Les auteures et auteurs

5 Idola St-Jean, Québec (1880-1945)

Édith Nadeau-Bolduc

idola st-jean

Idola St-Jean fut l’une des têtes de proue du mouvement des suffragettes et du féminisme au Québec. Elle a fait du vote des femmes son cheval de bataille tout au long de sa vie, s’impliquant pour la cause dès 1922 et en fondant en 1927 l’Alliance canadienne pour le vote des femmes du Québec.

L’avant-gardiste

En 1922, elle était secrétaire de la première délégation du comité du suffrage provincial au Québec. Mais c’est en 1927 qu’elle fonda son propre mouvement, l’Alliance canadienne pour le vote des femmes, afin de pouvoir y exprimer ses idées politiques. En effet, tout en militant aux cotés de Thérèse Casgrain et de Marie Gérin-Lajoie, Idola préconisait une action plus radicale basé sur un idéal de société républicain et démocrate, faisant appel au droit naturel, à l’égalité des êtres humains, au suffrage universel et à la volonté populaire. Elle croyait que la démocratie était le seul système politique capable de faire place aux revendications des groupes sociaux discriminés.

Idola St-Jean avait une conception très contemporaine du féminisme, ce qui lui valut à la fois la critique et l’admiration. C’était avec ferveur qu’elle revendiquait l’égalité des femmes dans tous les domaines de la société. Même si sa lutte principale était consacrée au droit de vote, elle ne souhaitait pas que les femmes demeurent de fidèles épouses à la maison soumises à leur mari. Pour elle, le droit de suffrage n’était qu’une des facettes de l’affirmation sociale des femmes. En 1930, elle eut même l’audace de se présenter aux élections comme candidate indépendante dans la circonscription de St-Denis (Dorion), alors que les femmes n’avaient pas encore le droit de vote! Sa plate-forme politique étant essentiellement féministe, elle n’a évidemment pas été élue, mais 3 000 hommes lui avaient tout de même accordé leur confiance.

Idola St-Jean se distinguait de Thérèse Casgrain et de Marie Gérin-Lajoie. Elle était célibataire, enseignante à l’Université McGill et à la Société St-Jean Baptiste, où elle donnait des cours de langues et de diction : elle gagnait sa vie sans dépendre d’un mari. Peut-être le fait de ne rien devoir à un homme explique pourquoi elle se permettait d’émettre des idées plus radicales que celles de son époque.

Dans les milieux suffragistes québécois, elle fut la seule à développer l’idée d’une action autonome des femmes, ce qui se traduisit à la fois par le type de services dispensés par l’Alliance, par son refus de la séduction comme stratégie et par la théorisation de ses choix féministes dans ses écrits.

Sensible au quotidien des autres femmes qui ne faisaient pas partie de la haute société, elle était soucieuse de justice sociale et appuya plusieurs grèves de travailleuses réclamant l’égalité des femmes dans les sphères sociale, économique et familiale.

L’inlassable

Sans relâche, depuis 1927, Idola St-Jean et les militantes de la Ligue des droits de la femme présidée par Thérèse Casgrain demandaient le droit au suffrage féminin à l’Assemblée nationale, essuyant refus par-dessus refus. En militante active, Idola prenait tous les moyens à sa disposition afin de faire entendre son message de justice sociale et d’égalité des sexes. Elle n’avait pas peur de prendre la parole publiquement en faisant des allocutions radiophoniques ou en organisant des manifestations et des conférences.

En 1931, Idola prononca à la radio un discours marquant dans l’histoire du droit de vote. Son allocution faisait appel au sens de la justice sociale et démontait les arguments contraires au suffrage féminin. Elle montrait à quel point les femmes étaient autant concernées que les hommes dans les décisions prises par le gouvernement et qu’elles étaient aussi aptes que ceux-ci à comprendre les questions débattues par les législateurs. S’adressant aux députés :

Et dites-nous, dégagés de votre égoïsme, qui vous apporte moins de bonheur que vous semblez le croire, dites-nous si vous seriez satisfaits si, un jour, la femme se proclamait votre souverain arbitre, et se chargeait, comme vous le faites béatement depuis des siècles, de vous dicter totalement votre de conduite, se constituant l’unique juge de votre destinée.

Bien qu’il fût marquant, ce discours passionné prononcé la veille d’une délibération parlementaire au sujet du droit de vote des femmes n’a malheureusement pas donné le résultat escompté. Le projet de loi déposé par le libéral Irénée Vautrin fut défait par 47 voix contre 21. Inlassablement, elle reprit cette argumentation, notamment dans la revue La sphère féminine en 1935.

Prétend-on refuser aux femmes le droit de vivre et de jouir de la dignité et de l’indépendance que le travail confère à tout être? Que penserait-on d’une législation qui contraindrait tous les hommes à exercer la même profession ou le même métier? Ne commet-on pas la même absurdité en tentant de condamner toutes les femmes au mariage ne leur permettant pas d’autres fonctions que celle de la maternité? (citée dans Lamoureux 1991)

Soulignons que pendant ses temps libres, Idola St-Jean faisait du bénévolat auprès des jeunes délinquants. Elle fut définitivement une femme dévouée à la société et nous lui devons en grande partie le droit de vote des femmes obtenu en 1940. Décédée en 1945, Idola St-Jean a heureusement pu voir le résultat de son travail acharné.

La pionnière

De nos jours, Idola St-Jean est considérée comme une des pionnières des droits de la personne au Québec. Elle jouit d’une grande reconnaissance pour ses actions en faveur de l’égalité des sexes. Un monument a d’ailleurs été érigé en son honneur près du Parlement à Québec, où elle figure en compagnie de Thérèse Casgrain, de Marie Gérin-Lajoie et de Marie-Claire Kirkland, la première femme députée au Québec.

La Fédération des femmes du Québec a créé un prix portant son nom. Depuis 1991, le prix Idola St-Jean est décerné à une femme ou à un groupe qui contribue d’une façon exceptionnelle au mouvement des femmes. Une plaque commémorative à son effigie, ainsi qu’un bronze la représentant, trônent au Monument national.

Mesdames et Messieurs, le féminisme n’est pas une rêverie d’utopiste, une boutade de cerveaux exaltés, c’est la revendication juste et légitime de la femme à ses droits d’être humain.

Références

La Fédération des Femmes du Québec. Idola St-Jean.
http://www.ffq.qc.ca/a-propos/vie-associative/prix-idola-st-jean/.

UQAM. Pionnière de la lutte des femmes : Idola St-Jean.
http://www.unites.uqam.ca/arir/biographies.htm.

Courtois, Charles-Philippe et Danic Parenteau. 2011. Les 50 discours qui ont marqué le Québec. Anjou : Les Éditions CEC inc, 333 pages.

Diane Lamoureux, 1991, « Idola Saint-Jean et le radicalisme féministe de l’entre-deux-guerres » Recherches féministes, vol. 4, n° 2, 1991, p. 45-60.

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