17 Annie J. Sasco, médecin de santé publique (1952-)
Nadia Collot
Annie Sasco est médecin et engagée corps et âme pour la protection de la santé et de l’environnement.
À 4 ans, j’admirais beaucoup un médecin, Dr Serge Glémet, une personne « magique » et utile : j’étais malade, il me soignait, j’étais bien. J’ai toujours voulu aider les autres et me rendre utile. J’ai envisagé d’être religieuse missionnaire en Afrique pour aider les enfants. À 12 ans, je voulais travailler pour l’OMS pour agir sur la santé des populations. À ma modeste échelle, je voudrais contribuer à ce que les gens soient bien dans leur peau, dans leur tête, dans une société juste, égalitaire, une société un peu utopique mais dont nous pourrions nous rapprocher, au moins de quelques pas dans la bonne direction. (Extrait d’une entrevue avec Annie J. Sasco, Projetnesting.fr.)
Une médecin et chercheuse engagée
Annie J. Sasco est médecin épidémiologiste du cancer. Issue d’une famille basque traditionnelle, elle a été la première dans sa famille à terminer ses études secondaires. Elle s’est entêtée pour faire la médecine alors que sa famille souhaitait la voir enseigner l’anglais.
Faisant partie de la génération de celles et ceux qui avaient 17 ans en mai 1968, elle a souhaité une forme d’exercice qui permette d’avoir une action au niveau des populations, en complément de celle individuelle au niveau des patients et des patientes.
J’ai décidé d’aller dans le secteur de la santé publique parce que je voulais traiter avec les populations en général, dans toutes les parties du monde, et ne pas me limiter à la pratique clinique. Ce fut un choix difficile parce que je n’ai pas eu, et je n’ai toujours pas, la récompense des patients satisfaits. Les statistiques ne m’apportent pas cette chaleureuse reconnaissance (extrait du portrait d’Annie Sasco sur le site LIFPL)
La prévention est encore aujourd’hui son objectif majeur, centré sur son domaine d’expertise, le cancer, mais avec un accent particulier sur la santé des femmes et aussi sur les pays du sud. Elle est d’ailleurs engagée avec le réseau Women in Europe for a Common Future (WECF). Son objectif majeur est de contribuer à la prévention du cancer dans le monde, y compris pour les populations les plus défavorisées, par la dissémination large des connaissances et la traduction de la science en action, dans un esprit d’équité et de justice sociale. Plurilingue, elle se définit comme une citoyenne du monde, une féministe convaincue, le mélange réussi de mai 68 et de Harvard.
Une formation en France et aux États-Unis
Sa formation médicale a eu lieu essentiellement à Bordeaux. Sa thèse de médecine a porté sur l’évaluation d’une consultation d’aide à l’arrêt du tabac. Elle a obtenu plusieurs spécialités dont des CES de médecine du travail, santé publique (Toulouse) ou médecine aéronautique et spatiale, ainsi qu’un DU de sociologie et autres titres dont une habilitation à diriger des recherches (Lyon). Elle a poursuivi sa formation à Harvard aux États-Unis, notamment en santé publique, et y a obtenu successivement deux maîtrises et un doctorat (Master of Public Health, Master of Science in Biostatistics and Epidemiology, Doctor of Public Health).
Une carrière à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm)
Recrutée à l’Inserm en 1980, elle a effectué l’essentiel de sa carrière au Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) – Organisation Mondiale de la Santé (OMS) à Lyon, chercheuse dans l’Unité de Biostatistiques, puis d’Epidémiologie Analytique, avant de diriger pendant 9 ans un Groupe puis une Unité de recherche d’Epidémiologie pour la Prévention du Cancer. Pendant deux ans, elle a été en outre Directrice par intérim du Programme de Contrôle du Cancer de l’OMS. Refusant de se limiter à la thématique du tabac, une thématique imposée par les orientations des politiques de financement, elle a quitté le CIRC.
De 2008 à 2010, elle a dirigé à l’Institut de Santé Publique, Epidémiologie et Développement de l’Université Victor Segalen Bordeaux 2, une équipe Inserm d’Epidémiologie pour la Prévention du Cancer au sein du Centre de Recherche d’Epidémiologie et Biostatistique U 897, avant de rejoindre en 2011 l’Equipe VIH, Cancer et Santé Globale dans les pays à ressources limitées.
