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13 Inclure la marginalité : la mise en place d’une maison d’hébergement par des travailleuses du sexe dans la ville de Québec

Sandra Blouin

Introduction

Les quartiers centraux de la Ville de Québec débordent de gens qui mettent en place des projets tous plus innovateurs les uns que les autres. Si plusieurs projets ont pour but de faire rayonner leur ville, d’autres visent simplement à répondre aux besoins de base des personnes en manque de ressource. C’est le cas du Projet L.U.N.E. qui propose, entre autres, la mise sur pied d’une maison d’hébergement à haut seuil d’acceptation pour les femmes. Le projet a été réfléchi et mis en place par des femmes travailleuses du sexe (TDS) utilisatrices de drogues par injection. Ces femmes ont partagés leur besoin d’avoir un endroit où elles pourraient être accueillies et acceptées en toutes circonstances et ont décidé de passer à l’action pour concrétiser leur désir. L’aventure a commencé en 2007 dans le cadre d’un projet de recherche et s’est poursuivie jusqu’en 2014, année où la maison d’hébergement, aussi appelée drop-in, a vu le jour. Ce refuge trouve toujours sa place dans le quartier Saint-Roch aujourd’hui.

Pour réaliser le projet, il a fallu que les TDS convainquent la Ville de Québec et la population que leur refuge n’importunerait pas les citoyens et les citoyennes du quartier. Elles ont adopté comme stratégie de communication de raconter leur histoire lorsqu’elles prenaient la parole lors de présentations ou d’instances. En expliquant aux gens pourquoi elles avaient de réels besoins qui ne pourraient être comblés que par un drop-in, elles ont à l’époque fait le pari que cela convaincrait les personnes les plus récalcitrantes. Ces femmes ont fait preuve de persévérance et de courage pour concrétiser leur projet. J’espère humblement que cette étude de cas pourra aussi rendre hommage à leur implication citoyenne qui permet de venir en aide à plusieurs femmes.

L’étude de cas comprend une présentation de l’organisme et des caractéristiques de la maison d’hébergement. Puis, j’aborderai l’historique du projet pour être en mesure d’expliquer qui sont les acteurs et les actrices du projet et quel rôle ils et elles ont joué. Ensuite, j’explorerai les stratégies de communication de l’organisme et la manière dont le débat s’est mené. Je mentionnerai également des éléments positifs et pertinents à retenir pour favoriser l’acceptabilité sociale dans des projets similaires à venir.

Méthodologie

Comme l’apparition du Projet L.U.N.E. est relativement récente, il n’en découle pas une littérature académique suffisante pour faire un travail rigoureux. J’ai donc cru bon de rencontrer certaines des coordonnatrices du projet pour faire une entrevue avec elles sur l’historique de l’organisme. Le 10 novembre 2017 en avant-midi, j’ai donc rencontré Amélie Bédard et Chantal Simoneau. Mon étude de cas rapporte plusieurs de leurs propos. Amélie Bédard a été coordonnatrice du projet de ses débuts en 2007 jusqu’au printemps 2015. Elle détient un baccalauréat en travail social et une maîtrise dans le même domaine. Chantal Simoneau est présentement coordonnatrice, et ce, depuis septembre 2015. Lors de ses études, elle s’est consacré à la réalisation d’un baccalauréat multidisciplinaire constitué de trois certificats : en santé mentale, en toxicomanie et en sexualité. Elle a aussi complété un microprogramme sur les abus sexuels. Andréa Rioux, étudiante en psychoéducation, était aussi présente à l’entrevue, puisqu’elle est stagiaire pour le projet. Enfin, pour réaliser cette étude de cas, je me suis également penchée sur des articles de journaux en lien avec le Projet L.U.N.E. et sur des documents émis par l’organisme.

Présentation de l’organisme Projet L.U.N.E.

Tout d’abord, les lettres de l’acronyme L.U.N.E. correspondent à : libres, unies, nuancées et ensemble. Il s’agit d’un « groupe d’appartenance, de reconnaissance et de défense des droits sociaux par et pour des travailleuses du sexe (TDS), actives ou non, qui agissent à titre de paires-aidantes » (Projet L.U.N.E., s.d.a). Le groupe peut accueillir des personnes adultes de tout horizon s’identifiant comme femme. L’approche « par et pour » est très importante pour les membres de l’organisme, car elle fait appel à l’empowerment. Il est pertinent que les TDS soient des paires-aidantes, car elles peuvent faire bénéficier les autres de leur expérience personnelle (Labbé et al., 2013 : 102).

