Introduction de la troisième partie

Source : Conception de l’auteur avec Canva
Cette illustration met en avant le rôle central des collectivités territoriales et des acteurs locaux dans la promotion et le développement de l’ESS en Haïti. Voici les éléments clés représentés :
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La Mairie comme Acteur de Coordination. Le bâtiment administratif symbolise le rôle des collectivités territoriales dans la mise en place des politiques de soutien à l’ESS. Autour de la mairie, une réunion entre petit·e·s entrepreneur·e·s, leaders de coopératives et institutions de microfinance met en avant les discussions locales pour structurer l’économie solidaire;
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Formation des Jeunes Entrepreneur·e·s. Un espace de formation illustre l’importance de l’éducation entrepreneuriale pour renforcer les capacités des porteurs et porteuses de projets ESS. Ces formations permettent d’accompagner la transition des jeunes vers un entrepreneuriat social durable;
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Le Marché Coopératif Local. Un marché actif où des productrices et producteurs locaux vendent leurs produits représente la mise en place de circuits courts et l’autonomisation économique des acteurs locaux. Il illustre également le rôle des collectivités dans la création d’infrastructures économiques adaptées aux besoins des entreprises ESS.
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Amélioration des Infrastructures et des chaînes d’Approvisionnement. En arrière-plan, des routes modernisées et des connexions entre les zones rurales et urbaines mettent en avant les investissements en infrastructures essentielles au développement de l’ESS. L’amélioration des routes et des transports réduit les coûts de distribution et renforce l’intégration des product·eur·rice·s ruraux dans l’économie nationale.
Cette illustration démontre que les collectivités locales sont un maillon essentiel du développement de l’ESS en Haïti. Elle met en lumière plusieurs stratégies essentielles :
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La nécessité de décentraliser les politiques de soutien à l’ESS pour une meilleure adaptation aux réalités locales;
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L’importance d’un dialogue constant entre les municipalités et les entrepreneur·e·s sociaux afin d’identifier les besoins prioritaires;
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L’investissement dans les infrastructures économiques et éducatives pour garantir un développement territorial équilibré.
L’économie sociale et solidaire (ESS) et le secteur informel jouent un rôle clé dans l’économie haïtienne, en particulier pour les femmes et les populations rurales qui en dépendent pour leur survie économique. Toutefois, ces dynamiques économiques évoluent souvent en marge des cadres institutionnels et des politiques publiques, ce qui limite leur potentiel de croissance et d’intégration dans une stratégie nationale de développement territorial durable.
Les politiques publiques haïtiennes ont longtemps privilégié des approches économiques classiques, souvent orientées vers la libéralisation du marché et l’attraction des investissements étrangers, au détriment d’un soutien structuré aux initiatives locales et aux modèles économiques inclusifs (Providence 2022). Pourtant, l’ESS constitue une alternative viable pour renforcer la résilience économique des territoires, améliorer l’accès aux services de base et réduire les inégalités socio-économiques.
Cette troisième partie s’intéresse aux politiques publiques mises en place pour encadrer et soutenir l’ESS et le secteur informel en Haïti. Elle examinera dans quelle mesure ces politiques répondent aux défis des entrepreneures locales et des travaill·eur·euse·s informel·le·s, tout en analysant les opportunités et les limites des dispositifs existants. Nous proposerons également des pistes de réflexion pour une meilleure intégration de l’ESS dans les stratégies de développement territorial et de décentralisation.
Malgré l’importance croissante de l’ESS et du secteur informel dans l’économie nationale, l’État haïtien peine à mettre en place un cadre réglementaire clair et structurant. Contrairement à d’autres pays d’Amérique latine et des Caraïbes, où des lois spécifiques ont été adoptées pour encadrer les coopératives, les entreprises sociales et les mutuelles, Haïti ne dispose pas encore d’une législation cohérente en faveur de l’ESS.
Plusieurs tentatives ont été faites pour institutionnaliser et soutenir l’ESS, notamment à travers des programmes de microfinance, des projets de développement rural et des initiatives de soutien aux coopératives agricoles. Toutefois, ces actions restent fragmentées et souvent dépendantes de l’aide internationale, sans véritable vision stratégique nationale.
L’un des principaux défis de l’ESS en Haïti réside dans l’absence de synergie entre les différentes institutions publiques, les acteurs de la société civile et les partenaires internationaux. Les ministères chargés du commerce, de l’agriculture, des affaires sociales et de l’économie ont des programmes qui concernent l’ESS, mais ces initiatives ne sont pas toujours alignées, ce qui crée des redondances et des inefficacités.
