Les auteures et auteurs

33 Louise Michel, anarchiste (1830-1904)

Samuel Fournier

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La République française de 1871 fut marquée par le mouvement révolutionnaire des blanquistes dont l’objectif était d’établir une société meilleure, une société dans laquelle les idéologies anarchistes et socialistes se croiseraient. Ces révolutionnaires, pendant plusieurs mois, contrôlèrent Paris et tentèrent d’appliquer leurs idées. Louise Michel fut l’une d’entre eux. Pour sa participation à cette révolte, elle fut condamnée à l’exil. Ce fut durant son périple vers la terre de son exil qu’elle devint anarchiste.

Toujours l’homme est obligé de briser la loi dont il s’enveloppe comme d’un filet et qu’il étend sur les autres. Nul homme ne serait un monstre ou une victime sans le pouvoir que les uns donnent aux autres pour la perte de tous. (Louise Michel)

Son enfance

Louise Michel naquit en 1830 au château de Vroncourt en France. Sa mère était la servante Marie-Anne Michel et son père, probablement Laurent Demahis, un noble. Elle était considérée, à l’époque, comme une bâtarde, une enfant née d’une union illégitime. Elle eut la chance de vivre son enfance avec sa mère dans le domaine des Demahis. Elle reçut une bonne éducation, chose plutôt rare à l’époque pour une enfant de son rang. Elle s’initia, entre autres, aux ouvrages de Voltaire et de Rousseau.

À la mort du châtelain en 1850, Louise Michel quitta Vroncourt. Elle entreprit des études pour devenir enseignante. Elle enseigna à divers endroits en France. En 1856, elle s’établit à Paris, une ville où misère et pauvreté régnaient. Louise Michèle voulait donner l’éducation aux classes opprimées, notamment aux femmes qui gagnaient peu et trop souvent devaient se prostituer pour arrondir les fins de mois. À Paris, elle enseigna pendant plusieurs années et y fonda même une école gratuite, l’école des Batignolles. Son parcours à Paris fut bien rempli. En 1862, elle devint sociétaire de l’Union des poètes. Elle entretint une correspondance avec l’écrivain Victor Hugo pendant plusieurs années. En 1869, elle devint secrétaire de la Société démocratique de moralisation dont l’objectif était d’aider la classe ouvrière à trouver du travail.

La chute de Napoléon III

Le 19 juillet 1870, Napoléon III, l’empereur de France, déclara la guerre à la Prusse. La guerre fut de courte durée. Le 2 septembre, à Sedan, il fut capturé par les Prussiens. Cette journée-là, la France perdit 20 000 hommes, 100 000 chevaux et 650 pièces de canon, selon les dires de Louise Michel. Le 4 septembre, la République était déclarée. Le gouvernement fut formé de plusieurs hauts membres de l’État qui, rapidement, devint celui d’Adolphe Thiers.

Pour Louise Michel, cette proclamation représenta l’espoir d’un monde meilleur. Elle écrivit : « La République seule pouvait délivrer la France de l’invasion, la laver des 20 ans d’empire qu’elle avait subis, ouvrir toutes grandes les portes de l’avenir fermées par des monceaux de cadavres » (Michel, 1898 : En ligne, p. 79).

Cependant, la proclamation de la République n’empêcha pas les Prussiens d’avancer vers Paris. La ville refusa de capituler devant l’envahisseur prussien. Le 5 septembre, la ville organisa sa défense et dressa une quinzaine de forts. Chaque arrondissement fut doté d’un comité de vigilance chargé de défendre et d’assurer le bon fonctionnement de Paris. Les comités étaient constitués d’ouvriers et d’écrivains issus des mouvements révolutionnaires de l’époque.

Louise Michel, alors âgée de 40 ans, fut la présidente d’un des comités de vigilance chargés de défendre la ville, le Comité de vigilance du 18e arrondissement de Paris. Le 18 septembre, les Prussiens atteignirent les forts de Paris. Le gouvernement voulut mettre fin à l’hécatombe française et envoya l’un de ses représentants négocier avec les Prussiens. Le 20 septembre, Jules Favre revint en vain. Pour grand nombre de Parisiens, la capitulation était inacceptable, un acte de trahison et de lâcheté.