Le travail de l’organisme se décline en plusieurs axes, comme la production d’un journal destiné aux TDS ou l’aide à la réinsertion et à l’emploi. Cependant, dans ce texte, je mettrai aujourd’hui l’accent sur la mise en place de la maison d’hébergement en cas d’urgence. Cette dernière a été instaurée dans le but de combler les besoins de base des TDS et d’autres femmes dans le besoin. Au départ, pour des raisons de sécurité, il s’agissait d’un lieu secret dont l’adresse n’était donnée qu’à des organismes ou des hôpitaux pouvant y référer des femmes. La maison n’est ouverte que la nuit et comprend cinq lits. Elle permet aux femmes de dormir en sécurité, d’avoir accès à de la nourriture et de répondre à leurs besoins d’hygiène. Elles peuvent aussi socialiser et avoir du soutien d’autres personnes qui comprennent leur situation. Chaque soir, deux femmes sont prêtes à accueillir les résidentes. Il s’agit d’une intervenante professionnelle et d’une paire-aidante qui ont la tâche d’aider les femmes qui viennent frapper à leur porte (Ricard-Châtelain, 18 octobre 2014b).

Ce refuge est caractérisé par son haut seuil d’acceptation, car il peut accueillir des femmes qui seraient refusées dans les autres organismes de la ville. L’absence de couvre-feu ou le fait de se présenter en étant intoxiquée sont de bons exemples de critères répondant à un haut seuil d’acceptation (Cloutier, 2014). De plus, la non-mixité de la maison trouve sa pertinence dans l’association que peuvent faire certaines femmes entre la présence d’hommes et un danger de se faire abuser. Enfin, la non-mixité leur permet de développer un sentiment d’appartenance avec les autres femmes (Bédard et al., 2009 : 41).

Finalement, le projet interpelle des utilisatrices potentielles qui sont dites désaffiliées. Il s’agit de personnes isolées n’entretenant plus de liens avec le reste de la société. Elles sont exclues ou s’excluent elles-mêmes de ressources comme le système de santé, car elles n’ont plus confiance. Le refuge peut représenter la première étape pour que ces femmes se reconstruisent un réseau de ressources, ce qui constitue le début de la réinsertion sociale (Ricard-Châtelain, 6 mai 2014a).

Historique de l’organisme

En 2007, Amélie Bédard travaillait comme professionnelle de recherche. Elle bénéficiait d’un financement de trois ans pour mener une recherche avec la Faculté des sciences infirmières de l’Université Laval (Labbé et al., 2013), dans le cadre d’un projet de recherche-action visant à favoriser la prévention des ITSS mené en collaboration avec l’organisme Point de Repères, un organisme actif dans la promotion de la santé et la prévention des infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS) (Point de Repères, 2017). L’objectif initial de la recherche était de trouver des moyens de prévenir l’acquisition et la transmission du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) (Bédard et al., 2009 : 5) et a rapidement permis aux différentes chercheuses de remarquer que les TDS qui consomment des drogues par injection constituent une frange de la population particulièrement difficile à rejoindre dans la Ville de Québec. Le projet de recherche s’est convertit alors en recherche participative impliquant directement les travailleuses du sexe. On cherchait des femmes qui pratiquaient dans la rue et non pas dans les bars ou dans les agences d’escortes. On s’adressait à des femmes qui étaient des leaders dans leur milieu, qui avait donc un bon réseau et un désir d’améliorer leurs conditions de vie (Bédard et al., 2009 : 9). Il fallait aussi que les femmes soient ou aient été des consommatrices de drogue par injection pour participer à la recherche (Labbé et al., 2013 : 99). À l’issue de quelques entrevues, les chercheuses ont été en mesure d’identifier des besoins précis pour ces femmes. Ces dernières ont fait part du besoin d’avoir un lieu où elles pourraient se sentir en sécurité, répondre à leur besoin d’hygiène et dormir en sécurité.