Dr Sasco est une experte reconnue au niveau national, européen et international en épidémiologie des cancers, en particulier sur des dossiers tels que la « viande aux hormones », les perturbateurs endocriniens divers (pesticides, le distilbène), les champs électromagnétiques (téléphonie mobile, lignes à haute tension) mais aussi le tabac, le cannabis et les problématiques de mondialisation, environnement et communication en prévention des cancers. Elle a été nommée en 2011 par décret ministériel au Haut Conseil des Biotechnologies (OGM).
Elle a des responsabilités d’enseignement en France, mais aussi aux États-Unis d’Amérique, dans plusieurs pays africains, au Brésil et de façon ponctuelle dans de nombreux autres pays. Elle est l’auteure de plus de 400 publications, dont plus de 170 indexées dans Medline et membre de multiples comités éditoriaux et associations scientifiques.
Une chercheuse et une scientifique impliquée dans sa communauté
Malgré ses nombreux engagements dans le milieu de la recherche, elle s’est toujours impliquée dans sa communauté. Elle a co-fondé un café de commerce équitable en France. Elle s’est également impliquée dans le milieu scolaire en supervisant un programme de recherche sur le tabagisme et les adolescents. Elle a été présidente d’honneur de l’association CaméraSanté.
Vie familiale
Annie Sasco a deux enfants qui sont aujourd’hui également engagés dans des luttes sociales et environnementales.
Reconnaissance et prix
Elle fut en 2005 l’une des quatre Françaises nominées dans le cadre des « 1 000 femmes pour le Prix Nobel de la Paix ».
Quelques publications
Sasco, Annie J. (2010), Cancer et environnement – la vérité. Paris, Éditions du Toucan.
Belpomme, Dominique, Philippe Irigaray, Lennart Hardell, Richard Clapp, Luc Montagnier, Samuel S. Epstein et Annie J. Sasco (2007), « The multitude and diversity of environmental carcinogens », Environmental Research, vol. 105, no. 3, p. 414-429.
Gram Inger T., Tonje Braaten, Paul D. Terry, Annie J. Sasco, Hans-Olov Adami, Eiliv Lund et Elisabete Weiderpass (2005), « Breast Cancer Risk Among Women Who Start Smoking as Teenagers », Cancer Epidemiology, Biomarkers & Prevention, vol. 14, p. 61-66.
Sasco, Annie J. (2003), « Breast Cancer and the Environment », Hormone Research in Paediatrics, vol. 60, no. 3.
Sasco, Annie J. (2001), « Epidemiology of breast cancer : an environmental disease? », APMIS, vol. 109, no. 103, p. 80-92.
Sasco Annie J. et Harri Vainio (1999), «From in utero and childhood exposure to parental smoking to childhood cancer: a possible link and the need for action», Human & Experimental Toxicology, vol. 18, no.4, p. 192-201.
Références
(2012), « Dr. Annie Sasco Silenced After London Conference on Childhood Cancer», Towards Better Health. En ligne.
http://mieuxprevenir.blogspot.ca/2012/05/dr-annie-sasco-silenced-after-london.html
LIFPL (s.d.), « Dre Annie Sasco », Ligue internationale des Femmes pour la paix et la Liberté (LIFPL). En ligne.
http://lifpl.wordpress.com/qui/sympathisantes/dre-annie-sasco/
Ruffinengo, Elisabeth (s.d.), « Portraits d’expertes (1) : Dr Annie J. Sasco », Projetnesting.fr. En ligne.
http://www.projetnesting.fr/Portraits-d-expertes-1-Dr-Annie-J.html.
Lafrenière, Maureen (s.d.), « A Conversation with Dr. Annie Sasco », Breast Cancer Action Montreal, En ligne.
http://www.bcam.qc.ca/content/conversation-dr-annie-sasco
(2009), « J-10 : ‘100 médecins pour la planète’ Interview du Dr Annie Sasco », Association santé environnement France. En ligne.
http://www.asef-asso.fr/ma-planete/nos-actions/100-medecins/304-j-10-q100-medecins-pour-la-planeteq-interview-du-dr-annie-sasco