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16 Un skatepark à Châlons-en-Champagne : moderniser une ville historique, quels enjeux?

Mathieu Ménard

Remerciements

Afin de réaliser cette étude de cas, j’ai eu une entrevue téléphonique avec monsieur Lénaïc Leroy, qui est le Directeur adjoint de cabinet de Benoist Apparu et qui était donc responsable du projet dont je vais vous parler. Ce contact m’a été donné par le Directeur de cabinet du Président de la communauté d’agglomération de Châlons-en-Champagne, monsieur Christophe Peltier. Je les remercie tous deux pour le précieux temps qu’ils m’ont accordé. La plupart des informations données dans cette étude de cas seront donc tirées de cette entrevue.

Introduction

Le passé historique et la modernisation d’une ville ne font pas toujours bon ménage. C’est le cas de la ville de Châlons-en-Champagne, en France, qui a pour projet de redynamiser son centre-ville. En effet, le projet d’un skatepark était discuté depuis une vingtaine d’années (L’Union, 2017 : en ligne). Ce qui posait problème était l’emplacement de cette nouvelle construction. La ville, étant historique, possède plusieurs lieux protégés par l’État, dont celui qui a accueilli le skatepark.

Le développement du projet

Le projet s’est retrouvé, en 2014, dans le programme électoral du candidat Benoist Apparu, qui s’est fait élire. Ensuite le maire a décidé de présenter différents projets dans des discussions publiques, c’est pour cela que des conseils de quartier sont organisés afin de proposer et d’ajuster les projets. Ce projet en particulier a rencontré plusieurs obstacles. Premièrement, le site étant classé historique, il a été nécessaire de présenter les plans du projet devant une commission des sites, à l’échelle locale, qui a ainsi ajoutés d’autres petits ajustements. Deuxièmement, toujours à cause du classement du site accueillant le projet, il a fallu l’accord du ministère de l’Environnement. Cette étape a été plus compliquée, il y a eu des ajustements sur les coloris à faire, puisque les couleurs doivent être plutôt naturelles. Il y a eu également des ajustements quant à l’emplacement qui devait rassembler le plus possible les nouvelles activités ludiques au lieu de les espacer dans tout le parc, ainsi que d’autres critères à respecter. Mais tous ces critères ont été respectés et le projet a avancé. Par la suite, ce sont les associations conservatrices qui ont posé problème. Ces associations ne rassemblaient pas tant de monde, mais leurs actions étaient largement partagées dans les médias, ce qui a créé un buzz autour du projet. Malgré cela, la mairie a persévéré grâce au soutien de public et le projet s’est achevé avec une année de retard seulement.

Les acteurs

Les acteurs du projet sont nombreux. La municipalité a commencé à proposer le skatepark dans les conseils de quartiers qui sont organisés tous les quatre mois, où on trouve des commerçants locaux, des habitants ou encore diverses associations. Des associations plus spécialisées dans les sports comme le BMX, le roller ou le skate ont permis d’élaborer les plans plus techniques du projet, pour déterminer ce dont les utilisateurs auraient besoin. Encore une fois, quelques associations ont exprimé leur désaccord dans les médias, mais ils ont été contrés par de nombreux habitants qui ont montré leur soutien sur les réseaux sociaux. C’était la première fois que la mairie recevait autant de soutien sur les réseaux sociaux.

Les avantages et les risques

Les avantages de ce projet sont la redynamisation du Grand Jard, ainsi que l’attraction d’un jeune public dans ce parc. Une partie du budget était également alloué à la réfection du paysage avec des actions telles que les réenherbage des allées pour retrouver le style et la symétrie des grands jardins à la française. En tout, il y a eu environ un hectare de gazon qui a été rajouté dans le parc grâce à ce projet. Avec une attraction accrue du public en ces lieux, cela permettait également une redynamisation du centre-ville et donc des commerces qui se trouvent à côté et qui se plaignaient du manque de vitalité.

Les risques, paradoxalement, sont la dénaturation. En effet, malgré que le projet permette de refaire la flore du parc, il y avait quand même l’ajout d’une structure non naturelle. De plus, le parc est situé dans un lieu inondable, ce qui fait en sorte que de l’eau peut s’accumuler dans le parc sans en sortir. Avec l’ajout de ce skatepark, il y a moins de place pour recueillir l’eau. Cet argument a été contré par le fait que la structure est réversible, elle peut être retirée en tout temps. Pour finir, des problèmes de sécurité ou de propreté pourraient survenir en cas d’attraction d’une population nocive au parc. Des jeunes pourraient venir salir les lieux et abîmer la végétation aux alentours. Pour ce qui est de la sécurité, de par l’âge des utilisateurs, le skatepark est interdit aux moins de 12 ans : les plus jeunes ont leur propre structure miniature adaptée juste à côté. Et, quant aux autres arguments concernant la sécurité et la délinquance, la ville travaille toujours dessus, mais des patrouilles de police y vont régulièrement.

Les principales oppositions

Malgré que le projet ait été adapté à tous les obstacles, la Société des Amis des Jards de Châlons-en-Champagne a été créée. Deux autres associations ont également pris la défense du Jard en s’opposant au projet : les Amis du Vieux Châlons et Nouvelle Catalaunie. Ces deux dernières associations sont bien connues par la municipalité, puisqu’elles s’opposent assez régulièrement à tous les nouveaux projets proposés par la ville. Cette opposition était donc prévisible et les services de la mairie ont tenté de négocier avec les associations, mais ces dernières, non satisfaites du résultat, sont allées devant les tribunaux. Cependant, la décision du tribunal n’était pas celle à laquelle elles s’attendaient, puisque la municipalité a eu le feu vert pour compléter ce projet. Les actions de ces associations ont juste fait dépenser plus d’argent que prévu pour le projet.