Dans le cadre de la recherche, les femmes TDS se réunissaient une fois par semaine dans les bureaux de Point de Repères pour contribuer à la recherche. Elles recevaient un per diem de 20 dollars en échange de leur contribution, ainsi qu’un repas (Labbé et al., 2013 : 98). Amélie Bédard m’a fait part qu’à l’époque, elle a rapidement dénoté une augmentation de la motivation et de l’implication des femmes envers le projet. Si certaines étaient au départ intéressées par la compensation financière qu’elles utilisaient parfois pour payer leur consommation, elles ont été allumées par le projet et l’ont pris au sérieux jusqu’à rédiger un rapport décrivant comment elles concevaient la maison d’hébergement (Bédard et al., 2009). Lors de l’établissement du refuge, quelques éléments désirés et inscrits au rapport ne purent se concrétiser, mais comme le projet a été pensé par les femmes TDS, la différence entre la théorie et la réalité fut plutôt mince.

En 2010, le projet de recherche tirait à sa fin, les chercheuses et certaines des TDS ont fait de la représentation pour diffuser les résultats à différents endroits. Un événement marquant fut le symposium Compassion organisé par Point de Repères le 25 février 2010 (Projet L.U.N.E., 2012b). Lorsque son financement de recherche est venu à terme, Amélie Bédard a dû quitter son bureau à Point de Repères. Cependant, les femmes étaient déçues de voir le projet se terminer et devant leur enthousiasme et leur motivation à concrétiser le projet, Amélie Bédard sentait qu’elle avait une responsabilité éthique envers ses camarades chez qui elle avait semé beaucoup d’espoir. Elle ne voulait pas tout arrêter parce que le financement n’y était plus et que la recherche était terminée. Elles ont donc décidé toutes ensemble d’entreprendre les démarches pour avoir une maison d’hébergement.

Par la suite, c’est en 2011 que le projet s’est vu attribuer un local pour que les femmes se rencontrent. Il se trouvait dans les bureaux du Projet Intervention Prostitution de Québec (PIPQ) qui est un organisme venant « en aide aux garçons, aux filles et aux femmes en lien avec la dynamique prostitutionnelle » (PIPQ, 2017). L’organisme finançait trois employés et employées qui se répartissaient 40 heures par semaine (Projet L.U.N.E., 2013). Les femmes se réunissaient bénévolement pour travailler sur certains axes du projet. Elles ont monté un journal nommé Les voix de la ruELLES, un site Internet et une trousse d’hygiène. Elles ont fait des demandes de financement et de la représentation entre autres auprès du ministre de la Solidarité sociale, des conseillers municipaux, des députés, du service de police municipale et du comité de citoyens du Quartier Saint-Sauveur (Projet L.U.N.E., 2013). De plus, elles participent à plusieurs comités de la ville pour faire avancer leur projet (voir Projet L.U.N.E., 2013 : 3-4). Cependant, elles se sont aperçues de la nécessité d’être autonomes pour espérer voir un jour l’aboutissement du projet. Le Projet L.U.N.E. s’est transformé en organisme à but non lucratif (OBNL) la même année. Enfin, la première assemblée générale annuelle s’est tenue le 26 juin 2013 (Projet L.U.N.E., 2012a).

Ensuite, les femmes ont mis sur pied un comité de gestion avec d’autres organismes communautaires, qui était responsable du volet hébergement du Projet L.U.N.E., et ce, pour monter un projet expérimental. Ce regroupement est constitué d’organismes comme PECH (Programme d’encadrement clinique et d’hébergement), le RAIIQ (Regroupement pour l’aide aux itinérants et itinérantes de Québec), la Maison Revivre, la Maison Marie-Frédéric, le Centre de santé et de services sociaux de la Vieille-Capitale (Ricard-Châtelain, 6 mai 2014a), la YWCA, le Centre Jacques-Cartier, etc. Ce comité portait des revendications quant à un projet d’hébergement à haut seuil d’acceptation, mais réclamait qu’il puisse accueillir des hommes et des femmes. À ce moment, les objectifs de tous ces organismes différaient quelque peu. On assistait à un choc des cultures et il y eut quelques échanges musclés, car le Projet L.U.N.E. réclamait une maison destinée seulement aux femmes travailleuses du sexe. De plus, l’approche du « par et pour » n’était pas familière à tous. Chaque camp a alors dû faire des compromis et on a convenu de mettre sur pied une maison d’hébergement non mixte. Néanmoins, la maison à venir devait accueillir toutes les femmes dans le besoin, pas seulement les TDS. On pensait alors aux femmes intoxiquées, à celles ayant subi de la violence conjugale ou se trouvant en situation d’itinérance, etc.