Ainsi, la République qui, au départ, semblait prometteuse pour Louise Michel devint rapidement le continuum impérial. Louise Michel écrivit :

Des bruits de trahison du gouvernement commençaient à circuler, il n’était qu’incapable. Le pouvoir faisait son œuvre éternelle, il la fera tant que la force soutiendra le privilège […] Bientôt le lent fonctionnement des administrations, les mêmes que sous l’Empire, eut tout paralysé (Michel, 1898 : en ligne, p. 100).

La Commune de 1871

Ce fut de cet élan patriotique face à l’envahisseur et de cet écœurement face au gouvernement républicain que naquit la Commune. Karl Marx mentionna à propos de la Commune : « Le Paris des ouvriers de 1871, le Paris de la Commune sera à jamais célébré comme l’avant-coureur d’une société nouvelle. La mémoire de ses martyrs vivra, comme en un sanctuaire, dans le grand cœur de la classe ouvrière » (Lissagaray, 1929 : En ligne, p. 379).

En tout, la Commune dura 72 jours. Un État dans l’État que le gouvernement français ne pouvait tolérer. Pendant son existence, la Commune fut prise entre, d’un côté, les Prussiens et, de l’autre, l’armée du gouvernement français. Louise Michel y joua son rôle.

Dans la nuit du 17 au 18 mars 1871, l’armée gouvernementale tenta de reprendre les canons de Montmartre à Paris. Louise Michel, responsable de la surveillance du 18e arrondissement et des canons, courut chercher la garde nationale, une armée parisienne constituée de citoyens. Entretemps, les femmes présentes s’interposèrent entre l’armée gouvernementale et les canons. Les généraux ordonnèrent aux hommes de fusiller les femmes, mais les soldats étaient incapables de tirer. Les généraux furent fusillés par les soldats gouvernementaux et les gardes nationaux qui sympathisèrent.

Officiellement, la Commune fut proclamée le 28 mars 1871 à l’Hôtel de Ville de Paris devant une foule estimée à 200 000 personnes :

La proclamation de la Commune fut splendide […] Un océan humain sous les armes, les baïonnettes pressées comme les épis d’un champ, les cuivres déchirants l’air, les tambours battant sourdement et entre tous l’inimitable frappement des deux grands tambours de Montmartre, ceux qui la nuit de l’entrée des Prussiens et le matin du 18 mars, éveillaient Paris de leurs baguettes spectrales, leurs poignets d’acier éveillaient des sonorités étranges (Michel, 1898 : En ligne, p. 213).

Pendant la Commune, les femmes furent sur tous les fronts. Sur les barricades, elles furent cantinières et ambulancières. Pour sa part, Louise Michel fut ambulancière et fit partie de la garde nationale au 61e bataillon de Montmartre. Elle anima aussi plusieurs soirées du Club de la Révolution à l’église Saint-Bernard. Lors de la Semaine sanglante du 21 au 28 mai 1871, elle prit les armes pour défendre la Commune contre l’armée gouvernementale, chose qui n’était pas habituelle pour une femme à cette époque. Les combats de la Semaine sanglante furent impitoyables. Selon les sources, ils firent de 8 000 à 30 000 morts. Certains mentionnèrent que l’eau de la Seine devint même rouge.

Louise Michel ne fut pas tuée lors de ces affrontements. Elle se rendit à l’armée gouvernementale de son propre gré le 24 mai 1871. Les forces gouvernementales détenaient Marie-Anne Michel, sa mère.

L’exil

Louise Michel fut emprisonnée pendant près de deux ans dans le camp de Satory, près de Versailles. Les conditions de détentions y étaient difficiles. Louis Michel écrivit à ce sujet :

L’hiver, dans les sentiers du jardin, sous les sapins verts, sonnaient tristement les sabots, aux pieds fatigués des prisonnières, ils frappaient en cadence la terre gelée, tandis que la file silencieuse passait lentement. L’hiver est rude dans cette contrée, la neige épaisse, les branches qu’elle alourdit s’inclinent vers le sol, pareilles à des rameaux de pierre (Michel, 1898 : En ligne, p. 443).

