consultation ayant fait l’objet d’une cession donnera droit pour les médecins fonctionnaires à une indemnité uniforme de 10 francs dans tous les centres ou postes ». Le principe de la ristourne sur la tarification des actes est donc en place. À noter que la somme de 10 francs est indiquée à la main dans ce document dactylographié et que le chiffre noté à l’origine était 7,50 francs (évoqué par Vernes et Trautmann précédemment). Cette indemnité est doublée pour les visites de nuit et pour les accouchements ou opérations, elle est égale au tiers des tarifs de cession. Le 18 mai 1940, l’arrêté 1085 signé par Léon Cayla suspend la réglementation de l’exercice rémunéré des médecins. Le 21 mai 1940, le Gouverneur des colonies écrit au médecin général chef du service de santé à Dakar pour l’informer de la suspension du décret. Il explique ensuite que les médecins fonctionnaires, militaires, civils et contractuels sont autorisés « à donner leurs soins aux particulier·e·s et à percevoir une rémunération raisonnable sans ristourne au profit de l’administration ». Il demande cependant au chef du service santé de rappeler que la clientèle payante ne doit être reçue « ni pendant les heures de service sauf cas d’urgence, ni dans les formations sanitaires avec le matériel appartenant à l’administration ».

En 1939, le docteur Sasportas confirme la continuité de la pratique privée de certains médecins :

Je n’ignore pas qu’à côté de ces médecins fonctionnaires travaillant pour la chose publique et qui forment la majorité, il existe quelques rares cas de confrères, installés dans les grandes villes, faisant de la clientèle comme dans un centre français. (Sasportas, 1939 : 1659)

Mais ces derniers touchent quand même certaines indemnités de la part du gouvernement, qui constituent « un appoint très utile aux ressources que la clientèle peut, par ailleurs, leur procurer » (Sasportas, 1939 : 1659).


  1. Dont quatre avec un nom à consonance française.
  2. Dont un seul avec un nom à consonance française… dont on verra qu’il est l’objet d’une enquête criminelle.
  3. 2 000 francs pour complément d’émolument, mais le Conseil aurait pourtant budgétisé 6 000 francs en 1875, alors que l’administration précédente avait budgétisé 4 000 francs.
  4. À noter qu’en 1896, on prévenait déjà, pour l’Hôpital de Saint-Louis, que « le médecin chef intéressé directement à la bonne administration de son hôpital, [veillerait] à ce qu’il n’y ait pas d’abus dans la délivrance des médicaments aux malades en traitement ».