Amélie Bédard m’a fait part du genre de discussions qui avaient cours au sein du comité de gestion. En effet, des craintes animaient certains de ses membres, mais plus particulièrement les partenaires institutionnels. Par exemple, on ne voulait pas que la maison serve à échanger des drogues ou à en consommer. C’est par la réglementation et par le dialogue qu’on a convaincu ces personnes. Par exemple, il a été décidé qu’il serait clairement spécifié dans le règlement de la maison qu’il est interdit de consommer à l’intérieur. En outre, à l’époque, on mit aussi l’accent sur le fait qu’il s’agirait d’abord d’un projet pilote et donc qu’il serait possible de s’ajuster avec le temps. On argumenta qu’il fallait au moins tenter l’expérience avant de juger si elle allait échouer. On admit toutefois qu’il n’était pas impossible qu’une fille fasse une « overdose » à l’intérieur. En tout état de cause, faire une « overdose » dans la maison au lieu de la faire dans la rue favorise la sécurité de la personne en danger. Pour rassurer les craintifs, on a également misé sur une formation rigoureuse des intervenants et intervenantes qui seraient sur place et sur le fait que plusieurs femmes qui utiliseraient la maison avaient déjà été confrontées à ce genre de situation et pourraient donc s’y adapter.

En poursuivant, le comité de gestion est subordonné à un plus grand comité fondé en 2012, nommé le comité drop-in. Il est composé d’une trentaine de partenaires dont des organismes comme le CRDP (Centre de réadaptation en dépendance de Québec) et Le Relais la Chaumine, mais aussi le SPVQ (Service de police de la Ville de Québec), l’Unité de recherche du CSSS-Vieille-Capitale et des représentants et représentantes de la Ville de Québec (Projet L.U.N.E., s.d.b). Ce comité vise à accompagner et assurer le suivi du comité de gestion dans la mise en place et la maintenance du drop-in (Projet L.U.N.E., s.d.b).

Le 10 novembre 2014, soit sept ans après le début de la recherche ayant mené à la conception du projet, la maison d’hébergement a enfin pu se concrétiser. C’est grâce à une subvention de la députée de Taschereau, Agnès Maltais, et d’une subvention obtenue de la Conférence régionale des élus de la Capitale-Nationale de 90 000 $ que le projet pilote a pu être mis sur pied pour une durée de cinq mois (Ricard-Châtelain, 18 octobre 2014b; Le Maléfan, 2013). Le comité de gestion avait alors eu à prendre des décisions concrètes comme la localisation de la maison, ses règles de vie, etc. Puis, les femmes TDS, par le biais d’un comité de travail, contribuèrent à l’établissement du lieu. Enfin, le refuge a été fermé pendant l’été 2015 par manque de financement, pour rouvrir le 12 novembre suivant (Côté, 2015).

Par la suite, le Projet L.U.N.E. bénéficia d’une subvention annuelle de 92 000 $ du ministère de la Santé et des Services sociaux, qu’il offre dans le cadre d’un plan d’action interministériel en itinérance, ce qui permit au projet de se stabiliser et de perdurer jusqu’à aujourd’hui. Il est prévu que le refuge reçoive annuellement cette somme jusqu’en 2020 (référence formulaire subvention). Il faut spécifier que la subvention est d’abord accordée au comité drop-in qui le redistribue au Projet L.U.N.E.

Aujourd’hui, le projet se porte bien, malgré les difficultés qui incombent habituellement aux nouveaux organismes communautaires. De plus, les bureaux du projet ne se trouvent plus au PIPQ, l’organisme est donc pleinement indépendant. Finalement, après avoir présenté brièvement l’historique du projet, je veux l’analyser sous différents angles afin de mieux comprendre les rôles de chacun et de chacune et d’évaluer l’acceptabilité sociale autour de la mise en place de la maison d’hébergement.