Le mardi 24 août 1873, elle prit le chemin des docks de Rochefort pour embarquer sur la Virginie, une vieille frégate de guerre à voiles sur laquelle elle passa quatre mois avant d’arriver dans son pays d’exil, la Nouvelle-Calédonie. À cette époque, la Nouvelle-Calédonie faisait partie des nombreuses colonies françaises. La France y envoyait ses prisonniers, ainsi que tous les indésirables comme Louise Michel. Toutefois, pour cette dernière, l’exil en Nouvelle-Calédonie ne représentait pas nécessairement un problème. Malgré les circonstances, la Nouvelle-Calédonie apparaissait comme un nouveau départ. Elle mentionna : « Je devais trouver bons les sauvages après ce que j’avais vu; là-bas, je trouvai meilleur le soleil calédonien que le soleil de France » (Michel, 1886 : En ligne, p. 204). Sur le navire, cette dernière fit la rencontre de Nathalie Lemel. Ce fut au contact de cette femme qu’elle devint anarchiste.

Les conditions de transport à l’intérieur des navires étaient horribles. Les prisonniers étaient enfermés dans des cages et vivaient entassés. Ils recevaient peu de nourriture. La plupart du temps, ils n’avaient pas le droit de parler.

Devant les cages, les gardiens grognent, menacent du cachot. Un trou à fond de cale, sans ouverture que la porte à demi grillagée. […] Au cachot les femmes comme les hommes; les religieuses qui les garent sont plus mauvaises que les chiourmes. […] Pendant cinq mois et plus, il faut tenir dans cette promiscuité de la cage, dans l’ordure du voisin, secoué par le roulis, meurtri par le tangage, vivre de biscuit souvent pourri, de lard, d’eau presque salée; torréfié sous les tropiques, glacé par les fraîcheurs du sud ou l’embrun qui balaie la batterie. Aussi, quels spectres arrivent (Lissagaray, 1929 : En ligne, p. 434).

Lors de son arrivée, Louise Michel fut placée sur la presqu’île de Ducos qui était affectée aux déportés politiques. La presqu’île de Ducos, à l’époque, était un milieu hostile. Il s’agissait d’un milieu « sans eau vive, sans verdure, [et] sillonnée de petites collines arides entrecoupées de deux vallées, Numbo et Tendu, se terminant vers la mer en marécages où croissent de chétifs palétuviers et de rares niaoulis. Jamais colons ne voulut perdre une heure sur cette terre morte » (Lissagaray, 1929 : En ligne, p. 434).

Sur la presqu’île, les prisonniers comme Louise Michel furent installés à l’intérieur d’une enceinte fortifiée entourée de soldats.

Par la plus étroite des brèches de la double ceinture de corail, la plus accessible, nous entrons dans la baie de Nouméa. Là, comme à Rome, sept collines bleuâtres, sous le ciel d’un bleu intense; plus loin, le Mont-d’Or, tout crevassé de rouge terre aurifère. Partout des montagnes, aux crimes arides aux gorges arrachées, béantes d’un cataclysme récent; l’une des montagnes a été partagée en deux, elle forme un V dont les deux branches, en se réunissant, feraient rentrer dans l’alvéole les rochers qui pendent d’un côté à demi-arrachés, tandis que leur place est vide de l’autre (Michel, 1898 : En ligne, p. 456).

Lorsque les prisonniers arrivaient dans leur nouveau domicile, ils n’y trouvèrent que des huttes en paille pour mobilier. Souvent, les prisonniers devaient construire eux-mêmes leurs habitations.

L’administration devait fournir à tous les condamnés les vêtements indispensables; aucune prescription règlementaire ne fut suivie. Les képis et les chaussures s’usèrent bien vite. L’immense majorité des déportés n’ayant aucune ressource subirent, tête et pieds nus, le soleil et la saison des pluies. Ni tabac, ni savon, ni vin, ni eau-de-vie pour couper l’eau saumâtre. Comme nourriture, des légumes souvent refusés par la commission sanitaire du bagne, du lard et du biscuit; très rarement un peu de viande et de pain. Les vivres étaient crus et on n’allouait au déporté ni combustible ni substance grasse; la préparation des vivres devenait un problème journalier (Lissagaray, 1929: En ligne, p. 435).

