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Introduction de la première partie

Le nombre des lits d’hôpitaux est si dérisoire devant celui des malades.

Memmi, 1973 : 142.

Que retenir?

Dans cette partie, je présente et confirme le contexte de rareté des ressources dévolues au secteur de la santé pendant la période coloniale. Non seulement les hôpitaux coloniaux sont rares et ne disposent que de peu de budget, mais ils doivent déjà réaliser des économies.

À partir de 1926, s’opère un basculement budgétaire : les dépenses des établissements de santé sont transférées aux budgets locaux de chaque colonie de l’Afrique occidentale française (AOF), exacerbant les défis de financement. L’administration coloniale commence à formaliser le principe et la possibilité pour certain·e·s malades de payer leur hospitalisation, en même temps qu’elle recherche l’efficience de l’organisation des services.

Depuis la période coloniale, peu de progrès semblent avoir été réalisés dans l’organisation et le financement des systèmes de santé. Ainsi, quelques décennies plus tard, si la Déclaration d’Abuja de 2001 des chefs d’État et de gouvernement africains indique un engagement à ce que 15% du budget de l’État soit dévolu au secteur de la santé, elle n’est actuellement toujours pas respectée et ne l’était pas plus durant la période coloniale, même si l’on évoquait, déjà à l’époque, la pertinence de taux semblables. Cependant, l’hospitalo-centrisme était déjà en marche, préférant, comme aujourd’hui, les grandes structures aux soins de santé primaires. La Conférence internationale sur les soins de santé primaires (SSP) réunie à Alma-Ata en 1978 n’aura pas eu d’impact, alors que l’engagement annoncé était de réorienter les services de santé en faveur des SSP.

Avant d’entrer dans les détails de l’ouvrage, il est essentiel de comprendre le contexte budgétaire global, notamment les carences, importantes et permanentes, de l’Empire colonial français (Cogneau, 2023), mais aussi l’organisation du système de soins au Sénégal durant la période où je vais étudier sa financiarisation.