Les acteurs et les actrices du projet

Pour comprendre la place des acteurs et actrices en place tout au long du processus, je vais les énumérer, tout en transmettant leur avis et leurs réflexions sur le Projet L.U.N.E. D’abord, la Ville de Québec a joué et joue toujours un rôle dans l’évolution du projet. Par exemple, en 2014, elle a subventionné le projet expérimental au coût de 4 800 $ et elle défraie les coûts pour le loyer de l’organisme (Radio-Canada, 2017; Cloutier, 2014) (référence subvention). On qualifie d’ailleurs parfois l’organisme de chouchou de la ville. Amélie Bédard croit que la ville est aussi favorable au projet, car les conseillers et les conseillères constatent aisément les besoins auxquels la maison répond, dont celui de la sécurité, et ce, sous deux angles. D’une part, la maison améliore bien évidemment la sécurité des femmes. D’autre part, on constate que la maison augmente la sécurité perçue du quartier, car on voit moins cette population vulnérable dans la rue.

Toutefois, malgré le fait que la ville avait un souci pour les enjeux de sécurité et de consommation de drogues reliés au projet, certaines personnes des milieux politiques ont dû se familiariser avec l’approche proposée par l’organisme. Particulièrement en ce qui concerne l’idée des paires-aidantes qui voulaient un projet par et pour des TDS. Les représentantes de l’organisme ont alors dû expliquer la philosophie de l’organisme et asseoir sa crédibilité, ce qui fut entre autres fait par le biais de la recherche rigoureuse menée en collaboration avec Point de Repères et l’Université Laval (Labbé et al., 2013). Cette recherche légitimait l’argumentaire des femmes à cause de sa méthodologie académique. Puis, les TDS ont bien montré que, par leurs expériences personnelles, les paires-aidantes avaient développé une expertise pour s’entraider.

De plus, pour réaliser le projet, la ville a voulu avoir le consentement du service de police de la ville avec qui l’organisme a toujours eu un bon lien. Il est important que la police accepte de collaborer avec le refuge, puisque les policiers et les policières peuvent y amener des femmes dans le besoin (Ricard-Châtelain, 18 octobre 2014b). Aussi, pour ce qui est des conseils de quartier, les membres du Projet L.U.N.E. n’ont pas rencontré le conseil de Saint-Roch.

Ensuite, en ce qui concerne la société civile, les organismes communautaires se sont surtout impliqués dans le projet par le biais des comités entourant l’organisme. Les débats et les discussions s’y sont plutôt bien déroulés. Les gens parlaient davantage des manières de réaliser le projet que de sa légitimité. Par ailleurs, Amélie Bédard m’a fait part d’une légère exception dans le cadre d’une invitation que l’organisme avait reçue de la part d’un comité Bon voisinage pour aller y faire une présentation. Ce comité « Bon voisinage regroupe les organismes dans le quadrilatère compris entre les boulevards Charest et Langelier, ainsi que les rues Notre-Dame-des-Anges et Caron » (EnGrEnAgE, 2017). Une participante d’un organisme avait alors contesté la légitimité du projet en faisant part de ses préjugés et des peurs qu’elle avait par rapport à la maison d’hébergement. Une représentante TDS du projet avait toutefois répondu à la dame pour la rassurer. Il s’agirait d’une des seules fois où les défenseuses du projet ont vu une personne se braquer de cette manière à l’égard de l’organisme. En somme, les représentantes ont aussi rencontré le service de police de la ville, les hôpitaux et divers organismes qui pourraient informer les femmes de l’existence de la maison d’hébergement.

Favoriser l’acceptabilité sociale auprès de la population

Par rapport à la population en général, les coordonnatrices du projet n’ont pas vu une levée de boucliers de la part des habitants du quartier, ce qui réduit leur rôle dans la réalisation du projet. Les coordonnatrices attribuent cette approbation au projet à une bonne préparation, mêlée à une stratégie communicationnelle qui répondait adéquatement aux craintes possibles des citoyens. Par exemple, on ne voulait pas attendre que les gens réagissent au projet, on a préparé des réponses aux éléments qui auraient pu les choquer. À l’époque, les femmes avaient préparé une brochure sur les mythes et les réalités relatives à leur situation. Il était constitué d’un argumentaire servant à défaire les préjugés concernant les TDS et à rétablir les faits. Elles expliquaient notamment que le drop-in n’amènerait pas davantage d’activités reliées à la prostitution dans le quartier, puisque les TDS et les clients s’y trouvaient déjà. La maison sert au contraire à augmenter le sentiment de sécurité pour tout le monde dans le voisinage parce qu’elle répond à une situation déjà existante (Projet L.U.N.E., s.d.b). Il peut être pertinent de mentionner qu’en fin de compte, cette documentation n’a pas eu à être distribuée massivement.