Même en exil, il n’y eut pas de repos pour Louise Michel. La révolte des Canaques de 1878 fut une autre occasion pour Louise Michel de faire la démonstration de ses convictions de justice sociale. Alors que pratiquement l’ensemble des prisonniers politiques présents en Nouvelle-Calédonie était contre la révolte des Canaques, Louise Michèle supporta les Canaques. Elle leur aurait, entre autres, montré à couper les câbles télégraphiques qui permettaient à l’administration française de communiquer rapidement. Si les Canaques se révoltèrent, c’était en raison du fait que les colons s’accaparaient les terres les plus fertiles à leur profit. Elle mentionna : « Tous les Canaques ne sont pas corrompus de cette manière, ils ne purent supporter les vexations qu’on leur faisait endurer et engagèrent une révolte qui comprenait plusieurs tribus » (Michel, 1898 : En ligne, p. 485).

Le retour en France

Ce fut en juillet 1880 que la France déclara l’armistice général pour les condamnés à la déportation en Nouvelle-Calédonie. Louise Michel quitta la terre de son exil le 4 septembre 1880. Elle revint en France en novembre 1890. Louise Michel habita l’Angleterre pendant cinq ans. Pendant le reste de sa vie, elle se dévoua à la cause de la révolution sociale. Elle fit de nombreuses conférences et manifestations défendant la classe ouvrière, les femmes et l’abolition de la peine de mort. À son retour d’exil, Louise Michel fut incarcérée à deux reprises, la première fois pendant deux ans et demi de juillet 83 à janvier 86 et la deuxième fois pendant deux mois en juin 1890. Elle mourut en 1905 à Marseille à l’âge de 74 ans. Durant sa vie, elle rédigea de nombreux ouvrages.

Référence

Donet-Vincent, Danielle, 2011. « Louise Michel, de la déportation à l’aventure. Les transfigurations d’un châtiment ». Criminocorpus. En ligne. URL : http://criminocorpus. revues.org/1089. Consulté le 9 octobre 2016.

Giraud, J. Didier. « Louise Michel, d’hier à aujourd’hui ». En ligne. URL : http://ceimsa.org/ colloques/pdfPatri/ch-13.pdf. Consulté le 3 octobre 2016.

Label Histoire. 2014. « Documentaire sur Louise Michel – Avec J.-L. Mélenchon ». Dailymotion. En ligne. URL : http://www.dailymotion.com/video/x1m0mwl_documentaire-sur-louise-michel-avec-j-l-melenchon_news. Consulté le 26 octobre 2016.

Lissagaray, Prosper Olivier. 1929. Histoire de la Commune de 1871. Paris. Librairie du travail. 579 p. En ligne. URL : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5493707p. Consulté le 31 octobre 2016.

Michel, Louise. 1886. Les mémoires de Louise Michel écrits par elle-même. Paris. F. Roy, Libraire-Éditeur. 490 p. En ligne. URL : https://cras31.info/IMG/pdf/louise-michel-memoires.pdf. Consulté le 3 octobre 2016.

Michel, Louise. 1898. La Commune. Dans Les classiques des sciences sociales. Paris. 504 p. En ligne. URL : http://classiques.uqac.ca/classiques/michel_louise/la_commune/michel_la_ commune.pdf. Consulté le 3 octobre 2016.

Secours Rouge. 2013. « Louise Michel déportée et les Canaques insurgés ». En ligne. URL : http: //www.secoursrouge.org/Louise-Michel-deportee-et-les. Consulté le 3 octobre 2016.

Terrier, Christian. 2010. L’histoire de la Nouvelle-Calédonie. Paris. Maison de la Nouvelle-Calédonie. 44 p. En ligne. URL : http://www.mncparis.fr/uploads/histoire-mnc.pdf. Consulté le 9 octobre 2016.

Wikipédia. « Louise Michel ». En ligne. URL : https://fr.wikipedia.org/wiki/Louise_Michel. Consulté le 3 octobre 2016.

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