L’absence d’une entité centrale dédiée à l’ESS, capable de coordonner les actions et d’assurer un accompagnement structuré aux entrepreneur·e·s sociaux et aux travaill·eur·euse·s informel·le·s, empêche le développement d’une véritable politique nationale en faveur de l’économie solidaire.
L’un des défis majeurs pour les acteurs de l’ESS et du secteur informel en Haïti est l’accès au financement. Bien que plusieurs institutions de microfinance et ONG proposent des solutions adaptées aux petites entreprises et aux coopératives, les taux d’intérêt élevés, les exigences de garanties et l’accès limité aux infrastructures bancaires restent des obstacles importants.
Les programmes de microfinance ont permis à de nombreuses femmes entrepreneures d’accéder à des capitaux de départ pour développer leurs activités, mais ces dispositifs ne suffisent pas à garantir la pérennité des entreprises, notamment en raison de l’instabilité économique et de l’absence de formations en gestion financière.
Le manque d’infrastructures adaptées est un frein majeur au développement de l’ESS en Haïti. Dans de nombreuses régions, les routes en mauvais état, l’absence de marchés organisés et la faible connectivité rendent difficile l’écoulement des produits agricoles et artisanaux.
Des initiatives de création de marchés locaux solidaires et de plateformes numériques de commerce équitable ont vu le jour ces dernières années, mais elles restent encore marginales et ne bénéficient pas d’un soutien institutionnel fort.
Un autre défi majeur pour le développement de l’ESS en Haïti réside dans le manque de formations adaptées aux besoins des entrepreneur·e·s sociaux et des travaill·euse·eur·s informel·le·s. Les programmes de formation en gestion d’entreprise, en comptabilité, en marketing et en innovation sociale sont encore trop rares et souvent inaccessibles aux populations rurales.
Pour renforcer le potentiel de l’ESS, il est essentiel de mettre en place des centres de formation spécialisés et de favoriser des partenariats entre les universités, les institutions publiques et les acteurs de l’ESS afin de mieux préparer les entrepreneur·e·s aux défis économiques contemporains.
Haïti est un pays marqué par une forte centralisation administrative et économique, ce qui limite la capacité des régions à développer leurs propres stratégies de développement. L’ESS pourrait être un vecteur clé pour la décentralisation, en permettant aux collectivités locales d’investir dans des projets économiques portés par des communautés organisées.
Des expériences menées dans d’autres pays montrent que la mise en place de fonds de développement territorial dédiés à l’ESS, ainsi que le renforcement des coopérations entre les acteurs locaux (municipalités, associations, coopératives, entreprises sociales), peut avoir un impact significatif sur la dynamisation des économies locales.
Plutôt que de chercher à éradiquer ou marginaliser le secteur informel, les politiques publiques doivent viser une formalisation progressive, en facilitant l’accès aux financements, aux formations et aux infrastructures pour les entrepreneur·e·s informel·le·s. Le développement de cadres réglementaires souples et adaptés permettrait d’encourager l’enregistrement progressif des entreprises informelles, en leur offrant des avantages tels que l’accès aux marchés publics, des exonérations fiscales temporaires et une protection sociale de base.
Pour que l’ESS puisse jouer un rôle structurant dans l’économie nationale, il est nécessaire de mettre en place une loi-cadre qui définisse clairement les statuts des coopératives, des mutuelles et des entreprises sociales. Une telle loi permettrait de :
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Créer un cadre juridique stable et incitatif pour le développement de l’ESS.
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Offrir des avantages fiscaux et financiers aux structures engagées dans l’ESS.
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Assurer une meilleure coordination entre les acteurs publics et privés.
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Intégrer l’ESS dans les stratégies de développement territorial et de lutte contre la pauvreté.
Les politiques publiques en Haïti ont encore beaucoup de chemin à parcourir pour intégrer pleinement l’ESS et le secteur informel dans une vision de développement territorial durable et inclusif. En mettant en place des cadres juridiques adaptés, des financements accessibles et des infrastructures adéquates, l’État pourrait transformer l’ESS en un véritable levier de croissance et de résilience économiques.
Cette troisième partie explorera donc les avancées, les limites et les perspectives des politiques publiques haïtiennes en faveur de l’ESS, en proposant des stratégies concrètes pour une meilleure prise en compte des entrepreneur·e·s sociaux et informel·le·s dans la structuration du développement territorial haïtien.