En plus, afin de favoriser le bon fonctionnement de la maison, une réglementation concernant les drogues dans l’hébergement a été un facteur pour rassurer la population sur la sécurité du quartier. Les mesures prises pour que la maison demeure sécuritaire, comme l’interdiction d’échanger de la drogue ou de consommer à l’intérieur, pouvait servir d’argument pour répondre aux opposants et opposantes potentiels. On voulait plutôt montrer que la maison correspondrait aux besoins urgents d’une population vulnérable.

Pour convaincre et informer la population, les femmes ont fait également une tournée de certains médias, radios et journaux, pour donner des entrevues. Une TDS était présente à presque chaque entrevue pour parler de son vécu et défendre le projet. Le témoignage d’une TDS a fait toute la différence pour que les gens comprennent aisément la réalité de ces femmes et y compatissent, en plus de réduire les préjugés à l’égard du travail du sexe. En revanche, on ne souhaitait pas avoir une présence trop grande dans les médias pour éviter que la population pense qu’il s’agissait d’un projet d’une ampleur démesurée. Il fallait donc bien doser la présence dans les médias. De surcroît, on présentait toujours le projet de manière positive pour que les gens en aient une bonne opinion. On faisait aussi valoir à la population que le projet avait l’appui de la ville, du service de police, de plusieurs organismes, etc. (Simard, 2013)

En outre, la localisation de la maison d’hébergement aurait également pu être un enjeu soulevant des oppositions, mais il n’en fut rien, car la maison ne se trouve pas dans un immeuble à logements. Les femmes craignaient un peu le « syndrome du pas dans ma cour » (Le Maléfan, 2013), alors elles ont agi en conséquence en installant le refuge ailleurs. Aucun résident n’a donc à craindre de se faire réveiller au milieu de la nuit, puisque le drop-in de Projet L.U.N.E. se trouve au-dessus des locaux d’un autre organisme communautaire (centre communautaire l’Amitié). Ce lieu ne pose pas de problème pour l’organisme, car ses activités se font de jour et la maison d’hébergement est seulement ouverte la nuit. De plus, ces locaux ne sont pas situés à côté de résidences, puisqu’ils sont voisins de deux autres organismes qui sont le centre Jacques-Cartier et le SQUAT Basse-Ville.

Débat et dialogue entre les protagonistes

La mise en place du Projet L.U.N.E. a permis de faire entrer en dialogue des personnes issues de milieux différents qui n’ont pas les mêmes normes ni le même langage. Par exemple, les gens travaillant avec la ville sont habitués à la bureaucratie, tandis que les travailleuses du sexe ne sont pas accoutumées aux longs délais et aux formulaires. De plus, Amélie Bédard et les autres coordonnateurs et coordonnatrices devaient faire la médiation entre chacun des milieux, puisqu’elles étaient familières avec les deux. Elles ont amené les deux camps à faire preuve d’écoute, de tolérance et d’ouverture à la réalité et à la vision de l’autre pour faire avancer le projet, tout en assurant une compréhension commune à tous et à toutes. Il a donc fallu recourir aux valeurs inhérentes à la démocratie pour la réalisation du projet.

Comme elles étaient les premières concernées, les TDS prenaient activement la parole en public lors de l’élaboration du projet. Les TDS ont été présentes et impliquées tout au long du processus. Elles identifiaient elles-mêmes les lieux où elles pourraient prendre la parole (Nengeh Mensah, Gauvin, et Légaré, 2013), comme au Forum citoyen le 18 mai 2012 et au Forum sur le parvis le 23 mai 2013, ces deux événements ayant lieu sur le Parvis de l’Église Saint-Roch (Projet L.U.N.E., 2012b). Elles faisaient valoir le projet et expliquaient leur vécu. Raconter leur parcours permettait de bien faire comprendre aux gens l’importance d’une maison d’hébergement. On jugeait que les témoignages et le vécu des participantes avaient un potentiel beaucoup plus grand de convaincre les gens que les aspects théoriques du problème (Nengeh Mensah, Gauvin, et Légaré, 2013).