Le soutien

Mais le fait de vouloir animer le centre-ville et de moderniser la ville a amené les habitants et les commerçants à soutenir le projet et à contrer les associations. L’appui de la part de cette communauté a été relayé sur les médias sociaux, tandis que l’opposition était présente dans les médias traditionnels et sur le terrain. Un opposant s’est même « enchaîné à plusieurs reprises aux engins pour bloquer les travaux » (France 3, 2016 : en ligne). La ville a respecté les critères des commissions auxquelles elle a fait face, a reçu l’accord des tribunaux et a reçu le soutien du grand public : elle a donc continué sans se préoccuper des quelques opposants habituels.

La presse, soutien, opposition, impartialité?

Ces opposants qui ont réussi à faire du bruit grâce à leur présence dans les médias et grâce à leurs actions plutôt radicales n’étaient finalement pas si nombreux : la société des Amis des Jards compte seulement 30 adhérents et possède seulement 160 likes sur Facebook, les Amis du Vieux Châlons sont une quarantaine, et la Nouvelle Catalaunie représente environ 120 membres (L’Union, 2016). De plus, certains membres sont parfois dans ces trois associations et ne soutiennent pas forcément toutes les causes défendues par l’association à laquelle ils adhèrent. Ce qui leur a permis de faire du bruit était la place qu’ils ont reçue dans les médias. Les quotidiens locaux, cherchant le buzz et la vente, et voyant l’intérêt du public pour ce projet, a donné une tribune importante à une minorité qui n’a, finalement, pas reçu tant de soutien, mais qui a fait beaucoup parler.

L’opinion publique

Quant au grand public, lorsque nous voyons les commentaires et les réactions face aux actions des associations, nous pouvons percevoir une envie de faire avancer la ville et le projet. En voici un exemple sur une publication Facebook :

www.facebook.com/Collectif.Chalonnais.51000/videos/1898126957077154

En résumé sur les dialogues, la municipalité a organisé des réunions pour recevoir les opposants et a même fait des ajustements, sans succès. Grâce au soutien général envers ce projet mené en toute légalité, le projet a abouti, avec une année de retard.

Le processus de décision

Les efforts faits par la mairie de Châlons-en-Champagne montrent qu’il s’agit d’un processus positif, puisqu’ils n’ont cessé de demander l’avis des différents acteurs, et ce, malgré les obstacles et la difficulté d’avoir un projet unanime. Le projet a été développé tout en transparence, les différents publics étaient mis au courant grâce à des discussions publiques ou grâce aux réseaux sociaux et autres médias. Tout le monde ayant de l’intérêt dans le projet avait le droit d’y participer et de donner un avis constructif, que ce soit pendant les élections en 2014 jusqu’à la construction du skatepark en 2017.

Un succès ou un échec?

Maintenant abouti, le projet est défini comme un succès par la municipalité. En effet, le public était au rendez-vous dès le premier jour où la structure a été inaugurée, notamment grâce aux moyens mis en œuvre par la ville pour lancer cet événement. Un invité de prestige était présent : « Taïg Khris. Triple champion du monde de roller sur rampe, vainqueur des prestigieux X Games, l’athlète est tout simplement l’homme le plus titré de l’histoire des sports extrêmes » (France 3, 2017 : en ligne). Depuis, la ville doit gérer des problèmes de sécurité causés par une trop grande affluence. Les services de la mairie préfèrent toutefois gérer un problème causé par un grand succès plutôt qu’un problème causé par l’échec d’un projet.

Conclusion

En conclusion, la mairie a proposé un projet qui a conquis l’opinion publique. Malgré les différents obstacles, la volonté d’être transparent et de vouloir plaire aux différents publics a permis l’aboutissement de ce skatepark. En effet, la presse a peut-être exagéré certains titres ou certains articles et accordé un temps de parole trop important à certains acteurs par rapport à leur manque de bonne volonté. Néanmoins, ce temps de parole a été bénéfique au projet. Qu’on en parle en bien ou en mal, cela a permis de faire la promotion du skatepark qui était déjà appuyé par une opinion publique favorable. C’est peut-être ce qui a permis le succès actuel du skatepark châlonnais.

Bibliographie

France 3 Champagne Ardenne. 2016. « Au tribunal pour avoir stoppé les travaux du Skate-Park de Châlons-en-Champagne ». En ligne. Lien : http://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/marne/chalons-en-champagne/au-tribunal-avoir-stoppe-travaux-du-skate-park-chalons-champagne-1160457.html. Consulté le 1er novembre 2017.

France 3 Champagne Ardenne. 2017. « Châlons-en-Champagne : un skatepark inauguré en compagnie de Taïg Khris ». En ligne. Lien : http://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/marne/chalons-en-champagne/chalons-champagne-skatepark-inaugure-compagnie-taig-khris-1333619.html. Consulté le 1er novembre 2017.

L’Union. 15 décembre 2016. « Trois guerriers pour défendre les jards ».

L’Union. 22 septembre 2017. « Le skatepark de Châlons : comme sur des roulettes… ou presque ». En ligne. Lien : http://www.lunion.fr/51131/article/2017-09-22/le-skate-park-de-chalons-comme-sur-des-roulettes-ou-presque.

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