De plus, Amélie Bédard m’a expliqué que les TDS avec qui elle travaillait n’étaient vraiment pas familières avec la vie citoyenne et les normes accompagnant les procédures. Elle devait faire de l’éducation populaire avec elles et les préparer à siéger sur les comités en leur expliquant comment fonctionnent les instances. À l’aide des intervenantes, elle outillait et conseillait les TDS, mais en s’assurant tout de même qu’elles se sentent libres de s’exprimer (Nengeh Mensah, Gauvin, et Légaré, 2013). Amélie a aussi dû leur expliquer d’être moins dans l’émotif, ce qui pouvait représenter un défi pour certaines femmes du projet avec une santé mentale fragile (Bédard et al., 2009 : 9). Enfin, tout le processus s’est déroulé en respectant le parcours de chaque femme et sa volonté de prendre on non la parole.

Les gestionnaires ont eux aussi dû s’adapter aux façons d’être des femmes dans le besoin auxquelles ils avaient affaire, car ils n’étaient pas habitués de travailler directement avec des personnes très défavorisées ou avec une santé mentale fragile. Il fallait les laisser s’exprimer différemment et comprendre quelques comportements peu conformes aux instances citoyennes. En effet, elles pouvaient être émotives et avaient parfois des personnalités colorées qui sortaient de l’ordinaire dans ces milieux. De plus, il fallut aussi probablement que chacun ajuste son vocabulaire, car venant de milieux forts différents, tous et toutes n’utilisaient pas le même langage.

Amélie m’a raconté un moment fort de discussion ayant eu cours lors de l’été 2014, qui constitue un bon exemple de situation où la différence de culture associative est ressortie. En effet, les femmes TDS impliquées dans le projet avaient alors l’impression que la gestion de la maison leur filait un peu entre les doigts, car elles jugeaient que le comité de gestion n’était pas à l’écoute de leur façon de fonctionner. Il y avait une cassure entre ce que vivaient les femmes au quotidien et la gestion faite par le comité. Un jour, elles se sont donc présentées à une rencontre du comité de gestion pour remettre les pendules à l’heure. Il s’agissait d’un cri du cœur pour les femmes qui ont émis leurs impressions que les membres du comité n’étaient pas à l’écoute de l’approche « par et pour » et qu’ils ne leur faisaient pas confiance. Par le dialogue et l’écoute, cette rencontre a permis de réajuster l’approche de chacun par rapport aux autres pour rétablir la confiance entre les groupes.

Les traces positives du projet

Le projet a eu des répercussions positives sur les femmes impliquées, non seulement du point de vue du citoyen, mais aussi au niveau personnel. Par exemple, au début de la recherche participative avec Amélie Bédard, ces femmes ont accepté de collaborer au projet de recherche sans savoir où cela allait les mener. Sans que ce soit leur but au départ, plusieurs ont cessé ou réduit leur consommation de drogue, car elles ont développé un réseau d’entraide. Elles étaient aussi animées par le projet commun d’établir la maison d’hébergement. À force de se rencontrer chaque semaine et de réfléchir sur leurs besoins, les femmes ont développé de nouvelles capacités de discussion et ont appris à mieux structurer leurs pensées. Certaines femmes témoignent que ce projet les valorise (Le Maléfan, 2013) et leur permet de développer une estime personnelle. D’autres ont témoigné avoir appris à travailler en équipe et avoir amélioré leurs relations interpersonnelles en général. En outre, les femmes qui deviennent paires-aidantes bénéficient d’un salaire, ce qui les valorise et les sécurise d’autant plus. Selon Chantal Simoneau, il s’agit d’un moyen alternatif de les réintégrer progressivement au marché du travail (Côté, 2015).

De plus, le fait de se réunir, d’échanger ses idées, de parler en public, de faire des présentations dans des cours académiques et d’accorder des entrevues dans les médias a permis à certaines femmes de développer leurs compétences oratoires et de structurer et articuler leurs idées. Tous ces aspects aident une personne à prendre part au débat public et de convaincre les gens. Par la suite, je remarque que le développement de ces compétences démocratiques est utile pour ces femmes, car elles continuent à s’impliquer dans le projet et à prendre la parole dans les débats publics. Par exemple, des femmes TDS se sont exprimées pour dénoncer les effets de la loi C-36 adoptée en décembre 2014 et qui consiste à criminaliser l’achat de services sexuels (Saillant, 2015). Finalement, aujourd’hui, quatre travailleuses du sexe siègent sur le conseil d’administration de l’organisme. Elles forment la majorité du conseil.

Dans un autre ordre d’idées, la recherche participative faite par Amélie Bédard et ses collègues (Labbé et al., 2013) a influencé les autres organismes d’hébergement de la Ville de Québec pour mieux s’adapter aux réalités des personnes vulnérables. En effet, ils sont plusieurs (YWCA, Lauberivière, la Maison Charlotte) à avoir assoupli leurs critères pour permettre aux gens d’entrer chez eux. Néanmoins, le drop-in du Projet L.U.N.E. reste celui ayant le plus haut seuil d’acceptation.

Que retenir du processus de mise en place du Projet L.U.N.E.?

Amélie Bédard m’a fait savoir que parmi les bons coups pour favoriser l’acceptabilité sociale du dropin, il y a eu l’implication des TDS dans le projet, et ce, dès le début de l’aventure. En effet, personne ne connaissait mieux leur réalité et leurs besoins qu’elles-mêmes. De plus, ce sont elles qui pouvaient le mieux répondre aux oppositions possibles faites envers le projet. Je retiens donc que l’implication des citoyens concernés permet de monter un argumentaire crédible et convaincant qui colle à leur réalité.

Je tiens aussi à noter la stratégie de communication du projet lors de sa mise en place qui n’était pas particulièrement tournée vers la population et le voisinage du quartier, mais qui ne les laissait pas non plus dans le noir. En effet, les femmes ont dosé leur présence dans les médias pour trouver un équilibre entre informer et rassurer la population, tout en prenant soin de ne pas amplifier la portée du projet. En fait, selon la coordonnatrice, une représentation médiatique accrue aurait pu augmenter les craintes du voisinage et donc nourrir les oppositions au projet.

De plus, le dialogue et l’écoute ont permis de mettre en place la maison d’hébergement, car tous les acteurs et les actrices ont su faire des compromis et s’adapter aux autres. Par exemple, les TDS ont reculé sur l’idée que la maison d’hébergement n’accueillerait que des femmes travaillant dans leur milieu. Elles ont accepté que la maison ouvre ses portes à une population plus large. En revanche, les autres organismes du comité de gestion ont bien voulu que la maison demeure non mixte.

Aussi, je crois que d’impliquer les citoyennes pas nécessairement politisées, mais concernées dès le début d’un projet est une pratique novatrice en plus d’augmenter grandement leurs compétences citoyennes et démocratiques. Développer ce type de compétences chez ces femmes fait en sorte qu’elles prennent davantage la parole dans l’espace public, ce qui permet de faire entendre la voix de personnes marginalisées qui pouvaient passer sous le radar auparavant. Ainsi, le fait d’entendre les avis et revendications du plus grand nombre possible de groupes dans la société favorise les conditions de l’acceptabilité sociale, car plus de personnes sentent qu’elles ont pris la parole. Encore faut-il que ces personnes soient écoutées, mais il n’y a aucune chance qu’elles le soient si elles ne possèdent pas les outils ou les tribunes pour prendre la parole.

Conclusion

Ce projet constitue un exemple parlant de la diversité des tactiques qu’il est possible d’utiliser afin de faire émerger des initiatives citoyennes. En effet, on nous montre bien qu’il n’est pas nécessaire de faire des campagnes de sensibilisation publique à grand déploiement pour rassurer la population et, ainsi, pouvoir répondre efficacement et adéquatement aux besoins des groupes concernés.

Finalement, la maison d’hébergement fonctionne aujourd’hui à pleine capacité et accueille une large clientèle de femmes, comme des travailleuses du sexe, des toxicomanes, des femmes violentées ou avec des problèmes de santé mentale. Les opinions quant au projet sont de plus en plus positives. Il n’est plus nécessaire de justifier les demandes de financement avec les mêmes arguments qu’auparavant, car le projet a fait ses preuves, et a établi sa crédibilité et sa pertinence.

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